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Juridiction examinant en premier et dernier ressort les recours contre les décisions de l'OFPRA en matière d'asile De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) est une juridiction française de l'ordre administratif.
Elle est créée en 1952 et porte alors le nom de Commission des recours des réfugiés.
Elle statue sur des recours (de plein contentieux[1]) formés contre des décisions rendues par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en matière d'asile.
Elle est située au 35 de la rue Cuvier, à Montreuil, en Seine-Saint-Denis.
La Commission des recours des réfugiés, ainsi que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sont créés par la loi du [2],[3], après la signature, le à Genève, de la Convention relative au statut des réfugiés.
De 1953 à la fin des années 1960, en raison du faible nombre de demandes d'asile, presque toutes acceptées, l'instance siège rarement : une séance par quinzaine, dans un bureau du Conseil d'État pour l'examen d'environ 400 recours par an. L'augmentation du nombre de demandes d'asile et surtout des taux de rejet des demandes d'asile par l'OFPRA à partir de 1971 entraînant celle des recours devant la CRR le décret n° 80-683 du réforme la juridiction en favorisant l’augmentation de ses moyens. Des « sections » composées de la même façon que ce que prévoyait la loi pour la Commission elle-même : trois juges ayant voix délibérative, dont un issu du Conseil d’État, président de séance, un issu des ministères assurant la tutelle de l’OFPRA et un représentant le Haut Commissaire aux Réfugiés de l’ONU. Durant les années 1980, le taux de rejet par l’OFPRA continuant d’augmenter, la surcharge de la CRR se traduit par un allongement des délais de jugement pouvant aller jusqu'à trois ans à la fin des années 1980. En 1990, la Commission rend 51 500 décisions et 61 200 l’année suivante. Une nouvelle réforme de la juridiction est mise en œuvre : la CRR s'agrandit de nouveau, s'installe dans de nouveaux locaux à Fontenay-sous-Bois ; le nombre de rapporteurs passe d'une dizaine à près d'une centaine. La loi n° 90-250 du ouvre la possibilité de nommer dans les fonctions de présidents de section, non seulement les membres du Conseil d’État, mais aussi les magistrats de la Cour des Comptes ainsi que les membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Un décret du institue une formation de jugement particulière dite « Sections réunies », composée de neuf membres, devant laquelle sont portées les affaires soulevant des difficultés particulières ou posant des questions de principe[4].
La loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile renomme la Commission « Cour nationale du droit d'asile »[5],[6],[7].
En 2009, les moyens de la Cour, jusqu’alors mis à disposition par l’OFPRA[8] sont transférés au Conseil d'État[9],[10].
En 2021, les magistrats ont traité 70 000 dossiers de demandeurs d’asile, soit 48 % de plus qu’en 2020. Elle a accordé une protection à un peu plus de 15 000 personnes, un taux moyen de 22 % variant selon la nationalité. Les requérants les plus protégés sont originaires des pays en guerre, comme les Syriens ou les Afghans[11].
La CNDA exerce une compétence juridictionnelle et une compétence consultative.
La CNDA est compétente pour statuer (art. L731-2 CESEDA), en premier et dernier ressort, sur les recours formés contre les décisions de l'OFPRA accordant ou refusant le bénéfice de l'asile et celles retirant ou mettant fin au bénéfice de l'asile ; sur les recours en révision dans le cas où il est soutenu que la décision de la cour a résulté d'une fraude ; sur les recours formés contre les décisions portant rejet d'une demande de réexamen (également appelé « réouverture »).
Lors du projet de loi de 2015 sur le droit d’asile, l’élargissement des compétences de la CNDA a été discuté. Notamment, la modification de l’article 731-2 permettrait à la cour de traiter du contentieux de l'asile aux frontières[12].
La CNDA n'est pas compétente pour les recours dirigés contre les décisions suivantes :
La CNDA donne son avis sur les demandes formées par les requérants sur le maintien ou l’annulation d’une mesure d’assignation, d’expulsion ou de refoulement à l’égard d’une personne qui a déjà obtenu le statut de réfugié et qui est visée par l’une de ces mesures. Son avis ne s'impose pas à l'administration[21].
La Cour nationale du droit d'asile est placée sous l'autorité d'un président, membre du Conseil d'Etat, désigné par le vice-président du Conseil d'Etat[22].
Chaque formation de jugement comprend trois juges[24] :
Certaines affaires[27] sont jugées par une formation appelée « sections réunies » puis « grande formation ». Elle comprend neuf juges[28] :
Depuis 2016, il existe aussi des audiences à « juge unique » (AJU), où un président ayant plus de six mois d'ancienneté à la Cour siège seul, tout en ayant la possibilité de renvoyer toute affaire devant une formation collégiale, pour une audience ultérieure.
Les formations de jugement sont regroupées en chambres elles-mêmes regroupées en sections[24]. À compter du , la Cour nationale du droit d'asile comprend vingt-deux chambres regroupées en six sections[29]. Chaque section est présidée par un magistrat chargé d'animer les chambres rattachées à sa section. Co-animée par un président permanent et un chef de chambre, chaque chambre est composée de 14 rapporteurs, d’un responsable de pôle et de secrétaires d’audience, soit 23 personnes. Tous les juges vacataires, présidents de séance, ainsi que les assesseurs du Conseil d’Etat sont rattachés à une chambre. Les assesseurs désignés par le HCR étant rattachés depuis 2020 à une section[30].
Le , la Cour comptait 26 magistrats permanents, un chef de juridiction membre du Conseil d’Etat, 196 présidents de formation de jugement vacataires, 161 assesseurs nommés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et 157 assesseurs nommés par le vice-président du Conseil d’Etat[31].
Une partie des juges appartiennent à l'Association française des juges de l'asile (AFJA).
Le président de la cour et les présidents de section statuant seuls (mais après étude du dossier par un rapporteur[32]) peuvent rejeter, par ordonnance (dite « ordonnance nouvelle », par opposition aux « ordonnances classiques » de création plus ancienne), « les demandes qui ne présentent aucun élément sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision du directeur général » de l'OFPRA[33]. La jurisprudence a précisé qu'en application de la règle générale de procédure selon laquelle l’auteur du recours doit être mis en mesure de prendre connaissance des pièces du dossier qu’il n’a pas lui-même produites, ces ordonnances ne peuvent être prises, si son auteur se prononce au vu du dossier constitué par l'OFPRA, que si le requérant a été préalablement informé de l'existence de ce dossier et, s'il en a fait la demande, en a obtenu la communication[34].
Le Conseil d'État estime que l'indépendance et l'impartialité de la Cour ne peuvent pas être contestées sur le fondement de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme[35].[source insuffisante]
Dans une enquête réalisée par Mediapart en 2021, plusieurs témoignages anonymes de juges ont été recueillis sur des pressions qui seraient exercées par les présidents de section et d'autres échelons hiérarchiques de la CNDA sur les formations de trois magistrats qui délibèrent, pour influencer leurs décisions[36].
Le , la Cour comptait 668 agents, dont 339 rapporteurs et 122 secrétaires d'audience[31].
Le budget de la Cour fait partie du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » qui fait partie de la mission « Conseil et contrôle de l’État » Dans le projet de loi de finances pour 2022, le budget pour les personnels de la Cour est de 46 149 515 €[37], le budget en 2021 pour les frais de justice, le coût d’occupation et le fonctionnement courant est de 18 117 577 €[38].
Le Centre de recherches et de documentation (CEREDOC) assure entre autres tâches la préparation de notes sur la situation dans les pays, à l'attention des magistrats[39].
Après l'assassinat de Samuel Paty en 2020, la Cour nationale du droit d’asile est violemment mise en cause sur les plateaux de télévision et sur les réseaux sociaux « par des comptes Twitter, proches notamment de l’extrême droite »[40] pour avoir reconnu, en 2011, la qualité de réfugié au père du futur assassin, en raison de craintes de persécution pour des motifs politiques liés au conflit et au régime tchétchène. Celle-ci avait été auparavant rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui estimait que le récit du père d’Abdoulakh Abouyezid n’était pas convaincant[41],[42],[43],[40] et qui avait relevé que celui-ci avait hébergé à son domicile des combattants tchétchènes membres d’Al-Qaeda dont un haut dirigeant de l’organisation terroriste[44].
Par la suite, Dominique Kimmerlin, la Présidente de la Cour, a décidé de porter plainte[45],[40].
Le 24 octobre 2023, l'un des juges de la Cour, Jean-Marie Argoud, est révoqué à la suite de « prises de position publiques sur les réseaux sociaux (...) de nature à créer un doute sur son impartialité en tant que juge de l’asile »[46].
Les recours sont instruits par un rapporteur[47], sur la base du dossier de l'OFPRA (qui est transmis à la cour), de la requête et des mémoires complémentaires du requérant (souvent accompagnés de certificats médicaux[48],[49],[50], d'attestations, de coupures de presse[51],[52] et de documents judiciaires servant à prouver l'existence de persécutions), et des mémoires en défense (que l'Ofpra présente rarement).
Le temps que chaque rapporteur peut consacrer à l'instruction d'un dossier de demande d'asile dépend essentiellement du nombre de dossiers que son administration lui demande de traiter chaque jour : fin 2004, ce nombre était estimé par des rapporteurs interrogés à ce sujet, à 2 dossiers / jour[53]. Cette charge permet de consacrer une demi-journée environ par dossier, laps de temps dont il faut déduire le temps de deux journées et demie mensuelles d'audience environ et le temps de rédaction des projets de décisions. Le rapporteur synthétise les faits et la procédure, puis analyse le contexte géopolitique et la crédibilité du récit du requérant. Cette situation de jugement n'est pas spécifique aux fonctionnaires[54]. Les actes d’instruction ne sont d’ailleurs pas décrits par le droit. Les déclarations faites devant l'OFPRA par le demandeur d'asile font l'objet d'un procès-verbal établi selon une procédure non contradictoire. Les informations sur le pays d’origine sur lesquelles s'appuient l'OFPRA, ainsi que les rapporteurs de la Cour et les membres des formations de jugement, ne sont pas toujours communiquées aux demandeurs d'asile.
Les membres des formations de jugement (aussi bien présidents qu'assesseurs) disposent des dossiers relatifs à chaque recours appelé en audience ou viennent consulter à la Cour au préalable les dossiers passant à l'audience où ils vont officier, ainsi que les notes des rapporteurs à l'instruction, ce qui n'était pas systématiquement le cas il y a quelques années.
Les demandeurs et l'OFPRA sont convoqués à une séance publique (certaines affaires font cependant l'objet d'un huis clos, si le requérant le demande), au rôle de laquelle sont inscrits en général treize dossiers (pour une audience occupant une journée entière). L'examen de chaque affaire commence par la lecture, par le rapporteur, de son rapport, qui comprend l'exposé de la procédure (depuis la demande à l'OFPRA), des arguments du demandeur d'asile et de l'OFPRA, et une analyse de la crédibilité du dossier comprenant des éléments géopolitiques. Le rapporteur ne propose plus de sens de décision depuis le décret 2013-751 du . La parole est ensuite donnée au demandeur d'asile, éventuellement assisté d'un interprète, qui est interrogé par les membres de la formation de jugement. Le représentant de l'OFPRA, qui est rarement présent à l'audience, peut également présenter ses observations[55]. La parole est ensuite donnée à l'avocat pour des observations complémentaires.
Les audiences débutent à 9 h et se terminent en fin de journée, avec une pause méridienne d'une heure environ.
Les conditions de jugement à la CNDA ont fait l'objet, pour la première fois en 2009[réf. nécessaire], d'une description détaillée par un ancien juge, (assesseur-HCR de à ) également chercheur en science politique, qui publie en 2009 le premier témoignage approfondi en France sur cette juridiction[56]. Il décrit notamment la partie la moins connue du jugement : le délibéré ; moment où les juges s'entretiennent à huis clos pour discuter et prendre les décisions de jugement. Les trois juges décident soit par consensus soit à la majorité de deux voix sur trois. Cette règle de majorité n’est pas écrite dans le droit[réf. nécessaire] mais fonctionne de facto comme la seule modalité possible de décision en présence de trois personnes ayant chacune son opinion sur chaque demande d’asile examinée. Le délibéré consiste pour chacun à faire connaître cette opinion et pour tous à constater l’état du rapport de forces. Si les trois juges sont d’accord, la décision est évidente. S'il y a désaccord c’est la décision conforme aux vœux de deux juges au moins qui s’impose sans que cela n’implique de procédure formelle de vote, les positions respectives des uns et des autres étant exprimées par quelques mots. Les durées des délibérés sont relativement courtes, de l’ordre de 20 à 40 minutes. Après examen et rejet presque systématique des dossiers de requérants absents, le temps de délibéré par dossier varie de 1 à 5 minutes environ, suivant le degré de convergences de vues entre les trois juges. Ces conditions de jugement, observe Jean-Michel Belorgey (président de section à la CNDA), laissent à « l'intime conviction » du juge une place prépondérante dans la prise de décision judiciaire[57].
Une fois la décision prise en délibéré sur une demande d'asile, la suite du processus échappe en grande partie aux juges : sans que le droit l’ait prévu, seuls le rapporteur et le président de séance participent à la rédaction de la décision finale. En pratique, le premier transmet dans les jours qui suivent un « projet de décision » que le second corrige et contresigne pour en autoriser la publication. La décision mentionne nommément le juge unique ou les trois juges (ou neuf en « sections réunies ». Chaque décision, après un bref résumé du récit biographique du demandeur d'asile, se termine par une phrase stéréotypée énonçant la conclusion, négative ou positive. Quelques modèles de phrases sont insérés à la fin des décisions, par exemple, en cas de décision de rejet : « Considérant toutefois que [ni] les pièces du dossier [ni les déclarations faites en séance publique devant la Cour/Commission] ne permettent [pas] de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées. ». Hélène Perret, dans son étude statistique de 800 décisions de la CRR, observe que cette phrase - jugée suffisante par le Conseil d'État[58] - revient dans 41 % des cas étudiés[59].
La création des « Sections réunies » en 1992 avait pour but de compenser le flou de la jurisprudence : « ont pour fonction de trancher les questions de droit inédites mais aussi d’assurer l’harmonie de la jurisprudence »[60]. Cependant elles sont peu nombreuses : trois ou quatre par an au début des années 2000, moins d'une dizaine annuellement (avec 9 juges au lieu de trois… ces séances de jugement coûtent trois fois plus à l'institution). Les recueils officiels les signalent mais ne les dissocient pas des autres. Deux autres facteurs en réduisent l’importance. Alors que le pouvoir de faire monter une affaire en « sections réunies » appartient aux formations ordinaires et au président de la CNDA, la pratique a subordonné les premières à une consultation préalable de celui-ci : les formations ordinaires ne réfléchissent pas sur les critères de choix des affaires à élever ce qui alimenterait la jurisprudence[61].
Certaines personnes disent que, dans ces conditions, il est difficile de dégager une « jurisprudence » de la CNDA, étant donné que, dans la masse des décisions (plusieurs dizaines de milliers supplémentaires par an) produites, chacun peut trouver un précédent à une position de jugement et son contraire[62].
Les décisions de la CNDA peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État[63],[64],[65] ; le Conseil peut alors, en cas d'annulation de la décision de la Cour, renvoyer l'affaire devant la CNDA ou régler lui-même l'affaire au fond[66]. Des recours en révision, en tierce opposition[67] ou en rectification d'erreur matérielle peuvent également être exercés devant la Cour elle-même.
90 % des refus de l'OFPRA font l'objet d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile[68].
Le taux d'annulation des décisions de l'OFPRA était de 15 % en 2006 (15 % en 2005, 13 % en 2004). Ce taux est très variable en fonction des nationalités des requérants : 1 % pour les Chinois, 5,4 % pour les Moldaves, 8 % pour les Algériens, 10 % pour les Turcs (première nationalité en nombre de requérants avec 2855 recours formulés en 2006), 27 % pour les ressortissants d'États issus de l'Ex-Yougoslavie et plus de 32 % pour les citoyens russes dont les Tchétchènes. En 2018, parmi les 8 717 personnes protégées les dix pays d'origine les plus représentées sont Soudan, Guinée, Bangladesh, Afghanistan, Albanie, République démocratique du Congo, Syrie, Somalie, Turquie et Nigeria[80].
Le délai de recours, dérogatoire, est d'un mois, à compter de la notification de la décision du directeur général de l'OFPRA. Plusieurs tentatives pour réduire ce délai à quinze jours n'ont pas abouti[82]. Par exemple, lors de l'examen du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, le délai d'un mois a été maintenu[83] par la commission mixte paritaire le [84],[85]. Le projet de loi « Asile et immigration » comporte des dispositions visant à réduire le délai de recours à 15 jours[86],[87].
Avant 2004, les délais d'instruction des recours pouvaient être de plusieurs années. Depuis, l'OFPRA a procédé à une campagne de recrutement d'officiers de protection et de rapporteurs contractuels ayant pour fonction de réduire les « stocks » de demandes accumulées et de faire tomber ces délais à 110 jours calendaires pour 2006.
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