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décrets promulgués de 1940 à 1945 par Edvard Beneš, alors président du Gouvernement en exil tchécoslovaque De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Les décrets du président de la République (dekrety presidenta republiky), plus connus sous le terme de décrets Beneš, sont des décrets promulgués par Edvard Beneš, alors président du Gouvernement en exil tchécoslovaque, en l'absence de ratification par le parlement tchécoslovaque dissous.
Les décrets Beneš, lorsqu’ils sont évoqués, le sont en premier lieu en ce qui concerne l’expropriation et l’expulsion des Allemands des Sudètes et d'une partie des Hongrois de Slovaquie à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le président Edvard Beneš est démissionnaire de ses fonctions le à la suite des accords de Munich et remplacé par Emil Hácha au titre de président de la Tchécoslovaquie avant que le pays ne sombre dans l'anarchie et ne disparaisse. La Slovaquie, sous la houlette de Mgr Tiso déclare son autonomie le 7 octobre[1] avant d'être reconquise, le , par les armées tchèques ; elle déclare son indépendance le alors que le Reich s'empare de la Bohême-Moravie transformée en protectorat le .
C'est en tant que chef du gouvernement tchécoslovaque en exil puis en tant que chef du gouvernement provisoire d'après-guerre qu’Edvard Beneš promulgue ces décrets qui sont, le , ratifiés par l'Assemblée nationale provisoire par un acte constitutionnel (57/1946 Sb[2].).
Les décrets, préparés par le gouvernement en exil et signés par le président, se répartissent en trois catégories :
Dans les faits, ce sont les municipalités (národní výbor) qui sont chargées d'identifier les citoyens tchécoslovaques de nationalité allemande et hongroise qui sont réunis dans des camps avant de se voir expulsés vers l'Allemagne, l'Autriche et la Hongrie. L'expulsion des Allemands des Sudètes vers l'Allemagne s'étalera sur trois ans, de 1945 à 1947.
Au total, ce sont environ 2,6 millions d’Allemands qui sont chassés vers l'Allemagne et l'Autriche, ce qui représente entre le cinquième et le quart de la population totale de la Tchécoslovaquie (du fait de la guerre, les chiffres de la population totale sont peu précis en 1945). Sur les 3,2 millions d'Allemands environ vivant sur le territoire tchécoslovaque avant-guerre, on estime que :
En Slovaquie, près de 400 000 Hongrois de Slovaquie sont expulsés vers la Hongrie. Punition de masse d'une faute collective, l'ire des vaincus d'hier et des vainqueurs du jour ne s'abat que mollement sur les Hongrois. Rappelons qu'à la suite des accords de Munich, la Hongrie de l'amiral Horthy s'empare du tiers sud de la Slovaquie peuplé majoritairement de Hongrois. Cependant contrairement à la Bohême-Moravie passée sous le joug nazi, la Seconde Guerre mondiale marque pour la Slovaquie une période d'indépendance sous le régime clérical-fasciste de Monseigneur Tiso (la première et la seule jusqu'en 1993) et il n'est pas interdit de penser que les Slovaques n'ont pas le même « passif » envers leurs voisins hongrois que les Tchèques avec les Allemands des Sudètes. En 1948, l'expulsion des Hongrois, déjà largement inopérante, est officiellement enterrée. Une importante minorité hongroise (majoritaire dans les territoires frontaliers du sud) vit encore en Slovaquie, ce qui n’est pas le cas des Allemands en République tchèque.
Cela ne se fait pas sans créer un véritable drame humain. Les autorités tchécoslovaques dénombrent 18 816 victimes lors de leur transfert[8], soit 5 596 homicides, 3 411 suicides, 6 615 décès dans les camps de concentration, 1 481 décès lors des transports, 705 après le transport, 629 en tentant de fuir et 379 décès dont la cause est restée inexpliquée. Selon les travaux bilatéraux d'historiens tchèques et allemands, ce sont entre 19 000 et 30 000 personnes qui meurent lors des déplacements de population civile.
Dans leur application, les décrets se voient amendés. La règle qui veut que soient expulsés tous les citoyens tchécoslovaques de nationalité allemande et hongroise connaît quelques exceptions :
Pendant la période transitoire (entre la publication des décrets et la fin de l'expulsion des Allemands des Sudètes), les mariages mixtes sont interdits afin d'éviter l'usage du mariage blanc à des fins patrimoniales ou de détournements de la loi.
Au total, on estime que 250 000 nationaux allemands sont restés sur le territoire tchécoslovaque, au titre de leur combat anti-fasciste ou du caractère indispensable de leur qualification.
Ces décrets constituent une politique de nettoyage ethnique en vue d'établir un pays regroupant essentiellement des Tchèques et des Slovaques. Le , sur les ondes de la BBC, Beneš déclare : « il faut préparer la solution finale (sic) pour nos Allemands et nos Hongrois, car la nouvelle Tchécoslovaquie sera un État national. »[réf. nécessaire] À la suite des accords[réf. nécessaire] passés à Moscou entre Beneš et Staline, acceptés par la direction du Parti communiste tchécoslovaque du 14 au 18 décembre 1943, le gouvernement provisoire tchécoslovaque veut chasser les minorités nationales du pays pour lui donner une plus grande stabilité politique face aux revendications éventuelles de ses voisins.
Même s'ils ne s'y réfèrent pas directement, les défenseurs soulignent qu'ils sont dans la ligne des transferts de population décidés ou entérinés à la conférence de Potsdam entre le 17 juillet et le (les décrets présidentiels les précèdent de peu).
Les décrets sont progressifs : d'abord la confiscation des biens des criminels nazis et des « traîtres », puis l'expulsion des populations allemande et hongroise dans leur ensemble. Les Allemands sont considérés comme coupables d'une « faute collective » et traités collectivement de « collaborateurs du régime nazi » via le Parti allemand des Sudètes pro-nazi de Konrad Henlein. Les Hongrois sont taxés d'« irrédentisme. »
La dénonciation de ces décrets par les partis conservateurs de Bavière et d'Autriche empoisonne les relations germano-tchèques. Ces décrets ont été maintenus par les républiques tchécoslovaques (démocratique, socialiste ou fédérale), tchèque et slovaque qui se sont succédé de 1945 à nos jours.
L'État tchèque ne réclamant pas de dommages de guerre à l'Allemagne vaincue, ceci aura une incidence après la chute du régime communiste. En effet, le nouvel État démocratique décide de restituer les biens confisqués en 1948 par le seul régime communiste, considérant que (légaux ou non) les décrets Beneš ont été le fait d'un gouvernement démocratiquement élu et qu'il n'est pas nécessaire de les « réparer ». Cette décision sera contestée par les Allemands originaires des Sudètes, très actifs politiquement en Bavière notamment, mais le dossier ne sera pas rouvert par l'Allemagne réunifiée.
En revanche, la présence d'une forte minorité hongroise en Slovaquie alimente encore à intervalles réguliers des querelles diplomatiques entre ce pays et la Hongrie.
L'une des conséquences des décrets est que le Liechtenstein n'a reconnu qu'en 2009 la souveraineté de la République tchèque. La cause était un conflit sur des propriétés foncières de la famille princière de Liechtenstein situées en Tchéquie, essentiellement les châteaux de Valtice et de Lednice. Le prince du Liechtenstein affirme avoir été indûment spolié par les décrets[9]. Les liens diplomatiques avec la Slovaquie datent seulement du [10].
L'héritage ne pollue pas seulement les relations des États héritiers de la Tchécoslovaquie avec leurs voisins mais les affaires intérieures aussi. En République tchèque, le procès concernant la propriété de la Cathédrale Saint-Guy de Prague oppose, plus de dix ans après la transition démocratique, l'Église catholique romaine et l'État tchèque. On ne compte plus non plus, dans ce pays, la longueur et le nombre des procès en restitution de biens, intentés par les descendants de l'ancienne noblesse, propriétaire de biens fonciers confisqués lors des décrets sans toujours vérifier si les propriétaires d'alors, automatiquement considérés comme « austro-hongrois » étaient enregistrés comme « Tchécoslovaques » dans les états civils.
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