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écrivain français (c. 1360-1411) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Jean Petit (en latin Johannes Parvus), né vers 1360 dans le Pays de Caux (à Brachy), mort le à « Hesdin » (l'actuel Vieil-Hesdin)[1], est un théologien français, professeur de l'Université de Paris, rendu célèbre par le discours de justification qu'il fit de l'assassinat du duc Louis d'Orléans commis par des hommes de main de Jean sans peur, duc de Bourgogne ().
Il est né dans le Pays de Caux, dans la seigneurie de Bacqueville-en-Caux appartenant à la vieille famille locale des Martel de Basqueville, qui furent ses premiers protecteurs et qu'ils célébra dans plusieurs poèmes. Il vint faire ses études à l'Université de Paris (au collège du Trésorier, qui dépendait de l'archevêché de Rouen) et est signalé comme maître ès arts en 1385. Il était prêtre du diocèse de Rouen avant 1389. Il était déjà au service du duc de Bourgogne, Philippe II de Bourgogne, vers 1392, peut-être parce qu'il avait de la famille en territoire bourguignon.
Il participa, comme délégué de l'Université, à la grande ambassade qui se rendit à Avignon en 1395 (dirigée par les trois princes principaux de la famille royale, les ducs d'Orléans, de Bourgogne et de Berry) ; il en revint très hostile au pape Benoît XIII, qui avait traité les représentants de l'Université de Paris avec dédain. Il fut licencié en théologie en mai 1400, docteur en 1402. Le et le , étant recteur de l'Université, il prononça devant le Conseil royal, puis devant le Parlement, des discours demandant que la soustraction d'obédience à Benoît XIII en matière financière, décidée par une assemblée des évêques français en juillet 1398, soit appliquée, qu'une lettre de l'Université de Toulouse, qui traitait de crime la soustraction d'obédience, soit condamnée[2], que l'Église de France soit délivrée des exactions de la cour pontificale[3]. À l'assemblée du clergé de novembre suivant, il prononça d'autres discours dans le même sens, dont l'un s'étala sur deux jours (avec interruptions et dialogues), et où il s'en prenait à Benoît XIII et à ses représentants avec une verve sans retenue (le pape « a tête de mule », ses procureurs sont « merdaille », ils « rifflent tout ce qu'ils peuvent riffler » etc.).
D'avril à août 1407, il participa à la grande ambassade envoyée, d'abord à Marseille auprès de Benoît XIII, ensuite à Rome auprès de Grégoire XII, pape nouvellement élu, pour tenter d'obtenir la cession des deux rivaux ; la délégation, dirigée par Simon de Cramaud, comprenait trente-six ambassadeurs (quatre cents personnes en tout), et des tensions s'y firent rapidement jour : un groupe, composé notamment de Pierre d'Ailly, de Jean de Gerson, de Jacques de Nouvion (principal secrétaire de l'ambassade, et appartenant à la maison du duc d'Orléans), se montrait beaucoup mieux disposé à l'égard de Benoît XIII. Pendant le séjour de l'ambassade à Rome, le , Jean Petit prononça un discours au Capitole devant les représentants du peuple romain.
Le suivant, le duc d'Orléans fut assassiné à Paris. Dès le surlendemain, à la réunion extraordinaire du Conseil royal, le duc de Bourgogne avoua ouvertement aux autres princes qu'il avait commandité cet acte. Le 26, quand il voulut se présenter au Conseil, il fut invité à se retirer, et saisi de crainte, il quitta Paris à cheval avec six de ses hommes. Arrivé à Lille, où il se trouvait encore le , il y réunit ses conseillers, tant clercs que laïcs et se dit grandement réconforté par leur appui. Il alla alors tenir une grande assemblée à Gand, et y fit prononcer une première justification de l'assassinat par son conseiller Simon de Saulx, abbé de Moutiers-Saint-Jean : selon Enguerrand de Monstrelet, elle ressemblait beaucoup à celle que devait prononcer ensuite Jean Petit, mais n'a pas été conservée.
Cependant à Paris, les autres princes se résolurent rapidement à composer avec le puissant duc de Bourgogne. Dès la mi-janvier 1408, Louis II d'Anjou et le Jean Ier de Berry rencontraient Jean sans Peur à Amiens. Ce dernier se vanta devant eux de son acte comme d'un service rendu à l'État, et il fit soutenir cette prétention par une demi-douzaine de théologiens et de juristes, dont Simon de Saulx et, cette fois, Jean Petit. Ce fut donc, oralement, la deuxième justification, et elle fut faite publiquement, « en la présence des seigneurs et du commun d'Amiens ». Les échanges entre les princes furent tendus, mais ils décidèrent que Jean sans Peur viendrait s'expliquer à Paris.
Le duc prépara soigneusement son apologie. Dans les derniers jours de février, il en conféra à Laon et à Senlis avec plusieurs théologiens et juristes, dont Jean Petit, et Pierre-aux-Bœufs (un autre théologien). Le texte définitif devait être prêt quand il fit son entrée à Paris le , avec une puissante escorte. La séance du Conseil royal consacrée à la justification, très soigneusement organisée, eut lieu le dans la grand-salle de l'Hôtel Saint-Pol, en présence de tous les principaux princes et seigneurs de France et d'une députation officielle de la bourgeoisie parisienne et de l'Université[4]. L'orateur Jean Petit s'adressa à l'assemblée depuis une estrade ; il commença à dix heures du matin et parla pendant quatre heures ; le discours était largement un réquisitoire contre le duc d'Orléans et ses « crimes » de lèse-majesté, qui selon l'orateur justifiait le meurtre. C'était une longue apologie du tyrannicide.
Aussitôt la séance terminée, Jean sans Peur ordonna la reproduction en nombreux exemplaires et la large diffusion du texte du discours. Jean Petit supervisa lui-même cette reproduction, avec des exemplaires de luxe et des exemplaires à bon marché, ce pour quoi il reçut une rétribution de 36 livres tournois le suivant. Il devint d'ailleurs maître des requêtes de l'hôtel du duc, et sa pension fut doublée. Les partisans du duc d'Orléans durent attendre le départ de Paris de Jean sans Peur en juillet (parti défendre son beau-frère le prince-évêque de Liège contre ses sujets révoltés) pour organiser une riposte : la veuve, Valentine Visconti, arriva à Paris le , et une assemblée se tint le dans la grand-salle du Louvre, avec à peu près les mêmes que le , où Thomas du Bourg, abbé de Cerisy, prononça un discours prenant le contre-pied de celui de Jean Petit, dénonçant le crime du duc de Bourgogne et réclamant un châtiment.
Jean Ier de Bourgogne, revenu à Lille en octobre, y appela Jean Petit et le chargea de faire une réponse à ce discours. Le duc avait sans doute l'intention de lui faire lire son texte à Paris, où il arriva le avec une grosse escorte armée. Mais le mourait à Blois la veuve Valentine Visconti (la « déguerpie dudit envieux d'Orléans », selon l'expression de Jean Petit[5]). Les négociations reprirent, et le , à Chartres, les enfants du duc d'Orléans faisaient la paix avec l'assassin de leur père. Mais Jean Petit ne s'en tint pas quitte, et au cours de 1409 il développa sa réponse au discours de l'abbé de Cerisy (Seconde justification du duc de Bourgogne, texte semble-t-il non diffusé, dont on conserve l'original à la Bibliothèque royale de Bruxelles et une copie à la Bibliothèque nationale de France, où le théologien se laisse aller, bien plus que dans le premier discours dont la rédaction avait été collective et contrôlée, à sa verve populaire : l'abbé de Cerisy est un « vieux abbé enfumé, becjaune et glorieux cornard », sa manière de répondre est « barateuse, tricheresse et déshonorante », etc.).
Ce texte ayant été remisé sans publication dans la bibliothèque du duc de Bourgogne, Jean Petit, qui tenait à sa cause, écrivit dans le courant 1410 un autre texte plus court sur le même sujet, le Traité encontre les édifieurs de sépulcres (manuscrit conservé aux archives de la Côte-d'Or) : dans ce développement confus, les « édifieurs de sépulcres », ce sont les Juifs, qui avaient édifié les sépulcres des prophètes contre la nouvelle loi de Jésus-Christ.
Il semble que le duc de Bourgogne ait voulu l'éloigner de la pleine lumière, et il ne lui accorda d'ailleurs aucun bénéfice ecclésiastique important : il serait mort, le , « dedans l'hôtel » d'un hôpital d'une petite ville, apparemment Hesdin[6]. Cependant la controverse autour de lui ne cessa pas avec sa mort. En 1413, après le départ de Jean sans Peur de Paris () et l'écrasement de la révolte des Cabochiens par les Armagnacs, Jean de Gerson, dans un sermon prononcé devant le roi le , dénonça sept propositions du discours de Jean Petit comme hérétiques et scandaleuses ; le roi ordonna à l'évêque de Paris, Gérard de Montaigu, et à l'Inquisiteur de France de les examiner et de trancher (). Les deux responsables religieux rassemblèrent soixante théologiens qui tinrent cinq sessions du au (ce qu'on appelle traditionnellement le « concile de la foi »)[7]. Finalement neuf propositions supposées être extraites du discours furent solennellement condamnées, et on ordonna d'en brûler tous les exemplaires ; tous les fidèles devaient les apporter s'ils en avaient sous peine d'excommunication, et le dimanche un grand bûcher fut dressé sur le parvis Notre-Dame. La même cérémonie fut renouvelée un mois après. Le , le roi enjoignit par lettres à tous les évêques et juges ecclésiastiques de s'assurer de la disparition de tous les exemplaires du discours, avec châtiments pour les récalcitrants.
En mars, le duc de Bourgogne fit appel de la condamnation devant le pape Jean XXIII, qui nomma trois cardinaux pour examiner l'affaire. De l'autre côté, Jean de Gerson et les ambassadeurs du roi Charles VI portèrent l'affaire devant le concile de Constance (ouvert le ). Mais en février 1415, le parti royal et le parti bourguignon parvinrent à un accord (« paix d'Arras »), qui stipulait, sur cette affaire, que chacun gelait ses démarches ; quant à Jean XXIII, il rompit le avec le concile de Constance et s'enfuit. Mais Jean de Gerson s'entêta et voulut faire condamner par le concile les propositions dénoncées dans le discours de Jean Petit. Jean sans Peur répondit par une lettre où il déclarait condamner les idées dénoncées, mais affirmait qu'elles n'étaient pas contenues dans le discours. Les trois cardinaux chargés du dossier convoquèrent l'évêque de Paris, qui ne vint pas, et en conséquence ils cassèrent sa décision, tout en déclarant explicitement qu'ils n'approuvaient pas les propositions qu'il avait condamnées. Finalement, la quinzième session du concile de Constance, le , se borna à une condamnation générale du tyrannicide, sans citer Jean Petit ni son discours[8].
Après la reprise de Paris par les Bourguignons (), la condamnation de Jean Petit fut cassée et il fut réhabilité (). Le fameux discours, en principe disparu sur le territoire sous administration royale, ne fut évidemment pas détruit dans les domaines bourguignons. Il reparut reproduit approximativement dans la Chronique d'Enguerrand de Monstrelet (commencée vers 1422)[9]. Il est d'autre part conservé dans huit manuscrits indépendants (cinq à Paris, deux à Bruxelles et un à Vienne).
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