Byron, élevé en calviniste, croit à la prédestination et, se constatant diabolique, attend l'enfer. Quand il dort, abrité par les rideaux rouges d'une courtine, il rêve des flammes éternelles. Les cauchemars de Hugo sont apocalyptiques, ceux de Byron sont sataniques. Mais à l'état de veille, c'est Byron qui, des deux, a le plus de bon sens.
Garçon privé de père, il avait appris très jeune à mépriser toute autorité. Son esprit ne reconnaissait pas le devoir d'obéir à des êtres dont il avait découvert les faiblesses ; son orgueil lui défendait de plier par prudence, à défaut de respect.
Don Juan ou la vie de Byron (1952), André Maurois, éd. Grasset, coll.
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Les Cahiers Rouges
»,
2006
(ISBN 2-246-14564-3),
Harrow-sur-la-colline,
p.
60
La cave était bonne et les filles de service pourvoyaient aux autres plaisirs de la bande. Byron était assez fier de cette petite troupe de jolies servantes recrutées dans les villages voisins. Ces mœurs faciles lui semblaient féodales, idylliques, et d'ailleurs flatteuses. L'abbaye, dans la légende locale, devenait le repaire d'un nouveau Mauvais Lord.
Don Juan ou la vie de Byron (1952), André Maurois, éd. Grasset, coll.
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Les Cahiers Rouges
»,
2006
(ISBN 2-246-14564-3), Crâne d'ivoire poli,
p.
120
De Lisbonne à Séville, [Hobhouse et Byron] voyagèrent à cheval. La route était bordée de croix ; chacune rappelait un meurtre. Ils rencontrèrent un prisonnier et des espions qu'on emmenait à Séville pour y être pendus. Il y avait dans le spectacle de ce monde où la mort et l'amour étaient à chaque pas quelque chose d'animal et de franc qui allait au cœur de Byron.
Don Juan ou la vie de Byron (1952), André Maurois, éd. Grasset, coll.
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Les Cahiers Rouges
»,
2006
(ISBN 2-246-14564-3), Premier pèlerinage de Childe Harold,
p.
124
L'attitude était agréable ; il payait d'une assez dure solitude le droit de mépriser les hommes et les femmes, mais ce mépris avait des charmes. Il était Lord Byron, baron Byron de Rochdale, Timon de Newstead, misanthrope. Depuis la mort de son Terre-Neuve, il n'aimait personne que le souvenir de celui-ci, un daim apprivoisé et trois tortues grecques.
Don Juan ou la vie de Byron (1952), André Maurois, éd. Grasset, coll.
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Les Cahiers Rouges
»,
2006
(ISBN 2-246-14564-3), Timon de Newstead,
p.
153
Souvent il parlait de vendre Newstead et d'aller vivre dans l'île de Naxos ; il adopterait les coutumes et les mœurs des Orientaux et passerait sa vie à étudier leurs poèmes. Le froid de cet hiver anglais l'attristait, et aussi l'atmosphère spirituelle du pays. C'était un temps de politique autoritaire. La guerre atteignait peu les classes dirigeantes. Leur vie était facile, la chasse au renard, l'amour, le Parlement occupaient leurs riches loisirs.
Don Juan ou la vie de Byron (1952), André Maurois, éd. Grasset, coll.
«
Les Cahiers Rouges
»,
2006
(ISBN 2-246-14564-3),
Annus mirabilis,
p.
159
Un soir, Londres avait été pour lui un désert peuplé de trois ou quatre amis ; le lendemain, c'était une ville des Mille et Une Nuits, toute semée de palais illuminés qui s'ouvraient au plus illustre des jeunes Anglais.
Une grande société mondaine (c'est-à-dire, comme disait Byron, les quatre mille personnes qui sont debout quand tout le monde est couché) est toujours sujette à de rapides mouvements d'admiration et de dégoût ; parmi ces hommes et ces femmes qui se voient chaque jour, chaque soir, une gloire nouvelle fait son chemin avec une foudroyante vitesse.
Don Juan ou la vie de Byron (1952), André Maurois, éd. Grasset, coll.
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Les Cahiers Rouges
»,
2006
(ISBN 2-246-14564-3),
Annus mirabilis,
p.
162
Dans les dîners de Mayfair le murmure des conversations ne semblait plus être qu'un long « Byr'n, Byr'n » toujours répété. Chaque saison avait alors son lion politique, militaire ou littéraire. Byron fut le lion sans rival des soirées de 1812.
Il connut « cette mer étincelante de pierreries, de plumes, de perles et de soie ». Les femmes imaginaient avec émotion la grande abbaye, les passions criminelles, et ce cœur de marbre de Childe Harold, refusé, donc convoité. Tout de suite elles l'assiégèrent, foule charmante.
Don Juan ou la vie de Byron (1952), André Maurois, éd. Grasset, coll.
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Les Cahiers Rouges
»,
2006
(ISBN 2-246-14564-3),
Annus mirabilis,
p.
164
Pour Byron, le Créateur existait, mais la Création était mauvaise. Caïn avait raison de se plaindre du Dieu des Juifs, Prométhée de maudire Jupiter, et lui, George Gordon Byron, victime innocente de la fatalité de son sang, il appartenait, lui aussi, à la race des grands révoltés.
Don Juan ou la vie de Byron (1952), André Maurois, éd. Grasset, coll.
«
Les Cahiers Rouges
»,
2006
(ISBN 2-246-14564-3), Cortège d'un cœur sanglant,
p.
300
Une œuvre naît toujours d'un choc qui fertilise un terrain favorable. Le terrain, chez Byron, était prêt ; c'était cette masse brûlante de sentiments inexprimés, horreur, amour, désir, regrets, lave qui une fois encore menaçait de tout engloutir. Du choc produit par la lecture de Faust et par les paysages des Alpes, sortit un grand poème dramatique : Manfred.
Don Juan ou la vie de Byron (1952), André Maurois, éd. Grasset, coll.
«
Les Cahiers Rouges
»,
2006
(ISBN 2-246-14564-3), Avalanches,
p.
312
Tout surpris de glisser parmi des palais roses, Hanson et son fils arrivèrent en gondole, chargés de liasses de documents, de brosses à dents et de poudre rouge. Ils montèrent les marches du Palazzo Mocenigo entre des chiens, des oiseaux, un renard, un loup en cage, puis, par un escalier de marbre, furent conduits à l'appartement de Byron.
Don Juan ou la vie de Byron (1952), André Maurois, éd. Grasset, coll.
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Les Cahiers Rouges
»,
2006
(ISBN 2-246-14564-3), Palazzo mocenigo,
p.
349
Depuis quelques instants, un terrible orage s'était abattu sur Missolonghi. La nuit tombait ; éclairs et coups de tonnerre se succédaient dans l'obscurité. La brève lueur des éclairs dessinait au loin, sur la lagune, la silhouette sombre des îles. La pluie, balayée par le vent, battait les vitres des maisons. Les soldats et les bergers qui s'y étaient réfugiés ignoraient encore la funèbre nouvelle, mais il croyaient, comme leurs ancêtres, que des prodiges accompagnaient la mort d'un héros et, remarquant la violence inouïe du tonnerre, se disaient entre eux « Byron est mort ».
Don Juan ou la vie de Byron (1952), André Maurois, éd. Grasset, coll.
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Les Cahiers Rouges
»,
2006
(ISBN 2-246-14564-3), Hamlet et Don Quichotte,
p.
449
Bibliographie et filmographie sont là pour témoigner combien Byron a constamment été — et reste donc — une valeur sûre de la production d'ouvrages et de documents audiovisuels au niveau planétaire. Mais, à force de s'intéresser à tel épisode italien ou à tel aspect de l'histoire gréco-turque, de sublimer le don Juan, de magnifier le héros de la liberté ou de sataniser le poète de "Childe Harold", à force donc de "romaniser" à l'envi Byron, ces cinq lettres censées faire du chiffre, on a fini par en oublier un aspect essentiel : la racine éminemment écossaise du personnage. (...) C'est a priori, mais a priori seulement que Byron paraît anglais. En réalité, ce poète est écossais. Le distinguo ne relève pas du tout — tant s'en faut — de la nuance.
Certes, son nom et son ascendance font de Byron un aristocrate. Mot dont le poids est sans aucun doute plus lourd d'implications que dans le cas de Barbey d'Aurevilly et qu'il est probablement plus que difficile de mesurer dans toute sa spécificité pour qui a toujours vécu sous des plafonds situés à la hauteur normative de 2,50 mètres du sol et n'a jamais eu, ne serait-ce que le souvenir, de personnel de maison...
Carré d'Art, Jean-Pierre Thiollet, éd. Anagramme, 2008
(ISBN 978-2-35035-189-6), Byron
: Scotland Yards,
p.
35
Je suis bon nageur, sans prétendre égaler
Byron et
Edgar Poe, qui sont des maîtres.
Vingt Mille Lieues sous les mers,
Jules Verne, éd. Hetzel, coll.
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Voyages extraordinaires
»,
1870, chapitre VII,
p.
42
(
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