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sociologue français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Pierre Lagrange, né à Auch (Gers) le [1], est un sociologue des sciences français, chercheur associé au Laboratoire Interdisciplinaire d'études sur les réflexivités .
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Il enseigne à l'université de Lille après avoir été enseignant à l'École d'Art d'Avignon.
Il co-anime une chaine YouTube intitulée Projet Crank
Après avoir entamé des études de psychologie à l'Université Paris-5 René Descartes, en France, Pierre Lagrange rejoint en 1986 le Centre de Sociologie de l'Innovation (CSI) à l'École des mines de Paris, dans le cadre d'un service civil effectué au sein de l'association Pandore (créée par Bruno Latour[2]). Après son service civil et jusqu'en 1996, il travaille au sein du CSI dans le cadre de vacations CNRS et de contrats.
Il obtient en 1990 le diplôme de l'EHESS (École des hautes études en sciences sociales) puis, en 1991, un DEA (Diplôme d'Études approfondies) sous la direction de Luc Boltanski au sein du Groupe de Sociologie Politique et Morale (EHESS). Entre 1990 et 1992, il réalise sous la direction de Bruno Latour, une étude sociologique sur les parasciences dans le cadre d'un contrat passé entre le Ministère de la Recherche et l'École des Mines [Armines]).
En 1992, il entame une thèse sur la sociologie des parasciences sous la direction de Bruno Latour à l'EHESS (interrompue à la suite de problèmes de santé).
En 1997, Lagrange travaille pour Canal+ comme consultant dans le cadre de la préparation d'un programme consacré aux ovnis (la Nuit extraterrestre, diffusée en )[3]. Depuis cette date, il a donné des cours, séminaires et conférences dans diverses universités (Lausanne, Genève, Avignon, Paris 8 etc). Il a réalisé diverses études dans le cadre de contrats (CNRS, CNES), a organisé en 2001 un colloque sur les parasciences pour l'Université de Genève. En 2002, il est devenu chercheur associé au sein du LAHIC[4] et, en 2006, membre du Comité d'experts du GEIPAN (Groupe d'Études et d'Informations sur les Phénomènes aérospatiaux non identifiés) du CNES (Centre National d'Études spatiales). En 2009, il soutient sa thèse à l'EHESS dans le cadre d'un doctorat en anthropologie sociale sous la direction de Daniel Fabre[5]. De 2011 à 2016, il enseigne l'anthropologie sociale à l'École d'Art d'Avignon[6]. Depuis 2018, il est chargé de cours de "Cultures visuelles" à l'université de Lille.
Formé aux science studies[7], Pierre Lagrange s'appuie sur les travaux d'ethnologues comme Jack Goody (auteur de La Raison graphique[8]), Jeanne Favret-Saada[9], ou des travaux de Bruno Latour sur la production des faits scientifiques[10] pour étudier la distinction entre pensée scientifique et pensée magique (le "grand partage"[11]) dans le cadre des controverses scientifiques sur des objets au statut marginal, comme les ovnis, les phénomènes parapsychologiques, les animaux mystérieux, ou plus généralement certaines controverses technologiques actuelles (par exemple sur certains effets difficiles à évaluer, effets des lignes à haute tension, des portables etc). Il s'agit de discuter les explications souvent rencontrées dans les publications sociologiques sur les « croyances » : explications au sujet de l'influence du contexte ou de la culture (la guerre froide et la science-fiction auraient selon de nombreux sociologues provoqué la "rumeur visionnaire" des soucoupes[12]).
Dans son ouvrage La rumeur de Roswell il cherche à démontrer que rien ne permet d'accuser d'irrationalité ceux qui croient à la thèse de la chute d'un engin extraterrestre en 1947 à Roswell, leur raisonnement reposant selon lui sur les mêmes bases que celui qui ne croit pas à cette thèse[13]. Dans un autre livre, consacré à l'émission d'Orson Welles sur l'invasion de la Terre par les martiens diffusée en [14], Lagrange considère que la vraie question n'est pas de savoir pourquoi les gens ont cru à l'émission mais de s'interroger sur la construction collective de notions comme celles de « panique », d'« hystérie de masse » et sur la façon dont cette émission et les réactions qu'elle a suscitées ont été mobilisées pour renforcer et diffuser l'image d'un public naïf et crédule.
La question des « pseudosciences » présente pour lui un autre intérêt lié à la multiplication, depuis quelques décennies, des débats publics sur certaines questions scientifiques ou techniques (par exemple les effets des lignes à haute tension, les conséquences de certains rayonnements, etc). Ces phénomènes présentent en effet des caractéristiques assez proches des phénomènes paranormaux : difficulté à établir la preuve, confrontation plus ou moins brutale entre l'expertise scientifique et les témoignages de « victimes », etc.
Selon lui, la discussion a longtemps été réduite à une opposition entre la pensée scientifique et la pensée magique. Et la solution proposée a souvent consisté à demander aux sociologues d'expliquer « pourquoi les gens croient à des choses qui n'existent pas ». Si cette approche pouvait sembler justifiée dans le cas de l'étude des seuls phénomènes paranormaux, en oubliant les arguments scientifiques qui leur sont opposés, Lagrange en voit les limites lorsqu'on réintroduit dans la description du débat l'ensemble des acteurs et des arguments (« croyants » et « sceptiques »), ou lorsqu'il s'agit de rendre compte des débats qui se multiplient aujourd'hui à propos des risques technologiques. On assiste en effet de plus en plus à une remise en cause des experts et à la multiplication d'acteurs nouveaux : associations de malades, lanceurs d'alerte, etc.[15]. Les critères de ces experts ne peuvent donc être utilisés pour rendre compte de la controverse, ils doivent au contraire être décrits et expliqués tout autant que les prises de position des non experts.
Lagrange conclut que les pseudosciences n'existent pas et que l'irrationnel est une invention, car « pour qu'il y ait des parasciences, il faudrait qu'il y ait des sciences telles qu'on en décrit dans les livres d'épistémologie et les dictionnaires rationalistes. Des sciences dures, rationnelles, insensibles aux modes et aux tendances de la société, à la pensée droite et sans bavure. Or ces sciences, c'est désormais certain, n'existent pas »[16] ».
Il propose donc, comme cela est fait habituellement dans l'analyse des débats scientifiques (ondes gravitationnelles, neutrinos, etc[17]), de faire évoluer les principes d'analyse de ces sujets aux marges des sciences et techniques. Lagrange s'est interrogé sur les conséquences de cette évolution dans le chapitre méthodologique de sa thèse de doctorat[18]. Conséquences doubles.
D'une part, il semble que l'idée d'étudier dans les mêmes termes, dans le même cadre d'analyse, les propos des acteurs scientifiques et non scientifiques soit pour beaucoup de sociologues une véritable tache aveugle. Plongés eux-mêmes dans un univers de références scientifiques, ils n'imaginent même pas qu'il soit possible d'adopter une quelconque distance méthodologique avec cet univers. Et cela conduit les sociologues à maintenir les « croyances » qu'il étudient à bonne distance, en les choisissant dans d'autres cultures éloignées dans l'espace ou dans le temps[19]. Pourtant, des « croyances » comme les ovnis ou le paranormal présentent un intérêt tout particulier, celui d'obliger le chercheur à élaborer un langage qui soit capable de traiter à la fois ce qu'on qualifie de savoir et ce qu'on qualifie de croyances (deux sujets renvoyés traditionnellement à deux types différents de spécialistes, les épistémologues et les sociologues de la croyance, qui ont recours à deux types d'explications diamétralement opposées, internalistes pour les sciences, externalistes pour les croyances). Jusqu'ici la plupart des chercheurs en sciences sociales se sont intéressés à des croyances sans rapport avec les sciences, croyances au sein de cultures non occidentales, croyances religieuses, etc. Du coup, la comparaison avec les savoirs scientifiques pouvaient être ignorée. En choisissant d'étudier des « croyances » actuelles, mêlées de controverses scientifiques, les sciences ne peuvent être laissées de côté. De nouvelles contraintes apparaissent, liées au type d'explication à fournir.
Cette démarche a une deuxième conséquence, celle de ne plus mettre le chercheur à l'abri des acteurs qu'il étudie. Lagrange constate qu'un ethnologue qui étudiait autrefois les « primitifs » courait rarement le risque d'être contredit par ces derniers. Dans les années 1970 encore, lorsque Jeanne Favret-Saada étudiait la sorcellerie en France, elle ne risquait guère d'être confrontée aux paysans victimes de sorts lorsqu'elle donnait ses cours en amphi[9]. Aujourd'hui, constate-t-il, les sociologues doivent souvent répondre aux questions que les acteurs leur retournent à propos de leurs analyses, que ce soit dans les débats sur les risques technologiques ou dans les controverses sur les ovnis ou les phénomènes paranormaux[20].
Pierre Lagrange a développé les points qui précèdent dans le cadre de plusieurs livres et articles[21].
Il commence en 1990 par publier deux articles dans les revues d'anthropologie Terrain et Communications consacré au début de la controverse sur les soucoupes volantes et au travail des ufologues[22]. En 1993, il dirige un numéro de la revue Ethnologie française sur le thème "sciences-parasciences : preuves et épreuves" dans lequel on retrouve des articles de Simon Schaffer, Bertrand Méheust, Michel Pierssens, Geneviève Delbos, Trevor Pinch et Harry Collins, Francis Chateauraynaud et Christian Bessy, Isabelle Stengers[23].
En 1996, il publie La Rumeur de Roswell où il retrace l'histoire des débats à propos des prétendus crashs de soucoupes volantes écrasées et récupérées en secret par l'armée américaine, une thèse qui a fait l'objet de controverses médiatiques depuis le début des années 1950 et qui s'est installée dans la mémoire collective à la suite de la publicité faite à l'affaire de Roswell lors de la publication du premier livre sur ce cas en 1980[24] et à la suite du débat généré par le premier rapport de l'armée de l'air américaine en 1994[25].
En 2003, il publie un guide touristique de la planète Mars ainsi qu'un ouvrage sur Nostradamus en compagnie de l'historien Hervé Drévillon.
En 2005, il publie chez Robert Laffont, La Guerre des mondes a-t-elle eu lieu?, un livre consacré à l'analyse de la prétendue panique déclenchée par l'émission d'Orson Welles annonçant une invasion martienne le . Dans ce livre, il déconstruit l'argument de la panique provoquée par l'émission en faisant l'historique des textes qui lui ont été consacrés pour montrer que cet argument résulte d'une accumulation de faits mal vérifiés. Il n'y a pas eu de panique, du moins certainement pas de l'ampleur décrite par tous les auteurs qui se sont succédé depuis 1938. La seule "panique" rencontrée est celle des élites qui depuis la fin du XIXe siècle ne cessent de craindre des débordements de foules incontrôlables et qui ont donné lieu à la production de toute une gamme d'explications des comportements collectifs.
En 2007, il publie Ovnis: ce qu'ils ne veulent pas que vous sachiez, est consacré également au développement, en France, de discours à propos de prétendus complots destinés à cacher au public la "vérité" sur les ovnis, discours qui ne sont pas seulement développées par des groupes d'ufologues "marginaux", mais aussi par des ingénieurs et des militaires et par les rationalistes pour lesquels il existe un complot contre la raison. Ces rationalistes, qui combattent des croyances comme celles de Roswell, sont bien souvent les adeptes de la théorie d'un complot contre la Raison, contre le savoir[26]. Ils réactualisent alors la vieille théorie du complot de l'Église contre Galilée qui aurait visé à empêcher la diffusion du savoir scientifique[27].
Pierre Lagrange est aussi l'auteur d'autres articles dans le cadre de revues académiques (Prétentaine, etc [28]), dans des ouvrages collectifs universitaires[29] et dans la presse générale (Libération, Le Figaro, Science et Avenir, Pour la Science, etc.[30]). Il a aussi publié des articles dans certains magazines et fanzines consacrés aux ovnis, au paranormal ou à la science-fiction (Ovni-Présence, le bulletin de l'Association d'études des soucoupes volantes (AESV), Anomalies, Cahiers de l'AFIS, Inforespace, la revue de la SOBEPS, International UFO Reporter, publié par le Center for UFO Studies, Bifrost, etc. [31]).
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