Le droit à Mayotte est le droit applicable au département de Mayotte. Il s'agit notamment d'une partie du droit d'outre-mer français propre à ce département, tel qu'adapté aux spécificités de l'île. Il a parfois été critiqué pour le caractère dérogatoire de son traitement des étrangers et pour des incohérences dans l'évolution de son appréhension du droit local.

Histoire

Avant 1976

Le droit colonial français a été pratiqué par des colons exerçant les fonctions de juge. Un tribunal répressif indigène existait pour appliquer un droit pénal spécial à ceux soumis au régime de l'indigénat. Un statut personnel de droit islamique a été créé afin de circonscrire les fonctions des cadis et les soumettre au contrôle des juridictions françaises[1]. Le premier tribunal colonial est construit en 1875[2].

Depuis 1976

En 1976, un référendum organisé aboutit au rattachement de Mayotte à la France plutôt qu'à son indépendance dans le cadre de l'archipel des Comores[3].

Mayotte a connu plusieurs statuts entre 1976 et 2011, passant d'une collectivité spécifique à un département d'outre-mer. En 2009, une consultation a eu lieu à Mayotte pour un éventuel changement de régime, conformément à l'article 73 de la Constitution française[4].

Caractère dérogatoire du droit des étrangers

Le droit français des étrangers tel qu'appliqué à Mayotte a été caractérisé comme une « fiction » et un « non-droit » par Marjane Ghaem et Marie Duflo[5],[6]. Serge Slama parle de « pratiques d'injusticiabilité » de la part de l'État français, c'est-à-dire que l'accès à la justice serait selon lui rendu difficile voire impossible pour les étrangers et les personnes supposées telles à Mayotte[7]. Pourtant, des habitants de Mayotte tentent de faire valoir leurs droits devant les tribunaux français[8]. La France a d'ailleurs été condamnée en 2020 par la Cour européenne des droits de l'homme pour non-respect des droits des enfants à travers la rétention administrative des mineurs considérés comme étrangers à Mayotte[9].

Selon Catherine Benoît, cet état d'exception caractérisé existe aussi dans la Caraïbe française, et s'inscrit dans la politique de l'Union européenne qualifiée par elle de « chasse aux migrants »[10]. Elle fait valoir que ces durcissements sécuritaires du droit servent à préparer le terrain pour être ensuite appliqués dans l'hexagone.

Appréhension du droit local

Alors que depuis les débuts de la colonisation, la justice française avait tenté d'assimiler les pratiques juridiques mahoraises, au XXIe siècle, le processus de départementalisation a été concédé à la condition de mettre fin à la justice cadiale. En effet, l'idéologie de l'universalisme républicain est caractérisée par une forme d'orientalisme juridique. C'est-à-dire que pour les administrateurs français, les anciennes colonies ne méritent d'être considérées françaises qu'en prouvant leur attachement aux idéaux de la république. Donc – dans la logique universaliste – Mayotte doit détruire ses pratiques traditionnelles, car le pluralisme juridique est perçu comme officiellement incompatible avec le droit français[11]. Cette situation, dans laquelle le statut civil personnel mahorais n'existe plus dans les textes de loi, mais est encore en partie apprécié par les juges, crée un situation contradictoire qui a conduit des juristes à qualifier le droit français en la matière d'« imposture »[12], de « fantôme »[13] ou de « dislocation »[14]. Le magistrat Régis Lafargue parle d'un « exemple assez caricatural de tentative de forçage, ou de colonisation juridique[15]. » Ces réformes, non concertées avec la majorité des habitants de Mayotte, ont conduit à des inquiétudes de leur part sur le statut de leur nationalité française[16]. En matière de mariage, elles ont mené en date de 2020 à une perte de visibilité du droit local, mais pas à son amoindrissement[17],[18]. Selon quatre chercheurs dans un rapport de 2022, ce constat de la persistance du droit local s'applique à tous les domaines dans lesquelles le droit des cadis était appliqué avant la départementalisation[19].

Droit du travail

Une étude de 2005 de l'International Society for New Institutional Economics évoque le jeu complexe entre les recours officiels au code du travail français et la vivacité des pratiques juridiques mahoraises dans le contexte du travail agricole des personnes n'ayant pas la citoyenneté française à Mayotte[20].

Références

Bibliographie

Wikiwand in your browser!

Seamless Wikipedia browsing. On steroids.

Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.

Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.