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massif montagneux espagnol De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La sierra de Guadarrama est un massif montagneux d'Espagne, entre Ségovie et Madrid, près de Guadarrama.
Le toponyme Guadarrama vient probablement de l'arabe Oued-er-rmel, fleuve des sables. C'est ainsi que se nommait anciennement le fleuve Manzanares qui naît dans ces montagnes. Il faut cependant attendre le XVIIIe siècle pour que le nom s'applique à l'ensemble du massif montagneux. Il était jusqu'alors plus courant de nommer l'endroit montes Carpetanos nom du peuple qui occupait la région il y a plus de 2 000 ans, les Carpétans.
Longue d'environ 80 km, la sierra de Guadarrama s'élève comme division naturelle entre les deux plateaux Nord et Sud qui constituent le centre de la péninsule Ibérique (la Meseta central). Le massif s'étend entre la vallée du fleuve Alberche qui la sépare de la sierra de Gredos et le col de Somosierra, au-delà duquel débute la sierra de Ayllón. La sierra de Guadarrama sert de frontière naturelle entre les bassins du Tage et du Douro, en leur offrant certains de leurs plus notoires affluents. Ainsi les fleuves Jarama et Guadarrama alimentent le Tage, tandis que le Duratón, le Cega et le Eresma s'offrent au Douro.
L'altitude maximale atteinte par les montagnes du Guadarrama est, avec le pic de Peñalara, de 2 428 mètres. Les coteaux les plus élevés servent à un élevage extensif qui offre une viande de très haute qualité dont l'indication géographique est protégée sous le nom de "carne de la Sierra de Guadarrama".
La sierra de Guadarrama est le fruit du choc entre les plaques correspondantes aux plateaux nord et sud, toutes deux appartenant à la Meseta centrale de la péninsule Ibérique. La chaîne de montagnes se forma durant l'ère cénozoïque, cependant l'essentiel de la roche granitique qui compose ces montagnes appartient à l'orogenèse varisque. Les montagnes de la sierra de Guadarrama ont subi une importante érosion : c'est une chaîne de montagnes bien plus ancienne que les Pyrénées ou les Alpes.
À une altitude plus basse, les coteaux sont peuplés de pins sylvestres et sont réputés comme étant parmi les plus belles pinèdes d'Espagne. Le bois représente par ailleurs l'une des ressources économiques traditionnelles de la région. On y trouve aussi des forêts de chênes tauzins. Tandis que la partie plus occidentale est plutôt peuplée de pins parasols, de chênes faginés et de chênes verts.
Ces écosystèmes permettent le développement d'une faune sauvage variée : des bouquetins (réintroduits en 1990), des cerfs, des sangliers, des chevreuils, des daims, des blaireaux, des mustélidés, des chats sauvages, des renards, des lièvres, etc.
La sierra de Guadarrama compte aussi avec une précieuse collection de rapaces et de vautours, tels que le circaète Jean-le-Blanc, l'aigle botté, l'aigle royal, le vautour fauve, le vautour moine, le milan noir, le milan royal, la buse variable… On y trouve aussi des hiboux grand-duc et des hiboux moyen-duc et une grande variété d'oiseaux aquatiques notamment grâce aux nombreux lacs artificiels censés alimenter Madrid en eau. La pisciculture de truites constitue par ailleurs une des ressources économiques traditionnelles de la zone.
La sierra de Guadarrama se trouve dans une zone climatique méditerranéenne continentalisée, qui se caractérise par des températures qui varient beaucoup d'une saison à l'autre et par un été très sec. Cependant, comme pour toutes les montagnes, le climat change selon l'altitude.
Entre 800 et 1 400 mètres d'altitude, les précipitations annuelles se situent entre 700 et 800 mm. La température moyenne est entre 10 et 11 degrés Celsius, les températures maximales en été atteignent 28 °C tandis qu'en hiver les minimales atteignent −6 °C. Dans cette zone de basse montagne il neige fréquemment de décembre à février, mais la neige ne se maintient pas plus de trois jours.
Entre 1 400 et 2 000 mètres d'altitude, les précipitations annuelles se situent entre 900 et 1 000 mm. La température moyenne oscille entre 8 et 9 °C atteignant en été des températures maximales de 25 °C et en hiver des minimales de −8 °C. Dans cette zone de moyenne montagne la neige peut demeurer jusqu'au mois d'avril.
Entre 2 000 et 2 430 mètres d'altitude, les précipitations annuelles se situent entre 1 200 et 2 500 mm. La température moyenne oscille entre 6 et 7 °C atteignant en été a des températures maximales de 22 °C et des minimales en hiver −12 °C. Les neiges ne fondent habituellement qu'après le mois de mai.
Deux villes se sont longuement disputées l'usufruit de ces montagnes. Ségovie ayant traditionnellement exploité, depuis sa fondation par les Romains, les forêts environnantes et les ressources minières, notamment grâce à la route romaine qui traverse le massif par le col de La Fuenfría. Cependant, convoitée par la cour royale installée à Madrid ou à l'Escurial, la donne territoriale changea en faveur de la province de Madrid.
Sa condition de barrière naturelle a fait du massif un des lieux privilégiés pour les batailles des principales guerres de la péninsule. Ainsi, pendant la Reconquista, la sierra de Guadarrama a été pendant longtemps la frontière entre l'Espagne chrétienne et les royaumes musulmans, témoins de cette époque, les villages fortifiés de Buitrago del Lozoya ou de la Pedraza.
Durant la période musulmane, ces montagnes furent habitées par les Berbères qui exploitèrent les coteaux pour y faire un élevage alors réputé dans tout le monde arabe.
Après la prise de Tolède, en 1085, par le roi Alphonse VI de Castille, et avec l'initiative des rois Alphonse VII et VIII, le piémont guadarraméen est progressivement réhabité. En 1273, Alphonse X de Castille concéda aux habitants des principaux cols du massif des privilèges fiscaux. Cependant le milieu demeurait hostile pour l'époque. Un chant traditionnel de noël du XVe siècle illustre bien la perception populaire des montagnes de Guadarrama :
Por las sierras de Madrid tengo que d’ir
que mal miedo he de morir
soy chequita e agraciada
en Segovia he mi morada
mas por verme desposada tengo d’ir
que mal miedo he de morir…
Par les montagnes de Madrid je dois aller
quelle peur j'ai de mourir
je suis petite et gracieuse
ma maison est à Ségovie
pour me voir mariée je dois y aller
quelle peur j'ai de mourir…
Un ambassadeur de la république de Venise, Andrea Navagero, décrivait au XVIe siècle les difficultés éprouvées à passer l'un de ces cols avec le froid. Aux aléas climatiques s'ajoutait l'insécurité des lieux souvent fréquentés par les bandoleros qui fuyaient Madrid ou Ségovie, tel que le Borgne de Pirón ou la bande des peseteros.
Pendant la guerre d'indépendance espagnole, les armées napoléoniennes s'ouvrirent la voie vers Madrid à la bataille de Somosierra le .
Les premiers signes d'intérêt pour la faune et la toponymie des lieux, apparaissent au Moyen Âge avec un ouvrage sur la chasse, le Libro de Montería, chargé par le roi Alphonse XI. Le Libro de buen amor écrit au XIVe siècle par l'arcipreste de Hita situe quelques-unes de ses péripéties amoureuses sur le chemin tortueux qui mène à Ségovie. Malgré son aspect hostile, la sierra de Guadarrama connut un intérêt croissant. La fraîcheur de ses températures estivales et la beauté de ses paysages en faisait un lieu idéal pour le recueillement, tandis que ses immenses coteaux de chasse ne laissèrent pas indifférente la noblesse castillane qui y vit un lieu idéal de villégiature. Philippe II ordonna au XVIe siècle la construction du monastère de l'Escurial. Au XVIIIe siècle, Philippe V fit construire le palais royal de la Granja.
De nombreux écrivains français s'intéressèrent aussi au massif montagneux. Théophile Gautier en offre, dans son voyage en Espagne, une belle description :
Alexandre Dumas écrivait dans de Paris à Cadix :
C'est ainsi que les montagnes du Guadarrama furent présentées à un large public européen. Après les mésaventures napoléoniennes qui donnèrent à ces montagnes une réputation infernale, la génération romantique redonna à la sierra de Guadarrama ses titres de noblesse.
Mais les hommes qui contribuèrent le plus à faire découvrir la sierra de Guadarrama furent sans doute Francisco Giner de los Ríos, fondateur de la Institución Libre de Enseñanza et ses disciples Constancio Bernaldo de Quirós et Manuel Bartolomé Cossío. En 1880 se fonda la Sociedad para el Estudio del Guadarrama, société pour l'étude du Guadarrama. En 1883 commencèrent les premières excursions pédagogiques de l'Institution libre d'enseignement. En 1913 Constancio Bernaldo de Quirós fonda la société des amis de Peñalara, du nom du pic plus élevé du massif, et publia de nombreux livres sur ces montagnes. C'est ainsi que fut inculquée à la fine fleur de l'intelligentsia castillane l'amour pour les montagnes. Antonio Machado, ancien élève de l'institution, et ses innombrables poèmes consacrés à la sierra de Guadarrama en demeurent l'exemple le plus brillant.
Écrire un poème sur ces montagnes semble être devenu avec le temps un exercice incontournable du poète espagnol, et nombreux sont ceux qui s'y sont adonnés tels que : Vicente Aleixandre, Carlos Fernández Shaw, Rafael Alberti ou Leopoldo María Panero.
La sierra de Guadarrama fut le théâtre d'un des tout premiers combats de la Guerre d'Espagne, en juillet-août 1936 : la bataille de Guadarrama (es), qui vit les loyalistes bloquer la route de Madrid aux insurgés.
À partir de 1940, le régime franquiste victorieux fit édifier un mémorial grandiose en hommage à ses combattants : la Valle de los Caídos, dans la vallée de Cuelgamuros (es).
Deux parcs naturels protègent les lieux les plus sensibles du massif :
Cependant ces dispositifs d'initiative régionale ne suffisent pas à écarter la sierra de Guadarrama du danger que représente la proximité d'une capitale de 6 millions d'habitants. C'est ainsi que l'administration de la communauté autonome de Madrid et la communauté autonome de Castille-et-León ont créé le le parc national de la Sierra de Guadarrama d'environ 340 km2. Le projet était cependant fortement contesté pour son soi-disant laxisme face aux intérêts touristiques et immobiliers qui sont le moteur de la croissance économique régionale.
Le train de banlieue madrilène arrive jusqu'au col de Cotos, situé à 1 830 mètres d'altitude, et dessert la station de ski Navacerrada.
En 2007 est prévue l'inauguration de la ligne de train à grande vitesse entre Madrid et Ségovie qui comprend un tunnel de 28 km sous la sierra de Guadarrama.
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