courant philosophique actif entre le Ier siècle av. J.-C. et le IIe siècle ap. J.-C De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le moyen-platonisme ou médio-platonisme ou platonisme éclectique regroupe des penseurs qui se réclament de Platon, depuis le Iersiècleav. J.-C. jusqu'au IIesiècle.
La notion de moyen-platonisme remonte à Karl Praechter en 1901 (dans son étude sur Hiéroclès le Stoïcien)[1] et en 1909 (dans ses rééditions du premier volume du Grundriss der Geschichte der Philosophie de Friedrich Ueberweg)[2]. Il fixe donc le mot, mais aussi la chronologie: le début remonterait à 87 av. J.-C., avec Antiochos d'Ascalon, et la fin adviendrait avec l'enseignement de Plotin (dès 244), qui est néoplatonicien. Praechter donne aussi deux caractéristiques: l'éclectisme (harmonisation et assimilation de doctrines non platoniciennes) et l'orthodoxie (défense de l'identité du platonisme). Mais, certains savants (dont J. Dillon, 1977)[3] donnent pour fondateur Eudore d'Alexandrie (40 av. J.-C.), qui est extra-platonicien. D'autres avancent des caractéristiques différentes: le monisme de l'Un, surtout, par opposition aux tendances dualistes du dernier Platon ou de platoniciens. D'autres savants, comme M. Frede (1987), refusent de distinguer moyen-platonisme et néo-platonisme.
Les grands représentants du moyen-platonisme, dits "moyen-platoniciens" ou "médio-platoniciens", sont (mais la liste ne fait pas l'unanimité):
Antiochos d'Ascalon (90 av. J.-C.)?, il est stoïcisant et la majorité des commentateurs (H. Dörrie, J. Glucker, L. Deitz, P. Moraux) ne le tient pas pour moyen-platonicien
Le gnosticisme a été influencé par le moyen-platonisme: les textes séthiens (Allogène, Zostrien, Les trois stèles de Seth, Marsanes)[6], avec la triade Être-Vie-Intellect[7], et introduction du Pouvoir (Dynamis) comme principe de médiation de l'Un. Les auteurs gnostiques Ménandre (fin du Iersiècle), Basilide (vers 120), Cérinthe, Satornil (Saturnin), Hermogène, Isidore, Bardesane (vers 220) sont imprégnés de platonisme.
La plupart des ouvrages de Porphyre, classé comme néo-platonicien, puisqu'il fut disciple de Plotin, relèvent du moyen-platonisme, ne serait-ce que parce que Porphyre a écrit avant de connaître Plotin.
Voici quels traits caractérisent le moyen-platonisme selon Marco-Zambon[8]:
absence de traits spécifiquement plotiniens (Plotin distingue l'être et l'Un, pas le jeune Porphyre)
identification du premier principe transcendant avec l'être (Numénios, Plutarque, Porphyre)
distinction de deux intellects chez le dieu démiurge, l'un paradigmatique (Dieu père, tourné vers la contemplation des intelligibles), l'autre créateur (Dieu tourné vers la production du cosmos sensible)
définition du platonicien, non plus comme un disciple de Platon ou un membre de l'Académie de Platon, mais comme discipline d'une doctrine exposée par Platon, interprétée comme révélation divine
refus de l'idée qu'Aristote puisse s'harmoniser avec Platon
finalité de la pratique de la philosophie placée, non dans l'érudition, mais dans l'assimilation à Dieu
exposés sous forme de commentaire des dialogues de Platon, de recueils de doxographies, d'introductions à la doctrine de Platon
doctrine des trois principes du Timée (27c-29d): le paradigme, le démiurge (second Dieu), la matière
nombreuses triades: premier Dieu (transcendant) / Âme du monde (Hécate) / second Dieu (démiurge), être/intellect/vie, père/puissance/intellect, etc.
doctrine de la transcendance du premier Dieu, structuration hiérarchique de la réalité
tendance à l'encyclopédisme.
Textes
(par ordre chronologique)
Eudore d'Alexandrie (40 av. J.-C.): fragments: C. Mazzarelli, Revista di Filosofia Neoscolastica, 77 (1985), p. 197-209 et 535-555.
Commentaire anonyme du 'Théétète' de Platon: Commentarium in Platonis Theaetetum, in Corpus dei papiri filosofici greci et latini. Parte III: Commentari, édi. par G. Bastianini et D. Sedley, Florence, éd. Leo S. Olschki, 1995, p. 227-562.
Théon de Smyrne, Exposition des connaissances mathématiques utiles pour la lecture de Platon (vers 130?), trad., Hachette, 1892.
Alcinoos de Smyrne, Enseignement des doctrines de Platon (150), trad. Pierre Louis (1945, sous le titre Épitomé et sous le nom d'auteur Albinos) revue par J. Whittaker (1990), Les Belles Lettres, 2002.
Numénius, Fragments (vers 155), édition et traduction Édouard des Places, Les Belles Lettres, 1973, 220 p
Apulée, Opuscules philosophiques (vers 160), Les Belles Lettres, 1973.
Atticus, Fragments (vers 170?), trad. Édouard des Places, Les Belles Lettres, 1977, 162 p.
Études
Édouard des Places, «Études récentes (1953-1973) sur le platonisme moyen du IIe siècle après J.-C.», Bulletin de l'Association Guillaume Budé, no3, , p.347-358 (lire en ligne)
«Qu’est-ce que le médio-platonisme?», dans Alexandra Michalewski, La puissance de l’intelligible: la théorie plotinienne des Formes au miroir de l’héritage médioplatonicien, Leuven, Leuven University Press, (lire en ligne), p.9-46
(en) P. Merlan, From Platonism to Neoplatonism, La Haye, 1960.
(en) J. Dillon, The Middle Platonists. A Sudy of Platonism. 80 before Christ to A.D. 220, Cornell University Press, Ithaca, N.Y.; Duckworth, Londres, 1977.
Marco Zambon, Porphyre et le moyen-platonisme, Vrin, «Histoire des doctrines de l’antiquité classique». 400 p.
Matthias Baltes, Zur Philosophie des Platonikers Attikos, Jahrbuch für Antike und Christentum Münster, 1983, vol. 10, pp. 38-57.
Friedrich Ueberweg, Grundriss Der Geschichte Der Philosophie (1863-1866), Ernst Siegfried Mittler Und Sohn Berlin Fortgeführt von Max Heinze. 11e (1920). Vol. 1, Grundriss der Geschichte der Philosophie des Altertums, hrsg. von Karl Praechter, p. 536-568.