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cinéma en Russie, puis en URSS, au XXe siècle De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le cinéma russe et soviétique fut pendant longtemps l'un des plus importants du cinéma européen. Il a connu une importante crise durant les années 1990 et compte, depuis le milieu des années 2000, de nouveau parmi les cinématographies européennes les plus prolifiques.
La phrase de Lénine, « le cinéma est pour nous, de tous les arts, le plus important », a fait le tour du monde. Un des films d'Eisenstein, le Cuirassé Potemkine (réalisé en 1925), qui met en images la révolution russe de 1905, figure toujours au premier rang du panthéon des historiens du cinéma.
Le cinéma soviétique a donné lieu à diverses interprétations qui se sont focalisées soit sur « le cinéma comme œuvre d'art », « le cinéma comme propagande » ou « le cinéma comme objet de spectacle ». La célébrité mondiale du cinéma muet soviétique révolutionnaire a cependant masqué l'existence, sous le régime tsariste, d'un riche cinéma russe, aujourd'hui redécouvert par les cinémathèques.
C'est en 1896 que furent projetés les premiers films (des œuvres des frères Lumière) en Russie, à Moscou et Saint-Pétersbourg. La même année, en mai, le premier film tourné (par les envoyés des Lumière) est un documentaire puisqu'il s'agit du couronnement de Nicolas II au Kremlin. De nombreuses salles de cinéma sont alors ouvertes, où l'on peut voir de petits films, actualités, films amateurs, farces ou grivoiseries. On ne date que de 1908 le premier court-métrage russe : Stenka Razine de Vladimir Romachkov, film consacré aux cosaques bien connu des Russes, qui rencontre immédiatement un très grand succès. Le cinéma connaît un boom économique, énormément de films sont produits, et comme dans les autres pays, les intellectuels se divisent. Tolstoï en disait en 1908 : « Vous verrez que cette petite machine qui tourne en faisant clic-clac révolutionnera notre vie[1]. »
En 1912, Ladislas Starewitch réalise le premier film d'animation russe : La Belle Lucanide, tourné avec des insectes naturalisés. C'est le début d'une longue tradition extrêmement riche qui essaimera dans tous les pays d'Europe de l'Est.
Anna Karenine de Vladimir Gardine (1914), La Dame de pique (1916) et Le Père Serge (1917) de Iakov Protazanov, ou encore La Vie dans la mort (1914) et Le Tocsin (1917) d'Evgueni Bauer sont des titres majeurs produits avant la révolution de 1917.
Sur les deux mille films réalisés durant cette période[2], seulement 10 % ont survécu car les « copies nitrate » se sont abîmées et de plus, les productions étant tenues en piètre estime par la suite, elles n'ont pas été conservées[3].
Pendant la période de la guerre civile, les frontières sont fermées. Il en découle que peu de films sont réalisés du fait d'une pénurie presque totale de pellicule.
Par le décret du , le nouveau régime nationalise la production et la distribution cinématographiques, changeant ainsi l'histoire du cinéma, puisque les années qui suivent verront émerger un cinéma d'État (à ce titre extrêmement bien financé et valorisé, mais également dirigé et censuré) qui est en même temps un des cinémas les plus novateurs de son époque. Lénine déclare que « le cinéma est pour nous, de tous les arts, le plus important »[4] et Trotski surenchérit en 1924 : « Quand nos hameaux auront des cinémas, nous serons prêts à achever la construction du socialisme »[5]. Les bolcheviks partagent une idée répandue que le cinéma permet d'éduquer et de rendre accessible la littérature classique russe ou mondiale[6] mais également qu'il est un instrument de propagande inégalé[7]. À partir de 1925, les critiques des actualités de l'écran et les articles traitant de la théorie du cinéma sont proposés aux lecteurs par la revue Ekran kinogazety contrôlée par le ministère de la Culture de l'URSS, puis, plus tard, par le Comité d'État pour la cinématographie[8].
Pour Myriam Tsikounas[9], huit « cinéastes-théoriciens » ont transformé le « muet soviétique » en « objet mythique » : Koulechov, Dovjenko, Poudovkine, Eisenstein, Room, Vertov, Kozintsev et Trauberg. En 1919, la première école de cinéma du monde est créée à Moscou : l'Institut national de la cinématographie (VGIK). Lev Koulechov en devient le directeur en 1920 et élabore ses théories du montage dans son Laboratoire expérimental. Le nouveau cinéma soviétique bénéficie des expériences fort nombreuses des avant-gardes artistiques qui ont marqué les dernières années du tsarisme (futurisme et constructivisme dans les beaux-arts, formalisme en littérature…).
Des réalisateurs comme Sergueï Eisenstein, Vsevolod Poudovkine et Alexandre Dovjenko signent leur premier film dans les années 1920[10]. Iakov Protazanov réalise le film de science-fiction Aelita (1924), qui se veut une continuation de la révolution russe de 1917. Eisenstein réalise son premier long métrage, La Grève (1925), à l'âge de vingt-six ans, mais c'est son deuxième, Le Cuirassé Potemkine, qui lui apporte la renommée internationale. La remarquable mise en scène du massacre des manifestants sur les immenses escaliers d'Odessa apporte la preuve que le cinéma peut égaler les autres arts. Eisenstein réalise ensuite un film encore plus ambitieux, Octobre (1927), pour célébrer le dixième anniversaire de la révolution russe de 1917.
Dziga Vertov est un cinéaste soviétique d'avant-garde qui, s'opposant à un cinéma dramatique et littéraire (une histoire, des acteurs, des décors), privilégie le montage-mouvement du réel. Dans son film manifeste expérimental L'Homme à la caméra, il oppose, au « ciné-poing » d'Eisenstein, sa conception du « ciné-œil », en suivant le déroulement de la vie dans une grande ville russe, le temps d'une journée.
Le cinéma soviétique agrège les compétences et la créativité d'artistes des différentes républiques de l'URSS. Dans son Atlas du cinéma, André Z. Labarrère recourt même au terme « osmose » pour évoquer la coopération entre les différentes cinématographies. Au-delà de l'importance centrale de la composante russe, il faut ainsi notamment compter avec la vitalité du cinéma ukrainien et du cinéma géorgien[11].
Tous les films soviétiques ne sont pas avant-gardistes. Sous la NEP surgissent de nombreuses comédies comme Le Bonheur juif ou Dentelles de Ioutkevitch. Parmi ces films, Le Baiser de Mary Pickford[12] de Sergueï Komarov[13] met en scène les acteurs américains Mary Pickford et Douglas Fairbanks qui rencontrent, lors d'une visite des studios russes, une jeune actrice désireuse d'entrer dans la carrière.
1929 est pour Myriam Tsikounas[14] le moment du tournant idéologique du cinéma soviétique, bien qu'elle précise que « sur le plan esthétique, en revanche, les courants qui sont apparus en 1924, indifférents aux mots d'ordre étatiques, subsistent[15] » jusqu'en 1935, comme on le voit dans Le Bonheur d'Alexandre Medvedkine. Les années 1936-1938 sont des années difficiles en raison de la présence de Nikolaï Iejov à la tête du NKVD. En 1940, La Loi de la vie de Stolper et Ivanov, sur un scénario d'Avdeenko, est interdit. Le film montre une soirée d'étudiants en faculté de médecine qui boivent. Il déplaît à Staline, qui fait venir les réalisateurs et le scénariste au Kremlin le [16][réf. incomplète]. Un brave garçon (Ceux de Novgorod) de Boris Barnet est interdit en 1943.
La deuxième partie d’Ivan le terrible d'Eisenstein est interdite en . La troisième partie n'est pas tournée. Par la suite, en raison des contraintes idéologiques fortes, certains réalisateurs, comme Alexandre Ptouchko (Le Tour du monde de Sadko) ou Guennadi Kazanski, privilégient le cinéma pour enfants. En revanche, les films de Mikhaïl Tchiaoureli, réalisateur laudateur du régime, bénéficient des plus grandes attentions ; La Chute de Berlin[17],[18] avec Mikheil Gelovani (acteur jouant souvent Staline à l'écran) voit le jour en 1949.
D'août à commence ce que les Russes appellent le jdanovisme (Jdanovchtchina)[19], du nom d'Andreï Jdanov, qui se traduit pour la production cinématographique par un nouveau tour de vis. La censure est organisée par trois types d'acteurs : le Comité central du PCUS (spécialement à la direction de l'Agi-prop), le ministère du Cinéma et les professionnels eux-mêmes (ces derniers siègent au Conseil artistique du ministère du Cinéma). La période stalinienne des années 1940 est appelée par les Soviétiques l'Epokha malokartinia (« l'époque du manque de films ») car la production cinématographique est très faible et a perdu de son attrait.
La période qui suit la mort de Staline est considérée comme « la Renaissance du cinéma soviétique », mais Natacha Laurent relativise cette expression et parle d'un dégel faible[20]. Toujours d'après cette historienne, il semble que le cinéma soviétique sorte du « réalisme soviétique stérile et conformiste » des années 1930 et de l'Epokha malokartinia.
Sergueï Bondartchouk réalise avec son monumental Guerre et Paix la synthèse du langage cinématographique du XXe siècle. Son influence, au niveau mondial, sera considérable.
La rivalité Est-Ouest est toujours perceptible concernant les choix des sujets : par exemple, des réalisateurs russes tentent d'adapter de la meilleure manière possible au cinéma les grands standards de la littérature européenne[21]. Grigori Kozintsev est alors le cinéaste le plus en vue pour ses adaptations multiples (notamment un Don Quichotte en 1957). D'autres réalisateurs, acclamés par la critique occidentale, comme Andreï Tarkovski, se heurtent de manière récurrente aux limitations posées par le régime soviétique pendant cette période (Tarkovski finit d'ailleurs par s'exiler en Europe de l'Ouest).
Avec la Perestroïka, les montages financiers des productions cinématographiques évoluent. Les studios sont toujours divisés en « unités de production groupées » mais ces « unités » peuvent dorénavant signer un contrat avec des sponsors. Ces derniers ne sont pas obligatoirement des entreprises destinées à la production cinématographique. Il s'agit d'une volonté de mettre fin aux commandes d'État même si celles-ci continuent parfois sous le camouflage de « l'entreprise-sponsor » : Soyouz (entreprise pilotée par l'État) produit les films de Vadim Abdrachitov (Armavir) dans le studio Mosfilm[22].
Après la dislocation de l'Union soviétique, plusieurs cinéastes russes sont récompensés lors des grands festivals internationaux comme Nikita Mikhalkov avec Urga en 1991.
En 1998, Alekseï Balabanov[23] revisite l'histoire du cinéma russe dans Des monstres et des hommes[24], film tourné « à la manière » des films des années 1920, période florissante pour les arts. Il choisit de montrer non la grande histoire, mais l'univers des premiers films érotiques, de la violence crue et de la méchanceté gratuite.
Malgré la chute de l'Union soviétique, le cinéma russe peine à s'exporter. Ainsi, Pavel Lounguine reste longtemps un des rares réalisateurs russes à voir ses films distribués à l'étranger. En 2003, son film Un nouveau Russe remporte le prix spécial du jury du Festival du film policier de Cognac. En 2005, Familles à vendre montre des immigrés russes qui retrouvent leurs racines dans un village qui n'est pas celui de leur enfance contrairement à ce que leur fait croire Edik[25]. Son dernier film (L'île, Ostrov) est sorti en France.
Les pays occidentaux, dont la France, particulièrement dans les différents festivals, ont apprécié le cinéma de :
Parmi les réalisateurs d'après 2000 :
Les soviétiques ont nationalisé les studios de cinéma comme celui créé à Saint-Pétersbourg par Vladislav Karpinski : « Ominum Film ».
Les studios de productions les plus importants de l'ère soviétique sont (par ordre alphabétique) :
La principale école de cinéma de l'ère soviétique est VGIK (Moscou).
L'organisme étatique chargé de l'exportation des films soviétiques est Sovexportfilm.
Certains noms qui figurent dans cette liste ne se reconnaîtront pas comme cinéastes russes ou soviétiques car ils ont très vite rejoint les studios de leur pays d'origine après l'éclatement de l'URSS mais ils ont quand même « bénéficié », pendant une partie de leur vie, des structures de l'organisation antérieure soit pour leur formation, soit pour leurs premières réalisations.
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