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L'histoire de la franc-maçonnerie est, jusqu'au milieu du XXe siècle, exclue du champ de l'histoire universitaire classique. À partir du milieu du XIXe siècle apparaît en Allemagne un courant d'étude historique et critique qui se détermine comme « authentique ». Ce courant traverse la Manche et se retrouve en Angleterre où plusieurs personnalités de la franc-maçonnerie constituent la première loge de recherche du monde, Quatuor Coronati n°2076[1]. À partir du milieu du XXe siècle, une structuration universitaire prend forme en Espagne, en France et en Belgique avec la mise en œuvre de centres de recherche, de chaire universitaire et de cercles d'études historiques, dont les travaux débouchent sur une nouvelle discipline qui prend le nom de « maçonnologie ».
Au XXIe siècle, les travaux des historiens situent la naissance de la franc-maçonnerie dans les Iles britanniques entre le XVIIe et XVIIIe siècles, elle s'exporte rapidement sur le continent pour se répandre en Europe, puis dans les empires coloniaux des puissances occidentales. Elle connaît diverses évolutions, tant philosophiques et spirituelles, que politiques. Espace de sociabilité et d'échange, ses membres s'impliquent souvent dans la société par des actions philanthropiques, éducatives ou politiques et traversent les XIXe et XXe siècles en s'impliquant sous diverses formes dans la vie de la cité et des sociétés en général. Espace de réflexion symbolique et initiatique, elle transmet au travers de rites qui diffèrent parfois de forme, mais qui s'appuient sur les mêmes mythes et légendes fondatrices, une tradition philosophique ou spirituelle qui vise à l'évolution intellectuelle ou morale de ses membres.
Combattue par les courants réactionnaires et religieux, comme par les milieux nationalistes, elle connaît des périodes fastes de développement et de présence internationale et d'autres de persécution, d'extinction partielle ou totale. Elle demeure au XXIe siècle largement décriée ou condamnée par les religions en général, qui condamnent principalement son relativisme et son cosmopolitisme.
La franc-maçonnerie est ouverte aux femmes depuis le début du XXe siècle dans tous ses rites et grades, principalement en Europe et après de fortes résistances d'une franc-maçonnerie exclusivement masculine en général. Elle est, au XXIe siècle, présente sur tous les continents. Dans tous les pays où elle est présente, elle s'adapte en permanence aux évolutions de son environnement politique et tend principalement à se rebâtir après chaque période de déclin sur de nouveaux projets conformes à un idéal utopique, de république universelle pour le courant latin et libéral ou d'éducation et de fraternité internationale pour le courant anglo-saxon et traditionnel.
Jusqu'au milieu du XXe siècle, l'histoire de la franc-maçonnerie fut exclue du champ d'étude de l'histoire universitaire classique[2]. La difficulté de la transmission de son histoire relève d'une analyse du fait maçonnique, de ses rites ou de ses légendes qui s'est appuyée pendant de très nombreuses années sur des travaux d'historiens ou d'essayistes ayant une approche « romantique »[a], qui peine à différencier mythes maçonniques et faits historiques[3].
Avant que ne se développe l'« école authentique » et la maçonnologie, de nombreux ouvrages français ou étrangers ne font guère preuve d'une grande rigueur dans le souci de vérification des sources et dans celui du contrôle des hypothèses, générant de nombreuses interprétations douteuses. Toutefois, à partir de 1865, commence d'apparaitre quelques ouvrages dignes d’intérêt historique[4]. Au delà des difficultés méthodologiques qui ont entravé la constitution d'un domaine reconnu pour l'histoire de la franc-maçonnerie en général, l'étude historique de la maçonnerie en France notamment, nécessite une prise de distance au regard de l'implication ancienne de l'institution dans la vie intellectuelle et sociale du pays[4].
L'historiographie maçonnique se partage jusqu'à une date récente entre deux types d'auteurs. Ceux qui y sont hostiles pour des raisons politiques ou religieuses et ceux qui y sont résolument favorables, ceux-là appartiennent le plus souvent à une obédience. Les conséquences de cette production partiale entraînent une qualité inégale des travaux produits d'une part et l'esprit polémique des auteurs propulsant d'autre part, une production où sont mis en exergue, les scènes, personnages ou événements qui corroborent leur point de vue personnel, falsifiant ou reconstruisant éventuellement, réalité historique[5].
La recherche historique moderne, en s'éloignant de ces querelles doctrinaires, a renvoyé dos à dos ces courants d'historiens souvent égarés[6]. L'évolution de l'historiographie maçonnique, en raison des persécutions connue par la franc-maçonnerie durant la Seconde Guerre mondiale, connaît une modification sensible de son développement au cours de la seconde moitié du xxe siècle. Non sans difficulté, elle opère un retour sur elle-même en revoyant son rapport à la société civile et politique. Elle devient, avec une forme d'apaisement sur le conflit qui l'oppose à l’Église catholique, un objet d'étude historique cohérent, sérieux et moins polémique. Les années 1970 voient les premières études historiques bâties sur une approche documentaire, historique et critique[5].
La théorie de la transition est en franc-maçonnerie le nom donné par les historiens et maçonnologues aux événements et pratiques qui auraient abouti à la transformation des loges opératives des corporations de maçons du Moyen Âge et de la Renaissance de Grande-Bretagne en loges spéculatives de la franc-maçonnerie. Cette transition s'étant effectuée selon cette théorie par « l'acceptation » de gentlemen masons au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Ces « maçons non opératifs et acceptés » auraient progressivement reproduit les pratiques des loges opératives tout en conservant uniquement la symbolique et l'organisation de ces dernières, pour donner naissance progressivement à la franc-maçonnerie spéculative.
Cette théorie étudiée par les historiens et maçonnologues depuis le milieu du XXe siècle s'avère, au regard des dernières recherches et travaux, non fondée et relevant pour partie des mythes maçonniques construits, sur la base des textes fondateurs de la franc-maçonnerie. Elle n'est majoritairement plus reconnue, au XXIe siècle, comme une théorie pertinente pour expliquer la création de loge spéculative, la « théorie de l'emprunt » étant préférée par les maçonnologues contemporains à cette dernière.
Les textes fondateurs de la franc-maçonnerie sont l'ensemble des textes manuscrits, gravés ou imprimés entre le XIVe et le XVIIe siècle et ayant servi à la création et la structuration de la franc-maçonnerie spéculative. Ils sont constitutifs d'un ensemble de mythes maçonniques qui alimentent l'imaginaire symbolique et philosophique de son parcours spéculatif, graduel ou encore initiatique.
Toujours étudiés de nos jours, ces documents s'inscrivent pour partie avant la création de la première obédience maçonnique, la Grande Loge de Londres et de Westminster, en 1717. Ils permettent aux historiens et maçonnologues de mettre en exergue les liens, qui s'avèrent à l'analyse uniquement symbolique et culturel qui relient dans le temps la maçonnerie opérative d'Écosse et d'Angleterre aux premières loges maçonniques spéculatives de la franc-maçonnerie et plus tardivement à l'élaboration de son histoire légendaire.
Les mythes maçonniques occupent une place centrale dans la franc-maçonnerie. Issus de textes fondateurs ou de diverses légendes bibliques, ils sont présents dans tous les rites maçonniques et dans tous les grades. Ils utilisent des paraboles conceptuelles et peuvent servir aux francs-maçons de sources de connaissance et de réflexion où l'histoire le dispute souvent à la fiction. Ils s'articulent principalement autour des histoires légendaires de la construction du temple de Salomon, de la mort d'Hiram son architecte, et de la chevalerie. Quelques thèmes mythiques originels font encore partie, de manière plus ou moins importante et explicite, des symboles qui composent le corpus et l'histoire de la franc-maçonnerie spéculative. Certains mythes, toutefois, n'ont pas eu de réelles postérités, mais transparaissent encore dans quelques hauts grades, ou dans la symbolique de quelques rituels. D'autres empruntent parfois à l'imaginaire médiéval ou à des mystiques religieuses et ne s'encombrent pas de vérités historiques pour créer des filiations légendaires avec des corporations ou des ordres disparus.
La première Grande Loge d'Angleterre est la première obédience maçonnique créée dans le monde. Elle est fondée le , par la fusion de quatre loges londoniennes. Ses principes fondamentaux sont inspirés de l'idéal des Lumières et de la révolution scientifique du XVIIIe siècle. Elle prend le nom de Grande Loge d'Angleterre en 1738 et connaît une grande expansion à travers le monde, durant la première moitié du XVIIIe siècle. Elle entretient pendant 62 ans une querelle initiée par l'ancienne Grande Loge d'Angleterre crée en 1751 et qui la qualifie du nom péjoratif de « Grande Loge des modernes », querelle qui s'achève en 1813 par un acte d'union et qui forme avec son ex-rivale, la Grande Loge unie d'Angleterre.
La première grande loge est fondée peu de temps après l’avènement sur le trône de Grande-Bretagne, le , de George 1er, premier roi de la Maison de Hanovre et de la fin de la première des rébellions jacobites en 1715[7].
Officiellement son origine remonte au jour de fête de la Saint Jean le Baptiste, quand quatre loges de Londres réunies dans la taverne du « Goose and Gridiron » ont fusionné à l'initiative de Jean Théophile Désaguliers, du pasteur anglican James Anderson et d'autres francs-maçons, pour former la première obédience maçonnique[8]. Ses quatre loges portaient le nom des tavernes où elles se réunissaient : « L'Oie et le Grill », « La Couronne », « Le Pommier », « Le Gobelet et les Raisins ». Ce nouvel organisme prend le nom de « Grande Loge », il est chargé de la création et de la gestion de nouvelles loges destinées à l'usage de « Londres et de Westminster »[9],[10].
La querelle du Grand Architecte de l'Univers est en franc-maçonnerie, et plus particulièrement dans la franc-maçonnerie francophone, l’événement qui marque un tournant dans l'évolution des pratiques maçonniques. Elle fut à l'origine de l'un des principaux schismes maçonniques de l'histoire et reste, aujourd'hui encore, au centre des débats qui tentent de caractériser la franc-maçonnerie dite « libérale » ou « adogmatique ».
Elle fut également pendant tout le XXe siècle, avec les questions de mixité, de l'engagement politique et de la ségrégation raciale, l'un des principaux constituants des querelles internationales de régularité maçonnique.
L'admission des femmes en franc-maçonnerie est progressive et très diverse selon les époques et les pays. En 2016, dans un nombre croissant de pays, notamment en Europe, elles peuvent rejoindre des obédiences maçonniques mixtes ou exclusivement féminines, ces obédiences faisant généralement partie du courant adogmatique ou libéral de la franc-maçonnerie.
Historiquement, et tout en restant très restreinte, la présence de femmes du métier dans la maçonnerie opérative et sur des chantiers de construction est attestée dès le XIIIe siècle. Si y accéder ne leur est pas strictement interdit, en revanche le statut des femmes en général à cette époque ne leur permet d'appartenir à des corporations que sous certaines conditions très spécifiques.
Dans la franc-maçonnerie spéculative, la première femme initiée aurait été Elisabeth Aldworth, reçue en Irlande vers 1712 dans des circonstances tout à fait inhabituelles. Après la création en 1717 de la première obédience maçonnique en Angleterre et la promulgation des constitutions d'Anderson, l'interdiction de les recevoir en loge maçonnique est institutionnalisée. Plus aucune femme n'est admise en tant que franc-maçonne au sens strict, jusqu'à l'initiation en France de Maria Deraismes le . Cependant, dans cet intervalle, il s'avère qu'apparaissent différents ordres mixtes d'inspiration maçonnique, tels que la maçonnerie dite « d'adoption », en France, ou encore l'« Eastern Star » aux États-Unis.
La création de la première obédience mixte en France à la fin du XIXe siècle est le début d'un long processus d'ouverture aux femmes d'une franc-maçonnerie spéculative, dont les obédiences et les pratiques sont exclusivement masculines depuis sa création. Au terme de multiples remises en cause, qui rejoignent parfois les combats féministes du début du XXe siècle, celui-ci voit l'installation de la première obédience féminine et le développement aux côtés de la branche mixte d'une franc-maçonnerie indépendante, ouverte aux femmes et pratiquant les rites maçonniques historiques, dans leurs plénitudes philosophiques et initiatiques. Si des interdictions concernant leur admission perdurent au XXIe siècle, et ce notamment dans la franc-maçonnerie dite « régulière » du courant de la Grande Loge unie d'Angleterre, cette dernière ne conteste plus la qualité de franc-maçonne des femmes initiées au sein de certaines obédiences mixtes anglaises ou de par le monde.
La franc-maçonnerie durant la Première Guerre mondiale conserve ses fondements universalistes, mais, d'une manière générale, les francs-maçons de chaque pays en conflit servent sans restriction leurs nations respectives, ébranlant fortement les principes de fraternité universelle issus du siècle des Lumières, qui la régissent depuis sa création.
Les réseaux qu'elle tisse avant la guerre animent l'espoir d'une solution pacifiste dans les tensions économiques que vit le monde. Sans trouver d'accord formel entre courants maçonniques, elle accompagne les mouvements internationalistes et pacifistes du début XXe siècle par la création de la Ligue universelle des francs-maçons lors du 1er congrès espérantiste de 1905. Elle crée aussi, pour tenter de fédérer les obédiences maçonniques du monde, le bureau des relations internationales, qui n’aboutit pas totalement à son objectif premier et ne survit pas à l'issue du conflit. Les tentatives de rapprochement des franc-maçonneries françaises et allemandes dans l'espoir d'éviter un nouvel affrontement armé sont mises à mal par la presse antisémite ainsi que par la méfiance d'une partie des obédiences tant libérales que traditionnelles.
Dès le début des hostilités, chaque nation maçonnique se range derrière sa bannière, chaque camp invoquant la légitime défense et la défense des valeurs de l'humanité. Les obédiences des états qui font le choix de la neutralité engagent ou continuent d'animer des relations avec les autres nations maçonniques, parfois des deux camps. Malgré les changements brutaux et les affrontements violents que provoque le conflit, les obédiences maçonniques continuent sur tous les continents leurs activités et certaines manifestations fraternelles, y compris parfois au sein des camps de prisonniers.
Si l’idéal d'une fraternité universelle est remis en cause par l'action des obédiences qui se retranchent dans leurs causes nationales respectives, celles-ci placent dès 1917 et à l'approche de la fin de la guerre leurs espoirs dans un monde nouveau plus juste et plus éclairé à naître et à construire. Comme après chaque grand bouleversement depuis sa création, la franc-maçonnerie organise son avenir et son action au travers de sa capacité à inventer de nouvelles dynamiques, basées simultanément sur ses anciennes constitutions et sur un idéal utopique.
Contrairement à sa traversée du premier conflit mondial où les obédiences s'engagent dans le soutien à leur nation respective, la franc-maçonnerie voit dans la première moitié du XXe siècle l'établissement en Europe de régimes autoritaires à des degrés divers et également d'États totalitaires qui l'amènent à sa quasi-disparition du continent européen. Ces totalitarismes finissent par réduire ou supprimer toutes libertés publiques par élimination de tous les systèmes de représentation citoyenne, la franc-maçonnerie faisant partie des premières victimes. Les dictatures, fascistes, nazies et communistes vont systématiquement éradiquer loges et obédiences maçonniques dans des mouvements répressifs de grandes ampleurs. Le régime franquiste au travers d'un cléricalisme consanguin au régime, atteint des sommets dans la répression, en faisant de la franc-maçonnerie une cible privilégiée[M 1]. Ainsi, de manière plus ou moins radicale, la franc-maçonnerie disparaît progressivement de l'Europe autoritaire à partir de 1919 avec la Russie des Soviets, en Allemagne avec son interdiction totale en 1934[11], jusqu'en 1939 avec l'avancée franquiste[M 2]. Les invasions nazies qui commencent la Seconde Guerre mondiale ont pour conséquence finale de conduire à la destruction quasi-totale de la franc-maçonnerie européenne, les rares pays ayant échappé aux dérives autoritaires de leur régime, se retrouvant sous occupation nazie ou après leur défaite militaire sous la direction de régime collaborationniste qui œuvrent à son éradication. À la suite de ces périodes d'anti-maçonnisme et de persécution, la tradition maçonnique, qui dans certains pays européens remonte au XVIIIe siècle, disparaît complétement[12].
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