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L'Histoire de la production hydroélectrique dans le monde a débuté dans le dernier quart du XIXe siècle avec les premières centrales hydroélectriques dans les Alpes et s'est accélérée au siècle suivant grâce au progrès dans les technologies de l'interconnexion électrique et de la conduite forcée. La découverte de nombreux ferro-alliages utilisables dans l'industrie et réalisables au moyen du four à arc électrique, tout comme celle de l'électrolyse, vont augmenter la demande de création de centrales électriques très puissantes et celles-ci se sont multipliées dans les Alpes au cours des années.
Les premiers barrages sont créés pour des besoins de stockage de l'eau, sans turbine électrique. C'est le cas en France du barrage Zola, terminé en 1854 et conçu contre l'épidémie de choléra de 1832-1835. Par ailleurs, les chutes d'eau sont équipées dans un premier temps pour les besoins de la papeterie, en raison de la présence toute proche d'une ressource forestière sur des pentes montagneuses impossibles à utiliser pour l'élevage ou l'agriculture. Les turbines centrifuges françaises ont révolutionné la production d'énergie mécanique pour la papeterie à partir de 1830. Bénéficiant du travail de recherche d'inventeurs comme Benoît Fourneyron, que l'Académie des sciences couronne en 1834. Ses turbines perfectionnées lui valent une médaille d'honneur à l'Exposition universelle de 1855. Elles sont vendues en Europe et à l'international, de la Russie au Mexique.
Cette technologie assez simple est remplacée dans la deuxième moitié du XIXe siècle par la turbine centripète conçue par l'américain Francis en 1840. L'électricité en Europe est cependant produite le plus souvent par des petites centrales à charbon. En 1869, l'ingénieur Aristide Bergès utilise l'énergie hydraulique sur une chute de deux cents mètres à Lancey pour faire tourner ses défibreurs, râpant le bois afin d'en faire de la pâte à papier. Puis la turbine Pelton est conçue en 1880 pour les hautes chutes[1], mais leur utilisation pour produire de l'électricité est encore très rare. Les premiers aménagements hydroélectriques se firent en combinant des barrages de prise de faible hauteur et des chutes plus ou moins importantes. En 1882, Aristide Bergès, qui vient de parler avec un esprit visionnaire de « houille blanche » en 1878 à Grenoble, met en place une conduite forcée de 500 mètres de dénivelée et adjoint une dynamo Gramme à ses turbines pour produire du courant électrique et éclairer son usine, puis alimenter la papeterie qu'il a adjointe à sa râperie de bois.
En 1883, l'ingénieur italien Lorenzo Vanossi conçoit et installe à Chiavenna le premier générateur électrique de la province de Sondrio actionné par la force hydraulique, mais il faudra attendre en 1898 pour la première grande centrale hydroélectrique italienne de grande taille, Paderno, construite sur l'Adda par Edison, société issue en 1884 du Comité de Giuseppe Colombo, qui avait créé en 1883 à Milan la première centrale thermique, pour l'éclairage de ville.
L'ingénieur français Aristide Bergès reparle de « houille blanche » à la foire de Lyon en 1887 et lors de l'Exposition universelle de Paris de 1889[2]. L'Europe n'est pas la seule concernée. Les chutes du Niagara ont suscité très tôt des projets importants d'équipements hydroélectriques, au Canada comme aux États-Unis. L'Inde fut un des pays pionniers des équipements hydroélectriques. Les centrales de Darjeeling et de Shimsha (Shivanasamudra) furent mises en service en 1898 et 1902 respectivement, parmi les premières en Asie[3].
Quand en 1886, l'électrolyse du chimiste Paul Héroult révolutionne la production d'aluminium, les américains réagissent très vite en fondant deux ans plus tard, la Pittsburgh Reduction Company[4], qui deviendra Alcoa en 1929. Dans les deux pays, on recherche des sources d'électrité plus puissantes. Au même moment, en 1887, un industriel suisse, Paul Girod dépose son premier brevet de four à arc électrique, les nouveaux débouchés ne sont pas encore complètement identifiés, mais ils progressent très vite.
Une dizaine d'années plus tard, il met au point divers alliages nouveaux: ferro-tungstène, ferro-molybolène, ferro-uranium, ferro-tantale, ferro-bore et passe même à la fabrication industrielle du ferrochrome et du ferromanganèse. Le four à arc électrique nécessite de disposer rapidement d'une très grande puissance électrique et les chutes d'eau sont plus appropriées que les centrales à charbon. En Norvège, vingt ans plus tard, c'est le procédé Birkeland-Eyde qui permet de fixer l'azote atmosphérique à l'aide d'arcs électriques, afin de générer de l'oxyde nitrique (NO) servant à son tour à fabriquer des engrais azotés synthétiques. Son inventeur Samuel Eyde fonde Norsk Hydro. Les besoins industriels en électricité, de plus en plus intenses et variés, amènent à penser l'approvisionnement des centrales hydroélectriques sous forme de ressource durable et donc à créer des lacs de barrage, puis à alimenter ces lacs par tout un réseau de torrents détournés et captés. Grâce à des matériaux de plus en plus performants, les conduites forcées augmentent en puissance. Ainsi à partir de 1900, le fer rivé est remplacé par l’acier rivé puis, à partir de 1910, la soudure au gaz à l’eau remplace le rivetage.
En 1916, les Etablissements Bouchayer Viallet ont déjà construit plus de 200 conduites mais seules quelques-unes dépassant une hauteur de chute de 500 mètres[5], hauteur que les nouvelles conduites vont régulièrement dépasser, avec un premier brevet dénommé « Rivure Ferrand » destiné à limiter l’épaisseur des parois[5]. Dans les années 1930 on passe à la soudure à l’arc électrique, pour utiliser des aciers plus performants, à l’aide d’électrodes enrobées.
Autre entreprise grenobloise de fabrication de grands équipements hydrauliques, Neyrpic associe des technologies françaises et suisses. Sur les 800.000 chevaux vapeur installés en France avant 1914, 300.000 viennent de firmes étrangères, et pour une écrasante majorité de cinq firmes suisses, parmi lesquelles Escher Wyss, Théodore Bell, Piccard Pictet les Ateliers de Vévey et celle fondée par Johann Jakob Rieter[6]. À elle seule, Escher-Wyss a vendu en France des équipements, pour une force cumulée de 253 000 chevaux vapeur. En 1917, sous l'impulsion des pouvoirs publics[6], Piccard Pictet créé une filiale commune, pour les transferts de technologie, avec la firme grenobloise Neyret-Beliet, fondée par André Neyret et Casimir Brenier[7]. Dès 1925, la future Neyrpic avait équipé les deux-tiers de la puissance électrique installée depuis 1919, profitant d'un taux de change défavorable à ses rivaux suisses[8]. Sur les 3 millions de chevaux vapeur installés en France de 1919 à 1936, près de la moitié le fut grâce aux accords de licence avec de nombreux autres partenaires étrangers, dont une partie grâce au Plan Dawes de 1924, prévoyant que l'Allemagne paie aussi des réparations en nature[9]. Neyrpic emploie un effectif de 1200 personnes à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Elle s'affirma après 1945 comme le leader mondial de l'équipement hydroélectrique, employant plus de 5 000 personnes au début des années 1960[8].
En 1937, les cinq plus gros producteurs d'hydroélectricité sont les États-Unis (27,5 TWh), le Canada (16 TWh), l'Italie (10,25 TWh), la France (6 TWh), et la Suisse (5 TWh)[10].
Les États-Unis connaissent après la Seconde Guerre mondiale un boom de la production hydroélectrique: elle passe de 100,9 térawatts-heures en 1950 à 149,4 en 1970, soit une progression de 50 % en une décennie, à laquelle s'ajoute une progression de 67 % lors de la décennie suivante, celle des années 1960, qui se terminent par une production de 251 térawatts-heures en 1970, niveau auquel le pays est revenu en 2010, quarante ans après. Entre-temps, l'équipement du pays a connu des hauts et des bas, avec d'excellentes années et d'autres beaucoup plus médiocres, le choc pétrolier de 1974 et celui de 1980 ayant remis au goût du jour d'autres sources d'énergie.
La Nationalisation de l'électricité au Québec par la création de la société d'État Hydro-Québec en 1944 entraîne une diminution des tarifs électriques, qui fait quintupler la quantité moyenne d'électricité utilisée par les ménages montréalais entre 1944 et 1960, tandis que le nombre d'employés passe de 1 400 à 3 500 entre 1944 et 1960. Une seconde vague de nationalisation québécoise débouche sur la construction de la Centrale de Churchill Falls et de l'Aménagement Robert-Bourassa, les deux plus grandes centrales hydroélectriques souterraines au monde. L'Ouest du Canada n'est pas en reste, avec le Traité du fleuve Columbia, signé le , après quinze ans d'études, entre le Canada et les États-Unis pour exploiter et multiplier les barrages dans le bassin versant supérieur du fleuve Columbia: le Canada s'engage à construire le barrage Mica, le barrage Duncan et le barrage Keenleyside (ex-barrage Arrows) — en Colombie-Britannique où coule le fleuve pour prévenir les crues et maximiser la production d'énergie hydroélectrique alimentant le bassin industriel de Seattle, au nord-ouest des États-Unis, qui s'engagent, en retour, à financer une partie des investissements et partager l'énergie produite. Une controverse sur la compétence entre la province de Colombie-Britannique et l'État fédéral canadien retarde de trois ans l'application du Traité.
Le dernier quart du XXe siècle voit la naissance des premières centrales hydroélectriques construites sur des barrages géants dans les pays en forte croissance, parfois à cheval sur deux pays, comme le Paraguay et le Brésil, pour des capacités dépassant largement celle des plus grands barrages produisant de l'électricité en Europe. Souvent, ils sont conçus trop vite. Sous la dictature militaire brésilienne (1964-1985), Eletrobras lance successivement le barrage de Coaracy Nunes, le barrage de Samuel, le barrage de Balbina et le barrage de Tucuruí, sur une suite d’erreurs techniques[11]: emplacements mal choisis, topographie trop plane, dimensions gigantesques (900 km2 à Samuel et 2 300 km2 à Balbina) causant l'ennoiement de vastes zones forestières, pour un dénivelé et un débit insuffisants à donner une grande puissance aux usines d'aluminium associées ou aux établissements miniers[11]. Le barrage de Santo Antônio produira par exemple 14 fois plus d’électricité que le barrage de Samuel, pour une surface submergée inférieure d’un tiers. L'État brésilien a ensuite tenté d'atténuer les critiques par la création de barrages «au fil de l’eau», c’est-à-dire sans aucune retenue, ou bien accessibles qu’en bateau ou en hélicoptère[12], entourés d’une zone de protection où tout déboisement est interdit. Ces erreurs ont aussi donné naissance au MAB (Mouvement national des personnes atteintes par les barrages), coalition nationale des différents groupes locaux et régionaux de résistance[13], mais sans arrêter le projet de barrage de São Luiz do Tapajós, sur l'un des affluents en rive droite de l'Amazone, qui doit voir le jour à la fin des années 2010.
Cette tendance s'est accélérée au siècle suivant et 9 des 23 plus grands barrages du monde ont été construits en Chine depuis 2008, permettant à l'énergie hydroélectrique d'assurer 11 des 15 plus grandes centrales électriques du monde.
La plupart des barrages hydroélectriques sont construits au centre et au sud-ouest de la Chine, parmi lesquels le barrage des Trois-Gorges, le plus puissant du monde, ce qui entraîne le déploiement de milliers de kilomètres de lignes de transport à haute tension, sur un axe ouest-est pour les relier aux régions côtières énergivores.
En 2015, l'hydroélectricité en Chine prend de très loin 1er rang mondial, tant en termes de puissance installée (26,4 % du total mondial) que de production (28,3 %), mais elle ne fournit que 20 % de la production d'électricité du pays, qui a connu une très forte croissance industrielle et immobilière. Sur les 30 barrages de plus de 3 000 MW dans le monde, 13 sont en Chine, pays qui veut porter la capacité hydroélectrique à 510 GW en 2050 contre 319 GW fin 2015 et la capacité de pompage-turbinage à 150 GW contre 23,1 GW.
Pour autant, les petites centrales hydroélectriques (PCH), dont la puissance est inférieure à 10 mégawatts, représentaient en 2007 encore environ le tiers du potentiel hydraulique total du pays[14]. Avant les années 1980, il s'agissait surtout de fournir de l’électricité pour l’éclairage dans les zones rurales, qui ont connu de graves pénuries d’électricité, mais aussi la transformation des produits agricoles et l’irrigation. En 1983, afin de dynamiser le développement économique rural et aider les agriculteurs à augmenter leurs revenus, l’électrification primaire rurale par l’hydraulique a été planifiée dans 600 districts[14]. Par ailleurs, le gouvernement chinois a investi 2,13 milliards d’euros dans le programme engagé en 1988 pour la modernisation des réseaux ruraux.
En 2013, pour 5 des 10 premiers producteurs d'énergie hydrauliques (Norvège, Brésil, Venezuela, Canada, Suède)[15], dont deux sont scandinaves et deux sont sud-américains, l'hydraulique représente plus de la moitié de leur électricité. Inversement, les États-Unis, qui ont fait partie, avec la France et la Suisse, des pionniers au XIXe siècle puis des pays moteurs dans l'entre-deux guerres, ne consomment plus qu'un vingtième d'énergie hydraulique, malgré le potentiel des Montagnes Rocheuses. Chine, Canada et Brésil sont les 3 plus gros producteurs d'hydroélectricité, et le Canada et la Norvège les plus gros producteurs par habitant[15]
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