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philosophe français (ca. 1300-1358) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Jean Buridan, en latin Joannes Buridanus (vers 1300- vers 1358), philosophe français, docteur scolastique, fut l'instigateur du scepticisme religieux en Europe. Il fut, en Occident, le redécouvreur de la théorie de l'impetus, vers 1340[1]. Son nom est plus fréquemment connu pour l'expérience de pensée dite du paradoxe de l'âne de Buridan. Une légende, propagée jusqu'au XXIe siècle par la Ballade des dames du temps jadis de François Villon, l'associe à tort à l'affaire de la tour de Nesle.
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Né probablement à Béthune, il étudia à l'université de Paris sous la direction du philosophe scolastique Guillaume d'Ockham et fut un ardent nominaliste.
Il enseigna la philosophie à Paris et fut élu deux fois recteur de l'Université de cette ville en 1328 et 1340. Comme philosophe, Buridan a enseigné un nominalisme radical et s'est confiné dans les études philosophiques.
Contrairement au cursus ordinaire pour une carrière en philosophie, il choisit d'étudier les arts libéraux plutôt que la théologie. Il maintient d'autant plus son indépendance en demeurant un clerc séculier plutôt qu'en rejoignant un ordre religieux. À partir de 1340, il s'oppose à son mentor Guillaume d'Ockham. Cet acte a été interprété comme le début du scepticisme religieux et l'aube de la révolution scientifique.
Persécuté par les réalistes, il se retira en Allemagne, où il fonda une école, et enseigna à Vienne. Buridan, en tant que nominaliste, ne pouvait admettre l'existence de la liberté humaine, et il a longuement discuté la question du libre arbitre dans ses commentaires sur l'Éthique d'Aristote.
Une campagne posthume par des Occamistes réussit à faire placer les écrits de Buridan sur l'Index librorum prohibitorum de 1474 à 1481[réf. nécessaire].
Buridan a aussi énoncé une théorie sur la répartition des terres et des océans sur le globe qui a rompu avec les conceptions théologiques de son époque[réf. nécessaire].
Albert de Saxe est, parmi les plus célèbres de ses disciples, reconnu comme un logicien.
De nombreuses histoires apocryphes à propos de ses aventures amoureuses montrent qu'il avait la réputation d'être une figure brillante et mystérieuse à Paris. Il avait aussi un charisme inhabituel pour attirer des subventions académiques. Suivant une tradition plus légendaire qu'historique, Buridan aurait dans sa jeunesse été introduit dans la tour de Nesle, où la reine de Navarre Marguerite de Bourgogne, femme du futur Louis X de France, aurait eu avec lui un commerce coupable, et il aurait failli être victime de son imprudence[2]. La légende liant Buridan à l'affaire de la tour de Nesle traverse les siècles et lui vaut, non seulement d'être cité par François Villon, mais également de devenir héros de fiction chez Alexandre Dumas (la pièce de théâtre La Tour de Nesle, 1832) ou chez Michel Zévaco (le roman Buridan, Le Héros de la Tour de Nesle, 1913).
Le paradoxe de l'âne de Buridan est la légende selon laquelle un âne meurt de faim et de soif entre son picotin d'avoine et son seau d'eau, faute de choisir par quoi commencer[3].
On ne peut, à proprement parler, faire de ce cas de figure un paradoxe logique ; il s'agit plutôt d'un cas d'école de dilemme poussé à l'absurde, et ces deux traits caractérisent le phénomène de double contrainte.
Le paradoxe de l'âne de Buridan n'apparaît dans aucune des œuvres connues de Jean Buridan, bien qu'il soit tout à fait cohérent avec sa conception de la liberté et de l'animal. « On a beaucoup parlé de l'âne de Buridan, à savoir un âne affamé placé entre deux bottes de foin, ou également affamé et assoiffé placé entre une botte de foin et un seau d'eau, qui se laisserait mourir d'inanition par indécision, pour décrire un choix moral. C'est dans son Commentaire littéral sur le Traité du ciel (Expositio in De caelo) que Buridan met en scène, non pas un âne, mais un chien confronté au cruel dilemme. Buridan, avec tout l'humour qui le caractérise, évoque cette possibilité comme celle d'une alternative insensée, comparable à celle qui voudrait soupeser les mérites de la gravité terrestre et de l'objet lourd qui lui est soumis. On est donc loin de choix éthiques. » (Benoît Patar, Dictionnaire des philosophes médiévaux, 2006, p. 218-219).
Le problème apparaît dans Du ciel, où Aristote se demande comment un homme qui doit choisir entre deux nourritures également attirantes choisit entre elles. « Celui qui, affligé d'une faim et d'une soif très vives, mais également intenses, se trouve à égale distance des aliments et des boissons : lui aussi demeurera nécessairement immobile ! » (trad. P. Moraux).
De même, Aristote se demande avec perplexité ce qui arriverait en cas de tension excessive d'une corde parfaitement homogène et « ne sachant donc pas » en quel point se rompre.
Dans les Principes de la philosophie de Descartes démontrés selon la méthode géométrique, paru en 1663, Baruch Spinoza mentionne cet argument :
Dans la scolie de la proposition 49 de la deuxième partie de l'Éthique, Spinoza répond à une objection possible contre son propre système :
Spinoza procède à une généralisation que Buridan aurait refusée. Selon Buridan, en effet, l'âne mourrait de faim et de soif, mais un homme placé dans la même situation serait capable de choisir arbitrairement : c'est la « liberté d'indifférence ». Spinoza, en revanche, estime que sur ce point il n'y a pas de différence entre l'homme et l'animal : même l'homme mourrait de faim et de soif.[réf. nécessaire]
Ce paradoxe inspira Voltaire[4] :
Connaissez-vous cette histoire frivole
D'un certain âne illustre dans l'école ?
Dans l'écurie on vint lui présenter
Pour son diner deux mesures égales,
De même force, à pareils intervalles ;
Des deux côtés l'âne se vit tenter
Également, et, dressant ses oreilles,
Juste au milieu des deux formes pareilles,
De l'équilibre accomplissant les lois,
Mourut de faim, de peur de faire un choix.
— Voltaire, La Pucelle d'Orléans, œuvre en 21 chants, chant XII, vers 16 et sq.
Œuvres complètes de Voltaire, t. XI, Paris, 1784
Traitant du problème de la dynamique d'un projectile, Jean Buridan montre que la théorie d'Aristote de la cause motrice disant que « Tout ce qui est mû est mû par autre chose… » est prise à défaut ; y compris les palliatifs divers tels l'antiperistasis (le mouvement violent crée un vide, ou une raréfaction de l'air qui continue de propulser le projectile dans les airs) ou l'opinion disant que l'air, ébranlé par le mouvement violent, acquiert puissance pour pousser le projectile.
Une idée proche, mais moins développée, se trouvait déjà clairement chez Jean Philopon, commentateur byzantin du Ve siècle, et Guillaume d'Ockham avait aussi émis l'hypothèse, imprécise, qu'il se transmet quelque chose du corps « agent » au corps « patient »[5]. L'impetus, notion floue, qualitative, née avant la notion de vitesse, évoque des notions modernes comme celles de quantité de mouvement et d'énergie cinétique. Elle ne pourra pas s'appuyer sur des mathématiques algébriquement performantes (qui viendront avec René Descartes) ni sur des expérimentations la quantifiant et la précisant. Les expérimentations viendront avec Galilée. La notion d'impetus ne sera presque plus employée après Galilée et René Descartes qui auront su s'en inspirer pour construire une théorie (l'inertie) où le mouvement n'a pas besoin de moteur pour durer, et une notion quantitative (la quantité de mouvement)[5].
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