L'œuvre de Girodet se situe à la charnière des deux grands courants artistiques du début du XIXesiècle: la peinture néoclassique et la peinture romantique. La recherche de la beauté idéale selon les canons classiques l'inscrit dans la lignée des peintres néoclassiques davidiens dont il est avec Antoine-Jean Gros, François Gérard, et Jean-Auguste-Dominique Ingres l'un des principaux représentants, alors même que, par une forte volonté d'innovation, il imprègne ses peintures d'une grâce et d'une poésie singulière qui préfigure le romantisme.
Né Anne-Louis Girodet de Roucy (ou de Roussy selon les sources[2]), le jeune Girodet passe son enfance dans sa ville natale de Montargis. Aussi doué pour le violon que pour le dessin, il choisit la peinture et rejoint, en 1785, Paris et l'atelier de Jacques-Louis David, dont il est l'un des élèves les plus talentueux.
Très proche de ses parents ainsi que le montre sa correspondance, Girodet déplore le décès de son père en 1784 et de sa mère en 1787 alors qu'il n'a pas 20 ans. Dans la capitale, le jeune homme est protégé et aidé par le docteur Trioson, un ami proche de sa famille.
Girodet concourt pour le prix de Rome une première fois en 1787 où il est disqualifié pour avoir sorti des croquis de l'enceinte de l'épreuve[3]. Il le retente l'année suivante avec La Mort de Tatius et obtient la seconde place. Il en est lauréat en 1789 avec Joseph, reconnu par ses frères.
En 1809, le docteur Trioson adopte son protégé et en fait son héritier. À partir de cette date le peintre accolera Trioson à son patronyme, qui devient Girodet de Roucy-Trioson, simplifié en Girodet-Trioson.
Girodet-Trioson remporte le prix de la Décennie de 1810 avec Scène du déluge. L’Intervention des Sabines de Jacques-Louis David est classé second et le célèbre peintre du Sacre ne dissimule pas le dépit et la jalousie que lui cause la réussite de son ancien élève.
En 1812, Girodet hérite d'une fortune qui lui permet de se consacrer à l'écriture de poèmes sur l'esthétisme. À partir de 1813, il participe à la décoration du château de Compiègne en y peignant plusieurs fresques murales.
Les forces de Girodet déclinent et la qualité de ses dernières œuvres, telles Tête de Vierge et Pygmalion et Galatée (1819), en pâtit. Il meurt à Paris le . Inhumé à Paris au cimetière du Père-Lachaise (28edivision), son cœur repose dans une urne, dans l'une des chapelles du chœur de l'église Sainte-Madeleine de Montargis, sa ville natale.
Bien qu'ayant commencé comme un fidèle disciple de son maître Jacques-Louis David, Girodet s'efforce ensuite de développer un style personnel, jouant avec les effets de lumière. À la peinture d'Histoire, il préfère une sorte de symbolisme éthéré. Dramatisant à l'excès ses sujets, il excelle dans la pose et le travail de la lumière. Il bouscule les codes de la sensibilité en les transposant dans les scènes religieuses.
Lors de son séjour de cinq ans en Italie, il se démarque de la gravité et de la retenue de David et envoie au Salon en guise d'académie imposée[5], Le Sommeil d'Endymion (Paris, musée du Louvre) dont le caractère onirique et étrange est considéré comme une des premières manifestations du romantisme[6]. Ses tableaux plurent aux romantiques par les sentiments exaltés qu'il y représentait[7]. Sa peinture n'est pas dénuée d'une certaine sensualité; la représentation d'Endymion en éphèbe alangui, sans aucun relief de musculature, va à l'encontre des canons classiques. Honoré de Balzac en fait l'éloge dans Sarrasine (1831)[8],[9]. Balzac, qui était par ailleurs un grand admirateur de Girodet, le cite encore dans La Bourse[10] et La Maison du chat-qui-pelote.
Il excelle dans la vérité des portraits, parfois allégoriques (Jean-Baptiste Belley, Mademoiselle Lange en Danaé), souvent intimes —le fils de son père adoptif a été peint à trois époques: jeune enfant, préadolescent et adolescent—, il sait révéler l'âme de ses personnages comme dans son célèbre Portrait de Chateaubriand (Saint-Malo, musée d’Histoire de la Ville et du Pays Malouin). Un de ses portraits, Mademoiselle Lange en Danaé (1799), fait scandale à cause de ses allusions sexuelles satiriques. Cette anecdote, où Girodet se venge de la célèbre MerveilleuseMademoiselle Lange de n'avoir pas apprécié un premier portrait d'elle, illustre bien le caractère irascible et incontrôlable de ce peintre.
Il réalisa des décors peints pour les demeures de Napoléon, premier consul puis empereur, et participa à la représentation de l'épopée napoléonienne[6]. Sa peinture d'histoire s'arrange souvent avec les faits pour leur donner une dimension métaphysique ou esthétique: dans sa Révolte du Caire, il peint plusieurs belligérants n'ayant jamais participé à l'événement. Dans la Légende napoléonienne, l’Apothéose des Héros français morts pour la patrie pendant la guerre de la Liberté (1802) représente le barde Ossian accueillant au paradis les généraux Desaix, Kléber, Marceau, Hoche et Championnet. Cette toile ne cesse d’étonner par son côté novateur annonçant le premier romantisme.
Hippocrate refusant les présents d'Artaxercès, pierre noire sur papier, 23,5 × 31,1 cm, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts[26]. Lors de sa première année à Rome et parrallélement à sa peinture Sommeil d'Endymion, Girodet préparait une composition pour son bienfaiteur le docteur Benoît-François Trioson. Ils ont choisi ensemble le sujet: la réponse d'Hippocrate au roi des Perses. Les objets présentés par les Perses se trouvent au centre exact de la composition, d'un geste de la main Hippocrate les refuse[27].
Le Serment des sept chefs contre Thèbes, graphite sur papier, 18,7 × 29 cm, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts[28]. Tiré de la tragédie d'Eschyle intitulée Les Sept contre Thèbes, Girodet transpose littéralement le texte dans une composition en pyramide avec en son centre un autel sur lequel est sacrifié un taureau. Une coalition de chefs se forme autour de l'animal, ils passent un pacte de sang afin d'assiéger la cité[29].
Junon, irritée contre les Troyens, veut les empêcher d’aborder en Italie, elle va trouver Éole, Énéide I, v.34-52, crayon noir sur tracé préliminaire au fusain, sur papier vélin blanc, 27,3 x 42,3 cm, musée des Beaux-Arts d’Orléans[30].
Désespoir de la mère d’Euryale, Énéide IX, v.481-502, crayon noir sur papier vergé crème: filigrane au centre: ProPatria/ [écusson]/J:HESSELS, 20 x 31,5 cm, musée des Beaux-Arts d’Orléans[31].
Le Combat des Troyens contre les Rutules, Énéide X, v. 310-334, plume et encre noire sur traits de graphite, estompe, lavis gris sur papier vergé (deux pièces raboutées) collé en plein sur carton, 48,8 x 73 cm, musée des Beaux-Arts d’Orléans[32].
Provenant de la descendance du peintre, un ensemble de quatre-vingts oeuvres, dont deux recueils de dessins, sont mis en vente à l'Hôtel Drouot le 31 mai 2024 sous le marteau de Rémy Le Fur[34].
Leroy, P.-A., Girodet-Trioson, peintre d'histoire, 1767-1824, Orléans, H. Herluison, (lire en ligne).
Georges Bernier, Anne-Louis Girodet: Prix de Rome 1789, Éd. Jacques Damase, 1975, 207 p., 110 reproductions en noir et blanc, 6 en couleurs.
Sylvain Bellanger, Girodet (1767-1824), [album de l'exposition], Éd. Gallimard, musée du Louvre, 2005, 48 p. (ISBN2-07-011825-8).
Anne Lafont, Une Jeunesse artistique sous la Révolution: Girodet avant 1800, thèse[35].
Jean-Rémi Mantion, «L'empire des fins. Théorie de la commande selon Quatremère de Quincy: le cas Girodet», in Les Fins de la Peinture (sous la direction de René Démoris), Desjonquères, Paris, 1990.
Il aura pour successeur Louis Hersent en 1825 (cf. Frédéric Chappey, «Les Professeurs de l'École des Beaux-Arts (1794-1873)», Romantisme, no93, 1996, pp.95-101.
«Le visage de l'inconnue appartenait, pour ainsi dire, au type fin et délicat de l'école de Prud'hon, et possédait aussi cette poésie que Girodet donnait à ses figures fantastiques.»Bibliothèque de la Pléiade, t. I, 1976, p.141(ISBN2070108511).
Dominique Brême et Mehdi Korchane, Dessins français du musée des Beaux-Arts d’Orléans. Le Trait et l’Ombre, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN9 788836 651320), n°155
Dominique Brême et Mehdi Korchane, Dessins français du musée des Beaux-Arts d’Orléans. Le Trait et l’Ombre, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN9 788836 651320), n°97
Dominique Brême et Mehdi Korchane, Dessins français du musée des Beaux-Arts d’Orléans. Le Trait et l’Ombre, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN9 788836 651320), n°98
Dominique Brême et Mehdi Korchane, Dessins français du musée des Beaux-Arts d’Orléans. Le Trait et l’Ombre, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN9 788836 651320), n°99