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Notion juridique d'atteinte au pouvoir du souverain De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Le crime de lèse-majesté est une notion mal définie qui a évolué dans le temps, recouvrant différentes qualifications juridiques. Pour l'essentiel, il était relié aux atteintes au souverain, quel qu'il soit (le peuple, un monarque, un principe fondateur, etc.), et aux signes de sa majesté (objets, décisions, personnes y compris leurs représentants, etc.).
Ce crime apparaît à Rome sous la République sous le terme de crimen laesae maiestatis. La première loi sanctionnant ce délit pour lui-même, et non plus comme argument à charge dans le cadre d'un procès à visée plus large, est due au tribun de la plèbe Lucius Appuleius Saturninus. La loi qu'il fit alors promulguer, la lex Appuleia de maiestate, en 103 ou 100 av. J.-C., instituait des tribunaux chargés de juger ce délit en particulier[1]. Selon Tacite (Annales, I, LXXII, 2-4), la notion de crimen maiestatis recouvrait les crimes de « trahison envers l’armée, sédition à l’égard de la plèbe, enfin mauvaise gestion des affaires publiques, nuisible à la majesté du peuple romain ». La maiestas est la grandeur du peuple romain dans son ensemble.
Cicéron emploie cette notion dans deux affaires :
Toujours selon Tacite (Annales, I, LXXII, 2-4) : seuls « les actes étaient mis en cause, les paroles restaient impunies ».
Sous l'Empire, l'empereur devient la personnification de la maiestas du peuple romain. Tacite et Suétone montrent bien l'évolution de la notion de ce crime de lèse-majesté, sous Auguste puis Tibère, pour condamner les propos portant atteinte à la personne impériale — qui, depuis qu'Auguste a reçu la puissance tribunicienne à vie, est sacrosancta.
« Auguste le premier se couvrit de cette loi pour engager une instruction sur les libelles scandaleux, indigné par la licence de Cassius Severus qui, s’en prenant à des hommes et à des femmes de rang illustre, les avait diffamés dans des écrits insolents ; puis Tibère, consulté par le préteur Pompeius Macer sur la recevabilité des accusations pour lèse-majesté, répondit que les lois devaient être appliquées. Lui aussi avait été exaspéré par des vers anonymes qui couraient sur sa cruauté, son orgueil et sa mésintelligence avec sa mère. »
— Tacite, Annales, I, LXXII, 2-4
« Vers le même temps, comme un préteur demandait à Tibère s’il voulait faire poursuivre les crimes de lèse-majesté, il répondit « qu’il fallait appliquer les lois », et il les appliqua de la manière la plus atroce. Quelqu’un avait enlevé la tête d’une statue d’Auguste pour lui en substituer une autre ; l’affaire fut débattue au Sénat et, comme il y avait doute, on eut recours à la torture. L’inculpé ayant été condamné, ce genre d’accusation fut insensiblement porté si loin qu’on fit un crime capital même d’avoir battu un esclave ou changé de vêtements près d’une statue d’Auguste, d’avoir été aux latrines ou dans un lieu de débauche avec une pièce de monnaie ou une bague portant son effigie, d’avoir critiqué l’une de ses paroles ou de ses actions. Enfin on alla jusqu’à faire périr un citoyen qui s’était laissé investir d’une magistrature dans sa colonie, le même jour où l’on avait autrefois décerné des charges à Auguste. »
— Suétone, Vies des douze Césars, « Tibère », LVIII
L'auteur de l'attentat contre le pape Léon III avant le couronnement impérial de Charlemagne en l'an 800 fut qualifié de reus majestatis (« accusé de [lèse]-majesté »).
En 1199, avec la décrétale Vergentis in senium, le pape Innocent III bouleverse le sens du crime de lèse-majesté en y assimilant l'hérésie. Désormais la lèse-majesté comportera une facette religieuse en qualifiant l'hérésie, le blasphème, le sacrilège, et toute autre opinion déviante.
En 1313, l'empereur Henri VII donne une définition moderne de la lèse-majesté au travers du texte Qui sint rebelles.
Le , Gauthier d'Aunay est condamné et exécuté pour avoir été l’amant de Blanche de Bourgogne, bru du roi de France Philippe le Bel[2], avec son frère cadet, Philippe d’Aunay également exécuté le même jour pour avoir été l'amant de Marguerite de Bourgogne, épouse du roi Louis de Navarre, héritier de la couronne de France[3].
En 1572, à la suite de la Saint-Barthélemy, le fomenteur des troubles, selon le roi Charles IX, l'amiral de Coligny fut jugé post mortem et condamné de crime de lèse-majesté et d'atteinte à la sûreté publique.
En 1610, François Ravaillac, condamné à l’écartèlement, fut accusé du pire des forfaits dans la hiérarchie des délits, « le crime de lèse-majesté divine et humaine au premier chef », en assassinant Henri IV.
En 1626, Henri de Talleyrand-Périgord, comte de Chalais, est impliqué dans la « conspiration de Chalais » à l’encontre du cardinal de Richelieu et de Louis XIII.
En 1632, Henri II de Montmorency est condamné pour s’être joint à la rébellion contre Louis XIII.
En 1649, Henri de la Tour d'Auvergne-Bouillon, vicomte de Turenne, voulant secourir les frondeurs, voit ses troupes l'abandonner et subit une déconfiture. En 1650, il échappe à l'arrestation dont sont victimes d'autres princes (dont Condé) et cherche l'aide des Espagnols.
En 1657, Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz publie un pamphlet contre la politique étrangère de Mazarin. II s'agit de la Très humble et très importante remontrance au Roi sur la remise des places maritimes de Flandres entre les mains des Anglais, dirigée contre le traité franco-anglais du .
En 1664, Nicolas Fouquet, surintendant des Finances, est condamné après un procès qui dura de 1661 à 1664 pour avoir fomenté un plan de rébellion en bonne et due forme en corrompant des gouverneurs de place et des officiers, en fortifiant certaines de ses terres, en constituant une flotte de vaisseaux armés en guerre et en tentant d'enrôler dans son parti la Compagnie de Jésus.
En 1757, Robert-François Damiens est condamné pour son agression sanglante sur la personne de Louis XV.
Au Ghana, un rituel de mise à mort du nom d'atopere durant une journée entière existe à la cour de l'Ashantehene. Sa cruauté choque les observateurs européens[4].
La notion de lèse-majesté a été très violemment contestée par les Lumières :
Cette contestation s'est révélée efficace, la notion de lèse-majesté a fortement reculé depuis.
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