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genre de raies De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Manta est un genre de grandes raies qui comporte deux espèces. La plus grande, M. birostris, atteint 7 m de large tandis que la plus petite, M. alfredi, atteint 5,5 m. Les raies de ce genre se caractérisent par des nageoires pectorales triangulaires, des nageoires céphaliques qui font penser à des cornes et une grande gueule orientée vers l’avant du corps. Elles sont classées parmi les Elasmobranchii (qui regroupent les requins et les raies), au sein de la famille des Myliobatidae.
Les raies mantas vivent dans les eaux tempérées, subtropicales et tropicales. Elles sont pélagiques ; M. birostris migre à travers les eaux libres des océans, seule ou en groupe, tandis que M. alfredi vit plus près des côtes et peut rester toute l'année sur un même site. Ce sont des suspensivores et elles ingèrent de grandes quantités de zooplancton, qu’elles avalent avec leur large gueule ouverte lorsqu’elles nagent. La gestation dure plus d’un an, et la raie donne naissance à des nourrissons vivants. Les raies mantas peuvent se rendre dans des stations de nettoyage pour se débarrasser de leurs parasites. Comme les baleines, elles sautent parfois hors de l'eau, pour des raisons inconnues.
L’ensemble des espèces de raies mantas sont classées comme vulnérables par l’Union internationale pour la conservation de la nature. Parmi les menaces liées à l’Homme on recense la pollution, l’étouffement d’animaux dans les filets de pêche, et leur pêche, notamment pour leurs branchiospines utilisées par la médecine chinoise. Leur taux de reproduction lent exacerbe l'impact de ces menaces. Elles sont protégées dans les eaux internationales par la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, mais sont plus vulnérables aux abords des côtes. Les zones où les raies mantas se regroupent en nombre attirent les touristes. Seuls quelques aquariums sont suffisamment grands pour abriter ces animaux. En règle générale, ils sont difficiles à étudier dans leur milieu car relativement rarement observés.
Les raies mantas ont une large tête, un corps en forme de disque aux nageoires pectorales triangulaires, avec des nageoires céphaliques en forme de cornes de chaque côté de leur gueule, qui sont en fait des extensions des nageoires pectorales[1],[2]. Les yeux sont sur les côtés de la tête, derrière les nageoires céphaliques. Les raies mantas disposent de cinq paires d’ouïes situées sur la face ventrale[1],[3],[4]. Leur queue est dépourvue de squelette interne, et plus courte que leur corps[3]. Les nageoires dorsales sont petites et placées à la base de la queue. Les plus grands spécimens atteignent 1 350 kg[1]. Pour les deux espèces l'envergure représente approximativement 2,2 fois la longueur du corps. M. birostris atteint généralement 7 m de large contre 5,5 m pour M. alfredi[5]. Le record est détenu par une Manta birostris de 9,1 m d'envergure[6]. Le dos des raies mantas est généralement noir ou bleu très foncé, avec des marques plus pâles au niveau des « épaules ». La face ventrale est blanche ou pâle, avec quelques marques sombres permettant de distinguer les individus[7],[4]. Des spécimens intégralement noirs ont également été observés[3]. La peau est couverte d'un mucus qui protège l’animal des infections[8]:2.
Les deux espèces de raies mantas diffèrent par leur coloration, leurs denticules dermiques et leur dentition. M. birostris a des marques plus angulaires sur les épaules, des marques ventrales plus grandes sur la partie abdominale, de grandes lignes couleur charbon sous les nageoires pectorales et une gueule plus sombre. Les marques aux épaules de M. alfredi sont plus arrondies, ses marques ventrales sont situées près de son extrémité postérieure et entre les branchies, et la gueule est de couleur blanche ou pâle. Les denticules ont de multiples cuspides et se superposent chez M. birostris, tandis que celles de M. alfredi sont plus espacées et sans cuspide. Les deux espèces ont de petites dents carrées sur la mâchoire inférieure dont la fonction exacte demeure méconnue[4], et M. birostris a également des dents élargies sur la mâchoire supérieure. À la différence de M. alfredi, M. birostris a une petite épine caudale dans une masse ossifiée située à la base de sa nageoire caudale[9],[7].
Les raies mantas se déplacent grâce aux mouvements simultanés de leurs nageoires pectorales, semblables à des ailes qui propulsent l’eau vers l’arrière. Leur grande gueule est rectangulaire, dirigée vers l’avant du corps, contrairement à la plupart des espèces de raies qui ont la gueule orientée vers le dessous du corps. Les spiracles typiques des raies sont vestigiaux ; elles doivent nager continuellement pour permettre à l’eau oxygénée de passer à travers leurs branchies[8]:2–3. Les nageoires céphaliques sont deux fois plus longues que larges[2]. Elles sont enroulées en spirale lorsque l'animal nage, pour une meilleure pénétration dans l'eau[2], mais sont déroulées lorsque l’animal se nourrit. Les arcs branchiaux ont des bandes de tissu spongieux brun-rosâtre qui collectent les particules de nourriture[1]. Les raies mantas repèrent leurs proies en utilisant leur vue et leur odorat[10]. Elles ont un des plus grands rapports cerveau/corps (en) de tous les poissons[11]. Leur cerveau a un rete mirabile qui pourrait servir à réguler la température interne[12]. M. alfredi a été observé plongeant à plus de 400 m de profondeur[13], tandis que son apparenté Mobula tarapacana, qui a une structure de cerveau similaire, atteint presque 2 000 m[14]. Le rete mirabile sert probablement à éviter à leur cerveau de trop se refroidir en plongée profonde[15].
Les raies du genre Manta peuvent être confondues, notamment les jeunes spécimens, avec les raies du genre Mobula. Elles s'en différencient principalement par la position de la bouche, ventrale chez les raies Mobula, l'absence de dents sur la mâchoire supérieure, une queue beaucoup plus courte et l'absence d'une épine caudale développée (celle de M. birostris est très courte)[9]. Les raies Mobula sont nettement plus petites que les raies mantas, et il est donc plus facile de différencier les individus adultes.
Les raies mantas nagent différemment suivant l'habitat dans lequel elles évoluent : quand elles voyagent en eaux profondes, elles nagent à une vitesse constante en ligne droite, tandis qu'aux abords des côtes à faible profondeur elles nagent lentement, profitant du soleil pour les réchauffer. Les raies mantas peuvent nager seules ou en groupes pouvant atteindre une cinquantaine d'individus. Ces rassemblements de raies peuvent aussi comporter d'autres espèces de poissons, mais aussi être associés à des oiseaux de mer ou des mammifères marins[3]. Les raies mantas peuvent parfois sauter entièrement ou partiellement hors de l'eau. Ainsi, au sein d'un groupe, on peut parfois observer les individus sauter hors de l’eau les uns après les autres[1]. Ces sauts peuvent prendre trois formes : des sauts vers l’avant, avec la tête qui retombe la première dans l’eau, des sauts similaires mais avec la queue qui retombe en premier dans l’eau, ou des sauts périlleux[1]. On ne connaît pas la raison de ce comportement, et ces sauts hors de l’eau ont donc plusieurs explications possibles, dont les rites d’accouplement, la communication ou pour se débarrasser des parasites et des animaux commensaux comme les remoras[8]:15.
En 2015, des scientifiques ont publié une étude où des raies manta ont démontré des comportements associés avec la conscience de soi. Placés dans un test du miroir, les individus ont démontré un comportement inhabituel, apparemment destiné à vérifier si le comportement de leur reflet correspond toujours à leurs propres mouvements[16].
La reproduction peut avoir lieu à différentes périodes de l’année suivant la zone dans l’aire de répartition. La parade est difficile à observer chez ce poisson qui nage vite, même si on voit parfois des individus nageant très près l’un de l’autre en eau peu profonde. L’accouplement pourrait être déclenché par la pleine lune et semble être initié par le mâle, qui suit de près la femelle tandis qu’elle nage à environ 10 km/h. Il fait des efforts répétés pour saisir la nageoire pectorale de celle-ci avec sa gueule, ce qui peut prendre 20 à 30 minutes. Une fois qu’il y est parvenu, il se retourne sur lui-même et presse sa face ventrale contre la femelle. Il insère ensuite un de ses ptérygopodes dans le cloaque de sa partenaire et le laisse durant 60 à 90 secondes[17]. Le ptérygopode forme un tube qui transporte le sperme à partir de la papille génitale ; un siphon propulse le liquide séminal dans l’oviducte[18]. Le mâle continue de maintenir la nageoire pectorale de la femelle avec ses dents quelques minutes après, tandis que les deux nagent toujours, souvent suivis par jusqu’à 20 autres mâles, puis le couple se sépare[17]. Pour diverses raisons, le mâle saisit presque toujours la nageoire pectorale gauche, et les femelles portent des cicatrices qui illustrent ceci[8]:8–9.
Les œufs ainsi fertilisés se développent dans l’oviducte de la femelle. Ils sont d’abord englobés dans un sac tandis que l’embryon en développement absorbe le vitellus. Après l’éclosion, le jeune reste dans l’oviducte et reçoit une nutrition complémentaire par des sécrétions lactées[19]. Sans cordon ombilical ou placenta, le jeune qui n’est pas encore né utilise la pompe buccale pour s’approvisionner en oxygène[20]. La taille de la portée est généralement de un ou deux. La gestation dure 12 à 13 mois. Quand il est bien développé, le jeune ressemble parfaitement à l’adulte, est expulsé de l’oviducte et ne reçoit plus de soins parentaux. Dans les populations sauvages, les naissances sont normalement espacées de deux ans, mais quelques individus peuvent entrer en gestation plusieurs années consécutives, développant un cycle annuel[19]. L'aquarium Churaumi d'Okinawa a obtenu des résultats intéressants dans la reproduction de M. alfredi, une femelle donnant naissance à des petits trois années consécutives. Pour l’une de ses naissances, la gestation a duré 372 jours pour donner naissance à un jeune mesurant 192 cm pour un poids de 70 kg[21]. En Afrique du Sud les mâles M. birostris atteignent leur maturité sexuelle à 4 m, et les femelles à une taille légèrement supérieure[22]:57. En Indonésie, les mâles M. birostris sont mûrs à une taille de 3,75 m et les femelles vers 4 m[23]. En Afrique du Sud, M. alfredi atteint sa maturité à une taille de 3 m, pour les mâles et 3,9 m pour les femelles[22]:42. Dans les Maldives, le mâle M. alfredi est mûr à une taille de 2,5 m tandis que la femelle l’est vers 3 m[24]. À Hawaï, le mâle M. alfredi est mûr quand il atteint 2,8 m et la femelle quand elle atteint 3,4 m[25]. Chez les femelles raies mantas, cette maturité correspond à un âge compris entre 8 et 10 ans[24],[26]. Les raies mantas peuvent vivre jusqu’à 50 ans[5].
Les raies mantas se nourrissent en filtrant l’eau de mer, et ingèrent de grandes quantités de zooplancton sous la forme de crevettes, krill et crabes planctoniques. Une manta mange environ l’équivalent de 13 % de sa propre masse corporelle tous les mois. Quand elle s’alimente, elle nage lentement nageant autour de ses proies pour les rassembler en une sorte de « balle » dense et fonce sur les organismes ainsi rassemblés avec la gueule grande ouverte[3]. Quand elles s’alimentent, les raies mantas aplatissent leurs nageoires céphaliques, de façon que celles-ci participent à conduire l’alimentation dans la gueule de l’animal, et les petites particules sont collectées par les tissus situés entre les arcs branchiaux[1]. On peut trouver jusqu’à 50 animaux rassemblés sur un seul site d’alimentation riche en plancton[1]. Les raies mantas peuvent elles-mêmes être la proie de grands requins ou d’orques. Elles sont parfois mordues par les Squalelets féroces[8]:17, et portent des copépodes parasites[8]:14.
Les mantas se rendent dans des stations de nettoyage dans les récifs de coraux pour se débarrasser de leurs parasites externes. La raie adopte une position presque stationnaire près de la surface du corail pendant plusieurs minutes tandis que les poissons nettoyeurs consomment les organismes qui sont attachés à elle. Elles s’y rendent plus fréquemment à marée haute[27]. À Hawaï, les labres assurent la tâche de débarrasser les raies des parasites ; certaines espèces se nourrissent autour de la gueule et des branchies de la raie tandis que d’autres inspectent le reste de la surface du corps[8]. Au large du Mexique, le Poisson-ange doré (Holacanthus clarionensis) participe à la tâche de nettoyage des raies[28]. Au Mozambique, Abudefduf saxatilis nettoie la gueule de la raie tandis que les poissons-papillons se concentrent au niveau des blessures[22]:160. M. alfredi visite plus souvent les stations de nettoyage que M. birostris[22]:233. Certains individus revisitent la même station de nettoyage ou aire d’alimentation régulièrement[29] et semblent avoir des cartes cognitives de leur environnement[10].
Les raies mantas vivent dans les eaux tropicales et subtropicales dans les principaux océans du monde, et s’aventurent parfois dans des eaux tempérées. Au plus loin de l’équateur, on a vu des raies mantas en Caroline du Nord, aux États-Unis, au nord (31ºN), et au large de l'île du Nord en Nouvelle-Zélande (36ºS) au sud. Elles préfèrent des températures de l’eau de plus de 20 °C[3] et M. alfredi vit principalement dans des eaux tropicales[7]. Les deux espèces sont pélagiques. M. birostris vit principalement en eau libre dans les océans, voyageant avec les courants et migrant vers les zones où les remontées d’eaux riches en nutriments accroissent la concentration des proies[30].
Des individus qui ont été équipés de radio transmetteurs ont parcouru jusqu’à 1 000 km à partir de leur lieu de capture et sont descendus à des profondeurs atteignant 1 000 m[31]. M. alfredi est une espèce qui voyage moins et vit plus près des côtes. Des migrations saisonnières sont observées, mais sont plus courtes que celles de M. birostris[24]. Les raies mantas sont communes près des côtes du printemps à l’automne mais s’en éloignent durant l’hiver. Elles restent près de la surface dans des eaux peu profondes la journée, et nage à de plus grandes profondeurs pendant la nuit[3].
Le nom « manta » est d’origine portugaise et espagnole et signifie « couverture ». Ce terme désigne également un piège en forme de grande cape utilisée traditionnellement pour attraper les raies[32]. Les raies mantas sont connues sous le nom de « diable de mer » du fait de leurs nageoires céphaliques en forme de corne, qui rappelle le démon[33].
L’attribution du nom scientifique des raies mantas a une histoire mouvementée, au cours de laquelle plusieurs noms ont été utilisés à la fois pour désigner le genre (Ceratoptera, Brachioptilon Daemomanta et Diabolicthys) et les espèces (comme vampyrus, americana, johnii et hamiltoni). Toutes ont finalement été placées comme des synonymes d’une seule espèce, Manta birostris[34],[1],[35]. Le nom générique manta a été publié pour la première fois en 1829 par le docteur Edward Nathaniel Bancroft en Jamaïque[34]. Le nom spécifique birostris est attribué à Johann Julius Walbaum (1792) par certains auteurs et à Johann August Donndorff (1798) par d’autres[35]. Le nom alfredi a été utilisé pour la première fois par le zoologiste australien Gerard Krefft, qui a nommé cette raie en l’honneur du Prince Alfred[1],[36].
Ces raies appartiennent au clade des Chondrichthyes, des poissons qui présentent un épais cartilage plutôt que des os dans leurs squelettes[37]. Les raies mantas font partie des Elasmobranchii (requins et raies), du superordre des Batoidea et de l’ordre des Myliobatiformes[38]. Le genre Manta appartient à la famille des Myliobatidae, elle-même appartenant à la sous-famille des Mobulinae[39]. Phylogénie des Myliobatiformes[38] :
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Les raies mantas ont évolué à partir des Myliobatoidei, vivant sur le fond de l’eau, et ont développé des nageoires pectorales ressemblant plus à des ailes[40]. M. birostris présente encore des vestiges de l'ardillon des Myliobatoidei sous la forme d’une épine caudale[7]. La gueule de la plupart des raies est placée sur la partie inférieure de la tête, tandis que celle des raies mantas est placée sur le devant[41]. Les raies mantas et les raies du genre Mobula sont les seules espèces de raies qui ont développé une alimentation en filtrant l’eau[38].
Selon FishBase (7 mai 2012)[42] & Catalogue of Life (7 mai 2012)[43] :
Selon World Register of Marine Species (7 mai 2012)[44] :
Dans le passé, il était admis qu'il y avait plusieurs espèces de Manta, mais plus récemment, grâce aux analyses ADN, un consensus s'est créé autour de la reconnaissance d'une seule espèce.
Il aura fallu attendre 2008 pour qu'une spécialiste, Andrea Marshall[46], propose de scinder l'espèce en deux. La première, la raie manta résidentielle (Manta alfredi), plus petite, qui ne s'éloigne pas du rivage ; et la deuxième, la raie manta géante (Manta birostris), pélagiques et avec une distribution chevauchant la première[46], beaucoup plus rarement observées, leur anatomie comportant la trace résiduelle d'un aiguillon primitif[46] mettant en lumière leur parenté avec les raies pastenagues, des taches plus grandes[46], leur couleur[46], une texture de peau différente[46], plus contrastées et surtout une envergure plus grande de deux à trois mètres que leurs cousines des récifs, ce qui porte leur taille maximale observée à huit mètres d'envergure. Cette dernière éviterait beaucoup plus le contact avec les humains[46]. Toujours sur la base des recherches d'Andrea Marshall, il pourrait y avoir une troisième espèce[47].
Les scientifiques ne sont pas tous d’accord pour déterminer si le phénotype de coloration noire était une espèce différente de la forme blanche dominante. Mais cette proposition a été discréditée par une étude sur l’ADN mitochondrial de ces deux types en 2001[48]. Une étude de 2009 a analysé les différences morphologiques, dont la couleur, les variations méristiques, les épines, les denticules dermiques (écailles en forme de dents) et les dents de différentes populations. Deux espèces différentes ont été identifiées : la plus petite, M. alfredi, que l’on trouve dans l’Indo-Pacifique et la partie tropicale de l’Est de l’Atlantique, et la plus grande, M. birostris, que l’on trouve dans la partie tropicale, subtropicale et tempérée suffisamment chaude des océans[7]. La première vit plus près des côtes[24] tandis que la première vit dans les eaux libres des océans, et migre parfois[26].
Une troisième espèce potentielle, appelée pour le moment Manta sp. cf. birostris, atteint au moins 6 m de large, et vit dans la partie tropicale de l’Ouest de l’Atlantique, dont les Caraïbes. Elle vit en sympatrie avec M. birostris[7]. Cette population présente quelques différences de coloration et de dentition par rapport à M. birostris. Son dos est noir mais peut prendre chez certains individus des teintes rougeâtres ou marron, et les taches sur les épaules ne sont pas toujours présentes[9]. La face ventrale est crème et présente une marge postérieure grise au niveau des pectorales, mais celle-ci n'est pas en forme de V, comme chez M. birostris[9]. Elle se caractérise une tache de taille réduite sous la dernière rangée de fentes branchiales[9]. Une étude de 2010 sur les raies mantas au Japon a confirmé les différences morphologiques et génétiques entre cette population et M. birostris et M. alfredi[49]. En cas de reconnaissance officielle, cette espèce pourrait être nommée Manta giorna[9].
Tandis que quelques petites dents ont été retrouvées, peu de squelettes fossilisés de raies mantas ont été découverts. Leur squelette cartilagineux se conserve mal, car il ne présente pas la calcification des poissons osseux. Seuls trois lits sédimentaires comprenant des fossiles de raies mantas sont connus, un datant de l’Oligocène en Caroline du Sud et deux autres datant du Miocène et du Pliocène en Caroline du Nord[50]. Des restes d’une espèce éteinte ont été trouvés dans la Chandler Bridge Formation en Caroline du Sud. Ils ont été décrits dans un premier temps sous l'appellation Manta fragilis, mais ensuite reclassés comme Paramobula fragilis[51].
La plus grande menace qui pèse sur les raies mantas est la surpêche. M. birostris n’est pas uniformément répartie dans les océans, mais se concentre dans les zones qui lui pourvoient les plus grandes quantités de nourriture, tandis que M. alfredi est encore plus localisé à des zones précises. Leurs distributions sont ainsi fragmentées, avec peu de preuve d’entremêlement de sous-populations distinctes. Du fait de leur longue espérance de vie et de leur faible taux de reproduction, la surpêche peut très fortement diminuer localement certaines populations, d’autant plus qu’il y a très peu de chances que des individus venant d’ailleurs remplacent ceux qui ont disparu[26].
La pêche commerciale comme la pêche artisanale capture des raies mantas pour la viande et leurs produits. Elles sont typiquement attrapées avec des filets, des chaluts ou des harpons[26]. Les raies mantas étaient autrefois capturées par des pêcheurs en Californie et en Australie pour leur huile de foie et leur peau ; cette dernière était utilisée comme abrasives[1]. Leur viande est comestible et consommée dans divers pays, mais moins appréciée que celle d’autres poissons[52]. La demande pour leurs brachiospines, la structure cartilagineuse qui protège les branchies, a récemment augmenté pour approvisionner la médecine chinoise[53]. Pour pourvoir la demande croissante pour en brachiospines, des pêcheurs se sont spécialisés pour attraper les raies mantas dans les Philippines, en Indonésie, au Mozambique, à Madagascar, en Inde, au Pakistan, au Sri Lanka, au Brésil et en Tanzanie[52]. Chaque année des milliers de raies mantas, principalement M. birostris, sont capturées et tuées uniquement pour leurs brachiospines. Une étude au Sri Lanka et en Inde a estimé que plus de 1 000 spécimens étaient vendus dans les marchés de ces pays chaque année[54]. Pour comparaison, les populations de M. birostris dans la plupart de leurs sites de regroupement sont estimées à moins de 1 000 individus chacune[55]. Des pêcheurs spécialisés dans la pêche aux raies mantas dans le golfe de Californie, la côte ouest du Mexique, l’Inde, le Sri Lanka, l’Indonésie et les Philippines ont conduit à une très importante baisse des effectifs dans ces régions[26].
Les raies mantas sont sujettes à d’autres menaces liées aux humains. Du fait que les mantas sont obligées de nager constamment pour amener de l’eau riche en oxygène vers leurs branchies, elles sont vulnérables à l’enchevêtrement dans les filets et la suffocation qui en découle. Les raies mantas ne peuvent pas nager vers l’arrière et, à cause de leurs nageoires céphaliques proéminentes, sont sujettes à être prises par les lignes de pêche, les filets et même les lignes d’amarre isolées. Quand elles sont prises, les raies mantas tentent souvent de se libérer en faisant des sauts périlleux, se prenant encore plus au piège. Abandonnée, une ligne de pêche peut s’enrouler et entailler la chaire de l’animal, lui causant une blessure irréversible. De même, les raies mantas sont parfois des prises accidentelles de filets prévus pour des poissons plus petits[56]. Certaines raies mantas sont blessées par des collisions avec des bateaux, spécialement dans des zones où elles se regroupent et ont facilement observables. D’autres menaces peuvent peser sur les raies mantas, comme le changement climatique, le tourisme, la pollution par marées noires, et l’ingestion de microplastiques[26].
En 2011, les raies mantas sont devenues strictement protégées dans les eaux internationales du fait de leur inclusion dans la Convention de Bonn. La CMS est une organisation régie par un traité international qui est chargé de la sauvegarde des espèces migratrices et des habitats à une large échelle. Bien que des nations protégeassent déjà les raies mantas, les poissons migrent souvent vers des zones non réglementées, ce qui pose un problème supplémentaire en cas de surpêche[57]. L’UICN classe M. birostris comme vulnérable avec un risque élevé d’extinction en [58].
La même année, M. alfredi a également été classée Vulnérable avec des populations représentant localement moins de 1 000 individus et aucun ou très peu d’échanges entre sous-populations[24]. Le Manta Trust est une organisation caritative britannique consacrée à la recherche et la sauvegarde des raies mantas. Le site internet de l’organisation est également une importante ressource pour se documenter sur la biologie et la sauvegarde de ces animaux[59].
Au-delà de ces initiatives internationales, certains pays entreprennent des actions propres. La Nouvelle-Zélande a ainsi interdit la pêche de la raie manta dès le Wildlife Act de 1953. En , les Maldives interdisent la vente à l’export des raies mantas et de leurs sous-produits, stoppant ainsi la pêche des raies car il n’y avait pas de pêche pour la consommation locale. Le gouvernement renforce cette réglementation en 2009 avec l’introduction de deux aires marines protégées. Aux Philippines, la capture des raies mantas est interdite en 1998, mais cette loi est ajournée en 1999 sous la pression des pêcheurs locaux. Les stocks de poissons sont surveillés en 2002 et l’interdiction est remise en place depuis cette date. Il est interdit de capturer ou de tuer des raies mantas dans les eaux mexicaines depuis 2007. Cette interdiction n’a pas forcément été durcie, mais mieux appliquée à Holbox, une île de la péninsule du Yucatán, où les raies mantas sont également une attraction pour les touristes.
En 2009, Hawaï devient le premier État des États-Unis à interdire de tuer ou de capturer des raies mantas. Il n’y avait pas de pêche spécialisée dans cet État, mais les poissons qui passent dans les eaux locales sont désormais protégés. En 2010, l’Équateur interdit la pêche de l’ensemble des raies, leur rétention comme prise accessoire, ainsi que leur vente[26].
Les anciens Péruviens Moche représentaient souvent les animaux marins. Leur art dépeint régulièrement les raies mantas[60]. Historiquement, les raies mantas étaient craintes pour leur taille et leur supposé pouvoir. Les marins croyaient qu’elles mangeaient les poissons et pouvaient couler des bateaux en tirant sur les ancres. Mais ces croyances ont disparu vers 1978 quand des plongeurs dans le golfe de Californie se sont rendu compte qu’il s’agissait d’animaux placides avec lesquelles ils pouvaient interagir. Plusieurs plongeurs se sont photographiés eux-mêmes avec des raies mantas, dont l’auteur du livre Les dents de la mer, Peter Benchley[61].
Le cinéaste thaïlandais Phuttiphong Aroonpheng a donné à un de ses films le nom énigmatique et surprenant de Manta Ray (Raie manta) : il explique que c'est une créature nageant dans toutes les eaux et partout, qu'il a eu souvent l'occasion d'admirer en faisant de la plongée, et que cet animal n'a pas la notion de frontières[62].
Du fait de leur taille, il est rare que les raies mantas soient gardées en captivité et peu d’aquariums en présentent des spécimens. Un individu notable parmi ceux détenus en captivité est « Nandi », une raie manta qui a été accidentellement prise dans des filets contre les requins au large de Durban, en Afrique du Sud, en 2007. Elle a été conduite et élevée au uShaka Marine World, puis elle a été déplacée vers l'aquarium de Géorgie, plus grand, en , où elle réside dans son exhibition, « Ocean Voyager », de 23 848 m3[63]. Une seconde raie manta a rejoint cet aquarium en [64], puis une troisième en 2010[65].
L'Atlantis resort sur Paradise Island, aux Bahamas, a abrité une raie manta nommée « Zeus » qui a été étudié durant trois ans avant d’être relâchée en 2008[66]. L'Aquarium Churaumi d'Okinawa présente également des raies mantas dans le réservoir « Kuroshio Sea », un des plus grands aquariums du monde. La première naissance d’une raie manta en captivité a eu lieu dans cet aquarium en 2007. Bien que le petit n’ait pas survécu, l’aquarium a depuis vu la naissance de trois petites raies, en 2008, 2009, et 2010[67].
Les lieux dans lesquels les raies mantas se regroupent attirent les touristes, et l’observation des raies mantas peut apporter des revenus intéressants aux populations locales[8]:19. De tels sites touristiques existent aux Bahamas, aux îles Caïmans, en Espagne, aux Fidji, en Thaïlande, en Indonésie, à Hawaï, en Australie occidentale[68] et aux Maldives[69]. Les raies mantas sont populaires du fait de leur énorme taille et du fait qu’elles s’habituent facilement à la présence des humains. Les plongeurs peuvent avoir la chance de voir les raies mantas se rendre dans des stations de nettoyage et les plongées de nuit offrent l’opportunité à leurs pratiquants de voir les raies mantas en train de se nourrir du plancton attiré par les lumières[70].
Ce tourisme permet de sensibiliser les gens sur les raies et les problèmes de conservation qui les entourent[68]. Il permet aussi de pourvoir des fonds pour la recherche et la sauvegarde de l’espèce[69]. Des interactions trop fréquentes et non maîtrisées avec des touristes peuvent affecter négativement l’espèce en altérant les relations écologiques et augmentant la transmission des maladies[68]. À Bora Bora, un nombre trop important de plongeurs, bateaux de plaisance et de motomarines ont conduit à faire fuir les raies mantas de la zone[8]:19.
En 2014, l’Indonésie a interdit la pêche et l’export des raies mantas, et réalisé qu’il était plus intéressant économiquement de favoriser le tourisme par la présence de ces animaux que d’autoriser leur pêche. Une raie manta, une fois morte, vaut 35 à 450 €, tandis que le tourisme lié aux raies peut apporter 910 000 € durant la vie d’une seule raie manta. L’Indonésie dispose de 5,7 millions de km2 d’océans qui constituent aujourd’hui le plus grand sanctuaire au monde pour ces animaux[71].
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