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principe d'organisation sociale couramment pratiquée en Suisse De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le système de milice, aussi dit principe de milice, est un principe d'organisation couramment pratiqué dans la vie publique en Suisse[1]. Dans le modèle de société helvétique, le système de milice constitue un pilier central aux côtés de la démocratie directe, du fédéralisme et de la concordance[2].
Dans la pratique, il englobe les affaires politiques et militaires, et s'étend à d'autres domaines d'intérêt général, telles que les tâches communales ou la gestion des catastrophes.
Le principe de milice repose sur l'idée républicaine selon laquelle la citoyenne ou le citoyen qui en a les capacités doit assumer des charges et des tâches publiques à titre extraprofessionnel et honorifique (ehrenamtlich)[1]. L'engagement de milice constitue ainsi un service temporaire, à temps partiel ou bénévole, au bénéfice de la communauté[3].
Dans une perspective d'idéal démocratique, la souveraineté populaire englobe ainsi non seulement de participer à la prise de décisions dans les affaires publiques (autodétermination), mais également à l'exécution de celles-ci (autogestion).
Le principe de milice constitue une maxime d'organisation publique qui, comme le principe de démocratie, n'est pas exhaustivement codifiée. Il s'agit d'un principe constitutif de l'État (staatstragendes Prinzip)[3].
Au niveau fédéral et constitutionnel, le principe de milice se déduit néanmoins du principe de subsidiarité (art. 5a de la Constitution fédérale[4].), de l'appel à la responsabilité individuelle et sociale (art. 6 Cst. féd[5].) et est explicitement consacrée pour l'organisation de l'armée à teneur de l'art. 58 al. 1 Cst. féd[6].
L'activité de milice se distingue de l'activité bénévole principalement à raison de son degré d'institutionnalisation : l'activité de milice s'exerce toujours dans un domaine reconnu d'intérêt public par la loi et dans un rapport de droit spécial envers la collectivité publique.
Dans les faits, on trouve toutefois de nombreux chevauchements entre activité bénévole et activité de milice.
Le terme « milice » découle de la racine latine militia (domaine de la guerre, service militaire).
Historiquement, le principe de milice repose sur l'idée du citoyen-soldat, issu de l'Antiquité et réapproprié à l'époque moderne, en particulier durant la Révolution française[7].
Dans la démocratie attique et au début de la République romaine, le terme désignait aussi l'exercice des charges civiles. Les propriétaires fonciers libres, qui ont pu se défendre de manière indépendante, ont mutualisé, dans l'assemblée du peuple, leurs efforts et responsabilités pour garantir la souveraineté de leurs terres.
L'expansion au domaine politique a eu lieu pendant la période de l'Ancien Régime. Le droit de participer aux décision de la communauté va de pair avec le devoir de la défendre[8],[9].
En Suisse, l'esprit de milice, en tant que responsabilité individuelle envers le groupe, était une tradition ancienne ; elle a été introduite auprès de la population des communautés rurales et régions confédérales à la fin du Moyen Âge, comme le témoigne par exemple le Pacte fédéral de 1291. À cette époque, l'entraide était répandue sous différentes formes d'organisations coopératives et faisait écho au devoir d'assistance chrétien (Caritas).
Les pionniers suisses du mouvement des Lumières (ex. Beat Ludwig von Muralt, Isaac Iselin) ont établi que le courage, la frugalité, l'entraide, la confiance en ses propres capacités de jugement et le rejet des artifices mondains constituaient des valeurs républicaines essentielles pour bâtir une conscience nationale et une structure d'État communaliste en Suisse. Dès 1830, le système de milice a été consacré dans les constitutions cantonales notamment à la faveur des communes et de leur autonomie[9],[10].
Sur le plan organisationnel, le principe de milice est mis en œuvre par le volontariat, d'une part, et l'obligation de servir (Dienstpflicht), d'autre part.
Selon le Tribunal fédéral, le principe de milice ne pourrait pas être mis en œuvre sans conscription générale et que l'obligation de servir constitue ainsi le complément nécessaire au principe de milice[11].
Les activités de milice volontaire sont nombreuses dans la vie publique helvétique et reflètent de son caractère essentiel pour le modèle fédéraliste de démocratie directe.
Au niveau cantonal et communal, les miliciennes et de miliciens forment le corps législatif, parfois même l'autorité exécutive dans les communes de petite échelle.
Au niveau fédéral, l'Assemblée fédérale est également connue sous le nom de « parlement de milice ». Toutefois, cette affirmation est mise à mal dans la pratique.
La plupart des membres de l'Assemblée fédérale, soit les deux chambres législatives helvétiques (Conseil national et Conseil des États), ont, tout comme les parlementaires aux niveaux cantonal et communal, un emploi en sus de leur activité parlementaire. Toutefois, des études récentes montrent que seul un peu plus de 10% des membres du Conseil national consacrent moins d'un tiers de leur temps de travail à un mandat parlementaire et peuvent donc être qualifiés de «miliciens parlementaires» au sens strict. Cette catégorie a de facto désormais complètement disparu au Conseil des États: la majorité des membres consacrent plus des deux tiers de leur temps de travail à un mandat parlementaire. Le pouvoir législatif fédéral est donc un mélange d'activité de milice et de politique professionnelle[12].
La Commission de la concurrence (COMCO) est une autorité fédérale de milice[13] ; elle est responsable de la mise en application du droit suisse de la concurrence, et se compose d'un collège de douze personnes, agissant sur base milicienne.
Dans les communes, et plus fortement dans celles de petite taille, la plupart des bureaux officiels (entretien des écoles, services sociaux, commission d'audit, commission du génie civil et des travaux, commission du bâtiment, commission des biens, commission de la culture, commission du concept d'aménagement paysager, bureau électoral, etc.) sont réalisés par les autorités miliciennes. En 2019, on comptait environ 100 000 personnes directement impliquées dans la vie politique locale, soit près de 1 titulaire du droit de vote sur 50[2].
La milice obligatoire renvoie à l'obligation de servir masculine et militaire (art. 58 al. 1[14] en lien avec art. 59 al. 1 Cst. féd[15].) et, par extension, aux services de remplacement au service militaire, c'est-à-dire le service civil (pour les conscrits aptes à l'armée mais objecteurs de conscience) et la protection civile (pour les conscrits inaptes à l'armée).
L'armée suisse est constituée de soldats et d'officiers ayant une profession civile et appelés au service militaire chaque semaine ou en bloc pendant un certain nombre d'années. La Suisse n'a pas ainsi d'armée permanente en temps de paix, les troupes étant essentiellement appelées à des fins de formation[3].
Des activités miliciennes sont obligatoires dans les cantons et les communes suisses, par exemple:
En tel cas, l'obligation de servir s'étend généralement, dans une certaine classe d'âge, à toute personne résidente d'une certaine classe d'âge ; qu'il s'agisse des hommes ou des femmes, des personnes suisses ou des personnes étrangères.
L'activité de milice demeure importante en Suisse. Cependant, on dénote de nombreuses carences en effectifs sur le plan quantitatif ou qualitatif, par exemple chez les pompiers-volontaires[23] ou dans les mandatures communales[24].
La prise de responsabilité volontaire, à titre extraprofessionnel et honorifique de tâches et de charges publiques, n'est généralement pas ou seulement partiellement rémunérée. Là où l'activité de milice est remplacée par une professionnalisation (évaluation externe de l'école, autorité de protection de l'enfant et de l'adulte, etc.), les coûts sont plusieurs fois plus élevés et l'acceptation sociale est moindre car la milice est ancrée dans la population.
Les fusions communales péjorent également l'engagement milicien, car les gens se sentent moins rattachés aux nouvelles communautés, par définition plus grandes, et ils se sentent donc moins responsables de celles-ci.
L'Association des Communes Suisses veut renforcer le système de milice pour qu'il reste durable, car le système politique en Suisse vit, à tout niveau, de la participation et de l'engagement de ses citoyens : elle a déclaré l'an 2019 « année du travail de milice »[25]. À cette fin, des plateformes ont été créées pour fournir et recevoir des impulsions, dans une approche transdisciplinaire et participative.
Le 26 avril 2022, l'association servicecitoyen.ch a lancé l'initiative populaire fédérale 'Pour une Suisse qui s’engage (initiative service citoyen)', laquelle a abouti le 20 novembre 2023[26]. Cette initiative a pour but d'introduire un service citoyen, c'est-à-dire une obligation de servir dans l'armée, la protection civile ou le service civil pour toute personne de nationalité, en remplacement de l'obligation de servir militaire et masculine[27]. Ce projet vise notamment à poursuivre le développement du système de milice tout en revitalisant son esprit, au-delà du service militaire[28].
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