Loading AI tools
coiffe créole des Antilles et de Louisiane De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le tignon, appelé aussi foulard de tête, madras, bamboche, ou encore maré tèt en créole antillais[1], est une coiffe nouée sur la tête en forme de turban, par les femmes créoles des Antilles françaises, de Guyane et de Louisiane.
Débuté pendant la période coloniale, l'usage de cette coiffe perdure dans la communauté caribéenne jusqu'à nos jours.
Si leur situation n'est pas plus enviable, les esclaves de maison (hommes et femmes) se différencient des esclaves de jardin (travaillant aux champs) par l'habillement. Ils portent des turbans qui, les jours de fête, peuvent être luxueux.
Dans les colonies françaises, une ordonnance de 1720 permet que : « Ceux [les esclaves] qui servent à titre de valets ou de servantes [...] pourront se vêtir de toile de Vitré ou de Morlaix ou de vieux habits de leurs maîtres, avec colliers et pendants d’oreille de rassade ou d’argent [...] avec chapeaux et bonnets, turbans et brésilienne simple, sans dorure ni dentelle, ni bijoux d’or, de pierreries, ni soie ni ruban »[3].
Contrairement au système esclavagiste des colonies britanniques, celui qui s'applique dans les colonies françaises et espagnoles permet plus facilement l'affranchissement et le métissage. Vers 1790 par exemple, on compte un affranchi pour 66 esclaves dans l'ensemble des Antilles britanniques, alors que les chiffres correspondants sont 1 pour 20 aux Antilles françaises et 1,1 pour 1 — un peu plus d'affranchis que d'esclaves — aux Antilles espagnoles[4].
Cet affranchissement, qui permet au système esclavagiste de perdurer, fait naître une société tripartite : les Blancs d'ascendance européenne, les gens de couleur libres (« mulâtres » — les métis — et Noirs, libres de naissance ou affranchis), et les esclaves (noirs et métis). Au XVIIIe siècle, la nouvelle classe intermédiaire, composée d'individus qui ont à la fois la couleur des opprimés et la presque-liberté des dominants, va se développer en nombre, et s'élever économiquement[3].
Devenus parfois eux-mêmes propriétaires d'habitations (plantations), mais surtout artisans ou domestiques pour la plupart, les libres de couleur enregistrent des premiers revenus. Afin de se distinguer des esclaves et de rivaliser avec les Blancs, ils commencent à investir dans de beaux costumes[3]. Ce dernier, reflet du métissage des peuples et des cultures, se constitue essentiellement à partir de l’attirance africaine pour les couleurs chatoyantes, de l’influence de la mode métropolitaine, importée par les épouses des fonctionnaires royaux. Il est composé à partir des beaux tissus, soies, mousselines, indiennes et dentelles qui sont livrés par les navires de commerce arrivés en droiture de Nantes ou de Bordeaux[3].
Dans ses lettres relatant son séjour aux Antilles de 1779 à 1784, Charles de L’Yver donne une description du costume antillais des créoles de couleur[5] :
« Rien n’est assez beau pour elles, ce qu’une blanche met en toilette leur sert à trainer ; leur chemise est de la batiste la plus fine, leur jupe est de belle mousseline, leur jupon de toile de Hollande ; les mouchoirs de madras ou de mousseline brodés, garnis de dentelles ornent leur tête et leur sein. »[5]
Ce costume est également très bien représenté dans les peintures d'Agostino Brunias, peintre italien qui a parcouru les Antilles de 1764 jusqu'à sa mort en 1796.
La coiffe, qui est l’un des accessoires féminin qui frappe le plus les voyageurs dans les Antilles, est dominée par deux types principaux : le mouchoir de madras et la bamboche[3].
Parmi les étoffes qui arrivent depuis l'Europe dans les colonies européennes, le tissu madras rencontre un grand succès grâce à ses couleur vives et sa bonne facture[6].
Originellement il était produit en Inde, alors sous domination coloniale britannique, dans la région où se trouve la ville de Madras (actuelle Chennai). Ce tissu peut être uni, à rayures ou à tartans (motifs inspirés par les Écossais)[7]. Par la suite, il est fabriqué comme de nombreuses autres cotonnades directement en Europe (Alsace et Normandie pour la production française). Puis, réexporté dans les colonies par le commerce en droiture (sans passer par l'Afrique chercher des esclaves), il est progressivement adopté par les gens de couleur libres[6].
La bamboche est une sorte de turban conique, sur lequel il y a parfois un chapeau. Sa hauteur et la qualité des tissus qui la composent dépendent du statut social de celle qui la porte[3].
Charles de L’Yver les décrit ainsi[5] :
« Leur tête est surmontée de ce qu’elles appellent bamboche ou tignon. La manière la plus élégante est de crêper les cheveux, d’en faire une grosse boucle derrière la tête : le reste des cheveux est entouré d’un premier mouchoir auquel on fait faire la poire ; un second l’enveloppe, puis un troisième ; un quatrième ainsi de suite jusqu’à la demi-douzaine, quelquefois davantage ; enfin vient ce qui peut se trouver de plus riche et de plus cher en fait de mouchoir que l’on recouvre en dernier d’un autre de moindre prix, mais qui laisse entrevoir le précédent. Tous ces mouchoirs ainsi disposés forment une espèce de mitre très élevée dont le devant est parsemé d’épingles d’or qui attachent les mouchoirs. Le défaut de jonction laissé à dessein derrière la tête découvre la qualité et la quantité de mouchoirs ».
En Louisiane, comme dans les Caraïbes française et espagnole, prévalait pendant la période coloniale une société pyramidale à trois niveaux : les Blancs, les gens de couleur libres (Métis et Noirs libres de naissance ou affranchis), et les esclaves. Au début du XIXe siècle, le groupe des gens de couleur libres en Louisiane est certes peu nombreux (estimé à 1 566 en 1805[8]), mais relativement puissant et jouissant de privilèges, en comparaison de ses homologues du reste du continent nord-américain sous domination anglaise[9].
Le soin que les femmes créoles noires apportaient à leurs coiffures leur a valu d’attiser la colère de l'élite bien-pensante de l’époque. Les belles femmes de couleur étaient parfois les « placées » d’hommes blancs, et éveillaient la jalousie et la colère des épouses légitimes ou fiancées potentielles.
En 1785, Esteban Rodríguez Miró, gouverneur de la Louisiane alors sous souveraineté espagnole, édicte des lois somptuaires, appelées « lois tignon (en) ». Ces dernières réglemente la manière de se vêtir pour les gens de couleur libres dans la société coloniale. Elles décide que les femmes de couleur, esclaves ou libres, doivent s’abstenir de toute « attention excessive à l’habillement », en particulier le port du chapeau, mais doivent en même temps couvrir leurs cheveux[10]. Le but est à la fois d'empêcher les femmes noires et métisses d’attirer les hommes blancs, et également de servir d’indicateur social pour marquer leur différence et leur infériorité par rapport aux femmes blanches.
Au début des années 1800, les lois tignon ne sont plus appliquées et les femmes noires ne sont plus obligées de porter leurs accessoires oppressifs. Un siècle et demi plus tard, cependant, les tignons ont connu une renaissance. Les tignons d’aujourd’hui – disponibles dans une variété de styles, de tissus et de motifs – peuvent être joyau couronnant d’une tenue élégante[11].
Le costume des femmes de couleur libres, grâce à ses formes souples et confortables, est progressivement adopté par les créoles d'ascendance européennes, et en particulier la coiffe d’un madras noué[12].
Vers 1778-1779, la coiffe antillaise s’importe même en métropole[12]. En raison des liens étroits entre ce port et les îles à sucre, Bordeaux devient naturellement la porte d'entrée de l'usage du madras comme coiffe. A la fois grâce à la présence noire à Bordeaux[13], mais également par les relations familiales entre la bourgeoisie locale et les colons propriétaires d'habitations coloniales[14].
Plusieurs écrivains ont fait part de cette spécificité bordelaise :
Créole blanche (békée) de la Martinique, Joséphine de Beauharnais, femme de Napoléon Ier, est née dans une grande plantation, "La petite Guinée", d'une superficie de 500 hectares et exploitant plus de 200 esclaves valides en 1751[18]. Quand elle arrive en métropole, elle garde dans l'intimité l'habitude de se coiffer d'un madras. Dans ses mémoires, le valet de Napoléon Louis Constant raconte : « Au commencement de sa suprême puissance, l'impératrice aimait encore à se coiffer le matin avec un madras rouge, qui lui donnait l'air de créole le plus piquant à voir »[19].
A son tour, Napoléon, très frileux, adopte le mouchoir de madras pour se couvrir les cheveux dans la vie privée. A ce propos, Louis Constant relate qu'il « avait sur la tête un madras noué sur le front et dont les deux coins de derrière tombaient jusque sur son cou. L'empereur mettait lui-même, le soir, cette coiffure on ne peut moins élégante. Lorsqu'il sortait du bain on lui présentait un autre madras, car le sien était toujours mouillé dans le bain, où il se tournait et se retournait sans cesse »[19].
Le peintre Charles de Steuben a représenté Napoléon habillé en culotte et chemise blanche, portant noué sur la tête le célèbre madras et dictant ses mémoires à Gourgaud.
Après la seconde abolition de l'esclavage en 1848, c’est la continuation du savoir être et faire des libres de couleur. Dès l’origine les coiffes sont multiples et originales. Il y a des coiffes confectionnées d’avance et d’autres coiffes qui sont attachées directement sur la tête.
Aujourd'hui la coiffe qui se nomme « madras », « maré tèt » ou encore « tête » correspond à un code qui renseigne sur la disponibilité amoureuse de celle qui la porte. Le nombre de pointes que comporte une coiffe ayant une signification bien précise[20] :
Il existe encore d'autres types de coiffe :
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.