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principe de réciprocité De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Œil pour œil (עין תּחת עין, ajin tachat ajin) est une règle de droit présente dans le Code de l'Alliance :
« [...] tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure ».
Selon la majorité des avis rabbiniques et historiques-critiques, ce principe juridique exige, pour toutes les atteintes fautives à l'intégrité corporelle, une indemnisation appropriée de la part du coupable, afin d'interdire la vendetta, de la remplacer par un principe de proportionnalité du délit et de la peine et d'établir une égalité devant la loi pour les hommes et les femmes, les pauvres et les riches.
Dans l'histoire de l'Église, ce principe juridique a souvent été appelé loi du talion (du latin talio) et compris comme une incitation à la vengeance. Cependant, le contexte biblique et la tradition juive contredisent cette interprétation.
Ces deux conceptions ont influencé l'histoire de la religion et du droit.
Les premiers signes de la loi du talion sont trouvés dans le Code de Hammurabi, en 1750 avant notre ère, dans le royaume de Babylone. Cette loi permet ainsi d’éviter que les personnes fassent justice elles-mêmes et introduit un début d’ordre dans la société en ce qui concerne le traitement des crimes. Le Code d’Hammurabi se présente sous la forme d’une liste de plus de deux cents jurisprudences et nombre d’entre elles sont empreintes de cette juste réciprocité du crime et de la peine. Comme dans les jurisprudences 229[1], 230[2] et 231[3] où si l'effondrement d'une maison tue, respectivement, le propriétaire, le fils ou l’esclave du propriétaire, c’est le constructeur de la maison qui doit être condamné à mort dans le premier cas, le fils du constructeur dans le second et dans le dernier cas, le prix de l’esclave doit être versé au propriétaire[4].
On retrouve la référence à Œil pour œil, dent pour dent dans deux jurisprudences du Code d’Hammurabi, les 196[5] et 200[6].
On lit chez Eschyle (Choéphores, 313) : « Qu’un coup meurtrier soit puni d’un coup meurtrier ; au coupable le châtiment. » Platon (Lois, X, 872 de), à propos du parricide, fait usage de l’argument d’autorité et d’antiquité, et il mêle autant la justice humaine que la Providence et la loi de la réincarnation des âmes :
Il se peut que la loi du talion entende lutter contre une escalade de la violence individuelle en limitant celle-ci au niveau de la violence subie. La notion contemporaine de légitime défense procède du même esprit en exigeant que toute riposte soit proportionnée à l’attaque.
Un flou d’interprétation peut subsister quant au juste niveau de la riposte, mais les textes religieux du judaïsme, du christianisme et de l'islam précisent clairement que la loi du talion représente le maximum autorisé de la riposte, en allant jusqu'à encourager autant que possible le pardon (cf. infra). En dehors de toute considération religieuse, une vengeance disproportionnée à l'acte subi risquerait d'aggraver la situation en la faisant dégénérer en conflit encore plus violent ou étendu. Certaines interprétations[réf. nécessaire] présentent la loi du talion comme la riposte adéquate, ce qui peut déjà conduire à des violences et contre-violences n’ayant jamais de fin.
Considérée dans ce dernier cas comme barbare, injuste, et de toute façon contraire aux intérêts de l’ordre public, elle est remplacée pour certains crimes par des amendes pécuniaires ou des peines d’emprisonnement, que l’on peut considérer comme les premières peines alternatives.
Elles ne satisfont pas pour autant forcément la victime, et on peut sans doute repenser à la sagesse du pionnier Daniel Boone qui, élu juge par ses concitoyens, prononçait au contraire des peines de réparation, centrées sur la victime et non sur le malfaiteur. Ainsi, celui qui avait blessé un cheval se voyait condamné à tirer la charrue à sa place jusqu’à ce que la bête en soit de nouveau capable.
En anglais courant, on retrouve le même principe dans le terme retaliation qui exprime bien le même sentiment de riposte, et qui partage la même origine.
La formule « œil pour œil, dent pour dent » revient trois fois dans le Pentateuque :
« Mais si malheur arrive, tu paieras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. »
— Exode 21,23-25
« Si un homme frappe à mort un être humain, quel qu’il soit, il sera mis à mort. S’il frappe à mort un animal, il le remplacera — vie pour vie. Si un homme provoque une infirmité chez un compatriote, on lui fera ce qu’il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent ; on provoquera chez lui la même infirmité qu’il a provoquée chez l’autre. Qui frappe un animal doit rembourser ; qui frappe un homme est mis à mort. Vous aurez une seule législation : la même pour l’émigré et pour l’indigène. »
— Lévitique, 24,17-22
« Ton œil sera sans pitié : vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied. »
— Deutéronome, 19,21
À quoi s'ajoute :
« Si quelqu'un verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera versé. »
— Genèse IX:6
Mais contrairement aux codes légaux en vigueur à cette époque au Proche-Orient, dont le Code d’Hammourabi, la Torah indique clairement que :
« les pères ne seront pas mis à mort pour les fils et les fils ne seront pas mis à mort pour les pères : chacun sera mis à mort pour son propre péché. »
— Deutéronome, 24,16
Divers passages de la Torah prônent par ailleurs, une morale de dépassement quand la réconciliation est possible :
« Tu ne te vengeras pas, ni ne garderas rancune aux enfants de ton peuple, mais tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Éternel. »
— Lévitique, 19,18
« Ne dis pas : Comme il m’a traité, je le traiterai, je rends à chacun selon ses œuvres. »
— Proverbes, 24,29
Cette règle indique la nécessité d’une équivalence compensatrice dans le châtiment. Le Talmud dans l’ordre Nézikin, traité Baba Kama, fait valoir l’idée que les versets Exode 21, 23-25 ; Lévitique, 24,17-22 et Deutéronome, 19,21 précités ne sauraient être pris à la lettre étant donné qu’il est impossible de déterminer si, par exemple, les conséquences de la perte d’un œil par une personne équivaudront aux conséquences de la perte d’un œil pour une autre[7].
Le principe général retenu par la Loi Juive pour tout dommage physique reçu est le paiement de dédommagements pour :
La valeur exacte de ces dédommagements doit être jugée au cas par cas par un tribunal rabbinique.
Le judaïsme rabbinique ne retient ainsi de la loi du talion que l’idée de juste compensation financière, sauf pour les crimes capitaux en vertu du principe que la vie humaine n’a pas de prix et ne peut donc pas être compensée financièrement.
Jésus dans le Nouveau Testament déclare, selon Matthieu :
« Vous avez appris qu’il a été dit : « œil pour œil et dent pour dent ». Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. À qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si quelqu’un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos. »
— Matthieu 5,38-42
Ce verset a suscité deux grandes écoles d'interprétation. La première école est celle des pacifistes radicaux (par exemple, Érasme), qui interprètent la parole de Jésus comme une opposition à la loi du talion. La deuxième école est celle des contextualistes (par exemple saint Augustin[8] et saint Thomas d'Aquin[9]) qui prennent en compte le contexte du discours et affirment que Jésus n'est pas venu abolir la loi de Moïse, mais l'accomplir (Mt 5, 17), et que sa parole n'est pas à comprendre en opposition à la loi du talion, mais en approfondissement par rapport à celle-ci. Selon cette deuxième école, tendre l'autre joue ne signifie pas ne pas réagir, mais se mettre, au moment de réagir, dans une disposition de cœur qui consiste à ne pas agir pour son propre intérêt.
Le Coran s’exprime ainsi :
« Ô les croyants ! On vous a prescrit le talion au sujet des tués : homme libre pour homme libre, esclave pour esclave, femme pour femme. Mais celui à qui son frère aura pardonné en quelque façon doit faire face à une requête convenable et doit payer des dommages de bonne grâce. Ceci est un allègement de la part de votre Seigneur et une miséricorde. Donc, quiconque après cela transgresse, aura un châtiment douloureux. »
« C'est dans le talion que vous aurez la préservation de la vie, ô vous doués d’intelligence, ainsi atteindrez-vous la piété. »
« Nous avons fait descendre la Torah dans laquelle il y a guide et lumière. C’est sur sa base que les prophètes qui se sont soumis à Allah, ainsi que les rabbins et les docteurs jugent les affaires des Juifs. Car on leur a confié la garde du Livre d’Allah, et ils en sont les témoins. Ne craignez donc pas les gens, mais craignez Moi. Et ne vendez pas Mes enseignements à vil prix. Et ceux qui ne jugent pas d’après ce qu’Allah a fait descendre, les voilà les mécréants. »
« Et Nous y avons prescrit pour eux vie pour vie, œil pour œil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent. Les blessures tombent sous la loi du talion. Après, quiconque y renonce par charité, cela lui vaudra une expiation. Et ceux qui ne jugent pas d’après ce qu’Allah a fait descendre, ceux-là sont des injustes. »
« Âme pour âme, œil pour œil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent, le talion pour les blessures. »
Le droit musulman — le fiqh — établit quatre conditions pour que la peine de mort pour le meurtrier soit applicable :
Le droit moderne occidental n’applique plus la loi du talion en matière criminelle, ainsi l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ne permet le recours à la force, que lorsqu'elle est absolument nécessaire. Elle est considérée comme relevant plus de la vengeance privée que de la justice. En principe, les peines prononcées aujourd’hui servent à punir le coupable, mais elles sont doublées d’une volonté de préparer le condamné à sa réinsertion dans la société après une période de réadaptation. Parallèlement, en matière civile, le concept de dommages-intérêts constitue la réparation financière, à laquelle peut prétendre la personne ayant subi un préjudice moral et/ou une atteinte dans son patrimoine (préjudice matériel).
On peut toutefois la rencontrer dans certains États appliquant le droit islamique, comme au Nigeria, où la restauration dans les États du nord de la charia a vu l'introduction d'une loi du talion en matière de blessures ou d'homicide, avec faculté pour la victime ou ses héritiers d'y renoncer, au profit d'une indemnité financière[10].
La Loi du talion est utilisée comme argument par des partisans de la peine de mort, partageant l’idée de Joseph de Maistre, qui considère qu’une personne qui a tué mérite la mort, seule peine équitable. Le point de vue opposé a été largement défendu par Beccaria et Victor Hugo (« Que dit la loi ? Tu ne tueras pas ! Comment le dit-elle ? En tuant ! »).
Dans l'arrêt Vinter et autres contre Royaume-Uni du 9 juillet 2013, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que les peines de perpétuité réelle obligatoires instituées pour certains crimes par le Royaume-Uni relevaient de la loi du Talion et étaient incompatibles avec l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de droit pénal international proscrivant les peines disproportionnées.
Le concept contemporain de légitime défense, qui doit être proportionnée à l’attaque, peut sembler être un héritage de la Loi du Talion dans son acception limitative.[réf. nécessaire] La légitime défense consiste à se protéger soi-même, protéger autrui, ou un bien de l’attaque d’un tiers. Toutefois, dans le cadre de la légitime défense, il n’est pas question d’une réponse a posteriori consistant en une vengeance permise et encadrée par la Loi (comme dans le cadre de la Loi du Talion), mais d’un acte préventif visant à protéger la personne, autrui, ou un bien devant une atteinte injustifiée ou illégale.
Code Pénal français, article 122-5 :
« N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte.
N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction. »
Il n’y a pas de stratégie optimale dans le problème du Dilemme du prisonnier itéré. Toutefois de nombreuses expérimentations amènent à la conclusion qu’il ne semble pas y avoir de stratégie qui soit systématiquement meilleure que celle, dite Tit for Tat, basée sur la loi du talion, et que si celle-ci est rarement la meilleure, elle se classe systématiquement parmi les meilleures. La plupart des interactions dans une société pouvant se ramener à un jeu à somme non nulle.
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