Gœtz : […] Salut petit frère ! Salut en bâtardise ! Car toi aussi tu es un bâtard ! Pour t'engendrer, le clergé a couché avec Misère ; quelle maussade volupté !
- Gœtz s'adresse au père Heinrich qui vient de trahir sa ville.
Gœtz : Je me moque du Diable ! Il reçoit les âmes, mais ce n'est pas lui qui les damne. Je ne daigne avoir affaire qu'à Dieu, les monstres et les saints ne relèvent que de lui.
- Gœtz s'adresse au père Heinrich qui lui affirme que tous les deux verront le Diable pendant la nuit l'un pour sa trahison l'autre pour son massacre.
Le banquier : Mais vous approuviez la clémence de l'Archevêque !
Gœtz : Et je l'approuve encore. Il est offensé et prêtre : deux bonnes raisons de pardonner. Mais moi, pourquoi pardonnerais-je ? Les habitants de Worms ne m'ont pas offensé. Non, non : je suis militaire, donc je tue. Je les tuerai conformément à mon office et l'Archevêque leur pardonnera, conformément au sien
Gœtz : De quoi te mêles-tu ? (Un temps.) Le mal, ça doit faire mal à tout le monde. Et d'abord à celui qui le fait.
- Gœtz s'adresse à Catherine lui demandant s'il souffre à cause de l'archevêque qui vient de lui retirer ses terres.
Gœtz : […] Alors réjouis-toi, je la prendrai.
Catherine : Mais pourquoi ?
Gœtz : Parce que c'est mal.
Catherine : Et pourquoi faire le Mal ?
Gœtz : Parce que le Bien est déjà fait.
Catherine : Qui l'a fait ?
Gœtz : Dieu le Père. Moi, j'invente.
- Gœtz parle de prendre la ville qu'il va prendre et dont il va massacrer les habitants.
Nasty : Les hommes de Dieu détruisent ou construisent et toi tu conserves.
Gœtz : Moi ?
Nasty : Tu mets du désordre. Et le désordre est le meilleur serviteur de l'ordre établi. Tu as affaibli la chevalerie tout entière en trahissant Conrad et tu affaibliras la bourgeoisie en détruisant Worms. À qui cela profite-t-il ? Aux grands. Tu sers les grand, Gœtz, et tu les serviras quoi que tu fasses : toute destruction brouillonne, affaiblit les faibles, enrichit les riches, accroît la puissance des puissants.
- Le boulanger prophète, capturé par Gœtz qui lui affirme être l'homme de Dieu qui veut la destruction de la ville.
Nasty : L'égal de tous les hommes ou le valet de tous les princes : choisis.
- Nasty propose à Gœtz l'alliance des pauvres que refuse Gœtz qui lui demande ce qui se passera s'il refuse de devenir leur égal.
Gœtz : Inutile, oui. Inutile aux hommes. Mais que me font les hommes ? Dieu m'entend et c'est à Dieu que je casse les oreilles et ça me suffit, car c'est le seul ennemi qui soit digne de moi. Il y a Dieu, moi et les fantômes. C'est Dieu que je crucifierai cette nuit, sur toi et sur vingt mille hommes parce que sa souffrance est infinie et qu'elle rend infini celui qui le fait souffrir. Cette ville va flamber. Dieu le sait. Et en ce moment, il a peur, je le sens ; je sens son regard sur mes mains, je sens son souffle sur mes cheveux, ses anges pleurent. Il se dit « Gœtz n'osera peut-être pas » — tout comme s'il n'était qu'un homme. Pleurez, pleurez les anges : j'oserai. Tout à l'heure, je marcherai dans sa peur et dans sa colère. Elle flambera : l'âme du Seigneur est une galerie de glaces, le feu s'y reflétera dans des millions de miroirs. Alors, je saurai que je suis un monstre tout à fait pur.
- Gœtz répond à Nasty qui lui demande s'il sera toujours un « vacarme inutile » en faisant toujours le Mal pour le mal.
Heinrich : […] Le monde est iniquité ; si tu l'acceptes tu es complice, si tu le changes, tu es bourreau.
Gœtz : […] Le Bien, c'est l'amour, bon : mais le fait est que les hommes ne s'aiment pas ; et qu'est-ce qui les en empêche ? L'inégalité des conditions, la servitude et la misère. Il faut donc les supprimer.
- Gœtz explique à Nasty pourquoi il distribue ses terres à ses paysans.
Gœtz : Je ne serai pas modeste. Humble tant qu'on voudra, mais pas modeste. La modestie est la vertu des tièdes.
- Gœtz répond à Nasty qui tente de le convaincre d'être modeste, de ne pas vouloir faire le bien universel, pour être réellement bon.
Gœtz : […] Heinrich disait « il a suffi que deux hommes se haïssent pour que la haine, de proche en proche, gagne tout l'univers. » Et moi, je dis, en vérité il suffit qu'un homme aime tous les hommes d'un amour sans partage pour que cet amour s'étende de proche en proche à toute l'humanité.
- Gœtz explique à Nasty pourquoi il est possible de faire le bien universel.
Gœtz […] Je sais que le Bien est plus pénible que le Mal. Le Mal ce n'était que moi, le Bien c'est tout.
- Gœtz explique à Nasty pourquoi le Bien est si complexe.
Nasty : Encore le jeu du pardon ? (Un temps.) C'est un jeu qui m'ennuie : je ne suis pas dans le coup. Je n'ai qualité ni pour condamner ni pour absoudre : c'est l'affaire de Dieu.
- À Heinrich qui lui demande pardon pour sa trahison.
Nasty : Je ne veux pas que tu te réjouisses d'avoir mis des hommes à quatre pattes.
- À Heinrich qui se réjouit de voir des hommes à l'église.
Gœtz : […] Par ma faute… Rien, je sonne creux. Tu veux de la honte, je n'en ai pas. C'est l'orgueil qui suinte de toutes mes plaies : depuis trente-cinq ans je crève d'orgueil, c'est ma façon de mourir de honte. Il faudra changer ça. (Brusquement.) Ôte-moi la pensée ! Ôte-la ! Fais que je m'oublie ! Change moi en insecte ! Ainsi soit-il !
- À Dieu, reconnaissant que c'est de sa faute que Catherine se meurt d'amour.
Hilda : […] Pour moi, je ne sais pas ce que tu me réserves, je ne la connaissais guère mais si tu la condamnes, je ne veux pas de ton ciel. Crois-tu que mille ans de paradis me ferait oublier la terreur de ses yeux ? Je n'ai que mépris pour les élus imbéciles qui ont le cœur de se réjouir quand il y a des damnés en enfer et des pauvres sur la terre ; moi je suis du parti des hommes et je ne le quitterai pas ; tu peux me faire mourir sans prêtre et me convoquer par surprise à ton tribunal : nous verrons qui jugera l'autre.
- Dans l'église criant contre la mort d'une femme.
Hilda : […] Vous aussi, le Diable vous guette. Qui donc aura pitié de vous si vous n'avez pas pitié d'elle ? Qui donc aimera les pauvres si les pauvres ne s'aiment pas entre eux ?
- Aux Villageois voulant chasser Catherine car ils la pensent damnée.
Karl : Bravo ! Laissez les donc s'entre-tuer. La haine, les massacres, le sang des autres sont les aliments nécessaires de votre bonheur.
- À l'instructeur qui lui affirme que le village n'est pas impliqué dans les conflits alentours et qu'il s'en moque.
Gœtz : Plus ils m'aiment et plus je suis seul. Je suis leur toit et je n'ai pas de toit. Je suis leur ciel et je n'ai pas de ciel. Si, j'en ai un : celui-ci, vois comme il est loin. Je voulais me faire pilier et porter la voûte céleste. Je t'en fous : le ciel est un trou. Je me demande même où Dieu loge. (un temps) Je ne les aime pas assez : tout vient de là. J'ai fait les gestes de l'amour mais l'amour n'est pas venu : il faut croire que je ne suis pas doué.
- À Hilda qui veut quitter le village, jalouse de l'amour des villageois pour Gœtz.
Gœtz : Nasty , il faut pendre des pauvres. Les pendre au hasard, pour l'exemple : l'innocent avec le coupable. Que dis-je ? Ils sont tous innocents. Aujourd'hui je suis leur frère et je vois leur innocence. Demain, si je suis leur chef, il n'y a plus que des coupables et je ne comprends plus rien : je pends.
- À Nasty qui souhaite que Gœtz, le meilleur capitaine de l'Allemagne, prenne le commandement de l'armée des pauvres qui est trop faible face au seigneur, et qu'il quitte son village idéal en paix.
Gœtz : Qui es-tu ?
Karl : Prophète comme toi.
Gœtz : Prophète de haine !
Karl : C'est le seul chemin qui mène à l'amour.
- Dialogue entre Karl et Gœtz, le premier voulant que l'armée des pauvres massacres les riches et le second qu'elle se disperse pour vivre dans le Christ, en refusant tout combat.
Karl : Les terres sont à vous : celui qui prétend vous les donner vous dupe, car il donne ce qui n'est pas à lui. Prenez-les ! Prenez et tuez, si vous voulez devenir des hommes. C'est par la violence que nous nous éduquerons.
- Réponse de Karl à Gœtz qui affirme aimer plus les pauvres, et qui en donne pour preuve, le don de ses terres qu'il fit.
Gœtz : Et voilà, mon Dieu : nous sommes de nouveau face à face, comme au bon vieux temps où je faisais le mal. Ah ! Je n'aurais jamais dû m'occuper des hommes : ils gênent. Ce sont des broussailles qu'il faut écarter pour parvenir à toi. Je viens à toi, Seigneur, je viens, je marche dans la nuit : donne moi la main. Dis : La nuit, c'est toi, hein ? La nuit, l'absence déchirante de tout ! Car tu es celui qui est présent dans l'universelle absence, celui qu'on entend quand tout est silence, celui qu'on voit quand on ne voit plus rien. Vieille nuit, grande nuit d'avant les êtres, nuit de la disgrâce et du malheur, cache-moi, dévore mon corps immonde, glisse-toi entre mon âme et moi-même et ronge-moi.Je veux le dénuement, la honte et la solitude du mépris, car l'homme est fait pour détruire l'homme en lui-même et pour s'ouvrir comme une femelle au grand corps noir de la nuit. Jusqu'à ce que je goûte à tout, je n'aurai plus de goût à rien, jusqu'à ce que je possède tout, je ne possèderai plus rien. Jusqu'à ce que je sois tout, je ne serai plus rien en rien. Je m'abaisserai au-dessous de tous et, Seigneur, tu me prendras dans les filets de ta nuit et tu m'élèveras au-dessus d'eux.
- Gœtz s'adressant à Dieu, chassé de l'armée des pauvres après le triomphe oratoire de Karl, et qui avoue avoir échoué face à la méchanceté des hommes.
Hilda : Nous n'irons pas au ciel, Gœtz, et même si nous y entrions tous les deux, nous n'aurions pas d'yeux pour nous voir, pas de mains pour nous toucher. Là-haut, on ne s'occupe que de Dieu. (Elle vient le toucher) Tu es là : un peu de chair usée, rugueuse, misérable, une vie — une pauvre vie. C'est cette chair et cette vie que j'aime. On ne peut aimer que sur cette terre et contre Dieu.
- Hilda s'adressant à Gœtz, qui lui demande pourquoi elle a voulu survivre étant assuré qu'elle le reverrait au Ciel.