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chanteur auteur-compositeur-interprète populaire chilien De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Víctor Lidio Jara Martínez (né à San Ignacio (province de Ñuble) le et mort à Santiago vers le ) est surtout connu comme chanteur populaire chilien, et cantautor (« auteur-compositeur-interprète »). Mais il fut aussi un homme de théâtre, metteur en scène et professeur de théâtre universitaire reconnu. Il est enfin resté dans la mémoire du Chili et du monde pour sa fin tragique lors du coup d'État fasciste du 11 septembre 1973 à Santiago.
Nom de naissance | Víctor Lidio Jara Martínez |
---|---|
Naissance |
San Ignacio (Chili) |
Décès |
Vers le Santiago (Chili) |
Nationalité | Chili |
Activité principale | Auteur-compositeur-interprète, professeur, directeur de théâtre |
Genre musical |
Musique folklorique Musique traditionnelle Nueva Canción Chilena |
Instruments | Chant, guitare classique |
Années actives | 1957 à 1973 |
Labels |
Odeon DICAP Warner |
Site officiel | Fondation Víctor Jara |
Au titre de sa carrière musicale, il est un des représentants les plus célèbres d'un courant qu'on a appelé la Nueva canción (« Chanson nouvelle »), avec Violeta Parra (Chili), Carlos Puebla (Cuba) et Mercedes Sosa (Argentine), et d'abord la nueva canción chilena (« nouvelle chanson chilienne ») avec des groupes comme Quilapayún, Inti Illimani et Illapu. Il a d'ailleurs parfois chanté sur scène et enregistré avec ces trois groupes, de même que sa route a croisé celle d'Isabel[1] et Ángel Parra, ne serait-ce qu'à la Peña de los Parra, le lieu culturel créé et animé par les enfants de Violeta ; il a parfois mis des chansons de cette dernière à son répertoire, et il l'évoque avec tendresse et respect dans certaines de ses propres chansons (Manifiesto, par exemple).
La Nueva canción est un mouvement musical qui se trouve à la confluence de racines autochtones, folkloriques (ethno-musicales) et populaires revendiquées [avec notamment des genres qu'on a appelés Alto folclore (« Haut folklore , ou folklore savant, ou folklore progressif, ou encore néo-folklore »), ou la musique andine, ainsi qu'avec la déclinaison latino-américaine de la Canción de protesta (« chanson engagée ») et de la canción social (« chanson sociale »), tout comme le protest song nord-américain (de Joan Baez ou de Bob Dylan première période, par exemple).
Membre du Parti communiste chilien, il fut l'un des principaux soutiens de l'Unité populaire et du président Salvador Allende. Ses chansons critiquent la bourgeoisie chilienne (- Las casitas del barrio alto, - Ni chicha ni Limoná), contestent la guerre du Viêt Nam (- El derecho de vivir en paz), chantent la grève contre la répression (- Preguntas por Puerto Montt), la réforme agraire (- A desalambrar), la révolution (- El Alma Llena de Banderas, - A Cuba, - Vamos por ancho camino)…
Ses chants, écrits par lui ou par d'autres, rendent hommage aux grandes figures révolutionnaires latino-américaines :
- Corrido de Pancho Villa, - Camilo Torres, - A Luis Emilio Recabarren, et, pour Che Guevara : - Zamba del Che ou - El Aparecido[2], sans oublier les poèmes de Pablo Neruda, membre éminent du Parti communiste chilien comme lui, qu'il a chantés : par exemple les chansons consacrées à Joaquin Murieta extraites de la cantate Fulgor y Muerte de Joaquín Murieta[3] de Neruda et Ortega[4] ; mais aussi - Poema 15, - Ya parte el galgo terrible ou - Aquí me quedo. Il chante aussi le peuple : - Vientos del pueblo, - El niño yuntero, - Plegaria a un Labrador[5], - El Arado, - Qué alegres son las obreras ; l'enfance : - Luchín ; et l'amour : - Te recuerdo Amanda, - Abre la ventana, - Deja la Vida volar, - El amor es un camino que de repente aparece, - Romance del enamorado y de la muerte…
Arrêté par les militaires lors du coup d'État du 11 septembre 1973, il est emprisonné et torturé à l'Estadio Chile (aujourd'hui nommé stade Víctor Jara en mémoire de son martyre) puis à l'Estadio Nacional avec de nombreuses autres victimes de la répression qui s'abat alors sur Santiago. Il y écrit furtivement son ultime poème Estadio Chile [aussi connu comme la chanson-titre ¡Canto qué mal me sales!… (« Mon chant, comme tu me viens mal !… »)[Note 3], ou par son premier vers Somos cinco mil (« Nous sommes cinq mille… »)], poème qui dénonce le fascisme et la dictature et qui sera caché, pour le sauver, puis passera de main en main jusqu'à nous[6].
Ce poème est resté inachevé car Víctor Jara est rapidement mis à l'écart des autres prisonniers. Il est torturé et roué de coups. Puis il est exécuté entre le 14 et le après avoir eu les doigts coupés par une hache pour faire taire définitivement son chant et sa musique[7], selon la chanson que Julos Beaucarne[8] a écrite en hommage au cantautor et guitariste chilien. Selon d'autres témoignages[8], notamment celui de sa veuve Joan Jara à qui l'on a demandé de reconnaître son corps à la morgue plusieurs jours après sa mort, dans le livre-mémoire qu'elle a écrit sur son mari Víctor Jara, un canto truncado (« Victor Jara, un chant inachevé »), il aurait eu plutôt les mains broyées à coups de crosse ou de botte, puisqu'elle l'a retrouvé :
« criblé de balles, les mains non pas tranchées mais broyées [faisant un angle impossible avec le reste de ses bras] »Citation traduite du musicien, auteur-compositeur et chanteur folk Pete Seeger en exergue sur la couverture : Mientras cantemos sus canciones, mientras su valor pueda inspirarnos más valor, Víctor Jara no morirá (« »).
— Joan Jara, Victor Jara, un chant inachevé
Victor Jara est né d'un couple de paysans modestes, installés non loin de la capitale chilienne : Manuel Jara et Amanda Martínez, qui donnera d'ailleurs son prénom à sa fille, Amanda, que Víctor aura avec Joan Jara son épouse. Il semble que sa mère était elle-même chanteuse à ses heures, ce qui a pu inspirer le jeune Victor, auquel elle apprit les rudiments de la guitare. Ses connaissances musicales ne sont donc pas académiques, mais ancrées dans le terroir populaire chilien. La mort prématurée de sa mère l'affecte durablement. Monté à la capitale, Victor fréquente le séminaire, puis intègre l'université du Chili où il participe au projet Carmina Burana (1953). La même année, il commence un travail de recensement du folklore chilien. En 1956, il intègre la compagnie de Mimos de Noisvander, et se forme au théâtre et au jeu d'acteur. Il rejoint ainsi la compagnie de l'université du Chili.
Ses carrières théâtrale et musicale suivent des trajectoires parallèles à partir de 1957. Il intègre le groupe « Cuncumén » de Margot Loyola, spécialisé dans les danses et les musiques folkloriques, au sein duquel il rencontre Violeta Parra, qui le pousse à suivre une carrière de chanteur. Il devient le chanteur soliste du groupe. Parallèlement, il réalise sa première mise en scène, d'après une œuvre d'Alejandro Siveking, ce qui lui permet de voyager en Argentine, au Venezuela, au Paraguay et à Cuba (1959). Il reste fidèle à cet auteur, tout en explorant d'autres pistes, mettant en scène du Cruchaga, la Mandragore de Nicolas Machiavel, du Raúl Ruiz ou du Brecht. Directeur artistique du collectif « Cuncumén », il réalise une tournée en Europe en 1961 (France, Hollande, URSS, Europe de l'Est…). La même année, il compose son premier morceau, une ballade folklorico-poétique, « Paloma Quiero Contarte ».
Ses qualités artistiques sont appréciées, puisqu'il devient en 1963 directeur de l'Académie folklorique de la Maison de la Culture de Ñuñoa, et intègre l'équipe de direction de l'institut théâtral de l'université du Chili (Ituch). Il est ainsi professeur de plateau de 1964 à 1967, dans le cadre de l'université. En 1965, il est primé, et la presse commence à s'intéresser à ce directeur d'acteurs infatigable et talentueux. Sa carrière musicale n'est pas entre parenthèses pour autant, puisqu'il prend la direction du collectif Quilapayún en 1966. La même année, alors qu'il est assistant à la mise en scène de William Oliver sur une œuvre de Peter Weiss, il enregistre son premier disque avec le label « Arena ».
En 1967, c'est la consécration. Encensé par la critique pour son travail théâtral, il est invité en Angleterre par le consul britannique. Parallèlement, il enregistre avec la maison de production Emi-Odeón, qui lui remet un disque d'argent.
La période 1969-1970 marque l'apogée de sa carrière théâtrale. Professeur invité à l'École de théâtre de l'université catholique en 1969, il monte Antigone de Sophocle. Il monte également Viet-Rock de Megan Terry avec l'Ituch. En 1970, il est invité à un festival international de théâtre à Berlin, et participe au premier Congrès de théâtre latino-américain à Buenos Aires.
Sa carrière de chanteur et de compositeur prend par ailleurs son rythme de croisière. Il gagne en 1969 le premier prix du festival de la nouvelle chanson chilienne, et chante lors du meeting mondial de la jeunesse pour le Vietnâm à Helsinki. Cet engagement politique de plus en plus affirmé ne le détourne pas de sa boulimie créatrice : il enregistre l'album « Pongo en tus manos abiertas » avec le label Dicap en 1969, et reste en contact avec Emi-Odeón pour un nouvel opus.
En 1970, il renonce à prendre la direction de l'Ituch. Ce choix est fondateur d'un nouvel engagement politique, car il s'engage dans la campagne électorale de l’Unidad Popular de Salvador Allende. Victor Jara estime à l'époque qu'il peut être plus utile par la chanson, ce qui lui donne l'opportunité de s'adresser au pays entier. Cette nouvelle option, qui lui fait délaisser le théâtre, est confirmée par la parution chez Emi-Odeón de l'album Canto libre en 1970.
De fait, il se met vite au service du gouvernement de l'Unidad Popular. En 1971, il rejoint le ballet national, puis le département des technologies de la communication de l'université technique de l'État. Devenu l'ambassadeur culturel du gouvernement Allende, il organise des tours de chant dans toute l'Amérique latine et participe à plusieurs émissions de la télévision nationale chilienne, pour laquelle il compose entre 1972 et 1973.
À la sortie de son opus El derecho de vivir en paz (Dicap, 1971), il est sacré meilleur compositeur de l'année. De plus la chanson qui donne son titre à l'album est une de ses plus célèbres chansons et une des plus reprises ; elle représente un bon exemple de son engagement pour la paix et de son répertoire politique militant (à côté de ses chansons d'amour, de témoignage, d'autobiographie, de mémoire, d'imaginaire, d'humour et de tradition populaire), car elle participe à la lutte, vigoureuse à l'époque, contre l'impérialisme américain en dénonçant son intervention militaire au Viêt Nam. Il chantera cette chanson à travers le monde dans de nombreux meetings de soutien au Nord Viêt Nam et contre la guerre du Viêt Nam, comme il l'avait déjà fait en 1969 à Helsinki.
Comme le précédent opus, la sortie de La población (Dicap, 1972) témoigne de la ferveur communiste de l'artiste, mais aussi de son amour pour son pays et pour son peuple. Le sujet et le titre de l'album (ici « La population », plutôt que la bourgade), centré sur les gens, est d'ailleurs confirmé par sa forme, car plusieurs de ses chansons comportent, en introduction, un enregistrement pris sur le vif, par exemple : d'enfant jouant avec un petit chien (pour la chanson Luchín), des extraits de conversation (pour Sacando pecho y brazo), le chant d'un coq (au début de Lo único que tengo, chantée par Isabel Parra qu'il accompagne à la guitare), un témoignage ou un extrait d'interview de personnes anonymes ou non ; c'est le cas notamment des chansons La Toma, Herminda de la Victoria, ou Marcha de los pobladores. Ceci donne son unité au projet et en fait presque un album-concept, lui conférant un peu un statut de chronique ou de reportage journalistique.
Il réalise en 1972 une tournée en URSS et à Cuba, où il est invité pour le Congrès de la musique latinoaméricaine de La Havane. Présent sur tous les fronts, Victor Jara dirige également l'hommage au poète Pablo Neruda (qui vient de recevoir le prix Nobel) dans le stade national de Santiago, et n'hésite pas à s'enrôler parmi les travailleurs volontaires lors des grandes grèves patronales (soutenues par la droite et la CIA) de 1972 et 1973[9].
Soutenant toujours activement la campagne législative Unidad Popular en 1973, il chante lors de programmes destinés à la lutte contre le fascisme et contre la guerre civile à la télévision nationale. Il réalise par ailleurs un tour de chant au Pérou à l'invitation de la Maison nationale de la Culture de Lima. L'année 1973 est également l'occasion de travailler sur ses derniers enregistrements, qui mettent à l'honneur le patrimoine culturel et musical chilien. Il en résulte un album, Canto por traversura, qui sera bien sûr posthume et interdit à la vente plus tard pendant l'ère de la dictature militaire…
Aux élections législatives de , l'opposition du parlement à Allende s'amplifie, bien que celui-ci reste chef de l'État. Il décide de légiférer par décrets afin de passer outre l'assemblée, et recherche un massif soutien populaire. Le Chili est au bord de la guerre civile. En , peut-être contraint par la situation et voulant donner des gages de stabilité, et aussi parce qu'il le croyait légaliste et loyal envers le processus démocratique, Allende nomme Augusto Pinochet à la tête de l'armée… Il faisait alors, sans le savoir, « entrer le loup dans la bergerie »[Note 4].
De fait Pinochet renverse le gouvernement Allende le , utilisant l'armée contre le peuple et contre les institutions pour instaurer par la force une dictature militaire, au moyen d'une répression sauvage qui va durer plusieurs années[10], et qui s'inscrit dans le contexte géopolitique de la guerre froide, des échecs américains au Viêt Nam, mais aussi de la montée en Europe occidentale des alternatives gouvernementales socialistes et de gauche démocratique[11], et, parallèlement, de la montée de la pensée et de l'idéologie néolibérale dans les milieux politiques conservateurs[Note 5].
Le jour du coup d'État de Pinochet, Víctor Jara est en route vers l'Université Technique d'État du Chili (UTE) où il officie depuis 1971, pour l'inauguration chantée d'une exposition avant de rejoindre Allende au palais présidentiel. Il est enlevé par les militaires et incarcéré au Stade Chile, puis transféré au Stade national en compagnie d'autres militants pro-Allende. Là, ses compagnons d'infortune tentent de le soustraire aux regards des gardes, car sa célébrité, son engagement et la force d'entraînement qu'il conserve par sa musique le mettent particulièrement en danger. Il a tout juste le temps de griffonner au crayon sur une page arrachée d'un carnet son dernier poème inachevé Estadio Chile (qui sera caché et transmis de mains en mains)[Note 3]. Mais il est reconnu et pris à part. On le torture. Puis on lui écrase les doigts en public[8],[7] ; il meurt ensuite criblé de 44 impacts de balles entre le 14 et le , quelques jours avant son 41e anniversaire[Note 6]. Un jeune fonctionnaire, chargé d'identifier les corps par la junte, reconnaît celui de Jara et arrive à le ramener clandestinement à sa femme ; il est enterré le , trois personnes seulement assistant à la cérémonie discrète[15].
Son martyre correspond aussi à la naissance d'un mythe. Ses derniers instants sont devenus célèbres dans le Chili post-Pinochet par l'intermédiaire du témoignage controversé de l'écrivain Miguel Cabezas lui aussi détenu dans ce stade.
Selon ce récit, inspiré de faits réels mais retranscrits dans un sens de tragédie épique (teinté de mystique révolutionnaire, sacrificielle et quasi christique), après avoir malmené Víctor, les militaires lui auraient tranché à la hache les doigts des deux mains successivement. Puis, continuant à le rouer de coups, ils l'auraient insulté, par ironie morbide à propos de ses mains détruites, d'un « allez, maintenant joue un morceau pour ta p… de mère ! » Enfin, le laissant se relever péniblement, ils lui auraient intimé l'ordre de chanter. Víctor Jara aurait alors défié les soldats de Pinochet en se tournant vers les militants détenus avec lui et en entonnant l'hymne de l'Unité populaire[16]. Les militaires l'auraient alors exécuté par balles, ainsi que la majorité des militants qui avaient repris son chant en chœur[17],[15].
Cet épisode tragique est chanté par Julos Beaucarne dans son poème Lettre à Kissinger, par Los de Nadau dans Auròst tà Victor Jara et par Michel Bühler dans Chanson pour Victor Jara, ainsi que Pierre Chêne dans Qui donc était cet homme ?, Jean Ferrat dans Le Bruit des bottes, Bernard Lavilliers dans La Samba et The Clash dans Washington Bullets.
Quoi qu'il en soit de l'exactitude historique des faits qui précèdent immédiatement son assassinat (car les témoignages oculaires, dans l'émotion et la grande confusion de ces moments tragiques, ne se recoupent pas parfaitement ), il n'en demeure pas moins que la réalité de ses tortures — quelles qu'elles furent exactement — et de son exécution sommaire, n'est plus contestée.
Le , une quarantaine d'années après les faits, la justice chilienne fait incarcérer quatre personnes s'étant rendues à la police, dont Hugo Sánchez, officier responsable de l'exécution du chanteur. Un second responsable, Pedro Pablo Barrientos Núñez, résidant aux États-Unis, est sous le coup d'une demande officielle d'extradition de la part des autorités chiliennes[18],[19].
Le , dix anciens militaires sont mis en accusation par le juge Miguel Vázquez Plaza, au Chili. Ils sont tous suspectés d'avoir participé à l'emprisonnement puis à l'assassinat de Víctor Jara[20], ainsi qu'à celui de Littré Quiroga (le même jour, même endroit), l'ex-directeur de la gendarmerie resté loyal envers le gouvernement légitime de l'Unité Populaire.
Huit d'entre eux sont condamnés le à dix-huit ans de détention décomposés comme suit : dix-huit ans dont quinze ans de prison ferme incompressibles (« presidio mayor en su grado máximo ») pour « homicide qualifié », plus trois ans de travaux forcés (« presidio menor en su grado medio ») pour emprisonnement illégal[21] ; et un neuvième a été condamné à cinq ans pour complicité[22]. Parmi eux, les officiers Hugo Sánchez Marmonti, déjà nommé, le chef de camp du stade, ainsi qu'Edwin Dimter Bianchi, alors lieutenant de 23 ans, connu comme le principal auteur des tortures qu’a dû endurer Víctor Jara, celui qui s'est sauvagement acharné sur son corps et l’a roué de coup à plusieurs reprises[23], semblant accomplir contre lui une vengeance personnelle[24], selon le témoignage de l'avocat Boris Navia, lui aussi emprisonné à l'Estadio Chile en même temps que Jara, avec les 600 prisonniers capturés à l'UTE (Universidad Técnica del Estado, l'Université technique d'État)[23]. Dimter a été formellement reconnu par les détenus survivants du stade Chile comme le tristement célèbre tortionnaire surnommé par eux « El Príncipe » (« Le Prince ») en raison de sa morgue histrionique couvrant une véritable fureur sanguinaire[24].
L'officier du groupe soupçonné d'avoir tiré le coup de grâce dans la nuque de Víctor Jara, le susnommé Barrientos, vit quant à lui aux États-Unis, en Floride. Le Chili réclame son extradition, mais en vain[22]. Cependant, un jury fédéral américain le déclare coupable du meurtre et le condamne en juin 2016 à verser 28 millions de dollars à la famille de l'artiste assassiné[25].
Titres bonus pour la réédition en CD de 2001[30]. Ces titres avaient déjà été édités sous le titre de Rarezas (« Raretés »), dont les quatre derniers ont été enregistré à la Peña de los Parra (en public, 1970) :
Titres bonus pour la réédition en CD de 2001 :
Cet album qui s'intitule ¡Presente! en France[35], est parfois intitulé Manifiesto (es) (au Mexique en 1975[36]) ou Canciones póstumas (en Espagne). Il utilise comme base les chansons déjà enregistrées pour ce qui devait être son projet de neuvième album en studio : Tiempos que cambian (« Les temps qui changent »), et qui était resté inachevé du fait de l'assassinat de l'artiste. Il est déjà paru tel quel, incomplet, sous ce titre, une première fois en 1974[37]. Selon les éditions, l'album comprend parfois en bonus des versions alternatives des chansons, ou des titres additionnels (parfois déjà parus en single de son vivant) comme :
Víctor Jara avait été enterré semi-clandestinement le , peu après son exécution sommaire, alors que la chape de plomb du coup d'état s'abattait avec violence sur Santiago. En , le régime politique du Chili étant redevenu démocratique, la justice chilienne avait demandé son exhumation afin de procéder à diverses investigations de médecine légale, vérifier l'autopsie de l'époque, et préciser les circonstances entourant sa mort, dans le cadre des instructions en cours de la procédure contre les auteurs présumés de son assassinat[40].
C'était alors l'occasion de l'enterrer de nouveau, mais cette fois sous la forme d'obsèques publiques après trois jours d'hommage populaire, du 3 au , où la dépouille de l'artiste était restée au siège de la Fondation Víctor Jara (es). Ensuite, il est enterré le dans le cimetière général de Santiago lors d'une cérémonie à laquelle assistent sa veuve Joan Turner et leurs deux filles Manuela et Amanda, ainsi que la présidente du Chili de l'époque Michelle Bachelet, ce qui lui a donné une dimension d'hommage national. On peut rappeler que la présidente socialiste elle-même avait été avec sa mère incarcérée et torturée par la dictature de Pinochet à la Villa Grimaldi, et que son père, le général légaliste et loyal envers l'Unité Populaire Alberto Bachelet a lui aussi été détenu, torturé et enfin tué dans les geôles de la junte militaire ; puis la future présidente a été elle-même réfugiée politique[41].
Après un parcours à travers les différents quartiers de Santiago, les restes du chanteur sont apportés au Memorial de Detenidos Desaparecidos (« Mémorial des Détenus Disparus »), pour une cérémonie intime où sa famille lui a rendu hommage, avant que Víctor Jara ne soit enterré au cimetière général. Le cortège funèbre qui s'est alors formé a réuni plus de 12 000 personnes. Certaines de ses chansons les plus connues, comme Te recuerdo Amanda ou Plegaria a un labrador, sont entonnées par le public présent[42]. Le texte de la chanson Te recuerdo Amanda est l'histoire du couple Amanda et son compagnon Manuel qu'Amanda rencontrait tous les jours durant 5 minutes pendant la pause de Manuel à l'usine. La chanson prend un aspect tragique lorsque le texte évoque Manuel, parti rejoindre le mouvement révolutionnaire dans la Sierra, où il a été tué cinq minutes à peine après son arrivée [43].Une allégorie de la féroce répression politique avant le gouvernement Allende et celle qui allait suivre sa fin.
« j'veux te raconter Kissinger |
« d'un autre coup il sectionna |
« il entonna l'hymne de l'U |
« [...] Quand un Pinochet rapplique |
« [...] À moins qu'ils me guillotinent |
« (Refrain) : C'est partout le bruit des bottes |
« …Z'ont tué le guitariste
Lui ont brisé les doigts
Interdit sa musique
Surveillé quelques mois…
Mais au fond des mémoires,
Sur les marteaux pilons,
Les compagnons d'usine
Ont gravé la chanson… »
« No puede borrarse el canto |
« On ne peut effacer le chant |
« As every cell in Chile will tell |
« Comme chaque cellule du Chili le racontera |
(1er couplet) : « Pablo, ô Pablo, |
(Refrain) : ILS SONT DES FORÊTS SOUS UN TOIT DE TERRE |
« No olvidaremos el valor de Víctor Jara, |
« Nous n'oublierons pas le courage de Victor Jara, |
« … Tous ces généraux aux cervelles d'acier
Ont jeté sur nous des linges rougis ;
Ils s'en sont allés jusqu'à l'assassiner
Cette libre terre où naissait la vie… »
« And in the world a heart of darkness |
« Et il y a dans le monde un cœur de ténèbres |
« Je voulais écrire de la prose et des vers
Mais dans la cité pour celui qui écrit ça craint
Faut que je change d'univers
Sous peine de finir en guitariste chilien »
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