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Schedula diversarum artium [Traité des divers arts] est le titre d'un ouvrage du premier quart du XIIe siècle[1], consacré aux techniques de l'art et composé par un prêtre du nom de Theophilus Presbyter (Théophile le moine). Selon certains historiens il ne ferait qu'un avec Rugerus (Rogkerus ou Roger) un orfèvre, moine bénédictin du monastère de Helmershausen, sur la Diemel, en Saxe, car la partie des arts du métal est très développée[2]. Cependant cette confusion des personnes est encore discutée. L'ouvrage est parfois nommé De diversis artibus.
L'auteur de la compilation Lumen animæ[3], est le premier qui fait mention de Théophile. Il rapporte qu'il a reçu le Schedula d'un monastère d'Allemagne[4]. Le Lumen animæ compte quarante-deux extraits où apparaît Théophile.
La localisation germanique de l'auteur est renforcée par quelques détails du texte. Par exemple au chapitre XXX du livre I, le mot huso, latinisation du mot allemand hansen, désigne un esturgeon, alors qu'il existe en latin acipenser[5]. D'autres mots apparaissent : Fornis (XXI, livre I), Ziduar (XXXVI, livre III), en allemand Zidwar, Meizel (LXXI, idem), ciseaux, qui renforcent les idiomatismes de cette origine allemande.
Le Schedula diversarum artium[6] est le premier du genre à traiter des arts visuels, mais il ne les traite pas tous (il manque la sculpture). S'il est le plus méthodique, il est trop incomplet pour être utilisé pour l'enseignement : il semble être destiné à l'usage des clercs et n'est pas l'œuvre d'un pictor doctus, mais d'un clerc « intéressé par un large éventail de connaissances »[7]. Il révèle surtout de très bonnes connaissances pratiques manifestement puisées dans expérience personnelle de Théophile ; pour la première partie par exemple, dans les ateliers d'enluminure de l'Allemagne du nord-ouest. Les sources sont néanmoins diverses et la part de compilation provient de l'Antiquité par les écrits de Pline, jusqu'aux civilisations artistiques byzantine et musulmane.
L'ouvrage est composé de trois livres, tous précédés d'une introduction littéraire et moralisante[8]. Il commence par des conseils sur l'art de fabriquer les couleurs pour la miniature et la peinture murale et contient les premières mentions de la peinture à l'huile, dont on se servait peu encore, n'ayant pas trouvé le moyen de faire sécher rapidement la composition. Le deuxième est consacré à l'art du vitrail. Le dernier, de loin le plus important, est consacré au travail des métaux, des pierres précieuses, de l'émail et de l'ivoire, avec un chapitre introduisant à la facture de l'orgue.
« Ô toi qui liras ce livre, qui que tu sois, ô mon fils, je ne te cacherai rien de ce qui m'a été possible d'apprendre. Je t'enseignerai ce que savent les Grecs dans l'art de choisir et de mélanger les couleurs ; les Italiens dans la fabrication de l'argenterie, le travail de l'ivoire, l'emploi des pierres fines ; la Toscane, particulièrement, dans le vermeil et la fonte des nielli[9] ; l'Arabie dans la damasquinerie ; l'Allemagne dans le travail de l'or, le cuivre, du fer, du bois ; la France dans la construction de ses brillants et précieux vitraux. »
— Schedula diversarum artium, préface.
En ce qui concerne son plan, le Schedula diversarum artium recouvre exactement celui d'un traité anonyme portant sur des méthodes d'alchimie de l'antiquité tardive, le Mappæ clavicula auquel le XIIe siècle a ajouté quelques recettes techniques issues de France et d'Angleterre[10]. Il est à l'origine d'échange de recettes durant tout le Moyen Âge tardif, il n'est donc pas étonnant qu'il serve de modèle à Théophile.
L'esprit du diversis artibus est typique de la pensée médiévale. L'artiste y est considéré non comme un auteur, mais comme le moyen de l'accomplissement d'une œuvre. L'art qui remontant au péché originel, ne trouve sa justification que dans la glorification de l'Église et dans un but de contemplation mystique. L'œuvre d'art est un devoir envers Dieu[11]. Les introductions de chaque livre reflètent l'attitude de l'artisan devant la scientia Dei, le « but ultime ».
Suivant l'innovation introduite par Hugues de Saint-Victor dans le Didascalicon, Théophile poursuit l'introduction des arts mécaniques au sein de l'étude médiévale et sa justification théologique. Mais il ne présente que trois des métiers, parmi les sept arts mécaniques d'Hugues (Didascalion, partie II ch. 22, consacré à la vaste discipline intitulé Armatura).
De temperamentis colorum, 38 chapitres.
Théophile traite directement du travail et non de la préparation des couleurs ou des matériaux ce qui ne vient qu'ensuite. Sans prétendre être exhaustif, il consacre treize chapitres (très courts) en tout au traitement des chairs et spécialement du visage, puis un seul aux vêtements (assez long), etc. L'auteur l'affirme clairement : la peinture doit commencer par la créature humaine (humana creatura) à l'instar de la création elle-même. Référence à Genèse I, 28. Et spécialement le visage qui en est la partie la plus importante. L'homme est créé ad imaginem et similitudinem Dei c'est-à-dire à l'image et ressemblance de Dieu[13].
Le chapitre XXIV traite de la manière de poser l'or et l'argent. C'est à partir du VIe siècle que l'influence byzantine apporte les couleurs et l'or dans les enluminures[14]. Mais les rehauts d'or ou d'argent n'apparaissent qu'au XIe siècle. A l'or était parfois substitué de l'étain coloré au safran (Ch. XXVI). La poudre (ou la feuille d'or), de ces précieux métaux était posée sur le parchemin, après avoir recouvert la place d'un mélange de vermillon, de cinabre et de blanc d'œuf (clarea) pour le fixer et lui donner de l'éclat, c'est l'assiette.
« Prenez du clair d'œuf battu sans eau ; enduisez-en avec un pinceau la place que doit occuper l'or ou l'argent. Humectant à votre bouche la queue du même pinceau, vous en toucherez un coin de la feuille coupée : l'enlevant alors avec une extrême rapidité, vous la poserez sur la place préparée et l'étendez avec un pinceau sec et non mouillé. À ce moment, il faut se protéger de l'air, il faut retenir votre respiration. »
Le chapitre XXX explique comment moudre l'or pour les livres et faire le moulin. Le chapitre XXXIII dévoile les techniques flamandes de moulage de l'or avec du mercure. Le chapitre XXXVIII est consacré aux colles utilisées pour ces métaux.
À noter que certaines informations manquent pour réussir les préparations indiquées. Par exemple la préparation d'un liant à partir du blanc d'œuf[15]
De arte vitriaria, 31 chapitres.
Comme dans la partie précédente, les techniques sont décrites et conditionnées par leur emploi pour la production d'un objet. Le verre était originellement vert ou opaque. Pour le colorer, les maîtres verriers ajoutaient de l'oxyde de fer ou de cuivre. Le cobalt d'où étaient extraits les oxydes, n'était à l'époque produit qu'en Bohême ou justement en Saxe.
Chapitre XXVIII : De gemmis picto vitro imponendis (De la pose des pierres précieuses sur le verre peint). Les procédés décrits sont originaux et contraires à ceux constatés sur les vitraux de l'époque[16].
Le schéma du vitrail est tracé sur une table enduite de craie.
De arte fusili, 96 chapitres.
Traite des instruments liturgiques, calices et patènes, outre pailles liturgiques, passoires, burettes et encensoirs ; puis sommairement les reliquaires, les crosses et les couvertures de missels ainsi qu'à la fin, orgues et cloches. Allant du plus important théologiquement, au plus accessoire.
Dans le chapitre consacré à la fonte des cloches, Théophile décrit en détail le procédé de moulage dit à cire perdue. La technique consiste en un moule d'argile à la forme de la cloche où est éventuellement gravée une inscription, et une chape extérieure toujours en argile mais renforcée de bandes de fer. La cire s'écoulait à la base du moule. Après les avoir bouchés avec de l'argile, on coulait le bronze (78 % de cuivre et 22 d'étain environ).
Certains procédés de ce livre dérivent de pratiques superstitieuses voire magiques, lorsque par exemple il requiert l'utilisation du sang de chèvre (ch. 20) et de l'or espagnol (ch. 47). Ces recettes apparaissent déjà dans le Mappæ clavicula, chez Héraclius ou des sources plus anciennes encore, telles Pline l'Ancien (Naturalis Historia XXXVIII, 59).
Redécouvert vers 1774 par Lessing alors qu'il travaillait à la bibliothèque de Wolfenbüttel, sa première partie fut publiée à Londres en 1781 par Rudolf Erich Raspe dans son A critical essay on oil painting, et intégralement par Lessing la même année à Brunswick (fondée sur les manuscrits de Wolfenbüttel et Leipzig).
En France il fut traduit et publié par de l'Escalopier en 1843 avec une introduction de Joseph Marie Guichard, et en 1851 par Migne au sein de la Nouvelle encyclopédie théologique (vol. 12), avec des notes de Jean-Jacques Bourassé. Une nouvelle traduction est parue chez Émile Paul en 1924.
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