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La tularémie est une maladie infectieuse provoquée par Francisella tularensis, le bacille de Francis, une bactérie qui a la propriété de traverser la peau saine. La tularémie touche près de 300 espèces animales, dont les rongeurs, les lièvres, les primates, dont les humains, et des animaux domestiques comme les chiens, les chats, les moutons et les chevaux.
Causes | Francisella tularensis |
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Transmission | Transmission aéroportée (d), transmission vectorielle (d), transmission par contact (d) et contamination féco-orale |
Incubation min | 3 j |
Incubation max | 10 j |
Symptômes | Fièvre, empoisonnement (d), céphalée, anorexie, exanthème, énanthème, lymphadénite, splénomégalie, hépatomégalie, malaise (en), nausée, vomissement, épistaxis, ulcère, bubon (en), pneumonie, pleurésie, trachéite, bronchite, diarrhée, douleur abdominale, mal de gorge (en) et lymphangite |
Médicament | Streptomycine, ciprofloxacine, doxycycline et tétracycline |
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Spécialité | Infectiologie |
CIM-10 | A21 |
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CIM-9 | 021 |
DiseasesDB | 13454 |
MedlinePlus | 000856 |
eMedicine |
230923 emerg/591ped/2327 |
MeSH | D014406 |
Patient UK | Tularaemia |
En Europe, la transmission à l’humain se fait par l’intermédiaire d’un lièvre dans la grande majorité des cas, principalement par contact direct[1]. La transmission par piqûre de tiques est également possible[1]. C'est le mode principal de transmission en Amérique du Nord. En France, l’incidence de la maladie chez l'être humain est faible, de l’ordre de quelques dizaines de cas par an. La forme clinique ulcéro-ganglionnaire est la forme le plus fréquemment observée, mais il existe des formes pulmonaires ou septicémiques graves. Le traitement est variable selon la gravité clinique et repose sur une antibiothérapie.
Dans un article de 2007, le biologiste moléculaire Siro Igino Trevisanato décrit une maladie qui a sévi en -1350 au Moyen-Orient et dont les symptômes et le mode d'infection, connus par des lettres envoyées au pharaon Akhénaton au sujet d'un fléau à Simyra, rappellent cette maladie. Une décennie plus tard, les hittites attaquent cette région et sont à leur tour contaminés. Les Arzawas voulant conquérir les terres de leur voisin hittite, ce dernier laisse volontairement dans ses villages pillés des moutons contaminés. Il s'agit du premier usage connu d'arme biologique. Cette arme se répand dès lors dans toute l'Anatolie puis sur le continent européen lors des guerres menées par les Égéens de la Grèce antique[2].
La maladie a été décrite pour la première fois en 1911 par George W.McCoy, un chirurgien militaire, sur des écureuils du lac de Tulare dans le comté de Tulare en Californie. La bactérie Francisella tularensis est isolée l'année suivante chez un patient souffrant d'une deer fly fever (fièvre de la mouche du daim), sous le nom de Bacterium tularense. En 1921, Francis décrit précisément la maladie sous le nom de tularémie[3], mais différents synonymes persistent : rabbit fever (fièvre du lapin), hare fever (fièvre du lièvre), maladie de Ohara, maladie de Francis…
En 1924, Parker, Spencer et Francis isolent la bactérie chez la tique Dermacentor andersoni (en) et démontrent le rôle des tiques dans la transmission de la bactérie. Dès 1929, Parker montre qu'il existe une transmission transovarienne de la bactérie, établissant ainsi le rôle des tiques en tant que réservoir de la maladie.
La tularémie est une zoonose due à un très petit coccobacille (0,3 - 0,6 micron) : Francisella tularensis. Le réservoir principal de la bactérie est constitué par les lagomorphes et les rongeurs, mais la bactérie peut infecter bien d'autres espèces de vertébrés et d'invertébrés. En France, elle atteint essentiellement les populations de lièvres et la maladie peut être transmise à l'homme par contact avec les viscères (chasse)[4]. Ainsi les lièvres et les tiques représentent les principaux vecteurs de l’infection humaine. Dans les trois quarts des cas, elle est transmise par contact direct de la peau (pénétration du germe à travers la peau saine possible mais favorisée par des égratignures) avec des animaux infectés, des végétaux, le sol, le matériel contaminé (clous, lame, etc.) ou par des éclaboussures projetées dans l’œil ou sur des plaies cutanées (lors d'une tonte de gazon ou un taillage d'arbustes par exemple[5]). Plus rarement, la contamination peut être causée par des piqures d’insectes Tabanidae et par l'ingestion d’aliments ou d’eau contaminés.
Ce germe est très rare en Europe occidentale mais relativement fréquent en Europe orientale et en Scandinavie. Il se développe dans les macrophages[6]. Il est hautement infectieux, une dizaine de germes suffisant pour déclencher une infection grave[7]. Sa prolifération est facilitée par l'inhibition de la réponse inflammatoire de l'hôte par le germe lui-même[7].
Il existe deux types de germes, A et B, sous divisés en plusieurs génotypes : A1a, A1b, A2a, et A2b. Les infections à A1b sont les plus graves[8]
L’incubation est classiquement courte (de 1 à 3 jours), mais peut durer jusqu’à 15 jours[9].
La maladie peut revêtir une forme locale (deux tiers des cas[9]) : ganglion qui évolue vers la suppuration (bubon) ou une forme typhoïde, généralisée, parfois avec éruption. Elle peut donner une forme pneumonique, grave.
Il peut exister une dissociation pouls-température, avec une fréquence cardiaque restant plutôt basse par rapport à la température[10].
Le début est souvent brutal, marqué par une forte fièvre, des frissons, une asthénie, des céphalées, des myalgies et arthralgies, et parfois des signes digestifs (nausées, vomissements).
Les signes cliniques résultent ensuite de la porte d’entrée de la bactérie. À partir de la lésion au point d’inoculation, la bactérie diffuse dans le territoire ganglionnaire de drainage, responsable d’importantes adénopathies.
La dissémination systémique peut ensuite survenir, avec une atteinte multiviscérale. Bien que la tularémie soit une maladie sévère lorsqu’elle est due à Francisella tularensis biovartularensis (biovar A), de nombreux cas occasionnés par d’autres souches de virulence atténuée sont très probablement sous-diagnostiqués.
Cette atteinte multiviscérale a pour conséquence des manifestations de la maladie sous différentes formes cliniques.
La forme que prend la maladie dépend du type de contamination[11].
La forme typhoïdique débute brutalement par un syndrome pseudogrippal non spécifique, associant diarrhée et vomissements, céphalées, frissons, myalgies et arthralgies, prostration et amaigrissement. Habituellement, aucun signe d’orientation ne permet de retrouver la porte d’entrée : il n’existe pas d’atteinte pulmonaire, d’ulcérations ni d’adénopathies inflammatoires. L’évolution peut être grave vers un choc septique avec coagulation intravasculaire disséminée, hémorragies, détresse respiratoire aiguë, confusion, défaillance d’organes et coma. Elle peut faire suite à l’ingestion ou à l’inhalation de Francisella tularensis. Une bactériémie vraie avec hémocultures positives à Francisella tularensis n’est pas toujours observée. La forme septicémique est potentiellement sévère et létale. Toutes les formes de tularémie peuvent se compliquer d’une septicémie. Les signes cliniques ne sont pas spécifiques : fièvre, douleurs abdominales, diarrhée et vomissements sont fréquemment observés à un stade précoce de la septicémie. Une dissociation pouls-température est observée dans moins de 50 % des cas. Le plus souvent, les patients évoluent vers un choc septique avec coagulation intravasculaire disséminée, hémorragies, détresse respiratoire aiguë, confusion, défaillance d’organes et coma.
La forme ganglionnaire est caractérisée par la présence d’adénopathies dans un contexte fébrile, sans ulcération cutanée (de 5 % à 10 % des formes de tularémie).
La forme oculoganglionnaire (de 1 % à 2 %) survient après contact aérosolisé ou par auto-inoculation (portage des mains). Des ulcérations de la cornée peuvent s’accompagner d’une conjonctivite purulente, d’un chémosis, d’un œdème périorbitaire, de nodules ou d’ulcérations conjonctivaux douloureux. Il existe des adénopathies préauriculaires, sous-maxillaires, carotidiennes ou cervicales. Lors de l’épidémie survenue en Suède en 1966, 26 % des cas confirmés présentaient une conjonctivite.
Cette forme est observée après ingestion d’eau ou d’aliments contaminés, après inoculation directe par les mains contaminées ou plus rarement par inhalation de particules aérosolisées. Il existe une angine douloureuse avec hypertrophie des amygdales et fausses membranes blanchâtres. Les stomatites sont plus rares. Un abcès rétropharyngé ou une adénite suppurée régionale peuvent être notés. Au cours de l’épidémie suédoise, 31 % des cas confirmés présentaient une pharyngite, 9 % présentaient des ulcérations buccales.
Elle résulte de l’inhalation de bactéries aérosolisées (pneumonie primaire) ou est secondaire à une bactériémie provenant d’une autre porte d’entrée (pneumonie secondaire). Aux États-Unis, de 10 à 20 % des cas de tularémie comprennent une atteinte pulmonaire. Lors de l’épidémie suédoise de 1966 ( Francisella tularensis de type B), parmi les 140 cas confirmés par sérologie et suspectés d’avoir été contaminés par inhalation, 14 patients (10 %) avaient des signes de pneumopathie (dyspnée, douleur thoracique). La pneumonie primaire serait la forme la plus susceptible d’être observée en cas d’acte de bioterrorisme par aérosolisation de bactéries. La radiographie pulmonaire peut montrer des infiltrats péribronchiques qui évoluent typiquement vers une pneumopathie, des épanchements pleuraux et des adénopathies périhilaires. Une pneumopathie interstitielle, des lésions cavitaires, une fistule bronchopleurale et des calcifications peuvent également être observées. Cependant, les signes radiologiques peuvent être minimes, voire absents. Ainsi, la sémiologie radiologique pulmonaire est hautement variable, pouvant faire évoquer des infections bactériennes ou fongiques autres, la tuberculose ou une pathologie tumorale. Le diagnostic de pneumonie tularémique doit être évoqué devant une pneumopathie atypique associée à une ulcération cutanée ou muqueuse et/ou des adénopathies localisées chez un patient ayant des activités en milieu rural. Une progression vers une pneumopathie extensive et sévère avec détresse respiratoire, hémoptysie, septicémie et décès peut survenir en l’absence de traitement antibiotique spécifique.
Le germe étant hautement contagieux, les laboratoires doivent être prévenus en cas de suspicion[11].
Il y a une grande difficulté à mettre le germe en évidence par culture directe, même lorsqu'il est visible en grand nombre dans le pus ganglionnaire, il est rare d'obtenir un développement. Il en va de même de l'hémoculture qui est constamment négative. L'inoculation sur un tissu frais permet d'augmenter la rapidité de culture et la sensibilité[12]. Pour cette raison, il est préférable d'inoculer le prélèvement à une souris ou un cobaye et de sub-cultiver la rate de l'animal sacrifié sur milieu artificiel. L'absence d'antibiogramme n'est pas un obstacle, la sensibilité du germe aux antibiotiques n'ayant guère de variations[13].
Les prélèvements biologiques pour le laboratoire de bactériologie à effectuer lors d’une suspicion de tularémie sont :
Il est rarement positif à partir de la ponction ganglionnaire. La coloration de Gram est difficile et révèle un très fin coccobacile à Gram négatif, immobile.
Elles permettent l’isolement de la bactérie à partir des liquides biologiques prélevés (sang, crachats, sérosités, ponctions...). L’identification est d’abord présomptive, appuyée sur la discordance de croissance en aérobiose entre une gélose nutritive et une gélose chocolat supplémentée. Quelques caractères d’orientation peuvent aider au diagnostic : catalase faible et oxydase négative. L’isolement de la bactérie dans le sang après hémocultures est rare. Seulement 20 cas sont rapportés dans la littérature et la plupart sont décrits aux États-Unis. Seulement deux cas de bactériémies dus au type B de F. tularensis ont été rapportés en Europe. La bactériémie peut être observée en association avec toutes les formes cliniques de tularémie.
La bactérie peut être identifiée par immunofluorescence directe sur des sécrétions ou par immunohistochimie sur des prélèvements anatomopathologiques, mais ces techniques ne sont pas disponibles en routine.
Le sérodiagnostic prend une importance primordiale[14]. On le réalise de la même façon que la séro-agglutination de Wright, au moyen d'une suspension de Fr. tularensis récoltée sur milieu solide et tuée. Le sérodiagnostic est cependant positif qu'après deux semaines de maladie[10].
Il existe des méthodes d’agglutination ou d'immunoabsorption. Ces réactions ont une spécificité médiocre, en particulier à la phase initiale. La sérologie ne se positive qu’au dixième jour d’évolution et il existe des réactions croisées avec les gènes Brucella, Proteus et Yersina. La sérologie peut rester positive pendant 10 ans et une ascension significative du taux d’anticorps doit être observée pour poser le diagnostic d’infection aiguë.
L’amplification génique par polymerase chain reaction (PCR) de l’acide désoxyribonucléique de F.Tularensis est possible mais encore peu utilisée. Elle peut être pratiquée pour un diagnostic précoce lors d’une très forte présomption clinique. Cette méthode permet un diagnostic rapide et évite les risques de contamination liés aux cultures bactériennes. Récemment, une technique de PCR applicable sur des tissus fixés a été développée. Cette technique pourrait permettre le diagnostic de formes atypiques de tularémie sur des biopsies d’organes infectés.
L’intradermoréaction à la tularine permettait de réaliser un diagnostic relativement précoce (positive dès le cinquième jour après le début des signes). La commercialisation par l'Institut Pasteur Production d’une préparation pour intradermo-réaction, la tularine, ne se fait plus en France depuis 1976.
Le traitement par antibiotiques est empirique, la difficulté de culture du germe ne rendant guère possible un antibiogramme.
Le traitement consiste en une antibiothérapie par fluoroquinolones[15],[16] associés à un aminoside (comme la gentamicine[17]) pendant 14 jours. La tétracycline est moins régulièrement efficace[18].
Dans les formes sévères de la tularémie, on associe deux antibiotiques, par exemple un aminoside et une fluoroquinolone.
Aux États-Unis, il existe un vaccin[réf. nécessaire].
En France, la déclaration obligatoire de la tularémie humaine avait été supprimée en 1986. Elle a été réinstaurée en 2002 (Circulaire DGS/SD 5 n °2002-492 du relative à la transmission obligatoire de données individuelles à l’autorité sanitaire en cas de tularémie[19]). La surveillance épidémiologique de la tularémie en France repose donc sur la notification obligatoire des cas et sur l’envoi de la souche isolée au Centre national de référence de la tularémie au laboratoire de l’Unité zoonoses bactériennes de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) à Maisons-Alfort. Tout médecin ou biologiste ayant connaissance d’un ou de plusieurs cas humains de tularémie doit impérativement alerter le médecin inspecteur de santé publique de l'Agence Régional de Santé (ARS), au service veille sanitaire en passant par le Point Focal Régional (PFR). Celui-ci doit immédiatement en informer l’Institut national de veille sanitaire (INVS) qui diligente une enquête épidémiologique. En cas de doute sur l’utilisation à une fin terroriste de F. tularensis, le procureur de la république doit être saisi.
La tularémie est classée comme danger sanitaire de seconde catégorie pour les espèces animales dans la législation française[20]. La surveillance dans la faune sauvage, principalement le Lièvre d'Europe est faite par le Réseau SAGIR et le laboratoire de santé animale de Maisons-Alfort de l'Anses. Entre 2002 et 2013, le nombre de cas confirmés variait entre 41 et 121 par an[21]. La majorité des cas sont des Lièvres d'Europe, mais des cas sont également décrits chez le Lapin de Garenne, le Chevreuil et le Sanglier[21].
Vu sa propriété de traverser la peau intacte, Francisella tularensis a été (ou est encore) une arme bactériologique possible. La faible dose infectante (de 10 à 50 bactéries), la possibilité d’une contamination par voie inhalée et la sévérité des infections par F. tularensis font de cette bactérie un agent potentiellement utilisable dans le cadre d’un acte de bioterrorisme. Ainsi, la bactérie a été classée par le Center for Disease Control (CDC) dans la catégorie A des agents potentiels de bioterrorisme, avec les agents de la maladie du charbon (Bacillus anthracis), de la variole, des fièvres hémorragiques virales, de la peste (Yersinia pestis), et de la toxine botulique.
En France, la tularémie fait partie des Maladies infectieuses à déclaration obligatoire depuis 2002[22] et depuis 2011 des dangers sanitaires de 2e catégorie[23]. La tularémie, sous toutes ses formes cliniques, est inscrite au tableau des maladies professionnelles sous le numéro 68 pour le régime général, et sous le numéro 7 pour le régime agricole[24].
Au Québec, elle est une maladie à déclaration obligatoire.
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