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Une maîtrise des eaux et forêts est une juridiction française d'exception chargée de surveiller et de contrôler les forêts royales à l'origine, puis toutes les forêts. La juridiction des Eaux et Forêts est instituée dans le royaume à la fin du XIIIe siècle afin de contrôler, surveiller et exploiter les forêts royales. L’organisation des Eaux et Forêts est définitivement mise en place par Colbert avec l’ordonnance de 1669. L'ordonnance crée dix huit « grandes-maîtrises » et 134 maîtrises. Chaque maîtrise doit gérer les forêts et juger toutes les activités liées à l’exploitation des bois, au pacage, à la chasse, la pêche, ainsi qu'à la police des eaux. Avec l’édit d’, l'administration est profondément réformée. Les anciens offices de grands-maîtres sont supprimés et le nombre d’officiers des maîtrises particulières est réduit à un maître particulier, un lieutenant, un procureur du roi, un garde-marteau et un arpenteur. Un nouvel édit, en 1689, crée seize grands-maîtres. À la fin du XVIIIe siècle, on comptait vingt grandes maîtrises. Au sommet de cette administration forestière, les grands-maîtres des Eaux-et-Forêts nommaient le personnel subalterne par commission, jugeaient en appel les sentences rendues les maîtrises particulières et les grueries devant les Tables de Marbre, placées auprès des parlements provinciaux.
Ce que désigne concrètement le terme de maîtrise des Eaux et Forêts évolue avec l'histoire de l'Administration des Eaux et Forêts en France.
Avant le règne de Philippe-Auguste, il n'y a pas d'administration royale des Eaux et Forêts car les domaines des rois étaient trop réduits et intégrés presque partout dans le tissu des droits féodaux. Les seigneurs locaux disposaient d'un personnel de terrain plus ou moins spécialisé. Un petit seigneur pouvait même s'acquitter lui-même des tâches de justice, d'administration, police ou gardiennage qu'implique la gestion de forêts ou rivières. L'agent de terrain représentant un seigneur laïc ou ecclésiastique s'appelait ordinairement un « sergent » mais on trouve bien d'autres termes. L'encadrement des sergents est parfois assuré par des personnages spécialisés dont le titre varie : « gruyer », « forestier », « verdier » mais aussi « maîtres »[1].
Au XIIIe siècle apparaît un embryon d'administration des Eaux et Forêts du roi sous la forme de maîtres itinérants, mandatés pour régler les erreurs et abus de gestion. Une ordonnance du roi Philippe IV Le Bel, en août 1291, définit le rôle des maîtres des Eaux et des Forêts : enquêteurs, inquisiteurs et réformateurs. Après 1346 et jusqu'en 1515 plusieurs maîtres enquêteurs ont chacun une circonscription et du personnel subalterne, le tout étant commandé par un souverain-maître. Les Eaux et Forêts deviennent une véritable administration autonome à l'égard des autres services du roi[2].
Au XVIe siècle les Eaux et Forêts élargissent leur influence : elles font prévaloir l'intérêt public même dans les bois n'appartenant pas au roi. En Henri II tente d'uniformiser ses services des Eaux et Forêts et ordonne la création dans « chaque bailliage, sénéchaussée, et jugerie du royaume, et en Bretagne dans chaque évêché » d'un maître particulier, d'un lieutenant, d'un avocat, d'un procureur du roi et d'un greffier[3]. Les souverains-maîtres sont supprimés en 1575 au profit de six « grands-maîtres », une formule qui restera un rouage essentiel de l'Administration des Eaux et Forêts jusqu'à la Révolution. Cependant dès 1586 sont créés des maîtres alternatifs et leurs circonscriptions nommées « départements » se dédoublent parfois. Dès 1597 il existe 17 grands-maîtres. La direction unique est rétablie par Henri IV, en 1597, au profit d’un « surintendant ».
En 1661 le chancelier Séguier charge Colbert de s'occuper des Eaux-et-Forêts. Après une grande réformation, l'ordonnance d’août 1669 « sur le fait des Eaux-et-Forêts » fixe définitivement les principes du droit français en la matière. Elle divise le royaume en plusieurs grandes-maîtrises, chacune subdivisées en maîtrise particulière ou en gruerie pour certains petits massifs forestiers. Des réformes incessantes rendent difficiles de définir le nombre de grandes-maîtrises. Un édit de porte création de seize départements de grande-maîtrise (et donc 16 grands-maîtres) et 105 maîtrises. Les grands-maîtres sont dix huit en 1699 (136 maîtres particuliers et gruyers royaux»[4]), mais dix neuf en 1703 et trente six en 1706. En 1720 l'organisation devient plus stable. Elle subsiste plus ou moins fidèlement jusqu'à la Révolution. Il y a cependant création de deux grandes-maîtrises (Nancy en 1756 et la Corse en 1768) et de nouvelles maîtrises (Die, Saint-Marcellin, Pau, Châteauroux, Brive, Vendôme, Belley, etc.). Le nombre des maîtres particuliers et gruyers royaux continue donc d'augmenter : 154 en 1772 et 175 en 1792[4].
La juridiction des maîtrises et des tables de marbre disparaît en , avec toutes les juridictions d’exception (décret des 6, 7-, art. 7).
À l'origine, sauf pour le Languedoc, les maîtres des eaux et forêts n'ont pas eu de ressort territorial délimité. Mais l'étendue et la complexité croissante de leurs attributions nécessitèrent une répartition territoriale ; on rencontre cette indication dès 1317 pour un maître des eaux et forêts en France, Champagne et Brie, mais l'étendue et le nombre de ces départements ont souvent varié. Au XIVe siècle et au XVe siècle les maîtrises de France-Champagne-Brie (qui avait son siège à Paris) et de Normandie Picardie (qui avait son siège à Rouen) sont les plus citées dans les documents conservés. La maîtrise de France-Champagne-Brie qui comprend d'abord l'Ile-de-France et l'ancien comté de Champagne, s'étend aussi en 1483 aux bailliages de Sens, Senlis, Mantes, Melun, Chartres, Montargis, Saint-Pierre-le-Moûtier, Lyonnais, Mâconnais et aux ressorts d'Auvergne[5].
Département de grande-maîtrise | Maîtrises en 1689[6] | |
---|---|---|
1 | Paris | 9 maîtrises : Paris, Saint-Germain, Montfort l'Amaury, Fontainebleau, Dreux, Sézanne, Crécy-en-Brie, Auxerre, Sens |
2 | Valois, Senlis et Soissons | 6 maîtrises : Senlis, Compiègne, Beaumont, Clermont, Chauny, La Fère |
3 | Généralité de Rouen et Vexin Français | 7 maîtrises : Rouen, Pont-de-L'arche, Caudebec, Arques, Lyons, Vernon, Pacy |
4 | Caen, Alençon | 8 maîtrises : Valognes, Bayeux, Vire, Alençon, Argentan, Domfront, Mortagne, Bellême |
5 | Blois et Berry | 5 maîtrises : Blois, Chambord, Vierzon, Issoudun, Bourges. |
6 | Touraine, Anjou et Maine | 9 maîtrises : Tours, Amboise, Loches, Chinon, Baugé, Angers, Le Mans, Château-du-Loir, Mamers |
7 | Bretagne | 7 maîtrises : Cornouailles, Vannes, Fougères, Rennes, Nantes, forêt de Villecartier, forêt du Gâvre |
8 | Poitou, Aunis, Angoumois, Limousin, Saintonge, Marche, Bourbonnais, Nivernais | 10 maîtrises : Poitiers, Châtellerault, Niort, Angoulême, Cognac, Guéret, Bellac, Moulins, Cérilly, Montmarault. |
9 | Toulouse et Languedoc | 6 maîtrises : Villemur, Villeneuve de Berg, Castelnaudary, Saint-Pons, Montpellier, Quillan. |
10 | Guyenne | 5 maîtrises : L'Isle-Jourdain, Rodez, Pamiers, Saint-Gaudens, Tarbes |
11 | Lyonnais, Forez, Beaujolais, Auvergne, Dauphiné et Provence | 1 maîtrise : Montbrison[7] |
12 | Ainaut, Pays d'entre Sambre et meuse, Outre Meuse | 1 maîtrise : Le Quesnoy. Et plusieurs juridictions. |
13 | Picardie, Artois et Flandre | 3 maîtrises : Abbeville, Boulogne, Calais. Et plusieurs juridictions. |
14 | Champagne et Luxembourg | 8 maîtrises : Troyes, Chaumont, Saint Didier, Wassy, Sainte-Menehould, reims, Sedan, Château-Regnault. |
15 | Duché et comté de Bourgogne, Bresse, Alsace | 6 maîtrises : Dijon, Châtillon, Autun, Avallon, Chalon-sur-Saône, Bar-sur-Seine. |
16 | Lorraine et Barois | 14 maîtrises : Nancy, Lunéville, Saint-Dié, Badonviller, Epinal, Mirecourt, Vic, Sarrelouis, Bar-le-Duc, Saint Mihiel, Bourmont, Pont-à-Mousson, Longwy, Metz4 |
Département de grandes-maîtrise | Maîtrises en 1720[8] | ||
---|---|---|---|
1 | Paris | 10 maîtrises : Suppression : Montfort l'Amaury ; Créations : Châteauneuf-en-Thymerais, Provins | |
2 | Soissons | 9 maîtrises : Créations : Laon, Noyon, Soissons | |
3 | Rouen | 7 maîtrises : sans changement | |
4 | Caen | 4 maîtrises : Virement sur Alençon : Alençon, Argentan, Domfront, Mortagne, Bellême ; création : Caen | |
5 | Berry | 5 maîtrises : sans changement | |
6 | Touraine | 9 maîtrises : sans changement | |
7 | Bretagne | 7 maîtrises : sans changement | |
8 | Poitou | 13 maîtrises : créations : Fontenay-le-Comte, Nevers, Rochefort | |
9 | Languedoc | 6 maîtrises : sans changement | |
10 | Guyenne | 3 maîtrises : création : Bordeaux | |
11 | Lyonnais | 3 maîtrises : créations : Grenoble, Lyon[9] | |
12 | Hainaut | 3 maîtrises : créations : Givet, Valenciennes | |
13 | Picardie, Artois, Flandre | 10 maîtrises : créations : Amiens, Arras, Hesdin, Lille, Merville, Saint-Omer, Tournehem | |
14 | Champagne | 7 maîtrises : Virements sur Metz : Sedan, Château-Regnault. Création : Vitry-le-François | |
15 | Bourgogne etc. | 15 maîtrises : créations : Baume-les-Dames, Besançon, Dôle, Ensisheim, Gray, Haguenau, Poligny, Salins, Vezoul. | |
16 | Metz (ex Lorraine) | 5 maîtrises : Pertes (transferts au duché de Lorraine) : Nancy, Lunéville, Saint-Dié, Badonviller, Epinal, Mirecourt, Sarrelouis, Bar-le-Duc, Saint-Mihiel, Bourmont, Pont-à-Mousson, Longwy. Création : Thionville. Apports par virement : Château-Regnault, Sedan. | |
17 | Alençon | 15 maîtrises : Apports par virement : Alençon, Argentan, Bellême, Domfront, Mortagne. |
En 1788, à la veille de la Révolution, il existait 20 grandes-maîtrises qui correspondaient aux limites géographiques des 34 généralités[10].
• Jean de la Taille
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