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religieuse française De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Louise Marie Thérèse ou encore sœur Louise Marie de Sainte-Thérèse dite aussi la « Mauresse de Moret » (née vers 1658 ou 1664 et morte en 1730) est une religieuse française bénédictine du couvent de Moret, situé à Moret-sur-Loing.
Naissance |
1658 ou 1664 |
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Décès | |
Activité |
Religieuse catholique |
Un grand mystère entoure ses origines et les motifs des nombreuses visites qu'elle reçut de la part de l'entourage royal sous Louis XIV. Trois hypothèses sont présentées : selon une première, qui est réfutée par l'historiographie en raison de ses incohérences, elle serait la fille illégitime de l'union de la reine Marie-Thérèse et d'un page noir de la cour ; selon la seconde, elle serait la bâtarde issue d'une rencontre de Louis XIV et d'une femme noire ; selon la dernière, ce serait une jeune orpheline protégée par le couple royal. Si l'on exclut les sources littéraires, on ne connaissait pendant longtemps qu'un seul document d'archives à son propos (le brevet de pension de 1695). Désormais, vingt-sept documents d'archives la concernant sont en ligne, consultables par tous[1], notamment les importants documents des ambassadeurs étrangers en poste à Paris en 1664 et des Archives secrètes du Vatican. Ces nouvelles archives ont permis de monter la première exposition scientifique sur la Mauresse de Moret[2], qui a réuni les trois portraits d'elle conservés en France.
Louise-Marie de Sainte-Thérèse vécut la majeure partie de sa vie au couvent des bénédictines de Moret-sur-Loing, à proximité du château de Fontainebleau où la cour de Louis XIV se rendait souvent, particulièrement en automne pour la chasse. On sait bien peu de choses de sa vie. « Mauresse, religieuse à Moret, fort énigmatique »[3] écrivit Saint-Simon. Effectivement le caractère énigmatique de sa vie est frappant : on ne connait ni la date de sa naissance, ni ses parents, ni la date et les conditions de son entrée au couvent, ni les raisons qui ont poussé tant de personnes illustres à lui rendre visite, ni les motivations des égards royaux dont elle fut l'objet.
La liste de ses visiteurs est longue et éclectique : Dangeau[4], Saint-Simon[3], la princesse palatine[5], Madame de Maintenon, Marie Adelaïde de Savoie[4] en 1697, la reine Marie-Thérèse d’Autriche, Louis de France, le Grand Dauphin et ses enfants, les princes, lui ont rendu visite ; même Voltaire s'est rendu au couvent en 1716 avec le but exprès de la voir[6]. La cour se déplace donc pour la voir et qui plus est, écrivit Saint-Simon :
« ils l'ont vue avec bonté[3]. »
Ce ne pouvait donc être une « curiosité » que l'on viendrait voir pour s'amuser. Pour épaissir ce mystère, selon certains auteurs comme Serge Aroles[N 1] ou E. Sollier, la maison du roi lui versait une pension, et des sommes encore plus importantes étaient données au couvent[7],[8], alors que cet établissement religieux était « borgne », simple, pauvre et qu'aucune personne de sang noble ou même simplement connue n'y avait jamais résidé[8]. Les sources biographiques sont maigres et éparses. Quelques archives, des versements de pensions royales, des actes notariés signés de sa propre main, et quelques tableaux la représentant, voilà toute sa trace dans l'histoire. Mme de Maintenon écrit qu'elle « prend le voile » le , officialisant ainsi sa consécration religieuse et son entrée au monastère. Elle s'engage publiquement à vivre selon les règles monastiques, en l'occurrence celles de l'ordre de Saint-Benoît. Mais on ne sait pas si la cour a assisté à la cérémonie. Pour faire suite à cet événement, quelque temps après, le Roi ordonna qu'on lui versât une pension[7].
L'ultime trace écrite de la main de « Sœur Louise Marie de Sainte Thérèse » est une signature datée du [9]. Selon Saint-Simon, elle se serait éteinte en 1732, mais la date retenue fixe son décès à 1730[10].
Le mystère qui entoure les origines de Louise-Marie de Sainte-Thérèse a donné naissance à trois hypothèses, qui ont pour point commun de voir en elle « la fille du couple royal »[3], sans que l'on sache s'il s'agit de la fille adultérine de la reine Marie-Thérèse, d'un enfant caché du roi Louis XIV avec une comédienne[7] ou plus simplement d'une jeune femme baptisée et parrainée par le roi et la reine[11].
L'affaire de la Mauresse de Moret, qui débuta comme rumeur[5], devint énigme puis anecdote, avant de se muer en sujet de littérature. Au XIXe siècle, de nombreux chroniqueurs, écrivains et romanciers s’emparèrent de l’histoire qui connut un regain de succès[12],[9],[13],[14],[15]. Des récits, des romans et même une pièce de théâtre furent créés sans que ne soit menée la moindre recherche historique pour les étayer[11]. Les hypothèses actuelles quant à son origine sont au nombre de trois. Toutes partagent un point commun : aucune d'entre elles ne présente des arguments irréfutables.
Même si l'existence de la Mauresse de Moret ne fait aucun doute, les raisons de sa notoriété restent mystérieuses. À une époque où la noblesse s'épie à la cour, où chaque courtisan guette les faveurs du monarque, on se sert du moindre bruit et les rumeurs alimentent les discussions. Or, l'absence même d'histoires à son sujet parait très surprenante dans ce contexte. À cela se rajoute le silence de certaines archives. Ainsi, on n'a pas retrouvé au couvent de Moret son acte de baptême ou de confirmation religieuse, ce qui est tout à fait anormal[8],[7], voire suspect, certains avançant même l'hypothèse que ces documents aient pu être volés ou dissimulés. Autre exemple : la bibliothèque Sainte-Geneviève détient un de ses portraits auquel est associé une pochette en papier portant l'inscription « Papiers concernants La Moresque Fille de Louis 14 »[16] ; or le dossier est vide. On pourrait supposer que son contenu ait été dérobé avant la Révolution française car s'il avait été découvert en ces temps-là, il est très probable qu'il eût été exploité pour discréditer la monarchie[7].
Il se pourrait tout aussi bien que le silence des archives au sujet d'une personne attirant tant le regard des puissants soit le résultat d'un secret délibérément masqué. Sous Louis XIV, le secret était un outil à part entière de l'art de gouverner (voir l'ouvrage de Lucien Bély)[17]. Le Roi-Soleil savait parfaitement dissimuler ses opérations quand il estimait qu'elles n'avaient pas à être connues, et peu importe que celles-ci eussent trait à des affaires d'État, des traités, des pactes ou des moments plus intimes comme son fameux mariage avec Madame de Maintenon. Saint-Simon semble abonder en ce sens puisqu'il entame son paragraphe sur la mauresse par un « À propos de confiance du roi et de ses domestiques intimes... » avant de nous expliquer que c'est Alexandre Bontemps, le premier valet de chambre du roi, connu pour sa discrétion, qui l'aurait placée au couvent[3], probablement dès le printemps 1665[10].
Selon cette hypothèse la mauresse de Moret serait la fille de la reine Marie-Thérèse. Cette thèse a été la plus communément acceptée, en partie parce qu’elle fut largement reprise et travaillée par des écrivains du XIXe siècle, dont Victor Hugo[18], et qu'elle connut un véritable engouement[13].
Selon cette idée, Marie-Anne de France et la Mauresse seraient une seule et même personne. Le , au terme d'une grossesse difficile et un mois avant terme, Marie-Thérèse d'Autriche accoucha, en public et au Louvre, de son troisième enfant, une fille prénommée officiellement Marie-Anne de France. L'enfant fut déclarée officiellement morte le , sa dépouille exposée publiquement dans la chapelle du Louvre, son cœur porté au Val-de-Grâce et son corps inhumé dans la basilique de Saint-Denis[19].
Mais, selon les défenseurs de cette hypothèse, l'enfant ne serait pas mort. À son enterrement, on aurait soit substitué un autre corps à celui de l'enfant, soit officié sur un cercueil vide. Il était devenu nécessaire de procéder à de telles manipulations de l'opinion pour dissimuler un fait troublant : l'enfant était noir. Le premier valet de chambre du roi, Alexandre Bontemps, aurait envoyé l'enfant au couvent des bénédictines de Notre-Dame-des-Anges, à Moret. Serge Bilé conforte cette conjecture en retraçant les pérégrinations du nouveau-né : dans le plus grand secret, l'enfant royal aurait été envoyé en province, d'abord près de Cahors, puis chez les chanoinesses de l'abbaye Notre-Dame de Meaux avant d'être placé à Moret[9].
Les médecins et l'entourage de la reine tentèrent d'étouffer les rumeurs qui couraient sur la couleur de sa peau, en justifiant celle-ci soit par la consommation excessive de chocolat à laquelle s'adonnait Marie-Thérèse, soit par le simple regard que la reine posa sur le nain Nabo, le page noir de la Cour. Selon Georges Touchard-Lafosse, le chirurgien Félix qui parla à Louis XIV de ce regard contaminateur se vit répondre par le roi « Un regard, hum ! il était donc bien pénétrant ! »[20] (cette anecdote est présente dans la série Versailles). Pour avoir été prétendument amant de la reine Marie-Thérèse, le nain Nabo disparut de la cour et termina sa vie soit embastillé (Pierre Marie Dijol voyant en lui l'homme au masque de fer[21]), soit assassiné.
Mais cette idée est aujourd'hui critiquée par plusieurs historiens estimant qu'elle relève davantage de la littérature que de travaux de recherche scientifique. Sa source primaire d'abord laisse à désirer. Cette « légende » trouverait son origine sous la plume de Mademoiselle de Montpensier, cousine germaine du roi, qui n'était pas présente à l'accouchement en 1664 mais qui avait entendu son oncle lui en parler. Dans ses mémoires (Bibliothèque nationale (Mss.) : Français 6698), Mademoiselle de Montpensier demande d'ailleurs l'indulgence à ses futurs lecteurs en les informant qu'elle ne prenait la plume qu'en 1677, soit treize ans après les faits et sans jamais avoir tenu de notes[7]. Puis elle rapporte la naissance de l'enfant, la couleur de sa peau, sa difformité, et les moqueries dont la Reine fut l'objet[22].
De récents travaux d'historiens ont pointé les autres incohérences de cette version[11],[19],[7]:
Selon Serge Bilé, l'ascendance royale de la nonne aurait été occultée pour couper court aux rumeurs et scandale de l'adultère de la reine. Mais il est tout aussi possible que ce prétendu adultère fût en fait destiné à nier le fruit des relations sexuelles que Louis XIV aurait eues avec une servante ou une comédienne noire[9].
Louis XIV était un roi qui multipliait les conquêtes, depuis son plus jeune âge, sans distinction de rang (femmes qui n'étaient pas de la noblesse) ou de considération (femmes mariées). Il est possible qu'il ait eu un enfant noir d'une de ses amours secrètes. Si la reine était surveillée et son accouchement public, il n'en était pas de même du roi qui eut, à l'inverse, de nombreux enfants « bâtards », certains légitimés, d'autres non.
Les arguments avancés par les partisans de cette hypothèse sont les suivants :
« On soupçonna, avec beaucoup de vraisemblance, une religieuse de l’abbaye de Moret d’être sa fille. Elle était extrêmement basanée, et d’ailleurs lui ressemblait. Le roi lui donna vingt mille écus de dot, en la plaçant dans ce couvent. L’opinion qu’elle avait de sa naissance lui donnait un orgueil dont ses supérieures se plaignirent. Mme de Maintenon, dans un voyage de Fontainebleau, alla au couvent de Moret ; et voulant inspirer plus de modestie à cette religieuse, elle fit ce qu’elle put pour lui ôter l’idée qui nourrissait sa fierté. "Madame, lui dit cette personne, la peine que prend une dame de votre élévation, de venir exprès ici me dire que je ne suis pas fille du roi, me persuade que je le suis." Le couvent de Moret se souvient encore de cette anecdote[6]. »
Il faut regrouper sous ce titre les thèses de ceux qui ne pensent pas que Louise Marie Thérèse ait eu pour parent Louis XIV ou son épouse. Ainsi Louise Marie Thérèse a peut-être été :
Du au , une exposition au Musée Charles-de-Bruyères à Remiremont, « La Mauresse de Moret (vers 1658-1730), fille métisse cachée de Louis XIV ? », réunit les trois tableaux de sœur Marie Louise de Sainte Thérèse et d'autres documents en rapport avec elle[10], comme la pochette de papier comportant la mention manuscrite : Papiers concernants la Moresque fille de Louis 14[25].
Cette controverse historique aurait donné naissance à Moret-sur-Loing aux « Mauresses de Moret », des carrés fondants de chocolat noir[26] et à la chocolaterie « La Mauresse » dans cette même ville[27],[28].
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