Loading AI tools
philosophe sceptique de l'Antiquité De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Énésidème ou Ænésidème (en grec ancien Αἰνησίδημος / Ainêsídêmos) est l'un des plus grands philosophes sceptiques de l'Antiquité, fondateur du néo-pyrrhonisme. Il vécut entre 80 av. J.-C. et 10 av. J.-C.
Nous avons peu de renseignements sur sa vie. Ænésidème serait né à Cnossos en Crète [1] ou, plus vraisemblablement, à Aeges (o Ainêsidemos o ex Aigôn)[2].
Étant donné l'incertitude de ses dates de naissance et de mort (entre 80 av. J.-C. et 130 ap.), nous ne savons pas si Ænésidème faisait partie des anciens sceptiques ou s'il fut un nouveau pyrrhonien, contemporain de la renaissance de cette école. Selon Aristoclès[3], il fut professeur à Alexandrie. Il semble avoir fait partie de l'Académie, puis la quitta en critiquant son dogmatisme. Néanmoins, des témoignages font de lui un partisan d'Héraclite, philosophe dogmatique. Il est, à ce titre, un témoin original et important de l'héraclitéisme.
Il serait le fondateur du néo-pyrrhonisme (ce qui irait donc contre la thèse qui veut qu'il serait à rapprocher des anciens sceptiques) et l'auteur de commentaires sur Pyrrhon, dont nous avons une analyse et des extraits par l'intermédiaire de Photios Ier de Constantinople. Selon ce dernier, cette œuvre est dédiée à L. Tubéron, un académicien contemporain et ami de Cicéron, ce qui confirmerait la thèse affirmant qu'Ænésidème fait partie du nouveau scepticisme (ce dont Cicéron, étrangement, ne parle pourtant pas, ou par allusions difficiles à éclaircir). Dans cet ouvrage, Ænésidème voulait montrer que l'on ne peut rien connaître avec certitude, et que l'on doit s'abstenir de toute affirmation. Il y exposerait également les dix tropes principaux du scepticisme qui permettent de parvenir à la suspension du jugement, et d'autres concernant la causalité.
Sextus Empiricus attribue ces tropes (ou modes, en grec, τρóποι tropoi, τóποι topoi et λóγοι logoi) à Ænésidème[4]. Cependant, il se peut qu'ils soient plus anciens et qu'il se soit contenté de les systématiser ou de les mettre en ordre. Sextus les expose en détail dans le livre I des Esquisses pyrrhoniennes.
Ces tropes sont également exposés par Diogène Laërce (IX, 79) dans un ordre différent. Leur but est de parvenir à la suspension du jugement (ἐποχή, epokhè).
« Le premier [mode] se fait d'après la variété des animaux, le deuxième d'après la différence entre les humains, le troisième d'après les différentes constitutions des organes des sens, le quatrième d'après les circonstances extérieures, le cinquième d'après les positions, les distances et les lieux, le sixième d'après les mélanges, le septième d'après la quantité et la constitution des objets, le huitième d'après le relatif, le neuvième d'après le caractère continu ou rare des rencontres, le dixième d'après les modes de vie, les coutumes, les lois, les croyances aux mythes et les suppositions dogmatiques. »
— Esquisses pyrrhoniennes, livre I, 36–37, traduction P. Pellegrin.
1. Diversité des animaux
2. Différences entre les hommes
3. Diversité des sens
4. Circonstances
5. Coutumes, la diversité des cultures
6. Mélanges, influence des milieux
7. Situations, distances, lieux
8. Quantités, le trop ou le trop peu
9. Fréquence, le rare ou le familier
10. Le relatif dans l'objet et dans la relation objet/sujet
Sextus Empiricus nous rapporte le raisonnement d'Ænésidème sur la vérité[5].
Qu'est-ce que le vrai ? Si le vrai est quelque chose, il est sensible ou intelligible, ou l'un et l'autre à la fois, ou ni l'un ni l'autre. Or :
La conclusion est donc que ne pouvant pas nous prononcer sur la nature de la vérité, ni même sur la possibilité qu'elle existe, il faut suspendre notre jugement quant à son existence et sa nature.
Sextus Empiricus rapporte huit tropes relatifs à la causalité (I, 181–185) et les attribue à Ænésidème :
« Il dit que le premier est le mode selon lequel le genre de l'explication causale, qui se meut dans le domaine des choses obscures, ne reçoit pas de ce qui est apparent une confirmation sur laquelle on soit d'accord.
Le second est celui selon lequel, souvent, alors qu'il est très facile que ce que l'on cherche soit expliqué causalement de plusieurs façons, certains ne l'expliquent que d'une seule façon.
Le troisième est celui selon lequel aux choses ordonnées ils assignent des causes qui ne manifestent aucun ordre.
Le quatrième est celui selon lequel, quand ils ont saisi les choses apparentes comme elles arrivent, alors que les choses cachées se réalisent peut-être de la même manière que les choses apparentes, mais peut-être pas de la même manière mais d'une manière qui leur est propre.
Selon le cinquième, tous, pour ainsi dire, expliquent causalement selon leurs hypothèses propres concernant les éléments, mais pas selon les approches communes et admises.
Le sixième est celui selon lequel ils acceptent souvent ce qui est découvert par leurs propres principes, mais rejettent ce qui s'y heurte et qui a pourtant la même vraisemblance.
Le septième est celui selon lequel ils assignent souvent des causes qui contredisent non seulement les choses apparentes, mais aussi leurs propres hypothèses. Le huitième est celui selon lequel souvent, les choses qui semblent être apparentes et celles qui sont l'objet de recherche étant également objet d'aporie, ils expliquent ce qui est objet d'aporie à partir de ce qui est également objet d'aporie.
Mais Ænésidème dit aussi qu'il n'est pas impossible que certains aient manqué leur but dans les explications causales aussi en vertu de certains modes mixtes dérivés de ceux dont on vient de parler. »
— Esquisses pyrrhoniennes, livre I, 181–185, traduction P. Pellegrin.
La conclusion d'Ænésidème est que l'on ne peut connaître les causes et que l'on ne peut expliquer les effets (i.e. les phénomènes) par des causes. Les effets deviendraient alors des signes de la réalité des causes, comme dans le stoïcisme et l'épicurisme. Mais Ænésidème va tenter de réfuter cette théorie.
Ces huit tropes sont différents des dix précédemment évoqués, eux aussi rapportés par Sextus Empiricus (dans les Esquisses en I, 14), et attribués par lui à Énésidème dans Contre les logiciens, I, 345.
On ne peut donc, selon Ænésidème, connaître directement les causes. Mais les signes sont également inutiles :
« Au quatrième livre de son ouvrage, Ænésidème déclare qu'il n'y a pas de signes visibles révélant les choses invisibles, et que ceux qui croient à leur existence sont dupes d'une vaine illusion. »
— Myriobiblion, 170, B, 12, Photius
Sextus Empiricus rapporte le raisonnement d'Ænésidème[6] :
Ainsi, d'après ce raisonnement, les signes ne sauraient être des choses sensibles, ce qui réfuterait l'épicurisme. Sextus ne porte pas plus loin le raisonnement, et nous ne savons pas si Ænésidème réfute également l'idée que les signes sont des choses invisibles.
La morale d'Ænésidème ne semble pas différer de celle de Pyrrhon et de Timon de Phlionte. En effet, l'ataraxie, d'après Diogène Laërce[7], est pour lui le bien qui découle de l'épokhè. Il reprochait aux Académiciens de définir le bien et le mal et s'opposait à la morale stoïcienne ; ainsi, selon lui, n'y a-t-il aucun bien suprême, car ce bien n'est ni le bonheur, ni le plaisir, ni la sagesse (Photius, cod. 212). L'ataraxie est un bien purement pratique, qui n'a aucun rapport avec l'essence du bien et du mal, mais elle semble néanmoins être une sorte de bonheur, comme dans la doctrine d'Epicure.
Par Sextus Empiricus (Contre les professeurs, VIII, 215), Diogène Laërce (IX, 78, 106 et 116) et Aristoclès (in Eusèbe de Césarée, Préparations évangéliques, XIV, 18, 11 et 16), nous savons qu'Ænésidème écrivit les livres suivants :
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.