Dominé par les figures de Jean-Pierre Cluysenaar, Joseph Poelaert et Henri Beyaert, le style présente de multiples variantes comme l'éclectisme proprement dit (un style qui juxtapose sans règles des éléments puisés dans l'ensemble du répertoire architectural historique[1]), l'éclectisme teinté de néo-classicisme, les styles néo-Renaissance italienne et française, le néoroman, le néogothique, le style néo-Renaissance flamande, le néo-baroque, le néo-Tudor, le style néo-mauresque ou encore l'éclectisme teinté d'Art nouveau.
L'histoire de l'architecture éclectique en Belgique se découpe en deux grandes périodes correspondant aux règnes de LéopoldIer (1830-1865) et de Léopold II (1865-1909).
À partir de 1905, l'éclectisme en Belgique mute et prend le nom de style Beaux-Arts[2],[3]. Cette période court de 1905 à 1930[4] et correspond donc plus ou moins au règne d'Albert Ier (1909-1934): elle est décrite dans l'article Style Beaux-Arts en Belgique.
Avec la révolution belge de 1830, Bruxelles devient la capitale d'un royaume neuf et le centre d'une jeune nation[6]. Bruxelles devient le symbole de la réussite du jeune état[7] et entend assurer sa vocation de capitale d'un état jeune et ambitieux[8].
La fonction de capitale du royaume et de siège des principales institutions[9] implique des travaux de modernisation et d'embellissement afin de permettre à la ville d'assumer dignement son rôle[10].
Un autre facteur qui explique l'essor de l'architecture sous LéopoldIer est la grande prospérité induite par la victoire du libre-échange, grâce à laquelle la Belgique apparaît au milieu du XIXesiècle comme le pays le plus industrialisé du monde après l'Angleterre[11].
Orientations stylistiques
Faiblement attachée au néo-classicisme importé par le régime autrichien au XVIIIesiècle, l'architecture belge s'en émancipe sous LéopoldIer[5] et se tourne vers une palette de styles:
le style néo-Tudor, avec une série de prisons réalisées par Joseph Jonas Dumont, qui ramène ce style d'un voyage en Angleterre en 1846[14].
Innovation
Si l'époque est caractérisée par une imitation des styles du passé, l'innovation n'en est pas moins présente!
D'un côté, le souci d'améliorer l'hygiène et la circulation dans les rues passantes en supprimant les innombrables petits marchés de plein air amène Cluysenaar à innover en créant des édifices publics couverts, comme les marchés couverts (ancien marché couvert de la Madeleine) et les galeries commerçantes ou passages couverts (Galeries royales Saint-Hubert)[10].
De l'autre, apparaissent des techniques nouvelles, nées des progrès industriels: le fer et le verre bouleversent les pratiques architecturales[5]. Cluysenaar et Hansotte adoptent ces nouvelles techniques de construction et les appliquent respectivement aux Galeries royales Saint-Hubert et aux Halles de Schaerbeek.
Règne de Léopold II (1865-1909)
Voûtement de la Senne et création des boulevards du Centre
La Senne, qui traverse Bruxelles en décrivant de nombreux méandres, a de tous temps posé problème par ses crues périodiques mais la situation se dégrade fortement au XVIIIesiècle à cause de la pollution[15].
Décrite, au XVIIIesiècle encore, comme une rivière au « cours utile et agréable »[16], la Senne n'est plus, au siècle suivant, qu'un «dépotoir, non seulement des industries groupées sur ses bords, mais de toutes les maisons riveraines»[17].
En 1865, le roi Léopold II, s'adressant au jeune bourgmestre de Bruxelles Jules Anspach, formule le vœu que Bruxelles « réussira à se débarrasser de ce cloaque qu'on appelle la Senne » avant la fin de son règne[18].
En , le conseil communal de la ville de Bruxelles adopte un projet établi par l'architecte Léon Suys qui vise à supprimer les bras secondaires de la rivière, à rectifier le cours sinueux de son bras principal et à le voûter entre la gare du Midi et le nord de la ville[19].
L'objectif de cet immense chantier de voûtement de la Senne (1867-1871) n'est pas seulement d'assainir le centre de la ville mais également d'y favoriser la circulation en développant un nouvel axe commercial et de circulation Nord-Sud[20].
C'est ainsi qu'apparaissent les boulevards du centre (nommés initialement boulevard du Hainaut, Central, du Nord et de la Senne et renommés ultérieurement boulevard Lemonnier, Anspach, Max et Jacqmain[21]). Afin de stimuler la reconstruction aux abords de ces boulevards, la Ville de Bruxelles organise deux concours d'architecture pour les périodes 1872-1876 et 1876-1878[22]. Mais on ne peut parler d'haussmannisation car la Ville se refuse à imposer aux architectes des contraintes semblables à celles qui donnent leur unité aux boulevards parisiens[20]: aucune unité de style n'est recherchée ni imposée[22] et la composition monumentale sera de facto éclectique tout au long de cette immense perspective.
Expansion démographique
Par ailleurs, Bruxelles doit faire face au XIXesiècle à une énorme expansion démographique: sa superficie fait plus que doubler entre 1830 et 1913[9].
La ville s'étend vers l'est, avec la création du « quartier Léopold » qui attire une bourgeoisie en quête de quartiers aérés[9], mais également avec le tracé de la rue du Trône, de la rue de la Loi et de l'avenue Louise[20].
Comme les boulevards du centre, ces nouveaux quartiers feront bien entendu la part belle à l'architecture éclectique.
À la recherche d'un style national
Si les styles néo-Renaissance italienne et néo-Renaissance française ont marqué le règne de Léopold Ier, tout change à partir de 1870.
La bourgeoisie belge tire de la défaite française de Sedan et de l'effondrement du Second Empire un orgueil national qui trouve son expression architecturale dans le style néo-Renaissance flamande[5]: la Renaissance flamande, considérée comme l'âge d'or des Pays-Bas, apparaît alors comme la source d'inspiration la plus indiquée[23].
Le style néo-Renaissance flamande, né de cette aspiration à une architecture « nationale », se développe dans le dernier quart du XIXesiècle[24]
Orientations stylistiques sous Léopold II
La palette des styles architecturaux sous Léopold II ne se limite cependant pas au style néo-Renaissance flamande. Le mélange des genres continue de dominer le paysage architectural:
le style néo-Renaissance flamande (Théâtre royal flamand, Halles Saint-Géry, gares de Jette et de Schaerbeek, maisons communales d'Anderlecht et de Schaerbeek…) ;
le style mauresque (Hôtel Terrasse de Henri Rieck et Théâtre de la Bourse d'Alban Chambon, édifices disparus);
l'éclectisme teinté d'Art nouveau
le néo-classicisme teinté d'éclectisme
Voici la liste des architectes éclectiques belges, classés chronologiquement en fonction du début de leur production éclectique, avec leurs réalisations les plus marquantes[25].
Nous renvoyons aux articles détaillés pour plus de sources et de références.
1844-1849 églises néogothiques de Malle en Limbourg (1844-1845), de Saint-Pierre à Wanfercée-Baulet (1844-1848), de Saint-Boniface à Ixelles (1846-1849) et de Bouillon
1850-1851 prisons de style néo-Tudor: Verviers (1850), Louvain (1851), Dinant (1851), Charleroi (1851), Saint-Gilles (conçue par JJ Dumont mais réalisée, de 1878 à 1884, par l'architecte François Derre)[29]
1895 Groupe de six maisons réalisées pour le Chevalier Ferdinand de Wouters d'Oplinter, square Marie-Louise 74 à 79 à Bruxelles (d'inspiration néo-Renaissance; Prémont et Gellé)[56]
NB: il peut y avoir discordance entre la date de début de la production de style éclectique de l'architecte et la date de la première réalisation importante mentionnée pour cet architecte lorsque le début de sa production éclectique présente trop peu d'intérêt pour être mentionnée dans le présent article
Guido J. Bral, De la création du bâtiment de direction de la CGER, à Bruxelles, et de sa restauration, tiré à part du bimensuel M&L, Ministère de la Communauté flamande, Direction des Monuments et Sites, Bruxelles, 1991