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Leurs travaux peuvent être vus à travers le postulat d'une perspective «décoloniale» ou «post occidentale». Ce postulat situe la discussion sur les relations de pouvoir qui s'installent à partir de 1492, de ce qui se nomme aujourd'hui comme la découverte de l'Amérique, qui implique une racialisation qui est à la base de l'instauration d'un système économique capitaliste et, partant, de la modernité européenne[1]. Le sociologue marxiste Aníbal Quijano, qui a travaillé avec Immanuel Wallerstein, auquel on doit le concept de système-monde, reste très proche de l'idée d'une infrastructure économique dans laquelle la séparation radicale entre les travailleurs de la périphérie coloniale et ceux des métropoles, pour fonctionner, s'appuiera sur l'infériorisation des peuples colonisés, processus qui commence dès la controverse de Valladolid.
Certains penseurs décoloniaux, qui attribuent également un rôle central à la racialisation, critiquent ce qui leur apparaît comme un économicisme et la notion de détermination « en dernière instance » qui va avec et préfèrent parler de « civilisation capitaliste ».
Il est ainsi important de les distinguer du postcolonialisme, généralement dominé par des auteurs provenant des anciennes colonies anglaises ou françaises en Asie, en Océanie et au Moyen Orient, et partant plutôt d'une perspective culturaliste faisant débuter l'histoire coloniale 300 ans plus tard[2].
La perspective décoloniale, longtemps (et encore) confondue avec celle des études postcoloniales, commence à être mieux connue en France. En témoignent les séminaires et colloques qui traitent de la question dès le milieu des années 2010 à Limoges[3], Paris, Lyon[4] et Toulouse[5].
Un travail de traduction a commencé depuis une dizaine d'années, grâce au Groupe décolonial de traduction et d'autres traducteurs.
Les revues Multitudes et Mouvement ont été les premières à traduire des articles d'auteurs décoloniaux. En 2009, les Cahiers des Amériques latines ont publié un dossier sur la question[6].
Il y a eu publication de l'anthologie Penser l'envers obscur de la modernité[7] en 2014 et de Désobéissance épistémique[8] de Walter Mignolo en 2015. Le Réseau d'études décoloniales[9] propose dans son numéro de 2016 des traductions de différents auteurs du groupe comme Arturo Escobar, Ramon Grosfoguel et Eduardo Restrepo.
Le Projet M/C correspond à une rencontre entre intellectuels venant d'horizons différents et désireux d'élaborer de nouveaux concepts critiques. Si au départ, la volonté de penser la réalité latino-américaine a été déterminante, les analyses qui ont été formulées, développements du concept fondateur de colonialité du pouvoir, sont loin de se cantonner au seul contexte latino-américain.
Les sources intellectuelles du groupes furent au départ assez diverses: la théologie de la libération, la théorie de la dépendance et la philosophie latino-américaine ont joué et continuent de jouer un rôle important.
Le concept de colonialité du pouvoir, forgé par Aníbal Quijano au début des années 1990, s'est peu à peu enrichi de développements divers, la colonialité du savoir et l'être ou de la nature venant compléter le concept de départ.
Le groupe M/C a été avant tout une espèce de catalyseur permettant d'articuler la pensée critique latino-américaine des années 1970 avec la pensée critique européenne et américaine des années 1980 et 1990. Comme résultat de toutes ces influences le Projet M/C a généré un vocabulaire particulier qui s'incorpore avec un relatif succès dans le monde académique, et aussi dans quelques organisations et mouvements sociaux[10]. Pour comprendre la portée politique de ce courant qui vise un changement social en profondeur du monde actuel, il faut prendre en compte une donnée importante: en Amérique latine, il n'y a pas eu un effondrement des projets critiques, comme en Europe, à partir des années 1990. Une des raisons de cet état de fait tient à une histoire originale de l'Amérique latine: les luttes du XXesiècle n'étaient pas organisées seulement par la tradition marxiste, la théologie de la libération, ou les mouvements indigènes ont donné des dynamiques nouvelles aux mouvements sociaux qui, aux États-Unis et en Europe se sont essoufflés à partir des années 1980 et surtout 1990.
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