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fondateur de l'école Sōtō du bouddhisme zen au Japon (1200-1253) De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Eihei Dōgen (永平道元 ), Dōgen Kigen (道元希玄 , soit « Dōgen rare mystère ») ou Dōgen Zenji (道元禅師 , soit « maître zen Dōgen ») ( - ) est le fondateur de l'école Sōtō du bouddhisme zen au Japon[1]. Il l'introduisit sur l'île après un voyage en Chine[2],[3].
Naissance | |
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Décès |
(à 53 ans) Temple de Takatsuji (Japon) |
École/tradition | Sōtō (Zen) |
Célèbre pour | Introduction du Zen Sōtō au Japon depuis la Chine |
Œuvres principales | Shōbōgenzō |
Citation | Seulement s'asseoir (Shikantaza) (aussi attribuée à Nyojō) |
Le Japon de l'époque qui voit naître Dôgen traverse une période de troubles. Le pays est soumis depuis peu à un double pouvoir : celui de l'empereur et de sa cour installée à Kyōto, capitale traditionnelle, et celui du shogun, sorte de général suprême qui détient le pouvoir militaire, établi, lui, à Kamakura. Dans cette société féodale, les grandes familles se disputent le pouvoir. Les plus illustres sont les Fujiwara et les Minamoto.
Dōgen est né en 1200 à Uji, près de Kyōto. Son père Michichika appartenait au clan des Minamoto et il descendait de l'empereur Murakami (947-967). La mère de Dōgen était la fille de Fujiwara Motofusa, autre personnalité importante de la cour impériale. Dōgen vit donc le jour au sein d'une famille aristocratique bien en place et influente. Mais c'est à l'âge de deux ans qu'il perdit son père, puis, à l'âge de huit ans, sa mère.
Le jeune Dōgen reçut l'éducation appropriée à une telle famille, et dès l'âge de quatre ans il pouvait lire des poèmes en chinois. Malgré cela, il passa une enfance malheureuse et solitaire, observant le caractère illusoire de la lutte pour le pouvoir dans un monde de chagrin et d'impermanence. Juste avant de mourir, sa mère lui recommanda de devenir moine afin d'aider au salut de tous les êtres.
Confronté à de tels phénomènes, le jeune Dôgen réalisa la nécessité de chercher la vérité au-delà du monde des apparences. Devenu orphelin, il fut accueilli par un de ses oncles, Minamoto Michitomo, illustre poète qui lui fit découvrir la poésie, ce qui imprègnera fortement toutes ses œuvres futures.
Au cours de sa treizième année, il monta au mont Hiei, près de Kyōto, au monastère du centre des études bouddhiques où il fut intronisé dans l'école Tendai. Mais à cette époque, l'école Tendai entrait dans une phase de décadence, insistant beaucoup trop sur les cérémonies, mélangeant les doctrines ésotériques et exotériques, développant le formalisme de la vie monastique. De plus, des moines-soldats apparurent sur le mont Hiei, et le monastère devint une forteresse militaire.
Dōgen se concentra jour et nuit sur sa pratique, mais le doute l'assaillait de plus en plus, et il ne pouvait en rien réaliser ses aspirations. Durant ces quelques années passées dans ce monastère, Dōgen connut ce qu'il appela « le grand doute », qui tournait autour d'une question qui était pour lui essentielle : « Dans l'enseignement bouddhique, il est dit que tous les êtres possèdent originellement la nature du Bouddha. S'il en est ainsi, pourquoi faut-il s'entraîner et adopter des pratiques ascétiques pour atteindre l'état de Bouddha ? » Mais personne ne pouvait lui répondre de façon satisfaisante.
Il décida donc de quitter le mont Hiei, tout comme d'autres moines tels que Hônen (1133-1212) ou Eisai (1141-1215), fondateurs respectivement des écoles Jodo et Rinzai, rénovateurs illustres du bouddhisme japonais. Dōgen rencontra alors maître Eisai, récemment rentré de Chine, qui enseignait le zen Rinzai. Au temple de Kennin-ji, il devint le disciple de Myozen, successeur d'Eisai[3]. Bien que cette école ne le satisfît pas complètement, il pratiqua profondément et sentit se développer son intérêt pour la pratique du zen. Érudit, ayant une connaissance approfondie de nombreux textes bouddhiques, son exigence remarquable le poussa sans cesse à la recherche de nouveaux maîtres. Il décida alors de se rendre en Chine, aux sources du bouddhisme zen.
Dōgen quitta le Japon le , en compagnie de Myozen et de deux autres moines. À son arrivée en Chine, il décida de rester quelque temps à bord du bateau pour préparer son périple. C'est alors qu'un vieux moine monta un jour à bord pour acheter des champignons. Ce moine, âgé de plus de soixante-dix ans, était tenzo (chef cuisinier) dans un temple de la montagne près de Shanghai. Son visage reflétait une grande profondeur et Dōgen fut intrigué. Il invita donc le vieux moine à passer la nuit sur le bateau, souhaitant discuter avec lui. Mais ce dernier refusa, arguant qu'il devait retourner le soir même au temple car il devait cuisiner. « Dans un grand monastère tel que le vôtre, dit Dōgen, il y a certainement d'autres moines qui peuvent préparer le repas. - Je suis vieux, répondit-il, et je suis tenzo. C'est la pratique de mes vieux jours. Comment pourrais-je laisser à d'autres ce que je dois faire ? - Vénérable moine, répondit Dōgen, pourquoi une personne âgée comme vous devrait-elle faire ce travail si éprouvant au lieu de lire et d'étudier les sutras ? » Le moine éclata de rire et dit : « Jeune ami venu de l'étranger, vous semblez bien ignorant de ce que signifient la pratique et l'enseignement du bouddhisme ! » Il l'invita à venir lui rendre visite dans le temple de son maître, puis le salua.
Dōgen fut très impressionné par cette rencontre si bien qu'un jour de 1225, il se rendit au temple de Nyojo, alors supérieur du temple Keitoku-ji sur le mont Tendo, dans le Minshu. Le temple de Nyojo suivait la tradition Caodong qui, au Japon, deviendra l'école Sōtō.
La scène de l'éveil de Maître Dôgen est rapportée dans le Denkoroku, ouvrage écrit longtemps après sa mort par son quatrième successeur, Keizan Jôkin et publié en 1857[4].
Dôgen était en méditation dans le zendō avec d'autres moines quand Ju-Ching aperçut l'un d'entre eux assoupi. Il le réprimanda : « La pratique de zazen, c'est laisser tomber le corps-esprit. À quoi penses-tu arriver en somnolant ? » Dôgen, surpris, fut soudain traversé par une joie intense. Il avait enfin trouvé ce qu'il recherchait. Le zazen terminé, il alla se prosterner devant Ju-ching qui lui demanda la raison de ce geste. Dôgen répondit : « Je viens d'abandonner le corps-esprit. - Tu les as réellement abandonnés. - Je viens tout juste de le comprendre. Ne me donnez pas aussi facilement votre approbation. - Je ne le fais pas. - A quoi reconnaissez-vous que j'en suis là ? - Le corps-esprit est tombé. » Respectant la tradition de l'école Sōtō, Ju-ching se serait prosterné à son tour, déclarant : « Voilà ce que l'on appelle abandonner jusqu'à l'idée d'abandonner ».
Cet épisode est la source de l'enseignement de maître Dôgen, l'abandon du corps-esprit ou shin-jin datsu-raku, qu'il va transmettre au Japon. Dans cette expression, shin-jin ne signifie pas le corps et l'esprit mais le « corps-esprit », c'est-à-dire leur non-séparation, l'unité enfin réalisée dans la non-dualité de l'esprit et de la matière. Dans datsu-raku, datsu signifie « se libérer » et raku « abandonner ». L'abandon est acceptation qui libère des conditionnements et concepts qui nous séparent de la Réalité ultime, c'est-à-dire « l'ainséité » ou Tathātā[5].
De Chine, Dōgen ne ramena rien d'autre que la pratique du zazen, shikantaza, (« seulement s'asseoir » ou « simple assise ») telle que la lui avait enseignée son maître. À la question : « Qu'avez-vous rapporté ? » Dōgen répondit : « Je suis revenu les mains vides. » Dans son recueil Eihei Kôroku, il écrira plus tard : « Ayant seulement étudié avec mon maître Nyojo et ayant pleinement réalisé que les yeux sont horizontaux et le nez vertical, je reviens chez moi les mains vides… Matin après matin, le soleil se lève à l'Est ; nuit après nuit, la lune s'enfonce à l'Ouest. Les nuages disparaissent et les montagnes manifestent leur réalité, la pluie cesse de tomber et les Quatre Montagnes (la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort) s'aplanissent. »
Dōgen s'installa d'abord à Kennin-ji, temple de Myozen, son premier maître avec lequel il était parti en Chine et qui était mort pendant le voyage. C'est dans ce temple qu'il écrit son premier texte : le Fukanzazengi, les « Règles universelles pour la pratique du zazen ». C'est le point essentiel de son enseignement : seulement s'asseoir, dans une posture exacte, sans rechercher quoi que ce soit, en laissant passer les pensées comme des nuages dans le ciel.
Puis Dōgen quitta le temple de Kennin-ji pour s'installer successivement dans trois temples, tous situés dans la région de Kyōto : Annyoin, un petit ermitage, en 1230, puis Kannon Dorin en 1233 et enfin Kosho-ji à Uji, en 1236. C'est grâce à des donations qu'il construisit ce temple, premier monastère zen véritablement indépendant du Japon.
C'est là qu'il commença la rédaction des premiers chapitres de son œuvre monumentale, le Shōbōgenzō, (le « Trésor de l'œil de la Vraie Loi »), 95 chapitres qui contiennent l'essence de sa vision philosophique et religieuse. Entre 1233 et 1243, de nombreux disciples le rejoignirent et suivirent son enseignement. Sa renommée ne cessa de grandir. Il incitait à pratiquer assidûment et profondément, comme le lui avait enseigné son maître Nyojo. Le succès de Dōgen et le souffle nouveau qu'il apporta à un bouddhisme sclérosé lui attirèrent l'animosité, puis une hostilité grandissante de la hiérarchie cléricale. Et en 1243, des moines du mont Hiei tentèrent d'incendier son temple de Kosho-ji.
Dōgen décida alors de s'éloigner de l'agitation des villes et des troubles qu'elles peuvent créer dans l'esprit. Grâce à l'appui d'un disciple laïc, seigneur de la province d'Echizen (de nos jours préfecture de Fukui), dans le Nord-Est du pays sur la côte de la mer du Japon, il construisit un nouveau temple, qu'il baptisa plus tard Eihei-ji, temple de la paix éternelle, dont Ejo plus tard sera le supérieur après sa mort. Là, dans le calme de la montagne, il continua à enseigner le zen à ses disciples et poursuivit la rédaction du Shōbōgenzō.
II ne sortit de ce temple qu'une seule fois durant l'hiver de 1247-1248 pour se rendre à la cour du shogun à Kamakura, sur l'invitation du général Hōjō Tokiyori. Tokiyori était complètement fasciné par Dōgen et il proposa et de lui construire un grand monastère pour qu'il puisse rester auprès de lui : Dōgen refusa, préférant la solitude. Il continua à écrire et à pratiquer le zazen jusqu'en 1252 où, âgé seulement de cinquante-deux ans, il tomba gravement malade. Il se rendit à Kyōto pour se faire soigner, sans succès. Il s'éteignit le au temple de Takatsu-ji.
Par la profondeur et l'originalité de sa pensée, Dōgen est souvent considéré comme le plus grand philosophe du Japon et l'un des plus importants penseurs de toute l'histoire du bouddhisme, l'égal de Nagarjuna[6].
Un des aspects les plus originaux de sa pensée concerne sa conception du rapport de la partie avec le tout. Selon Dōgen, on ne peut saisir la réalité des choses que sous une forme déterminée. Ainsi, la vérité bouddhique ne peut apparaître que sous une forme déterminée. Chaque partie de la totalité du monde représente cette totalité sous une forme particulière. On peut donc saisir tout l'univers à travers la présence d'un seul brin d'herbe, à condition de saisir toute la nature de ce brin d'herbe. La présence d'un brin d'herbe peut donc représenter la vérité bouddhique. Cette conception s'applique aussi au temps. Le temps n'apparaît lui aussi que sous une forme déterminée appelée instant. La conception successive du passé/présent/futur est illusoire. Seul l'instant présent est réel. Par conséquent, chaque instant, aussi bref soit-il, « re-présente » le temps dans sa totalité sans qu'il soit nécessaire d'attendre d'autres instants. La vérité bouddhique du temps est le temps tel qu'il est, le présent instantané, maintenant.
Un instant qui représente tous les instants, ou un brin d'herbe qui représente tous les êtres, symbolisent la vérité bouddhique d'une manière beaucoup plus adéquate que ne pourrait le faire le langage. La vérité bouddhique est donc toujours plus ou moins en conflit avec les expressions conceptuelles qui tentent de l'exprimer. C'est pourquoi les différentes expressions de cette vérité à travers l'histoire ne sont que différentes expressions de ce conflit.
La pensée de Dōgen Zenji est la forme la plus radicale prise par les philosophies de l'ici et du maintenant. C'est pourquoi, si on l'épouse, elle représente à sa manière toutes les philosophies de la présence. Au Japon surtout, l'œuvre de Dōgen a été comparée à divers auteurs occidentaux (saint Augustin, Maître Eckhart, Merleau-Ponty, Sartre, Derrida, Heidegger[7]). Le rapprochement entre Dōgen et Heidegger permet de comprendre pourquoi l'œuvre de ce dernier a suscité un grand nombre d'études au Japon.
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