Les connaissances scientifiques actuelles rendent certains proverbes désuets, et manquant de précision. Si certaines indications spécifiques sont souvent communes à plusieurs provinces ou régions, d'autres peuvent se contredire en fonction du terroir et du climat.
Pour tenter de codifier, de génération en génération, les rythmes de la vigne, les vignerons ont créé nombre de proverbes et de dictons. Chaque mois de l'année possède des dictons qui constatent, conseillent, et traduisent les nécessités et les besoins d'une culture qu'il faut en permanence protéger du gel, de la grêle, qui peuvent craindre la pluie ou la souhaiter.
Le vigneron souhaite un mois sans pluie, sans nuage et même froid, quoiqu'un peu de pluie en début du mois soit bénéfique.
Janvier sec et beau, emplit caves et tonneaux.
Pluie aux Rois[N 1], blé jusqu'au toit et dans les tonneaux du vin à flots[1].
Saint Antoine[N 2] sec et beau, remplit la cave et le tonneau[2].
Saint Vincent[N 3] clair, beaucoup de vin; saint Vincent couvert, peu de pain.
Soleil pour Saint Vincent porte grain et vin, s'il pleut peu de grain et peu de vin[3].
Saint Vincent clair et beau, met du vin comme de l'eau.
Si saint Vincent est clair et beau, on boira plus de vin que d'eau[2].
Prends garde à saint Vincent, car si ce jour tu viens et sens que le soleil est clair et beau, tu auras moins de vin que d’eau.
Froid et soleil à la Saint Vincent, remplit de vin les caves[3].
Pour le reste, fataliste, il s'en remet aux prophéties d’Ézéchiel qui règlent l’épineuse question des quantités et/ou des qualités des récoltes.
Quand janvier entre par dimanche, peu sera de froment et peu sera de vin.
Quand lundi commencera janvier, les blés mourront en terre et vides seront les tines.
Quand mardi sera le premier jour du mois qu’on nomme janvier, du blé, du vin, du miel seront en grande abondance.
Quand viendront les estrennes au mercredi, bons seront les froments et bons seront les vins[N 4].
Quand les estrennes seront au jeudi, huile, pain et vin auront assez.
Quand janvier entre par vendredi, on doit cultiver les vignes et les blés aussi.
Quand le mois de janvier entre par samedi, le vin sera assez petit.
En dépit du repos de la vigne, la pluie est crainte mais un temps couvert est bénéfique.
Pour la Chandeleur, l’ours fait trois sauts hors de sa tanière. Si le temps est couvert, il s’en va. S’il fait soleil, il rentre et ne sort pas de quarante jours.
S'il tonne en février, jette tes tonneaux sur le fumier.
À la sainte Agathe[N 5], prends ta bouteille et va à la vignette, si tu n'y vas pas pour travailler, vas-y pour y goûter[4].
S'il tonne en février monte tes barriques au grenier
Les travaux reprennent à la vigne qui craint encore les gelées. La pluie est bienvenue mais pas toujours.
Taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars[5].
En mars me lie, en mars me taille; je rends tout quand on m'y travaille.
C'est le dernier mois des plus rentables ventes de vin
Celui ne sait que vendre vin, qui de mai n'attend la fin[15].
Et ne sachant plus à quel saint se vouer, le vigneron revient aux rites antiques et se fie à nouveau aux augures des Ambarvalies de Cérès, célébrées le 29 mai par ses ancêtres. Ce sont les Rogations.
Le premier jours des Rogations[N 16], mène le temps des fenaisons, le second celui des moissons, le dernier celui des vendanges.
À la saint Martin, goûte tes figues et bouche ton vin[37].
Dans l'Avent, le temps chaud emplit caves et tonneaux.
Jour de Noël humide, donne greniers et tonneaux vides.
Quand Noël tombe un lundi, tout est perdu; quand Noël est un mardi, pain et vin de toute part[38].
Vœux pour Noël: Que la bûche réjouisse! Demain c’est le jour du pain. Que tout bien entre ici, que les femmes enfantent, que les chèvres cabrident, que les brebis agnellent, qu’il y ait beaucoup de pain et de farine et de vin une pleine cuve[N 46].
Incantation magique prononcée lors de la fête de la Trinité, célébrée par les chrétiens le dimanche qui suit la Pentecôte, soit le huitième dimanche après Pâques. Benoit 1992, p.273, indique que cette formule était prononcée dans la région d'Entrevaux, et finissait par une libation.
Vœux calendaux en Provence: «Souche gaudisse! Deman sera panisse. Tout ben ça y entre, fremes enfantan, cabres cabrian, fedes aneillan, pron bla e pron farino, de vin uno pleno tino».
Dicton arlésien relevé par Benoit 1992, p.226. Il s'écrit en provençal «A Santo Agueto, Pren ta boutiheto, Vai a ta vigneto, Se noun iè vas pèr travaia, Vai-te pèr gousta».
Antoine-Jean Le Roux de Lincy, Le Livre des proverbes français, précédé des recherches sur les proverbes français et leur emploi dans la littérature du Moyen Âge et de la Renaissance, Éd. Adolphe Delahays, Paris, 1855.
Proverbe connu en Lot-et-Garonne, Meuse, Haute-Saône et Somme. Michel Gautier et Dominique Gauvrit, Une autre Vendée: témoignages d'une culture opprimée, 1980, p. 22. donnent cette variante: «Mars sec et beau, remplit caves et tonneaux».
Frédéric Mistral, en donne sa version complète: «Bourgeon de mars emplit les chars de sarments, bourgeon d'avril le baril, bourgeon de mai la cave», Lou trésor dóu Felibrige ou dictionnaire provençal-français, embrassant les divers dialectes de la langue d'oc moderne, Frédéric Mistral et Jules Ronjat, Éd. R. Berenguié, Aix-en-Provence, 1968, p. 343.
En Provence, les grappes de clairettes étaient suspendues sur un fil pour sécher afin d'être présenter parmi les treize desserts de Noël. Saltarelli 2000, p.198.
Avec sa variante tourangelle: «Étoiles filantes en septembre, tonneaux débordants en novembre», Gens de Ballan et de Miré: deux siècles de vie au quotidien en terre tourangelle, Éd. Amis de la bibliothèque municipale de Ballan-Moiré, (ISBN2951262213), p.403.
Proverbe limousin cité par Benoit 1992, p.217. La formulation exacte est: «Quand Nadau toumbo un dilu, Tout es perdu; Quand Nadau es un dimar, Pan et vin de touto part».
Bibliographie
Fernand Benoit, La Provence et le Comtat Venaissin, arts et traditions populaires, Avignon, Éd. Aubanel, (ISBN2700600614).
(it) Carmelo Patti, «I santo e il vino», Il Tematico, no17,, extrait de son livre Sacro e profano cultura della vite e del vino, San Pietro di Feletto, 1995.
Marc Lagrange, Paroles de vin, Éd. Féret, Bordeaux, 2000, p.71 à 92, (ISBN2-902416-47-4)
Jean-Pierre Saltarelli, Les Côtes du Ventoux, origines et originalités d'un terroir de la vallée du Rhône, Avignon, Éd. A. Barthélemy, (ISBN2879230411).
Roger Ripert, Aux plaisirs du jardin, Éd. de Borée, (ISBN2844943071).
Étienne Garcin, Le nouveau dictionnaire provençal-français suivi de la collection la plus complète des proverbes provençaus, Marseille, .