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Angeles avec radain De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Les antiennes Ô sont des antiennes de la liturgie catholique latine, qui accompagnent le cantique du Magnificat aux vêpres des sept jours qui précèdent Noël, intitulées Antiphone super Magnificat[2]. Elles sont ainsi nommées parce qu'elles commencent par l'interjection « Ô » adressée au Christ. Elles lui attribuent des titres extraits de l'Ancien Testament qui expriment l'attente messianique.
On parle à leur sujet de semaine ou octave de « Sainte Marie de l'Ô », en raison d'une tradition qui associe la semaine qui précède Noël, scandée par ces antiennes, à une octave liturgique inversée : elle anticipe et prépare à la fête, alors qu'une octave a pour caractéristique de prolonger une solennité liturgique[3].
Les antiennes Ô sont désignées de différentes manières dans les livres liturgiques anciens et modernes : « Grandes antiennes », « Antiennes majeures » (antiphonae majores)[4], « Grandes Ô », « Ô de devant Noël », « Ô de Noël », ou en France « Oleries » d'après Charles du Fresne du Cange[eg 1].
Les grandes antiennes « Ô » se trouvent dans les manuscrits les plus anciens du chant grégorien.
Chaque antienne reprend des livres de l'Ancien et du Nouveau Testament : Livre d'Isaïe VII, 14 pour Ô Emmanuel[eg 2], ce qui était cité par Amalaire[am 1], Judith, Malachie, Ezéchiel, Aggée, Zacharie, Actes…[eg 3]. Et chacune est un titre du Messie dont la naissance était attendue en Israël. Les antiennes soulignent ainsi que Jésus est le Fils du Dieu Père de l'Ancien Testament.
Ces textes se constituaient des extraits de la Vulgate, essentiellement du Livre d'Isaïe[am 2] et du Nouveau Testament [eg 3].
D'après Emmanuel Böhler, le cycle des antiennes Ô est structuré par une forme tripartite récurrente[5]:
latin | français |
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O Sapientia[6], Quae ex ore Altissimi prodisti, attingens a fine usque ad finem, fortiter suaviter disponensque omnia : |
Ô Sagesse, Qui es sortie de la bouche du Très-Haut, atteignant d’une extrémité à une autre extrémité, et disposant toutes choses avec force et douceur : |
latin | français |
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O Adonai[7], Et dux domus Israël, qui Moysi in igne flammae rubi apparuisti, et ei in Sina legem dedisti : |
Ô Adonai, Chef de ton peuple Israël, tu te révèles à Moïse dans le buisson ardent et tu lui donnes la Loi sur la montagne : |
latin | français |
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O Radix Jesse[8], Qui stas in signum populorum, super quem continebunt reges os suum, quem gentes deprecabuntur : |
Ô Rameau de Jessé, Étendard dressé à la face des nations, devant lequel les rois ferment leur bouches, tandis que les peuples t’implorent : |
latin | français |
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O Clavis David[9], Et sceptrum domus Israël, qui aperis, et nemo claudit, claudis, et nemo aperit : |
Ô Clé de David, Et Sceptre d’Israël, tu ouvres et nul ne fermera, tu fermes et nul n’ouvrira : |
latin | français |
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O Oriens[10], Splendor lucis aeternae, et sol justitiae : |
Ô Orient, Splendeur de la lumière éternelle et soleil de justice : |
latin | français |
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O Rex Gentium[11], Et desideratus earum, lapisque angularis, qui facis utraque unum : |
Ô Roi de l’univers, Et Désiré des nations, pierre angulaire qui unifie les deux peuples : |
On a pu remarquer[14] que l'acrostiche des qualificatifs christiques, « SARCORE », forment en grec l'abréviation de « σαρκοσ ορα », « à l'heure de la chair », et à l'envers en latin « ero cras », « je serai demain », l'ensemble formant donc une référence cachée à la fête de l'incarnation.
Outre ces antiennes, on en chantait d'autres en divers lieux. Ces antiennes sont : O sancte sanctorum, O Pastor Israel, O Virgo virginum, O Gabriel, O Thomas Didyme, O Jerusalem. On comptait huit, neuf, antiennes. Le manuscrit de Monza comptait treize antiennes[15].
En 1263 apparaît la « table parisienne » (Tabula parisiensis, Rubrica parisiensis ) des Antiennes de l’Office de Avent, un abaque afin de pouvoir calculer grâce à sept tableaux ou plans, les différents jours de la semaine où chanter les antiennes fériales de l’Avent et les antiennes Ô, selon le jour de la semaine où tombait la fête de Noël. Toutes les possibilités de dates et de jours de la semaine, étaient envisagées dans ces sept tables : Si Noël tombe un dimanche, la première des antiennes doit être chantée le vendredi de la troisième semaine de l'Avent, si cela tombe un lundi, le jeudi de la seconde semaine, etc. Frère Rubinus, sans doute franciscain , et chantre parisien, aurait été l’artisan de la plus célèbre de ces sept tables, en 1300 dans le domaine de la liturgie conventuelle, et ces tables furent utilisées par tout l' ordre franciscain, quarante ans après les premiers chapitres d'Assise.
Dans le rite romain, ces antiennes furent toutes supprimées dans le bréviaire romain de 1535, édité par le cardinal Francisco de los Ángeles Quiñones, chargé par Clément VII de réformer le bréviaire romain. Le cardinal en fit ensuite restaurer trois, Ô Oriens en faveur des matines, Ô Rex Gentium aux laudes, et Ô Emmanuel aux vêpres. Il fallait qu'elles soient chantées du troisième dimanche de l'Avent à la veille de Noël[eg 4].
Le 25 juin 1568, en interdisant ces éditions nouvelles[16] avec sa bulle pontificale Quod a nobis postulat[eg 4], le pape Pie V fit rétablir la tradition en sept antiennes.
Les antiennes sont chantées suivant deux calendriers, suivant que l'on inclut ou non l'antienne mariale Ô Virgo Virginum (laquelle ne suit pas la structure des sept antiennes christiques) :
Antienne | Distribution A Liturgie des Heures[17] |
Distribution B (ancien rite romain) |
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Ô Sapientia | ||
Ô Adonai | ||
Ô Rádix Jesse | ||
Ô Clavis David | ||
Ô Oriens | ||
Ô Rex gentium | ||
Ô Emmanuel | ||
Ô Virgo Virginum | — |
La distribution A est non seulement la pratique de la liturgie actuelle mais aussi la tradition principale de la plupart des pays, à partir du bréviaire romain de Pie V (1568). Le calendrier B était essentiellement conservé en Angleterre jusqu'au XXe siècle tandis que assez nombreux diocèses gardaient cette distribution comme liturgie locale, telle celle de Rouen[eg 5].
Cependant, selon l’antiphonaire de Compiègne, qui est le manuscrit le plus ancien, la B représente exactement le calendrier officiel, dans lequel la huitième et dernière ancienne O Virgo Virginum était le souvenir d'une fête mariale[am 3]. Avec son œuvre Liber de ordine antiphonarii (vers 830), Amalaire de Metz expliquait en effet « qu'il s'agit de la semaine consacrée à Vierge Marie quand on exécute les grandes antiennes « Ô » de l'Avent[am 1] ». Cette semaine sainte avant Noël correspondait à la Semaine sainte de Pâques. Celle-ci était dans la liturgie une octave, dans la manière de grandes fêtes des Israélites. Le huitième et dernier jour dans l'« octave liturgique », se distingue en tant que clôture solennelle de la sainte assemblée[3].
Il est à noter que, depuis 2019, l'église anglicane en Amérique du Nord (ACNA) pratique la distribution B avec l’O Virgo Virginum, en rétablissant la tradition ancienne[18].
Grégorien
Le Corpus antiphonalium officii de René-Jean Hesbert (1963) atteste la présence des antiennes « Ô » dans les manuscrits les plus représentatifs du répertoire grégorien ancien[19].
Selon le classement de Dom Hesbert, les antiennes « Ô » supplémentaires appartiennent aux manuscrits du groupe A (dit germanique ou est) alors que le groupe B (dit latin ou ouest) ne contient que les huit premières antiennes « Ô ». D'où, il est possible que les antiennes surnuméraires soient issues d'usages liturgiques locaux, créées dans le royaume carolingien[23].
Les chercheurs attribuaient auparavant l'origine des antiennes en Ô au rite romain ancien, avec le Liber responsorialis attribué à saint Grégoire le Grand († 604)[24],[cpl 1],[eg 6]. Cependant, faute de manuscrit sûr, l'attribution au 64e pape de l’Église n'est plus acceptée[25]. Il n'existe pas de manuscrits avant le IXe siècle. L'œuvre d'Amalaire de Metz (vers 830)[cpl 1] ainsi que l'antiphonaire de Compiègne (vers 877), mentionnés ci-dessus, restent les témoignages les plus anciens de ces antiennes[eg 7],[N 1]. Il reste difficile d'identifier leur origine, qui peut être Rome, la Gaule ou l'Espagne. Honoré d'Autun en parle également dans son œuvre Gemma animae (3) où il attribue à chaque antienne un don du Saint Esprit.
En Espagne, la fête de l’Expectatio ou « de l'Ô de la Vierge », qui est célébrée le 18 décembre[eg 8], serait antérieure, car elle remonte à la conversion d'un roi wisigoth au VIe siècle. Le décret du Xe concile de Tolède (656), qui institua cette fête, est à l'origine de cette célébration mariale (Sancte et Virginis festum), huit jours avant Noël[26]. Cette fête peut être la raison pour laquelle les antiennes sont affectées au Magnificat pendant cette période. Cependant ce décret ne mentionne pas d'antienne en Ô[N 2], et aucun manuscrit de la liturgie mozarabe ne porte la trace des antiennes en Ô[27],[eg 4].
Avant que le pape Innocent III († 1216) n'ordonne de remplacer le vieux-romain par le chant grégorien, le Saint-Siège continua à chanter en vieux-romain sept de ces antiennes en "O", y compris O Virgo Virginum, mais sans O Emmanuel qui aurait été supprimée à la suite de la modification du calendrier [28]. Un manuscrit de chant vieux-romain témoigne de l'usage de ces antiennes Vatican encore au XIIe siècle. On peut supposer que cette pratique ne remonte qu'au VIe siècle[cpl 1], car d'après les études récentes, le temps liturgique de l'Avent n'existait pas à Rome avant le VIe siècle[ds 1]. La liturgie de l'Avent y fut directement importée de la Gaulle à cette époque[ds 1]. Selon certains historiens, il serait cependant possible de remonter jusqu'au IVe siècle, d'après le poème De Cognomentis Salvatoris (Carmen VI) du pape Damase Ier, dans lequel figurent déjà des références à Emmanuel, Sapientia, Radix, ou encore à judex et lapis[29],[30]. Des manuscrits tardifs, copiés après le XIe siècle, confirment que ces chants étaient encore pratiqués à cette époque en vieux-romain à la chapelle papale de Rome.
Le calendrier de l'exécution de ces grandes antiennes « Ô » demeurait problématique, jusqu'à ce qu'un manuscrit de chant vieux-romain, ancien chant officiel du Vatican, ait été identifié en 1950 par un musicologue allemand Bruno Stäblein. Ces antiennes en vieux-romain étaient chantées tant durant l'Avent que toute l'année, à la basilique Saint-Pierre de Rome. Dans le manuscrit Vatican B79 (folio 14v), le copiste écrivit [31],[N 3] : « Ces antiennes, à savoir O sapientia et celles qui suivent, nous les chantons quotidiennement à Benedictus jusqu'à la fête de sainte Lucie, sauf le dimanche[ds 2]. » On commençait donc à chanter ces antiennes entre les 13 et 17 décembre pour les vêpres. Ce manuscrit explique aussi qu'à l'origine, on chantait également ces antiennes pour le cantique Benedictus, qui se distingue comme sommet des laudes[ds 3].
Le rite romain a ensuite été adopté en Gaule au VIIIe siècle, il y eut un changement du calendrier. Dans les pays germaniques, plusieurs antiennes « Ô » supplémentaires furent composées, en tant que liturgie locale[32]. Déstabilisé, le calendrier perdit son uniformité et commença à varier selon la région[am 4]. D'ailleurs, Amalaire († 850), qui avait été à Rome en qualité d'ambassadeur[33], a mentionné l'ordre différent de huit antiennes entre l'antiphonaire de Rome et celui de Metz[am 5],[eg 9], sans pouvoir dire lequel était le plus ancien.
Finalement, en supprimant soit l’O Emmanuel soit l’O Virgo Virginum, les sept antiennes devinrent habituelles.
D'après Emmanuel Böhler, le cycle des antiennes Ô est structuré par une forme tripartite récurrente[5] :
La notation à gros carrés, figurant dans l'illustration de droite, reste utile pour le solfège. Sans mélisme, les antiennes ne sont pas difficiles à chanter. Néanmoins, on peut considérer qu'en raison de leur fonction importante, l'exécution était confiée aux schola et chantres. En effet, le notateur de l'antiphonaire de Hartker employait les neumes liquescents, précisant le changement délicat de l'articulation linguistique selon quelques syllabes du latin. Ces neumes compliqués n'étaient pas destinés aux fidèles.
Selon l'édition typique vaticane, la mélodie « Ô » se compose de quatre notes : Do - Fa - Fa - Mi, mais la première note est souvent présentée comme un Ré, ce que l'on retrouve dans l'illustration de droite. D'une manière générale, il existe de très nombreuses variantes de ces antiennes, et indépendamment de toute question sur ce qu'est la « mélodie authentique », il importe de s'assurer d'une version commune pour le chant collectif.
La suite de l’intonation revient sur le Fa, puis redescend et décrit une ornementation s'enroulant autour du Ré. Ces premières notes sont déjà vraiment importantes. En effet, les Ré et Fa ne sont autres que les deux cordes modales du deuxième mode (Protus plagal), plus précisément le ton final (Ré, voir le terme prudentiæ à la fin) ainsi que le teneur (Fa). Ainsi, la couleur de toutes ces grandes antiennes est déterminée avec cette introduction. Il s'agit du mode assigné à toutes ces antiennes en « Ô ».
Sur le plan liturgique, la modalité est une question pratique importante, parce qu'elle détermine formellement sur quel mode sera chanté le Magnificat que ces antiennes encadrent. Sur le plan musical, l'identification de ces cordes modales est également importante, parce qu'elles constituent le fond sonore, la référence par rapport à laquelle le reste de la mélodie va s'articuler.
On peut remarquer cependant que ces antiennes ne présentent pas les caractéristiques usuelles du deuxième mode, dont les récitatifs se développent normalement sur le Fa et non comme ici sur le Ré. L'ambitus de la mélodie dépasse largement celui usuellement admis pour le deuxième mode. Dans l’aigu, le La est également marqué comme corde modale, marquée (dans la pièce d'illustration) par le torculus final du fortiter, et le retour sur le La du suaviter suivant, ce qui serait une figure à rattacher plutôt au premier mode. Inversement, dans le grave, l'appui sur le La grave rappelle un deuxième mode atypique, usuellement transcrit en La. À l'époque de la composition du chant grégorien, le demi-ton Si n'existait pas encore faute de notation musicale. Le Si étant toujours bémol, la même mélodie peut se transposer en La (3 x ½) Do (=) Do (½) Si en remplaçant la clef de Fa par une clef C (= Do). Ces cordes modales sont associées avec des psalmodie du quatrième mode, de type 4A. Enfin, même si le Ré est une teneur affirmée, le Do apparaît comme cadence atypique sur deux segments. L'examen des neumes sangalliens montre de plus que les pièces primitives comportaient des récitatifs sur le Do, inconnus du deuxième mode.
Les notations anciennes, notamment celles de l'antiphonaire de Hartker, offrent une interprétation de ce chant. Dans la notation de Hartker, les neumes attribués à la syllabe « Ô » sont identiques (voir illustration) alors que les versets varient en raison des textes différents et de leur accentuation. Cet « Ô » n'est pas une simple introduction. Il s'agit d'une première mélodie importante, avec la valeur du terme « Ô » accentué. De plus, il faut une articulation raffinée pour ces deux premières notes. Le copiste sangallien écrivit un pes rond épisémé (), qui indique l'importance de la deuxième note. L'élan se commence, avec une note moins importante (il s'agit d'une caractéristique du chant grégorien, au contraire de la musique moderne qui pose toujours le rythme principal à la première note) et se développe vers la deuxième note. Dans les manuscrits de Saint-Gall, ce neume était fréquemment attribué aux mots importants.
Cette tension mélodique se continue encore, en faveur de la troisième note à l'unisson, sommet de cet élan. Le notateur de Saint-Gall ajoutait une lettre significative t à toutes les premières huit antiennes, afin d'allonger la troisième note. Désormais, ces deux sons principaux Ré et Fa assurent l'unité architecturale en tant qu'axes. D'autres notes dans les élans suivants ne sont autres que les ornements sur l'axe Ré, puis celui de Fa, d'après la notation.
La quatrième et dernière, Mi, est une note de détente partielle en demi-ton, pour la préparation de l'élan suivant. Le copiste employait un neume particulier, pressus minor qui signifie l'unisson suivie d'une note légèrement basse. Même si cette note un peu basse n'est plus sommet, Dom Eugène Cardine de Solesmes considérait qu'il s'agit également d'une note soulignée, en dépit d'une ambiguïté rythmique de ce neume[34]. En résumé, on doit chanter attentivement cet élan « Ô » avec un raffinement artistique.
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