Ravensbrück
camp de concentration nazi pour femmes au Brandebourg (1938-1945) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
camp de concentration nazi pour femmes au Brandebourg (1938-1945) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Ravensbrück ou le camp de concentration de Ravensbrück est un camp de concentration nazi situé sur l'ancienne commune d'Allemagne de Ravensbrück, englobée depuis 1950 dans la ville de Fürstenberg/Havel, à 80 km au nord de Berlin. Le camp était réservé aux femmes, mais des enfants s'y trouvaient aussi. Mis en place par le Troisième Reich de 1939 à 1945, le camp fut construit sur les bords du lac Schwedtsee dans une zone de dunes et de marécages du nord du Brandebourg.
Ravensbrück | ||
Vue extérieure du camp de Ravensbrück. | ||
Présentation | ||
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Type | Camp de concentration | |
Gestion | ||
Date de création | Mai 1939 | |
Dirigé par | Max KoegelFritz Suhren | |
Date de fermeture | Avril 1945 | |
Victimes | ||
Type de détenus | Femmes, enfants | |
Nombre de détenus | 150 000 | |
Morts | 70 000 à 90 000 | |
Géographie | ||
Pays | Allemagne nazie | |
Région | Brandebourg | |
Commune d'Allemagne | Ravensbrück, actuellement Fürstenberg/Havel | |
Coordonnées | 53° 11′ 20″ nord, 13° 10′ 12″ est | |
Géolocalisation sur la carte : Allemagne (1937)
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Succédant en 1939 au camp de concentration de Lichtenburg, le camp de Ravensbrück devint rapidement le centre de détention de femmes le plus important du pays : au moins 132 000 femmes et enfants y furent déportés, dont 90 000 y furent assassinés.
Le camp, destiné en premier lieu aux détenues politiques (opposantes politiques, communistes, résistantes polonaises, allemandes, françaises, belges et prisonnières de guerre russes) accueille également des détenues raciales juives, tziganes et roms. Il fournit en main-d'œuvre féminine l'ensemble des industries d'armement allemandes et les mines de sel, sur place ou au sein de l'une des 70 antennes disséminées de la mer Baltique à la Bavière. Une immense usine Siemens était voisine du camp et exploitait les prisonnières.
Les détenues provenaient de tous les pays d'Europe occupés par l'Allemagne, dont les Polonaises ont constitué le premier contingent.
À partir d', des hommes y furent également détenus, mais dans un camp annexe.
Les premières prisonnières, 974 dont au moins 137 Juives[2], furent transférées du camp de concentration de Lichtenburg en Saxe.
À la fin de l'année 1942, la population carcérale passa à 10 000 détenues. Parmi elles, des enfants arrivés avec leurs mères juives ou roms, ou nés sur place. Leur nombre augmenta considérablement entre avril et ; une première vague, composée d'enfants tziganes amenés avec leurs mères arriva après la fermeture du camp rom d'Auschwitz, suivie par les enfants polonais du ghetto de Varsovie après l'échec de l'insurrection, puis par ceux du ghetto de Budapest à la suite de la fermeture de ce dernier. La plupart moururent de dénutrition. Le nombre de prisonniers atteignit plus de 45 000 en
Les détenues portaient un triangle coloré selon leur catégorie, une lettre au centre indiquant leur nationalité : rouge pour les prisonnières politiques, jaune pour les Juives, vert pour les criminelles de droit commun, violet pour les Témoins de Jéhovah, noir pour les Tziganes et les prostituées, etc. Certaines eurent le crâne rasé à l'arrivée, ce qui ne fut toutefois jamais le cas des « aryennes ». En , toutes les détenues juives furent déportées à Auschwitz. En effet, Himmler avait décidé de rendre les camps allemands Judenfrei, c'est-à-dire sans Juifs. En 1943, le camp accueillit des Juives de « sang mêlé »[3]. À partir de 1944, des Juives hongroises y arrivèrent.
Depuis les années 2010 et l'avancée des recherches sur le génocide rom et sinté, dont les études sont toujours en cours sur place, il est avéré que de nombreux tziganes y ont été torturées puis déportées à Auschwitz. Le nombre de victimes est encore à l'étude[4].
Au total, 123 000 femmes auraient été déportées à Ravensbrück[5]. Une liste incomplète, établie par l'administration du camp[réf. nécessaire], énumère 25 028 noms de femmes déportées à Ravensbrück. Elle comporte 24,9 % de Polonaises, 19,9 % d'Allemandes, 15,1 % de Juives (en majorité hongroises), 15 % de Russes, 7,3 % de Françaises, 5,4 % de Tziganes et 12,4 % d'autres origines, réparties dans les catégories suivantes : 83,54 % de politiques, 12,35 % d'anti-sociaux, 2,02 % de criminels, 1,11 % de Témoins de Jéhovah, 0,78 % de « hontes de la race » et 0,2 % d'autres cas. Cette liste est l'un des rares documents sauvés de la destruction qui précéda la fuite des SS devant les forces alliées par les Mury (en), un groupe clandestin de guides polonaises formé au camp dans le but de fournir de la nourriture et des soins médicaux aux détenues les plus faibles.
Claire Pahaut a publié en 2024 une liste nominative avec leur parcours individuel de 2.250 femmes qui furent déportées à Ravensbrück à partir de la Belgique ou qui s'y sont installées après la guerre[6].
Le camp rassemblait plusieurs types de détenues :
Les prisonnières de Ravensbrück furent l'objet de sévices permanents, battues, astreintes au travail et assassinées lorsqu'elles n'en étaient plus capables, ou pour un acte de rébellion ou sans raison particulière. Les prisonnières jugées inaptes au travail étaient tuées par balle jusqu'en 1942. Après cette date, elles furent transférées à Auschwitz et vers d'autres centres d'extermination. Plusieurs furent exécutées à l'infirmerie du camp par injection létale.
À partir de l'été 1942, des expériences médicales furent menées sur au moins 86 détenues, dont 74 polonaises, connues sous le nom de Lapines. La première série porte sur l'efficacité des sulfamides dans le traitement des blessés de guerre, la seconde sur la régénération des os, muscles et nerfs et la possibilité de transplanter des os. Cinq en moururent, six furent exécutées car souffrant de blessures non guéries et la plupart des survivantes gardèrent des séquelles à vie. Quatre d'entre elles témoignèrent lors du procès des Médecins en 1946. En , entre 120 et 140 femmes tziganes furent stérilisées après s'être vu promettre la libération si elles consentaient à l'opération.
Les corps des détenues décédées étaient brûlés au crématorium situé près de Fürstenberg jusqu'en 1943, date à laquelle les autorités SS construisirent un four crématoire à proximité du camp.
À mesure que l'Armée rouge avançait en Pologne, les camps orientaux furent évacués (Treblinka, Maïdanek, Auschwitz). En , 8 000 prisonniers furent transférés d'Auschwitz à Ravensbrück. Dans le même temps, les responsables des camps orientaux furent mutés dans les camps plus à l'ouest, dont Ravensbrück, et y introduisirent la chambre à gaz et leurs techniques d'extermination. La mortalité s'amplifia effroyablement[10] :
Plusieurs milliers de détenues furent exécutées juste avant la libération du camp en . Les derniers assassinats se produisirent le , lorsque onze détenues employées au crématorium furent empoisonnées[11].
Quand l'Armée rouge arriva le , il ne restait que 3 500 femmes et 300 hommes non évacués. Les SS avaient entraîné les détenues capables de marcher, environ 20 000, dans une marche forcée vers le nord du Mecklembourg après en avoir confié 7 000 à des délégués de la Croix-Rouge suédoise et danoise. Ils furent interceptés après quelques heures par une unité d'éclaireurs russes.
À côté du personnel masculin, environ 150 femmes SS ont été assignées à la surveillance des détenues. Pendant les six ans de fonctionnement du camp, 4 000 surveillantes (Aufseherinnen) y ont été formées sous la responsabilité de :
Les naissances d'enfants au camp étaient devenues incontrôlables en 1944 (auparavant les mères mouraient avant l'accouchement ou bien les bébés étaient tués) et c'est pourquoi la Kinderzimmer (chambre des enfants au bloc 11) fut créée afin de s'occuper des nouveau-nés avec la débâcle allemande de 1944. C'était une pièce avec deux lits de deux étages superposés, jusqu'à 40 bébés y furent couchés en travers des châlits. Pas d'hygiène, pas de couche, pas de biberon, pas de tétine, la solidarité du camp apportait un peu de linge, de petites bouteilles et du lait mais n'évite pas la disparition de presque tous les enfants. Sur 500 naissances consignées à Ravensbrück, une quarantaine d'enfants seulement ont survécu[15].
Il est difficile de dire combien d’entre eux sont nés en déportation, mais les travaux entrepris par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation a pu recenser 23 enfants français nés à Ravensbrück dont seulement trois ont survécu : Sylvie Aylmer (03/1945), Jean-Claude Passerat (11/1944), et Guy Poirot (03/1945).
Ce camp, appelé dans le langage national-socialiste Camp de protection de la jeunesse (Jugendschutzlager), était un camp annexe de Ravensbrück, géré par le Reichskriminalpolizeiamt, le service central de police criminelle, sous contrôle du commandant de Ravensbrück. Il était situé à environ deux kilomètres du camp principal et comprenait une quinzaine de baraquements ainsi qu'un unique bâtiment administratif[16]. Il était soumis à la même administration que le camp pour femmes. Y furent internées 1 200 jeunes femmes et adolescentes[17], classées comme « inadaptées à la communauté », « asociales » et « politiquement non fiables »[18], en fait pour des raisons raciales, religieuses et politiques[19].
À partir de 1944, le camp est vidé des 250 filles qui y restaient et change d’emploi : il est affecté aux détenues du camp principal[16]. On y envoyait les femmes de Ravensbrück, considérées trop faibles pour travailler par les SS, afin qu’elles puissent se « reposer ». En réalité, ce changement de camp signifiait l’extermination[20]. Dans ce camp, les détenues étaient privées de la moitié de leur ration alimentaire quotidienne voire de la totalité. De plus, elles étaient forcées à rester debout en plein air de 5 à 6 heures par jour. Environ 50 prisonnières y mouraient quotidiennement. Outre la mort causée par ces conditions de détention, certaines femmes y furent fusillées et même assassinées en chambre à gaz[16].
Au-delà de l'organisation nazie encadrant la vie du camp, un autre encadrement, moins visible, se mit en place entre détenues, imposé par les militantes communistes, qui avaient droit de vie et de mort sur les autres prisonnières (selon le témoignage de la résistante française Geneviève Moreau, binôme de Denise Jacob au Maquis des Glières)[réf. nécessaire]. L'écrivain tchèque Milena Jesenská par exemple le subit, en refusant de s'y soumettre[21].
L'on retrouve pour la première fois le nom actuel en 1679. À l'origine, Ravensbrück signifiait « Pont de Raves ». Les détenues parlaient entre elles de "pont des corbeaux" ("Raben" en allemand, Rabensbrücke): Les oiseaux ne pouvaient pas y vivre, à l’exception des corbeaux, d’où le nom de Ravensbrück : « pont des corbeaux » [22].
Des bordels étaient mis en place dans les camps de concentration de manière à augmenter la productivité des prisonniers. Cette méthode ne semble pas avoir changé quoi que ce soit au rythme de travail des déportés. Les femmes présentes dans ces bordels étaient ponctionnées dans le camp de Ravensbrück. Souvent Polonaises ou Hongroises, elles devaient partir pour une durée d'environ 6 mois vers d'autres camps. Il arrivait aussi, bien que plus rarement, que ces femmes se portassent volontaires. Elles espéraient ainsi augmenter leurs chances de survie.
Le la Croix-Rouge suédoise emmena 300 détenues françaises en Suède, échangées contre des prisonnières allemandes détenues par les troupes alliées[23].
Sept procès pour crimes de guerre ont eu lieu de à , où comparurent des fonctionnaires et personnels du camp.
Fritz Suhren, commandant du camp, et Hans Pflaum, chargé de la main d'œuvre furent jugés par le tribunal supérieur de Rastatt chargés des criminels de guerre (condamnés à la peine de mort le 10 mars 1950, peine confirmée en appel en mai, et exécutés le 12 juin).
Sur le site de l'ancien camp de concentration se trouve un mémorial. En 1954, le sculpteur Will Lammert (en) a été chargé de concevoir le site commémoratif entre le crématorium, le mur du camp et le lac Schwedtsee. Jusqu'à sa mort en 1957, l'artiste a créé un grand nombre de modèles sculptés de femmes. Le 12 septembre 1959, le Mémorial national de Ravensbrück (Nationale Mahn- und Gedenkstätte Ravensbrück) a été inauguré à l'extérieur de l'ancien camp de concentration sur une surface de 3,5 ha entre l'ancien mur du camp et la rive du lac de Schwedtsee. Rosa Thälmann, ancienne détenue du camp de concentration et veuve de l'homme politique Ernst Thälmann, a prononcé le discours d'ouverture. Comparé à Buchenwald et Sachsenhausen, c'était le plus petit des trois mémoriaux nationaux de la République démocratique allemande (RDA).
Pour l'inauguration du site du Mémorial national, une version réduite de la Tragende (femme au fardeau) a été créée (sous la supervision de Fritz Cremer) et exposée. Cette figure symbolique centrale, également connue sous le nom de "Pietà de Ravensbrück", se dresse au sommet d'une stèle sur la péninsule du lac de Schwedtsee. Le monument Zwei Stehende (Deux femmes debout) trouve également son origine dans les modèles de Lammert. D'autres statues, également créées à l'origine pour Ravensbrück, sont exposées depuis 1985 au vieux cimetière juif de Berlin Mitte, en commémoration des victimes juives du fascisme.
Depuis 1984, l'ancien quartier général des SS abrite le Museum des antifaschistischen Widerstandskampfes (musée de la résistance antifasciste). Après le retrait d'Allemagne de l'armée soviétique qui, jusqu'en 1993, avait utilisé certaines parties de l'ancien camp à des fins militaires, il a été possible d'intégrer davantage de zones du camp dans le site du mémorial.
Les trois mémoriaux nationaux de Buchenwald, Sachsenhausen et Ravensbrück ont joué un rôle central dans la politique mémorielle de la RDA sous Erich Honecker[24]. Ils étaient contrôlés par le ministère de la Culture et servaient de lieux d'identification et de légitimation de la RDA[25]. Selon l'historienne Anne-Kathleen Tillack-Graf, l'instrumentalisation politique de ces mémoriaux, notamment pour les besoins actuels de la RDA, est devenue particulièrement claire lors des grandes célébrations de la libération des camps de concentration[26].
Aujourd'hui, les anciens blocs d'hébergement des gardiennes sont une auberge de jeunesse et un centre de rencontre pour les jeunes. Au cours de la réorganisation, qui a eu lieu au début des années 1990, le Museum des antifaschistischen Widerstandskampfes a été remplacé par deux nouvelles expositions permanentes : "Femmes de Ravensbrück", qui présente les biographies de 27 anciennes prisonnières, et "Ravensbrück. Topographie et histoire du camp de concentration pour femmes", qui fournit des informations sur les origines du camp, décrit la vie quotidienne dans le camp et explique le principe de la Vernichtung durch Arbeit (extermination par le travail). Depuis 2004, une exposition sur les gardiennes du camp de concentration pour femmes de Ravensbrück est également organisée dans un autre de leurs anciens blocs d'hébergement. En outre, des expositions temporaires présentant un intérêt particulier sont régulièrement organisées au mémorial.
Les 16 et 17 avril 2005, une cérémonie a été organisée pour commémorer le 60e anniversaire de la libération du camp. Parmi les personnes invitées figuraient environ 600 survivants venus du monde entier, principalement d'Europe de l'Est. Parallèlement, une nouvelle exposition permanente en plein air a été inaugurée, sur le thème des transports ferroviaires vers Ravensbrück. Son élément central est un wagon de marchandises remis à neuf. Les panneaux d'information de l'exposition décrivent les origines des transports et leur évolution au fil du temps et expliquent les différents types de trains, leur lieu d'arrivée et le rôle joué par les habitants de la région. Il s'agit probablement de la seule exposition organisée jusqu'à présent dans un mémorial allemand et consacrée exclusivement au thème des transports vers le camp.
Un monument aux victimes françaises de Ravensbrück est l'un des monuments commémoratifs de plusieurs camps de concentration au cimetière du Père Lachaise à Paris.
Le site mémoriel (œuvre de la sculptrice Thérèse Chotteau) du parc Georges Henri à Woluwe-Saint-Lambert à Bruxelles a été inauguré le 18 octobre 2000 par la Reine Paola, ce lieu d’histoire et de mémoire est un hommage aux dames engagées contre l’occupant du Troisième Reich, le fascisme et les idées extrêmes.
Certaines formes d'art se sont développées dans le camp de concentration de Ravensbrück, malgré les circonstances. Les quelques artistes les plus représentatives du camp ont été Violette Lecoq, France Audoul, Charlotte Delbo, Jeanne L'Herminier, Anne-Marie Renaud de Saint Georges, Aat Breur-Hibma et Germaine Tillion avec son opérette Le Verfügbar aux Enfers.
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