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Principe philosophique de suspension du jugement ou de l'assentiment. De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Épochè est un mot grec (ἐποχή / epokhế) qui signifie « arrêt, interruption, cessation ». En philosophie, et par la suite en psychanalyse, ce terme désigne la suspension du jugement[1].
Le concept d'épochè remonte — selon Pierre Couissin[2] — au stoïcisme. Pour Zénon de Kition, fondateur du stoïcisme vers 301 av. J.-C., le sage ne doit pas donner son assentiment (συγκατάθεσις, suŋkatathesis) de façon précipitée à chaque représentation (phantasia) qui se présente à lui. Sur ce qui n'est pas certitude, « représentation compréhensive » (φαντασία καταληπτική, phantasia katalêptikê) le sage ne donne pas son approbation.
Chez les sceptiques, l'épochè désigne la suspension du jugement[3]. On s'abstient de toute assertion, soit favorable, soit défavorable, pour ou contre.
Pyrrhon lui-même, fondateur du scepticisme vers 322 av. J.-C., ne se prononce pas. Diogène Laërce (IX, 62) dit de Pyrrhon : « Il philosophe en suivant le principe de la suspension. » Mais, à son époque, Pyrrhon se contente de prôner l'indifférence devant les opinions et les événements, car « aucune chose n'est plus ceci que cela » (Diogène Laërce, IX, 61), ce qui signifie, dit Pierre Hadot, que « l'homme ne peut pas faire de différence entre les choses, ni du point de vue de la valeur ni du point de vue de la vérité ». Pyrrhon recommande, au fond, un genre de vie, une attitude faite de détachement, qui engendre l'ataraxie (l'imperturbabilité), c'est-à-dire la paix intérieure.
Pour le disciple de Pyrrhon, Timon de Phlionte (vers 280 av. J.-C.) :
L'épochè s'impose dans le néo-pyrrhonisme, scepticisme au sens le plus strict, surtout chez Sextus Empiricus (début du IIIe s.). Selon lui, la suspension du jugement (épochè) est le refus d'accorder son assentiment à une représentation (phantasia) ou à la raison (logos) parce que les arguments contraires ont une égale force. Toujours selon Sextus Empiricus, la suspension est le but du scepticisme et l'unique moyen de lutter efficacement contre l'imagination et la raison.
Cependant, cette vision est un argument bien plus sceptique que propre à l'épochè, puisque le scepticisme doute de chaque affirmation, et donc rejette tout semblant de « vérité ». Or si l'on doute de chaque affirmation, impossible d’en accepter aucune… L'épochè, au contraire, ne remet pas en cause la légitimité de chaque point de vue : elle les accepte comme tels, malgré leur apparence antithétiques.
Arcésilas de Pitane (chef de la 2e Académie de Platon vers 268 av. J.-C.) fut le véritable premier théoricien de l'épochè, ce type d'absence de jugement, s'éloignant subtilement du scepticisme.
Non seulement Arcésilas théorise, mais il pratique :
Carnéade, chef de la IIIe Académie de Platon vers 168 av., « probabiliste », ne donne d'assentiment à aucune représentation. Cependant, le philosophe peut tenir certaines représentations pour plus fiables que d'autres, même s'il ne se prononce pas sur leur vérité : c'est une « représentation probable » (πιθανἠ φαντασία, pithanê phantasia), convaincante. « Probable » signifie ici : probatoire, soumis à l'examen. Son successeur, Clitomaque dit ceci :
L'épochè, ne renie pas la raison (logos) : Arcésilas de Pitane mit d'ailleurs en place le concept d'εὔλογος / eulogos, littéralement « la bonne raison ». Selon lui, cette doctrine admet l’action, et le jugement, puisqu’elle n’empêche pas la prise de position. Simplement, nos actes doivent être justifiables par des raisons cohérentes : c’est un accord subjectif de représentations, qui n’implique aucune affirmation dogmatique. Arcésilas, contrairement aux sceptiques, conserve donc un rôle pour la raison et rejette en conséquence l’inaction. Il propose de se créer une échelle de valeur tant éphémère que personnelle, pleinement contextuelle.
Notons d'ailleurs que, d'après Sextus Empiricus, Arcésilas et Carnéade n'étaient pas de véritables sceptiques, puisqu'ils affirmaient que les choses sont insaisissables ; si bien que leur épochè n'était pas complète.
Chez Husserl (qui, lui, s'oppose explicitement au scepticisme, et adopte cependant ce terme) et dans la phénoménologie, l'épochè désigne la mise en suspens de la thèse naturelle du monde, c'est-à-dire la croyance à la réalité extérieure du monde. Mais il ne s'agit pas du tout de douter de la réalité du monde. Cette mise entre parenthèses a pour but de ne laisser que le phénomène du monde, qui est une pure apparition, et qui n'affirme plus la réalité de la chose apparaissant.
Pour les psychanalystes, l’épochè est la suspension de tout jugement de réalité, dans le but de permettre de naviguer dans l'univers des fantasmes et de l'inconscient de l'analysant[réf. souhaitée].
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