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Le judéo-algérien est un dialecte de variété judéo-arabe issu de l'arabe algérien parlé par les Juifs algériens. Ce dialecte se distingue par plusieurs spécificités phonologiques, morphologiques et lexicales dues à l'influence historique des différentes dominations que l'Algérie a connues.
Judéo-algérien Arabe : Aarbiya / Aarbiya Ihoudiya / Aarbiya (mtaa nta/diel/d) lihoud / lihoudiya Français : Arabe / Judéo-arabe / Judéo-algérien / Algérien / l'Arabe des Juifs | ||
Juifs d'Algérie | ||
Pays | Algérie, Israël, France | |
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Région | Constantinois, Algérois, Oranie, Sud algérien | |
Nombre de locuteurs | De quelques centaine à quelques milliers essentiellement chez les personnes natifs du Constantinois et sud Algérien. | |
Typologie | Afro-asiatique / Langues sémitiques | |
Catégorie | Arabe | |
Écriture | Caractères hébraïques
Caractères arabes |
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Classification par famille | ||
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État de conservation | ||
Langue en situation critique (CR) au sens de l’Atlas des langues en danger dans le monde .
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Échantillon | ||
En Judéo-Algérien (variante oranaise):
"Ajemil gouh gouh fin ghadi? Ghadi yemma w khalti taatini khelalti w khelala khetfouha laazara. Laazara aand soltane w soltane khella w lwatan w aabado aqofa fi wlado arhamli jdoudi bach nkoun yhoudi. Nassara yaklou lhdid w elmeslim yaklou ezghdid, hna naklou ett3am bel kdid". En Français: "Sur ton chameau, où vas-tu ? Je vais chez ma mère et ma tante pour qu'elles me donnent mon épingle (khelala), mais cette épingle a été volée par les jeunes célibataires. Les jeunes sont chez le sultan, et le sultan a des biens, des terres, et des esclaves. Je fais appel à mes enfants et j'implore la miséricorde de mes ancêtres pour rester juif. Les chrétiens mangent du fer et les musulmans mangent les résidus, et nous on mange le couscous avec le foie." |
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Comme d’autres formes de judéo-arabe présentes au Maghreb et au Moyen-Orient, il se distingue aussi de l’arabe parlé par les musulmans par l’incorporation de termes hébraïques et araméens, ainsi que par un accent et une prononciation particuliers. Utilisé à la fois dans la sphère domestique et dans les pratiques religieuses, le judéo-arabe servait de lien entre les membres de la communauté juive et la société musulmane environnante.
Le judéo-arabe variait légèrement d’une région à l’autre, en fonction des contacts locaux et des influences culturelles, mais il conservait partout une structure commune ancrée dans l'arabe dialectal algérien. Il était parlé dans les grandes villes comme Alger, Constantine et Tlemcen, ainsi que dans les petites communautés rurales.
Le judéo-algérien fut parlé par la totalité des Juifs qui habitaient l'Algérie à l'époque ottomane. Pendant la colonisation française et l'application du décret Crémieux, le dialecte a régressé en nombre de locuteurs, il est difficile d'établir le nombre exact des personnes qui le parlent encore. N'étant parlé aujourd'hui que par des individus âgés, le dialecte est appelé à s'éteindre dans les prochaines années. Malgré l'état critique dans lequel il se trouve, il ne suscite aucun intérêt de la part des chercheurs. Les associations censées préserver la mémoire juive d'Algérie au-delà de l'exil préfèrent mettre l'accent sur l'aspect français et francophile d'une partie des membres de l'ancienne population juive plutôt que de conserver la mémoire de la spécificité culturelle et linguistique de cette communauté dont l'enracinement en terre algérienne est vieux de deux mille ans[1].
Avant 1870, les Juifs d'Algérie parlaient principalement le judéo-arabe, un dialecte dérivé de l'arabe algérien, mais marqué par des influences hébraïques et araméennes. Ce dialecte était la langue maternelle de la majorité des communautés juives vivant en Algérie. Toutefois, certaines communautés séfarades, en particulier dans des villes côtières comme Oran, parlaient encore le ladino, ou judéo-espagnol, un héritage de l'expulsion des Juifs d'Espagne en 1492.
La langue judéo-algérienne, dans ses deux formes principales, a connu un déclin rapide à partir de 1870[2], avec la promulgation du décret Crémieux, qui accorda la citoyenneté française aux Juifs d'Algérie. Cette mesure juridique entraîna une francisation massive des Juifs algériens, qui se mirent à adopter le français comme langue d'enseignement, d'administration et d'usage quotidien. À partir de cette époque, le judéo-arabe et le ladino commencèrent à perdre du terrain, ne subsistant que dans les contextes familiaux et religieux.
La décolonisation de l’Algérie en 1962 et l’exode massif des Juifs algériens vers la France, Israël et d’autres pays entraînèrent la disparition quasi totale de la langue judéo-algérienne en tant que langue vivante en Algérie. Cependant, des traces du judéo-arabe et du ladino sont encore présentes chez les descendants de ces communautés, notamment dans les chants liturgiques, les proverbes et certaines expressions du quotidien.
Le judéo-arabe algérien possède des caractéristiques phonologiques spécifiques qui le distinguent des autres dialectes arabes, notamment les différences de prononciation entre les communautés juives et musulmanes[3].
Ville | Juifs | Musulmans | Exemple de mots empruntés à l’arabe nomade |
---|---|---|---|
Alger | [ʾ] | [q] | - |
Oran | [k] | [q] | bəgṛa (vache), gəmṛa (lune) |
Tlemcen | [k] | [q]/[a] | - |
Remarque : Le passage de /q/ à [ʾ] ou [k] chez les Juifs est typique des dialectes sédentaires, tandis que le [g] apparaît dans certains mots empruntés aux dialectes nomades.
Phonème arabe classique | Réalisation chez les Juifs de Constantine | Réalisation chez les Musulmans | Exemple |
---|---|---|---|
/ṯ/ | [t] | [ṯ] | ṯāni → tāni (deuxième) |
/ḏ/ | [d] | [ḏ] | ḏrāʿ → drāʿ (bras) |
/ḍ̱/ | [ḍ] | [ḍ̱] | ḍ̱alām → ḍḷām (obscurité) |
Le coup de glotte /ʾ/ s'affaiblit ou disparaît dans certaines positions :
Remarque : Dans certaines régions, comme Constantine, le coup de glotte peut être conservé dans les mots monosyllabiques ou les formes éloquentes.
Forme verbale | Judéo-arabe algérien | Arabe classique | Exemple (imparfait) |
---|---|---|---|
1ère personne singulier | Préfixe n- | Préfixe ʾa- | nəfʿəl (je fais) |
1ère personne pluriel | Suffixe -u | Forme plurielle spécifique | nfəʿlu (nous faisons) |
2ème personne singulier | Forme unique ktəbt | Distinction homme/femme | ktəbt (tu as écrit) |
Les démonstratifs varient selon les régions :
Les emprunts à l'hébreu sont courants, notamment dans les domaines religieux et communautaires :
Certains mots hébreux se sont intégrés dans les structures verbales arabes, comme tməlšən (dénoncer, de malšin en hébreu) et tšəbbəš (être confus, de šbš en hébreu).
Après l'influence coloniale française, de nombreux mots français ont été adoptés dans le dialecte :
Quelques mots espagnols sont également présents, notamment à Oran en raison de l'influence espagnole historique :
Remarque : Les emprunts au français sont parfois intégrés dans des formes de pluriels arabes, comme kanāsil (consuls) ou numrawāt (numéros de journaux).
Bien que les Juifs d'Algérie aient eu peu de contact direct avec les tribus berbères, quelques mots berbères sont intégrés via l'arabe musulman, comme :
Judeo-algérien[4] | Transcription | Traduction en français |
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كل واحد وكتابه | Kull wāḥid w-kitābuh | Chacun a son destin (lit. chacun a son livre) |
جا يكحلها عماها | Jā yakḥallhā ʿammāhā | Il voulait améliorer la situation, mais l'a empirée (lit. il est venu l'orner et l'a aveuglée) |
ماشي بكيفي | Māšī bikayfī | Ce n'est pas de ma volonté |
عاش من عرف قدره | ʿāš man ʿaraf qadruh | Heureux celui qui connaît sa propre valeur |
طاح من عيني | ṭāḥ min ʿīnī | Il est tombé de mon estime |
ما عندي حتى حاجة | Ma ʿandī ḥattā ḥāja | Je n'ai rien (littéralement : Je n'ai même pas une chose) |
اللي فات مات | Al-lī fāt māt | Ce qui est passé est mort (lit. ce qui est passé est fini) |
درت النية | Durt in-niyya | J'ai fait de bonnes intentions |
على قد الحال | ʿalā qadd al-ḥāl | Selon ses moyens |
Le judéo-arabe a joué un rôle crucial dans le patrimoine musical des juifs d'Algérie, notamment à travers :
L'utilisation du judéo-arabe s'est également manifestée dans la littérature :
Le judéo-arabe se distingue par :
L'utilisation du judéo-arabe dans l'art a permis de :
Malheureusement, la langue judéo-algérienne fait l'objet de peu de recherches académiques, bien qu'elle ait été la langue de la deuxième plus grande communauté juive du monde arabe, après celle du Maroc.
Avant 1870, elle était largement utilisée par les Juifs d'Algérie, dans un contexte où cette communauté représentait une part importante de la population du pays. Malgré son importance historique et culturelle, la disparition progressive du judéo-arabe et du ladino après la colonisation française et l'exode massif des Juifs algériens a conduit à un déclin de l'intérêt pour son étude, laissant une grande partie de ce patrimoine linguistique méconnue et non documentée dans les travaux linguistiques contemporains.
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