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En informatique théorique, la réécriture (ou récriture[1]) est un modèle de calcul dans lequel il s’agit de transformer des objets syntaxiques (mots, termes, lambda-termes, programmes, preuves, graphes, etc.) en appliquant des règles bien précises.
La réécriture est utilisée en informatique, en algèbre, en logique mathématique et en linguistique. La réécriture est utilisée en pratique pour la gestion des courriers électroniques (dans le logiciel sendmail, les entêtes de courrier sont manipulées par des systèmes de réécriture[2]) ou la génération et l'optimisation de code dans les compilateurs[3].
Voici quelques exemples classiques d’utilisation de la réécriture :
Un système de réécriture est un ensemble de règles de réécriture de la forme r → r’. Une telle règle s’applique à l’objet syntaxique t si celui-ci contient une instance du membre gauche r, c’est-à-dire un sous-objet que l’on peut identifier à r. L’objet t se réécrit alors en un nouvel objet t’, obtenu en remplaçant l’instance de r par l’instance du membre droit r’ correspondante. Notation : t → t’.
Nous allons expliciter ce principe général dans chacun des trois cadres classiques de la réécriture.
Une telle règle s’applique au mot t si celui-ci est de la forme urv où u et v sont des mots quelconques (éventuellement vides). Le mot t se réécrit alors en ur’v. Autrement dit, on applique la règle r → r’ dans le contexte formé du préfixe u et du suffixe v. Exemple : pour u = a et v = bc, on obtient aabbc → acaabc.
Une instance du membre gauche est un sous-terme s obtenu en remplaçant les variables de r par des termes quelconques. L’instance correspondante du membre droit s’obtient en remplaçant les variables de r’ par ces mêmes termes. Exemple : (x + 0) · (x + 1) est une instance de x · (y + z) et l’instance correspondante de x · y + x · z est (x + 0) · x + (x + 0) · 1. On a donc (x + 0) · (x + 1) → (x + 0) · x + (x + 0) · 1, et aussi ((x + 0) · (x + 1)) + y → ((x + 0) · x + (x + 0) · 1) + y.
Remarque : si la signature est uniquement constituée de symboles d’opérations unaires, alors chaque règle contient une seule variable, qui apparaît une fois à gauche et une fois à droite. Exemple : a(b(x)) → c(a(a(x))). Ainsi, la réécriture de mots peut être considérée comme un cas particulier de la réécriture de termes.
Le lambda-calcul est à la fois un modèle de la calculabilité, le prototype de tous les langages de programmation fonctionnels, et la version non typée de l’élimination des coupures pour la déduction naturelle. En fait, c’est un cas particulier de réécriture de termes du second ordre. La principale différence avec le cadre précédent est que les termes contiennent des variables liées qui rendent le mécanisme de substitution plus subtil.
Notation : si t0 → t1 → t2 → ··· → tn, on écrit t0 →* tn. Autrement dit, →* est la clôture réflexive transitive de →.
Définition : si aucune règle ne s’applique à t, on dit que t est irréductible ou en forme normale, et si t →* u où u est en forme normale, on dit que u est une forme normale de t.
On dit qu’un système de réécriture est noethérien, ou qu’il satisfait la propriété de terminaison, s’il n’existe aucune suite infinie t0 → t1 → t2 → ··· → tn → ···
Exemples (réécriture de mots) :
En général, la propriété de terminaison se démontre en construisant un ordre de terminaison, c’est-à-dire un ordre strict bien fondé < tel que t → t’ implique t > t’.
Dans le cas noethérien, tout objet a une forme normale. De plus, on a un principe de récurrence noethérienne : si pour tout t, la propriété P(t) est vraie chaque fois qu'on a P(t’) pour tous les t’ tels que t → t’, alors P(t) est vraie pour tout t.
Remarque : la propriété de terminaison pour un système (fini) de réécriture de mots est un problème indécidable. Il est de même pour l'absence de cycles.
Terminologie : La terminaison est parfois aussi appelée forte normalisation en lambda-calcul par exemple.
La nature non-déterministe de la réécriture fait qu’on peut appliquer plusieurs règles au même objet, obtenant ainsi plusieurs résultats différents.
Pour un système de réécriture donné, la propriété de confluence s’énonce ainsi : si t →* u et t →* v, alors il existe w tel que u →* w et v →* w. Elle équivaut à la propriété de Church-Rosser.
Exemples (réécriture de mots) :
Dans le cas noethérien, par le lemme de Newman, la confluence équivaut à la confluence locale, aussi appelée confluence faible : si t → u et t → v, alors il existe w tel que u →* w et v →* w.
Un système de réécriture qui se termine et est confluent est dit convergent. Dans ce cas, on a l’existence et l’unicité de la forme normale, si bien que le problème du mot est décidable, du moins si le système est fini.
Remarque : dans le cas noethérien, la propriété de confluence pour un système (fini) de réécriture de mots ou de termes est un problème décidable. Il suffit en effet de tester la confluence d’un nombre fini de configurations appelées paires critiques. Par exemple, dans le cas du système formé des deux règles ab → ε et ba → ε, il suffit de vérifier la propriété de confluence locale pour les mots aba et bab. Ces paires critiques sont analogues aux bases de Gröbner utilisées en algèbre commutative.
Si un système de réécriture est noethérien, mais pas confluent, on essaie de le rendre convergent en utilisant la procédure de complétion de Knuth-Bendix.
Dans le cas de la réécriture de mots, un système de réécriture définit une présentation par générateurs et relations d'un monoïde. Ce monoïde est le quotient Σ*/↔*, où Σ* est le monoide libre engendré par l’alphabet Σ et ↔* est la congruence engendrée par les règles de réécriture, c’est-à-dire la clôture réflexive, symétrique et transitive de →. Exemple : Z = Σ*/↔* où Σ = {a, b} avec les deux règles ab → ε et ba → ε (groupe libre à un générateur).
Comme un monoïde M a beaucoup de présentations, on s’intéresse aux invariants, c’est-à-dire aux propriétés intrinsèques du monoïde M, qui ne dépendent pas du choix de la présentation. Exemple : la décidabilité du problème du mot pour M.
Un monoïde finiment présentable M peut avoir un problème du mot décidable, mais aucune présentation par un système de réécriture convergent fini. En effet, s’il existe un tel système, le groupe d’homologie H(M) est de type fini. Or on peut construire un monoïde finiment présentable dont le problème du mot est décidable et tel que le groupe H(M) n’est pas de type fini.
En fait, ce groupe est engendré par les paires critiques, et plus généralement, un système de réécriture convergent permet de calculer l’homologie du monoïde en toute dimension. Il y a aussi des invariants homotopiques : s’il existe un système de réécriture convergent pour un monoïde, on montre que celui-ci a un type de dérivation fini. Il s’agit à nouveau d’une propriété qui se définit à partir d’une présentation (finie), mais qui ne dépend pas du choix de cette présentation. Cette propriété implique que le groupe H(M) est de type fini, mais la réciproque n’est pas vraie.
Un mot tel que aabbc peut être interprété comme un chemin dans le graphe composé d’un seul sommet, avec une arête pour chaque symbole a, b, c. Si on part d’un graphe quelconque, on obtient une catégorie plutôt qu’un monoïde. Un calcul tel que aabbc → acaabc → acacaac peut alors être interprété comme un chemin entre chemins, aussi appelé 2-chemin :
Cette remarque suggère une généralisation de la réécriture de mots où les objets sont des 2-chemins, que l’on peut aussi représenter par des diagrammes planaires :
Il se trouve que la réécriture de termes peut se traduire dans un tel système, à condition d’introduire des opérations explicites de duplication, d’effacement et d’échange (analogues aux règles structurelles du calcul des séquents) :
Mais cette approche est bien plus générale que la réécriture de termes. Voici quelques domaines où un tel formalisme peut être utilisé :
Enfin, on peut considérer la réécriture de n-chemins, qui consiste à construire des n+1-chemins. Pour cela, on utilise la théorie des catégories et des polygraphes (aussi appelés computades), qui établit un pont entre la théorie du calcul et la topologie algébrique.
Le premier langage fondé sur la réécriture est Hope, dû à Burstall, McQueen et Sanella[6], quoiqu'on puisse lui trouver deux ancêtres dans les travaux de Burge[7] et d'O'Donnell[8]. Depuis, plusieurs langages de programmation ont pris pour mécanisme interne la réécriture, parmi lesquels ASF+SDF[9], ELAN[10], Maude[11], Stratego[12] et Tom[13]. Ce dernier a l'intérêt de mélanger des constructions venant de la réécriture avec le langage Java.
Bien qu'appartenant à la catégorie des langages fonctionnels, Haskell et OCaml reposent également sur un principe de base de la réécriture : le filtrage de motif.
Le langage Wolfram, bien que permettant divers paradigmes de programmation, est fondamentalement un système de réécriture[réf. nécessaire].
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