Gravitation quantique à boucles
tentative de formuler, sans espace de référence, une théorie de la gravitation quantique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
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tentative de formuler, sans espace de référence, une théorie de la gravitation quantique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La gravitation quantique à boucles (loop quantum gravity en anglais) est une tentative de formuler une théorie de la gravitation quantique, et donc d'unifier la théorie de la relativité générale et les concepts de la physique quantique. Elle est fondée sur la quantification canonique directe de la relativité générale dans une formulation hamiltonienne (l'équation de Wheeler-DeWitt), les trois autres interactions fondamentales n'étant pas considérées dans un premier temps. Une difficulté de l'approche est qu'il n'y a ni espace ni temps de référence et que la covariance générale des équations n'est plus manifeste.
L'un des résultats fondamentaux de cette théorie est que l'espace-temps présente une structure discrète (par opposition au continuum espace-temps de la relativité générale) : les aires et les volumes d'espace sont quantifiés ainsi que le temps. La notion d'espace est en quelque sorte remplacée par la notion de grains primitifs, sortes d'« atomes » d'espace ou, plus exactement, de quanta du champ gravitationnel, reliés entre eux par des liens caractérisés par un spin (spin de lien) d'où le nom de réseau de spin (spin network).
Cette théorie est partiellement en concurrence avec la théorie des supercordes[1].
Voici une liste des principaux physiciens travaillant à cette théorie en 2012 :
Bâtir une théorie de la gravitation quantique c'est concilier la notion d'espace-temps de la relativité générale avec les notions d'énergie et de matière de la mécanique quantique. Cela revient à intégrer les principes et les conséquences révolutionnaires de chacune de ces deux théories, et à les réunir dans une nouvelle approche théorique qui permettrait de décrire le monde à toutes les échelles.
Dans le modèle de la physique classique, basée sur les forces de gravitation telles que modélisées par Isaac Newton, l'espace est perçu comme une scène sur laquelle se déroulent les événements physiques, un peu à l'image d'une boîte dans laquelle des « particules solides » ou des « objets physiques » évolueraient selon un temps défini et absolu, quel que soit l'observateur.
Le modèle de la physique classique reste cependant incomplet et ce sont les travaux de Michael Faraday et James Clerk Maxwell qui, au XIXe siècle, vont l'améliorer. Ces deux physiciens ont étudié la façon de définir la force électrique qui relie deux objets de charges opposées. Faraday a mis en évidence la notion de champ magnétique et Maxwell est arrivé à unifier les forces magnétiques et électriques au moyen d'un nouvel « objet physique » : le champ électromagnétique.
Ce champ est perçu par Faraday comme un ensemble de lignes remplissant tout l'espace et pouvant relier deux objets chargés, mais la grande découverte fut de comprendre que ce champ est une entité autonome qui existe indépendamment des charges électriques. On peut donc imaginer que les lignes, dites de Faraday, soient toujours présentes et forment des courbes fermées dans l'espace. On pouvait ainsi considérer l'Univers comme composé d'un espace fixe, celui de Newton, contenant des particules et des champs.
Une troisième étape a été franchie par Albert Einstein, qui énonça dans sa théorie de la relativité générale un concept radicalement différent, en ce sens que la gravitation n'est pas une force mais la manifestation de la courbure de l'espace et du temps en présence de matière ou d'énergie. L'espace et le temps y sont intimement mêlés et sont considérés sous la forme d'un champ gravitationnel dynamique, à la manière du champ électromagnétique de Maxwell. La conséquence est de taille : l'espace de Newton n'existe pas, c'est en réalité un champ gravitationnel. Ainsi on ne doit plus considérer qu'il existe des champs qui se propagent dans un espace newtonien, mais plutôt que des champs se propagent sur d'autres champs : l'Univers est composé de particules et de champs, l'espace tel qu'envisagé par la physique classique n'existe plus.
Cela étant, si l'on veut bâtir une théorie de la gravitation à partir des découvertes des physiques relativiste et quantique, une approche consisterait à décrire le champ gravitationnel en termes de « nuage de probabilités ». Ce champ (l'espace-temps) devrait ainsi présenter une structure granulaire sous la forme d'un nuage de grains d'espace-temps, dont la dynamique devra être probabiliste.
Une première formulation hamiltonienne de la relativité générale avait été proposée par Arnowitt, Deser et Misner en 1962[4], mais la tentative de quantification canonique de leur théorie par Wheeler et DeWitt n'avait pas fourni de résultats concluants, les équations obtenues étant trop difficiles à résoudre.
En 1986, Abhay Ashtekar reformule la relativité générale d'Einstein sous une forme plus proche des équations de la physique fondamentale actuelle. Peu de temps après, Ted Jacobson et Lee Smolin se rendent compte, en utilisant la reformulation d’Ashtekar, que l'équation quantique du champ gravitationnel, dite équation de Wheeler-DeWitt, admet des solutions associées à une courbe fermée dans l’espace.
C'est en 1988 qu'un progrès important a eu lieu, avec la découverte de nouvelles variables canoniques par Abhay Ashtekar. Ces variables ont rendu possible une quantification canonique.
Carlo Rovelli et Lee Smolin définissent une théorie quantique de la gravité indépendante de l’espace, où ces boucles constituent les lignes individuelles du champ gravitationnel. Jorge Pullin et Jurek Lewandowski comprennent que les intersections de ces boucles sont essentielles à la cohérence de la théorie et que celle-ci doit être formulée en termes de boucles entrecroisées, ou réseaux. La théorie implique que la notion d'espace-temps doit être remplacée par une interaction de particules et de boucles de champ gravitationnel. L'espace-temps devient granulaire et probabiliste[5].
En 1994, Rovelli et Smolin montrent que les opérateurs quantiques de la théorie associent aux surfaces et aux volumes un spectre discret. Dans cette théorie l'espace est quantifié. Ces résultats sont obtenus grâce aux apports des réseaux de spins, objets mathématiques étudiés par le mathématicien Roger Penrose. Ils montrent que le volume est une variable non continue et que, dans le modèle de cette théorie, l'espace est constitué de quanta d'espace matérialisés aux intersections des boucles. Ils deviennent de ce fait plus importants que les liens qui les relient, et il devient ainsi possible de se représenter l'espace sous la forme d'un graphe, donc d'obtenir un réseau. Sur un même lien joignant deux quanta (deux nœuds), il est possible de trouver plusieurs lignes de champ (portions de boucles). Ce nombre de lignes de champ est un nombre entier associé à chaque lien appelé « spin du lien ». C'est ainsi que l'espace est représenté par un réseau de spins. Ces réseaux de spins décrivent avec précision la structure quantique de l'espace, qui peut être complètement défini par un nuage de probabilités de réseaux de spin désigné par l'expression « mousse de spin » (spin foam). La découverte d'un espace constitué de boucles arrivant chronologiquement avant la découverte du réseau de spins, cette théorie a été historiquement baptisée « gravitation quantique à boucles ».
La version covariante (mousse de spin) de cette dynamique développée au cours des dernières décennies, formalisée en 2008 par le travail conjoint des équipes de recherche en France, au Canada, au Royaume-Uni, en Pologne et en Allemagne, conduit à la définition d'une famille d’amplitudes de transition[6] prouvée en 2011[7],[8] et nécessite l'existence d'une constante cosmologique positive, ce qui est cohérent avec l'observation de l'accélération de l'expansion de l'Univers.
La recherche sur les conséquences physiques de la théorie se développe dans plusieurs directions. Parmi celles-ci, l'application la mieux développée à ce jour concerne la cosmologie et notamment l'étude de l'Univers primordial et la physique du Big Bang. Sa conséquence la plus spectaculaire serait (car la gravitation quantique à boucles n'est pas encore une théorie établie) que l'évolution de l'Univers peut être poursuivie au-delà du Big Bang. Le Big Bang semble donc être remplacé par une sorte de rebond cosmique (voir Big Bounce) d'un Univers préexistant (peut-être le même) après sa phase de contraction.
Le plus grand défi de la théorie quantique à boucles fut d'expliquer, dès son début, une façon dont émerge l'espace-temps classique. Les principaux résultats de la gravité quantique à boucles, démontrés à l'aide de théorèmes rigoureux, sont les suivants[9] :
Beaucoup d'efforts sont investis dans l'application de la théorie aux phénomènes du monde réel, comme une description précise des horizons des trous noirs fournissant l'expression correcte de l'entropie, en accord avec les prédictions de Bekenstein et Hawking. Des progrès importants ont été accomplis en 2005 par Carlo Rovelli et son équipe du Centre de physique théorique de Marseille, concernant la découverte d'indications fortes selon lesquelles la théorie prédit que deux masses s'attirent l'une vers l'autre de façon identique à la loi de Newton[10]. Ces résultats indiquent également que, pour des énergies basses, la théorie possède des gravitons, ce qui fait de la gravité quantique à boucles une véritable théorie de la gravitation.
Quelques thèmes de recherche actuels d'avant-garde concernent la prévision des modifications du résultat d'Hawking pour la thermodynamique des trous noirs qui, s'ils sont mesurés, pourraient valider ou invalider la théorie. La théorie sert aussi de fondement pour les modèles permettant l'étude des géométries à dépendance temporelle forte à l'intérieur des trous noirs. Des calculs indiqueraient que la singularité à l'intérieur d'un trou noir est remplacée par ce que l'on appelle un « rebond spatio-temporel ». Ainsi, le temps pourrait continuer au-delà de la limite où, d'après la relativité générale, il doit s'achever. La théorie conjecture que le temps s'écoulerait vers une autre région de l'espace-temps fraîchement créée, à l'instar d'une ancienne spéculation de Bryce De Witt et John Archibald Wheeler. L'information ne serait donc pas perdue, elle irait vers une région nouvelle de l'espace-temps.
Les mêmes techniques sont utilisées pour étudier ce qui se passe au tout début de l'Univers. D'après les indications trouvées, selon lesquelles la singularité serait éliminée, la théorie prédit l'existence de l'Univers avant le Big Bang. Les résultats de ces études ont permis l'élaboration de prédictions précises concernant les effets de gravité quantique que l'on pourrait bientôt observer dans le fond diffus cosmologique[11].
Il a été récemment découvert que la gravitation quantique à boucles pouvait apporter une contribution particulièrement intéressante au problème de l'unification. En effet, la théorie possède déjà en son sein les particules élémentaires, et des résultats récents suggèrent que celles-ci relèvent précisément de la physique des particules du modèle standard[12] (voir la section correspondante de l'article Préon).
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