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notion politique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'idée principale de la démocratie délibérative, inspirée par les théories de John Rawls et de Jürgen Habermas, est qu'une décision politique est réellement légitime lorsqu’elle procède de la délibération publique de citoyens égaux. Par rapport à la démocratie participative, elle met l’accent sur l’exigence de débats argumentés entre les citoyens.
La démocratie délibérative est de plus en plus utilisée comme complément à la démocratie représentative. Comme exemples récents d'application de la démocratie délibérative, citons la Convention constitutionnelle irlandaise (ICC), les commissions délibératives (Belgique) ou encore la Convention citoyenne pour le climat (France).
Un exemple plus ancien est celui des caucus organisés aux États-Unis pour désigner les candidats aux présidentielles dans certains États comme l'Iowa, par opposition à une simple primaire où le vote a lieu sans délibération.
La prise de décision basée sur le consensus, similaire à la démocratie délibérative, a été observée à différents degrés et sous diverses formes à travers le monde depuis des millénaires[1]. L'exemple ancien le plus souvent évoqué de démocratie délibérative est celui de la démocratie athénienne, apparue en Grèce au cours du VIe siècle avant J.-C. La démocratie athénienne était à la fois délibérative et largement directe : certaines décisions étaient prises par des représentants, mais la plupart étaient directement prises par « le peuple ». La démocratie athénienne a pris fin en 322 avant J.-C. Certains dirigeants du XVIIIe siècle, en plaidant pour une démocratie représentative, mentionnaient l'importance de la délibération parmi les représentants élus[2],[3].
Les premières recherches sur la démocratie délibérative sont apparus à la fin du vingtième siècle. D’après le Professeur Stephen Tierney, l’article scientifique qui aborde en premier l’idée de démocratie délibérative est celui de John Rawls[4] en 1971 : Théorie de la justice. L’invention du terme « démocratie délibérative » est souvent crédité à Joseph M. Bessette dans son ouvrage de 1980, Deliberative Democracy: The Majority Principle in Republican Government[5],[6].
L’échange discursif entre les citoyens doit permettre de faire partager des conceptions du bien commun différentes et de faire ainsi entrer en jeu le pluralisme inhérent aux sociétés contemporaines[7]. Aussi, l’échange d’arguments raisonnés et capables de convaincre les autres est censé apporter un gain de rationalité à la prise de décision finale. En effet, les préférences des citoyens peuvent à travers la discussion s’affirmer ou se modifier selon les arguments avancés. Les préférences deviennent réfléchies, à la fois dans le sens où elles sont exprimées devant d’autres citoyens qui par la possibilité d’y répondre par oui ou par non les renvoient à leurs premiers émetteurs, et encore, par cet effort collectif de réflexion qui assure la réflexion personnelle du citoyen lui-même[8].
Selon Hervé Pourtois, la condition d'argumentation, c'est-à-dire le processus qui vise à choisir le meilleur argument en faveur d'une thèse, et la condition de participation, qui permet de faire reconnaître différents points de vue moraux sur une question, sont essentielles à l'idéal de la démocratie délibérative. En effet, pour lui, l’origine des désaccords vient moins des différences de valeurs entre membres du groupe que des différences de signification des pratiques sociales[9]. Sur ce point il se place d’ailleurs en désaccord avec John Rawls, pour lequel l’identité et les valeurs des acteurs de la délibération ont un impact majeur sur la prise de décision[10].
Selon Jon Elster,il reste possible de distinguer trois types de théories politiques selon la place qu’elles accordent au marché, c’est-à-dire où les individus arrivent avec leur préférences données et ne se livrent plus qu’à des négociations et des marchandages, et au forum, où les individus semblent disposés à voir leurs préférences initiales modifiées suite aux arguments des autres participants pour aller in fine vers le bien commun. Les 3 types de théorie listées ci-après vont progressivement du marché vers le forum. La première considère que la vie politique n’est que négociations entre des intérêts privés, l’État ayant pour charge de préserver les droits élémentaires de chacun. Elle peut en pratique se faire au détriment du choix de la meilleure solution du point de vue du bien public (du style : « je vote pour ton gymnase si tu votes pour mon école »). La deuxième considère que la vie politique est un mixte de négociation et de communication entre les individus en vue de rechercher le bien public. La troisième valorise la participation en tant que telle des citoyens à la discussion publique[11].
La démocratie délibérative a d’abord pour enjeu d’assurer une forme de participation des citoyens ordinaires à la discussion d’enjeux collectifs, de produire du jugement public au travers d’une discussion collective réunissant des acteurs d’origines différentes. Ce dispositif délibératif est grandement valorisé dans le discours politique, mais il n’est pas toujours pris aux sérieux dans l’action publique et garde pour la quasi-totalité un caractère consultatif[12].
La démocratie délibérative cherche également à remédier à certains inconvénients de la démocratie représentative, notamment la désinformation et le monopole des fonctions politiques par une élite formée[8].
La multiplication des recherches empiriques sur la délibération depuis le début des années 2000, portant notamment sur ses conditions procédurales, a conduit à s’intéresser aux travaux de psychologie sociale sur la dynamique des groupes. Selon Julien Talpin, « des effets de domination symbolique sont ainsi mis en avant, les groupes pouvant se polariser, s’orientant vers l’opinion initialement majoritaire dans le groupe »[13].
En 2004, Bruce Ackerman et James S. Fishkin (en) publient Deliberation Day, ouvrage dans lequel ils proposent l'instauration d'une journée dédiée à des réunions de délibération à travers tout le pays, lors de chaque processus électoral national[14]. Le livre est publié en français en 2024 sous le titre Éveiller la raison publique, pour une journée de la délibération[15].
La démocratie délibérative fait face à de nombreuses critiques, fondées sur l’idée que la discussion, dans un contexte d’inégalités sociales structurelles, ne peut être qu’un faux-semblant dissimulant la domination[12]. Cette idée est présente chez des auteurs féministes comme Iris Marion Young ou Lynn Sanders, qui considèrent que les groupes les plus puissants sont avantagés dans les processus de délibération[16],[17]. Pour certains philosophes comme Alain Badiou ou Chantal Mouffe, l’essence conflictuelle de la politique ne permet pas une résolution par la simple discussion[18],[19] : « On ne discute pas avec une opinion radicalement autre, on peut tout au plus la combattre »[18].
La remise en cause de l’idéal délibératif est fondée sur plusieurs arguments[12] :
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