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pédagogue et homme politique espagnol De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Francisco Ferrer, né en à Alella et mort le à Barcelone, en espagnol Francisco Ferrer Guardia, en catalan Francesc Ferrer i Guàrdia, est un libre-penseur, franc-maçon et pédagogue libertaire espagnol.
En 1901, il fonde l'École moderne, un projet éducatif rationaliste qui promeut la mixité, l’égalité sociale, la transmission d’un enseignement rationnel, l’autonomie et l’entraide. Elle fut la première d'un réseau qui en comptait plus d'une centaine en Espagne en 1907. Elle inspira les modern schools américaines et les nouveaux courants pédagogiques.
En 1909, à la suite des événements de la semaine tragique à Barcelone, il est accusé (notamment par le clergé catholique) d'en être l'un des instigateurs. Condamné à mort le 9 octobre à la prison Model par un tribunal militaire à l'issue d'une parodie de procès, il est fusillé le 13 octobre à Montjuïc. Son exécution provoque un important mouvement international de protestation.
Né à Alella, une petite ville près de Barcelone, le 10[1],[2] ou le 14 janvier 1859 selon les sources, le treizième des quatorze enfants d'agriculteurs aisés, catholiques et monarchistes.
En 1873, à 14 ans, il fut envoyé à Barcelone chez un minotier pour y travailler dans le commerce.
Il eut pour patron un anticlérical militant, qui exerça sur lui une influence forte et qui l’introduisit dans les milieux républicains, anticléricaux et libres penseurs. Francisco Ferrer adhéra rapidement à ces mouvements et rejoignit la franc-maçonnerie, à ce moment lieu traditionnel de la pensée libérale et de la conspiration politique en Espagne.
Vers 1880, il prit un nouvel emploi, aux chemins de fer, sous la casquette de contrôleur, sur la ligne Barcelone-Cerbère. Cela l’amena à faire passer des réfugiés politiques - pour la plupart anarchistes poursuivis - de l’Espagne vers la France. Il agit également comme messager et comme courrier auprès d’officiers de l’armée qui cherchaient à fomenter un coup d’État républicain.
Francisco lit beaucoup. Autodidacte, il étudie Francisco Pi i Margall et les doctrines des internationalistes. Il s'intéresse à la politique et commence à fréquenter les cours du soir dispensés par les organisations républicaines et les sociétés de résistance ouvrières.
Ce désir de s’instruire et de se forger une solide culture politique et sociale l’amène à fréquenter les milieux libertaires barcelonais. C’est dans ce cadre qu’il rencontre et se lie d’amitié avec Anselmo Lorenzo qui, le prenant sous son aile, lui fait découvrir les grands théoriciens anarchistes classiques tels que Proudhon, Bakounine et Kropotkine. Bien qu’intéressé par ces idées, Francisco Ferrer n’en demeure pas moins encore attaché aux idées républicaines.
En 1884, il rejoint en qualité de contrôleur, la compagnie des chemins de fer et travaille sur le trajet Barcelone-Cerbère, ce dont il profite pour être un agent de liaison entre les partisans de Ruiz Zorrilla du Parti Républicain Progressiste dont Francisco est membre.
En 1884, il est initié franc-maçon dans la loge maçonnique Verdad (Vérité) de Barcelone[3].
En 1886, il prend part à la tentative Catalane d'insurrection républicaine du général républicain Villacampa, qui échoue. Obligé de s'exiler, il se réfugie à Paris jusqu'en 1901. Pour gagner sa vie, il est représentant en vins, restaurateur, puis donne des leçons particulières d'espagnol.
En juin 1890, il s'affilie à la Loge Les Vrais Experts du Grand Orient de France à Paris et milite activement au sein de la Libre-pensée.
Il se lie d'amitié avec Charles Malato, Jean Grave et Sébastien Faure. L'ère des attentats anarchistes va bouleverser son existence. « C'était un homme doux, tranquille et simple », écrit Jean Grave.
Après l'expérience malheureuse qui l'avait contraint à quitter son pays natal, Francisco Ferrer revient sur ses illusions d'insurrection. Il réprouve la violence aveugle et ne peut admettre la propagande par le fait. Il réfléchit au problème de la fin et des moyens. Pacifique et tolérant, il est partisan d'une évolution progressive de la société par le développement de l'éducation. Il postule que l’émancipation de l'individu par l'instruction aboutirait naturellement à la transformation de la société.
Son épouse, Teresa Sanmartí, avec laquelle il a eu trois filles (Paz, Sol et Luz), ne partage pas ses opinions. Elle lui reproche de continuer à fréquenter des militants révolutionnaires en cette période agitée. Sans affinités, très éprouvé par la mort rapprochée de deux enfants, le couple décide de se séparer en décembre 1893. Mais Madame Ferrer supporte mal cette rupture. Dans un moment de désespoir, elle tire trois coups de revolver sur son mari qui est légèrement blessé et hospitalisé. La presse s'empare de l'affaire mais elle passe au second plan quelques jours plus tard, après l'assassinat du président Carnot.
En 1899, six ans après sa rupture avec Teresa, Francesc Ferrer épouse la Française Léopoldine Bonnard, dont il a un fils[4].
En 1895, Francisco Ferrer donne régulièrement des cours d'espagnol dans plusieurs établissements publics, notamment au Lycée Condorcet. Il publie aussi un manuel, L'Espagnol pratique, à la Librairie Garnier, qui est fort apprécié et sert de modèle à diverses méthodes d'enseignement des langues vivantes. S'intéressant de plus en plus aux questions pédagogiques, il fait la connaissance de Paul Robin et est enthousiasmé par sa conception de l'éducation intégrale.
En 1901, nanti d'un important héritage que lui a légué Ernestine Meunier, une de ses anciennes élèves, il décide de retourner en Espagne et d'y fonder une école primaire moderne. Le moment est propice, car les milieux ouvriers et populaires d'Espagne, ainsi que la bourgeoisie républicaine la plus radicale, réclament une alternative au monopole éducatif de l'Église catholique.
Il loue et aménage un ancien couvent, à Barcelone. Son projet prend rapidement forme. Ce n'est pas une mince affaire dans ce pays alors sous l'influence de l'Église catholique, qui a le monopole de l'enseignement. En quelques semaines, Francisco Ferrer multiplie les contacts dans les milieux intellectuels et au sein du mouvement ouvrier, déjoue l'attention des autorités civiles et religieuses, surmonte tous les obstacles administratifs et rassemble une équipe de collaborateurs dévoués.
L'Escuela moderna, ouvre ses portes le 8 octobre 1901. Elle accueille 30 élèves : 12 filles et 18 garçons. Il y en eut 70 au mois de décembre, 86 le mois suivant. Cette progression inattendue des effectifs pose quelques problèmes mais assure la réussite de l'entreprise.
L'École moderne soutenue par 120 cercles et associations gagne du terrain ; de nombreux centres éducatifs rationalistes voient le jour dans tout le pays. Cette entreprise est considérée avec hostilité par le clergé et les milieux monarchistes et conservateurs.
Francisco Ferrer résume ainsi son projet : « Fonder des écoles nouvelles où seront appliqués directement des principes répondant à l'idéal que se font de la société et des hommes ceux qui réprouvent les conventions, les préjugés, les cruautés, les fourberies et les mensonges sur lesquels est basée la société moderne. » Et sa démarche pédagogique : « Notre enseignement n'accepte ni les dogmes ni les usages car ce sont là des formes qui emprisonnent la vitalité mentale (...) Nous ne répandons que des solutions qui ont été démontrées par des faits, des théories ratifiées par la raison, et des vérités confirmées par des preuves certaines. L'objet de notre enseignement est que le cerveau de l'individu doit être l'instrument de sa volonté. Nous voulons que les vérités de la science brillent de leur propre éclat et illuminent chaque intelligence, de sorte que, mises en pratique, elles puissent donner le bonheur à l'humanité, sans exclusion pour personne par privilège odieux. »
Partisan de l'action ouvrière, du syndicalisme révolutionnaire et de la grève générale comme prélude de la révolution sociale, Ferrer subventionne et écrit pour le journal La Huelga General (La Grève Générale) de 1901 à 1903.
En 1907, il contribue à la création du rassemblement syndical Solidaridad Obrera et à la fondation de son journal éponyme Solidaridad Obrera[6] (premier numéro le 19 octobre).
En 1909, il participe à la campagne pour la libération des prisonniers de Alcalá del Valle.
Le 31 mai 1906, le jour du mariage du roi Alfonso XIII, une bombe (fabriquée par Salvador Creus) explose au milieu du cortège, provoquant la mort de 28 personnes. L'auteur de l'attentat, Mateo Morral avait été traducteur et bibliothécaire à l'École Moderne[7]. Son ancienne appartenance à l’École moderne suffit aux autorités pour ordonner sa fermeture.
Francisco Ferrer est arrêté et accusé d'être l'instigateur de cet acte individuel. En dépit de nombreuses protestations, il est emprisonné plus d'un an. Son procès tourne court, car aucune charge précise ne peut être retenue contre lui. Il est finalement acquitté, le 10 juin 1907.
Francisco Ferrer tente vainement d'obtenir l'autorisation de rouvrir l'École Moderne de Barcelone. Il décide alors de retourner à Paris et de donner une dimension internationale à son œuvre pédagogique et séjourne dans plusieurs capitales européennes dont Bruxelles et Londres.
Avec Charles-Ange Laisant et soutenu par Sébastien Faure et Charles Malato, il fonde en avril 1908 la Ligue internationale pour l'éducation rationnelle de l'enfance, dont le président honoraire est Anatole France[8]. Elle acquiert rapidement une audience importante dans les milieux progressistes européens et le soutien de personnalités dont Aristide Briand, Pierre Kropotkine et Paul Robin. Sa revue, L'École rénovée, est d'abord mensuelle puis hebdomadaire. Elle paraît d'avril 1908 à juillet 1909 et compte jusqu'à 900 abonnés.
Il fonde également une maison d'édition consacrée essentiellement à la publication d'ouvrages pédagogiques, dont certains écrits en collaboration avec Élisée Reclus.
En 1909, au début de la guerre de Mélilla au Maroc, le gouvernement espagnol déclare la mobilisation nationale. À l’époque, seul le versement de 6 000 réaux peut permettre d’échapper à la conscription, une somme extrêmement élevée qu’aucun travailleur n’est en mesure de réunir.
Le 26 juillet, à Barcelone, Solidarida Obrera et le syndicat socialiste UGT proclament une grève générale pour protester contre la guerre. En quelques heures, la ville est paralysée. Mais, rapidement, le peuple insurgé déborde les cadres des organisations et, dans la nuit du 27, incendie les églises et les couvents. Face à cette révolution naissante, le gouvernement proclame la loi martiale et envoie l’armée pour écraser la grève. Mais une partie des militaires et des gardes civils refusent de tirer sur les grévistes et se mutinent, laissant le gouvernement sans moyens immédiats de mettre un terme à la grève et aux barricades.
Trois jours plus tard, le 29 juillet, le gouvernement de Madrid envoie des renforts militaires et, jusqu’au 2 août, réprime dans le sang les grévistes insurgés. Le bilan des troubles fait état d'un total de 78 morts (75 civils et 3 militaires), un demi-millier de blessés, 2 000 arrestations et 112 édifices incendiés (dont 80 religieux).
Francisco Ferrer, tout attaché à ses travaux intellectuels, n'est pour rien dans ces évènements.
L'évêque de Barcelone, au nom de tous les prélats de Catalogne, proteste auprès de Madrid contre les événements de juillet et contre ceux qu'il déclare responsables, c'est-à-dire « les partisans de l'École sans dieu, de la presse sectaire et des cercles anarchistes, qu'il faut supprimer ».
Le 31 août, accusé d'être l'instigateur de la Semaine tragique, Francisco Ferrer est arrêté, mis au secret et longuement interrogé. Il est incarcéré à la prison Model de Barcelone[9].
Le gouvernement veut aller vite et organiser son procès avant la convocation des Cortès, le 15 octobre. L'instruction est donc expédiée. Le 3 octobre, Francisco Ferrer doit désigner un avocat sur une liste de huit officiers, son défenseur ne peut examiner les 600 pages du dossier qu'à la veille du procès.
Le 9 octobre, Francisco Ferrer comparaît devant un tribunal militaire, plus en spectateur qu'en acteur. Il est rarement interrogé à l'audience et tout aussi peu autorisé à prendre la parole. Bien que la lecture des dépositions à charge mette en évidence de nombreuses contradictions, ses juges refusent l'audition des témoins. Son défenseur, un capitaine, déclare : « Je me trouve en face d'un procès terminé sans que l'instruction, en quête seulement de charges, et ayant eu recours dans ce but à des ennemis politiques de Ferrer qui, par tous les moyens, ont essayé de salir mon client, ait un seul moment recherché la vérité. »
La sentence est tenue secrète jusqu'au moment où le condamné doit, suivant la règle, « entrer en chapelle » pour se préparer pour l'éternité. Il refuse et écrit son testament durant sa dernière nuit.
Le 11 octobre, à 3 heures du matin, Francisco Ferrer est transféré au château de Montjuïc et le 12 octobre, à 8 heures, malgré l'absence de preuves, sa condamnation à mort lui est notifiée.
Au matin du 13 octobre 1909, à 9 heures, entouré des gardes, Francisco Ferrer marche vers son exécution. Malgré ses protestations, l'aumônier de Montjuïc le suit pas à pas, il refuse encore le curé. Il arrive à la poterne qui donne sur le fossé Santa-Eulàlia.
Il demande à être fusillé debout, face au peloton, sans bandeau sur les yeux. Les officiers exigent qu'on lui mette un bandeau.
Avant que ne claque la fusillade, Francisco Ferrer, d'une voix forte, lance aux soldats du peloton : « Mes enfants, vous n'y pouvez rien, visez bien. Je suis innocent. Vive l'École Moderne. »
Il est enterré au cimetière de Montjuïc, à Barcelone.
La nouvelle de son exécution provoque une explosion de colère dans le monde entier. Le jour même, toutes les capitales sont secouées par de violentes manifestations. Paris connut l'une de ses plus chaudes soirées. Surpris par l'ampleur de la réprobation, le gouvernement espagnol démissionne une semaine plus tard.
Son procès est révisé en 1911, et la condamnation reconnue « erronée » en 1912.
Dans son testament dicté quelques heures avant son exécution, Francisco Ferrer écrivait à l'intention de ceux qui l'aimaient : « [...] le temps qu'on emploie à s'occuper des morts serait mieux employé à améliorer la condition où se trouvent les vivants[10] [...] ».
Depuis des mois, en France, d'Anatole France à Henri Rochefort, de Séverine à Maurice Maeterlinck, c'était le même cri d'angoisse et quand l'irréparable est accompli, Camille Pelletan, un solide radical, écrit : « Chez nous un procès Francisco Ferrer paraît impossible. On n'oserait pas aller si loin. Croyez-vous que ce soit la bonne volonté qui manque ? En Espagne on fusille l'école laïque. En France il faut se contenter de lui déclarer la guerre à grand bruit. Cela vaut mieux, mais c'est la même haine qui dirige les deux attaques ».
Son exécution provoque de nombreuses manifestations dans le monde.
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