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Un débris spatial, dans le domaine de l'astronautique, est un objet artificiel circulant sur une orbite terrestre amené là dans le cadre d'une mission spatiale et qui n'est pas ou plus utilisé. Les débris spatiaux de grand taille comprennent les étages supérieurs des lanceurs spatiaux et les satellites artificiels ayant achevé leur mission. Mais la majorité des débris spatiaux résultent de l'explosion accidentelle d'engins spatiaux ou, phénomène récent, de leur collision. La dimension de ces débris peut aller d'une fraction de millimètre à la taille d'un bus. On a identifié, début 2016, environ 17 000 débris de plus de 10 cm circulant en orbite basse et on estime qu'il existe environ 500 000 débris de plus de 1 cm et 100 millions de débris spatiaux dont la taille est supérieure à 1 mm. Les débris spatiaux sont progressivement éliminés car leur altitude diminue en raison de la perte de vitesse due aux frottements dans l'atmosphère résiduelle. Ils finissent par brûler dans l'atmosphère terrestre lors de leur rentrée atmosphérique. Mais leur nombre est en augmentation constante du fait de l'activité spatiale et d'une élimination naturelle très lente dès que leur orbite dépasse 700 km.
Ces débris présentent un danger pour les engins spatiaux opérationnels. En effet, ils circulent à des vitesses très élevées (de l'ordre de 8 km/s pour les débris en orbite basse) et l'impact d'un débris, même petit, sur un satellite peut entraîner des dégâts importants et dans certains cas sa destruction. Seuls les débris de plus de 10 cm circulant en orbite basse peuvent être suivis systématiquement grâce à des systèmes de surveillance mettant en œuvre principalement des radars terrestres. Pour tenter de réduire le risque associé aux débris spatiaux, les constructeurs d'engins spatiaux ajoutent dans certains cas des blindages qui peuvent stopper les débris de petite taille (de l'ordre du millimètre). Lorsque la trajectoire d'un débris spatial identifié peut constituer une menace, les opérateurs modifient l'orbite du satellite menacé. Toutefois la mesure la plus efficace consiste à limiter le nombre de débris spatiaux produits. Les principales agences spatiales, pour tenter d'endiguer ce qui est identifié comme une menace pour la poursuite de l'activité spatiale à moyen terme, ont édicté des recommandations visant à réduire le phénomène notamment en limitant le nombre de débris générés au moment du déploiement du satellite, en déclenchant la rentrée de l'étage supérieur du lanceur et en s'assurant que le satellite en fin de vie soit placé sur une orbite garantissant une rentrée atmosphérique à une échéance de 25 ans. Selon ces recommandations, les satellites circulant en orbite géostationnaire doivent être placés sur une orbite cimetière. Toutefois faute d'un accord international sur ces dispositions qui augmentent de manière sensible les coûts de lancement, celles-ci restent des recommandations qui peuvent ne pas être appliquées.
Un débris spatial est défini comme un objet artificiel (fabriqué par l'homme) qui se trouve en orbite autour de la Terre et qui n'est pas ou plus utilisé[1]. Un satellite artificiel lorsqu'il arrive en fin de mission devient un débris spatial. L'étage supérieur d'un lanceur resté en orbite après avoir rempli sa tache est également un débris spatial.
Depuis le début de l'ère spatiale, qui débute avec le lancement de Spoutnik 1 le , plus de 5 000 engins spatiaux ont été lancés dans l'espace par les différentes puissances spatiales de la planète. La majorité d'entre eux (environ 4 800 en 2007) ont été placés sur une orbite terrestre [3] et quelques centaines, les sondes spatiales, ont quitté l'environnement immédiat de la Terre pour explorer la Lune ou les autres planètes du système solaire. Chacune de ces missions a généré un certain nombre de débris spatiaux.
Ces débris ont différentes origines :
Les groupes de débris issus de la désagrégation de satellites sont analysés grâce à un diagramme dit « de Gabbard » dans lequel le périgée et l'apogée de chaque débris est représenté en fonction de sa période orbitale. Les débris projetés dans le sens du déplacement orbital augmentent en apogée et en période, ils correspondent aux deux bras droits du X. Les débris projetés dans le sens rétrograde ont un périgée et une période diminués (les deux bras gauches du X). Les projections dans les directions perpendiculaires à l'orbite influent peu sur les caractéristiques de période, d'apogée et de périgée, les débris dans ce cas sont concentrés autour du centre de la croix[4]. L'étude de la distribution des éléments de ce diagramme permet aussi de déterminer les causes de la fragmentation[5]
Le nombre de débris d'une taille supérieure à 10 cm est estimée à environ 21 000. Pour 17 000 d'entre eux on dispose des caractéristiques de leur orbite et leur trajectoire est suivie. La population des débris dont la taille est comprise entre 1 et 10 cm est évaluée à 500 000. Enfin on estime qu'il y a, en 2017, 135 millions de débris spatiaux dont la taille est supérieure à 1 mm[6]. Le nombre de débris dont la taille est supérieure à 3 mm est évaluée par projection statistique à partir de données fournies par les radars au sol. En deçà de cette taille l'évaluation est estimée à partir du recensement des impacts sur la surface d'engins ou d'expérience ayant séjourné dans l'espace et revenus sur Terre. Ces méthodes statistiques consistent à déduire une estimation de la population totale d’une certaine catégorie de débris spatiaux en analysant la distribution des observations ou des impacts dans une zone limitée de l’espace.
La majorité des débris se trouvent à une altitude inférieure à 2 000 km à l'image de l'activité spatiale concentrée sur l'orbite basse. La concentration la plus importante se trouve à une altitude comprise entre 750 et 800 km. Les débris spatiaux qui circulent en orbite basse (altitude < 2 000 km) ont en moyenne une vitesse comprise entre 7 et 8 km/s. Lorsqu'une collision se produit la vitesse relative des deux objets concernés est en moyenne de 10 km/s[7].
Les débris spatiaux ne restent pas de manière permanente en orbite. Par exemple il ne subsiste plus en 2016 aucun des débris produits par l'explosion du satellite soviétique Cosmos 2421 qui avait eu lieu en 1986 à une altitude de 410 km et qui avait généré à l'époque 509 débris de plus 10 cm[8]. En effet l'atmosphère résiduelle, qui subsiste dans l'espace près de la Terre, freine progressivement le débris spatial dont l'altitude s'abaisse jusqu'à ce qu'il soit ramené au niveau des couches denses de l'atmosphère lorsque son altitude approche les 100 kilomètres. Il effectue alors une rentrée atmosphérique au cours de laquelle il s'échauffe et se disloque. Certaines pièces peuvent survivre à cette phase et parvenir jusqu'au sol, mais la plupart sont vaporisées. L'orbite s'abaisse d'autant plus vite que la surface exposée aux forces de trainée est importante et que l'altitude initiale est faible (cas du satellite Cosmos 2421 cité plus haut). Si le débris spatial se trouve à 600 km d'altitude, il retombe sur Terre au bout de quelques années. À une altitude initiale de 800 km il ne revient au sol qu'au bout de plusieurs décennies. Au-dessus de 1 000 km d'altitude le débris spatial reste en orbite plusieurs siècles[7]. La "durée de vie" moyenne élevée des débris spatiaux combinée avec une activité de lancement soutenue (environ 80 lancements par an au cours de la décennie 2010) ont pour conséquence une augmentation constante des débris spatiaux depuis le début de l'ère spatiale. Le nombre a fortement cru à la fin des années 2000 à la suite de deux collisions majeures (Destruction volontaire du satellite chinois Fengyun-1C et collision accidentelle de Iridium 33 et Cosmos 2251) qui ont accru d'environ 30 % le nombre de débris de plus de 10 cm.
Les observations effectuées périodiquement montrent une croissance régulière du nombre de débris en orbite. Deux nouveaux phénomènes propres à l'activité spatiale de la décennie 2010 pourraient contribuer à accélérer cette croissance. La progression très rapide de la population des CubeSats. Ces nano-satellites de quelques kilogrammes, du fait de leur taille, ne sont pas en mesure d'appliquer les règles élaborées pour accélérer la rentrée atmosphérique qui nécessitent l'emport d'ergols lorsque l'orbite dépasse les 700 km (environ). L'autre phénomène concerne l'étude en cours (2016) de méga constellations de satellites de télécommunications comptant des centaines d'engins spatiaux (OneWeb 650 satellites) qui, en saturant l'orbite basse, sont susceptibles de rendre inopérantes les méthodes utilisées pour le suivi des satellites et la gestion des risques de collision[9],[10].
400 km | 800 km | 1 500 km | |
>0,1 mm | 4,5 jours | 2,3 jours | 0,9 jour |
>1 mm | 3,9 ans | 1,0 an | 1,5 ans |
>1 cm | 1 214 ans | 245 ans | 534 ans |
>10 cm | 16 392 ans | 1 775 ans | 3 109 ans |
Malgré leur nombre relativement restreint, les débris spatiaux situés en orbite constituent une menace pour les engins spatiaux en activité du fait de leur énergie cinétique très élevée. Avec une vitesse moyenne en cas d'impact de 10 km/s, l'énergie cinétique (1/2 x masse x vitesse2) d'un débris spatial de 10 grammes est supérieure à celle d'un véhicule d'une tonne percutant un mur à 100 km/h. Si un débris dont la taille est inférieure à 1/10 mm ne fait qu'éroder la surface d'un satellite, les débris dont la taille est comprise entre 1/10 mm et 1 cm peuvent perforer des équipements et entrainer selon le cas une panne mineure, majeure ou la perte du satellite. Entre 1 et 10 cm les dommages sont très importants alors que les débris de cette taille ne peuvent être systématiquement détectés depuis le sol. L'utilisation d'un blindage ne permet de résister qu'à des débris dont la taille est inférieure à 2 cm[12].
Les accidents impliquant des débris spatiaux restent encore relativement peu fréquents, du fait de l'immensité de l'espace. À titre d'exemple, la Station spatiale internationale ne risque un impact critique avec un objet d'une taille comprise entre 1 et 10 centimètres[13] que tous les soixante-dix ans ; si l'on exclut de la surface de la station ses immenses panneaux solaires dont la perte ne serait pas forcément critique, le risque tombe à un impact tous les trois siècles[14]. Pour un satellite d'une durée de vie de dix ans, le risque d'être détruit par un débris spatial est à peu près identique à celui de l'être lors du lancement (soit une chance sur 100)[15].
Ces probabilités relativement faibles peuvent conduire à sous-estimer l’importance du problème posé par les débris spatiaux. Cependant, en considérant le nombre élevé de satellites opérationnels actuellement en orbite, la probabilité que l’un d’entre eux percute un débris spatial de plus de 1 cm culmine à plus de 50% par année[16], en dépit des risques individuels bas. De plus, l’étendue de la menace augmente au fil des impacts, puisque chaque collision génère de nouveaux débris. Cette réaction en chaîne est connue sous le nom de syndrome de Kessler. Il est donc nécessaire de réaliser que les débris spatiaux constituent un risque non négligeable pour les instruments scientifiques coûteux placés en orbite ainsi que pour les missions habitées. Pour reprendre l’exemple de la Station spatiale internationale, cette dernière a déjà dû effectuer plusieurs manœuvres d’évitement afin de s’éloigner de débris potentiellement dangereux ; deux de ces épisodes ont même vu l’équipage forcé de se réfugier dans une capsule de secours Soyouz[17]. Le syndrome de Kessler constitue également un risque à moyen et long terme pour l’avenir des missions spatiales[18]: si l’orbite terrestre basse atteint la densité critique à partir de laquelle le nombre de débris créés par les collisions surpasse le nombre de rentrées atmosphériques, elle deviendra impraticable, ce qui pourrait s’avérer catastrophique étant donné que nos systèmes de communication actuels sont étroitement dépendants des satellites placés dans cette zone.
Les risques au sol sont nettement plus faibles, car les fragments entrant dans l'atmosphère sont majoritairement carbonisés par la chaleur due aux frottements avec l'air. Pour autant, des débris de taille non négligeable sont parfois retrouvés sur Terre et des prévisions sont faites régulièrement par les organismes de surveillance[19]. Bien que de tels atterrissages soient très peu fréquents, ils représentent un danger potentiel car les objets qui retombent sur Terre sont souvent hors de contrôle et peuvent par conséquent s’écraser n’importe où. Certains engins parviennent tout de même à faire une rentrée contrôlée dans l’atmosphère et sont alors dirigés vers le point Nemo, la zone du Pacifique Sud la plus éloignée des terres émergées[20]. Jusqu’à présent, aucun impact destructeur n’est survenu dans des zones habitées[16].
La réduction des risques liés aux débris spatiaux se fait d'abord par une surveillance des plus gros d'entre eux à l'aide de radars ou de moyens optiques depuis le sol afin d'anticiper des collisions potentielles et de modifier en conséquence les trajectoires des satellites menacés. Mais ces mesures ne permettent pas d'éviter tout danger car les débris de quelques centimètres, potentiellement dangereux compte tenu de leur vitesse, ne peuvent être suivis avec les instruments existants. La deuxième mesure consiste à limiter la production de nouveaux débris par une conception adaptée des engins spatiaux : passivation des réservoirs d'ergols pour éviter une explosion ultérieure, limitation du largage de pièces au moment du déploiement en orbite des satellites... La réglementation doit définir également des règles, qui doivent être acceptées par tous car contraignantes sur le plan économique, pour limiter le séjour des satellites et des étages de fusée en orbite en obligeant les organisations spatiales à prévoir une réserve d'ergols permettant d'abréger la durée de séjour en orbite des engins arrivés en fin de vie. Les constructeurs d'engins spatiaux prennent déjà des mesures pour protéger les parties sensibles de ceux-ci lorsqu'ils circulent sur des orbites où les débris sont particulièrement denses. Enfin différentes solutions techniques ont été étudiées pour désorbiter les débris spatiaux à l'aide d'engins dédiés mais aucune solution économiquement viable n'a été imaginée jusque-là[21].
L'USSPACECOM tient à jour un catalogue (dénommé « Two Lines Elements » (TLE)[22]) contenant environ 15 000 objets[23] (de plus de 10 cm en orbite basse et de plus de 1 m en orbite géostationnaire), aussi dans le but de ne pas les confondre avec des missiles ennemis. Les observations collectées depuis plusieurs installations radars et télescopes, ainsi qu'un télescope spatial[24], sont utilisées pour entretenir ce catalogue. Cependant, la majorité des débris ne sont toujours pas observés.
Le retour sur Terre de matériel orbital est aussi une précieuse source d'informations sur l'environnement de débris de tailles submillimétriques. Le satellite LDEF, déployé par la mission STS-41-C Challenger et récupéré par STS-32 Columbia, a passé 68 mois en orbite. L'examen minutieux de sa surface a permis d'analyser la distribution directionnelle et la composition du flux de débris. Le satellite européen Eureca, déployé par STS-46 Atlantis et récupéré 326 jours plus tard par STS-57 Endeavour a révélé un millier d'impacts sur ses panneaux solaires et 71 sur son corps, de 100 µm à 6,4 mm[25].
Les remplacements des panneaux solaires du télescope spatial Hubble lors des missions STS-61 Endeavour et STS-109 Columbia apportèrent incidemment de nouvelles précisions pour le modèle d'environnement des débris spatiaux.
Le catalogue du North American aerospace defense (NORAD) qui est sans doute le plus complet qui existe au monde, fait état de plus de 9 000 objets de plus de 10 cm en orbite autour de la Terre (en 2006).
Le Département de la Défense (DoD) américain vient d’accorder deux contrats pour le développement, d’ici mi-2012, d’un prototype de système de géolocalisation des débris spatiaux. Il dispose déjà, via des radars très haute fréquence installés dans le Sud du pays, d’un système de géolocalisation des débris et des satellites qui survolent l’atmosphère. Mais l’idée du nouveau bouclier spatial est de pouvoir accéder à tout moment à un catalogue exhaustif des objets spatiaux, notamment les plus petits, grâce à deux ou trois capteurs plus puissants répartis en des endroits stratégiques du globe[26].
Selon l'Institute of Aerospace Systems de Brunswick, la trajectoire n'est pas connue pour 110 000 autres débris en orbite terrestre, compris entre 1 et 10 centimètres, ainsi que des objets artificiels allant du millimètre au centimètre dont le nombre est estimé à 330 millions et dont la trajectoire est erratique[27] (sans compter les poussières indétectables allant du millimètre au micron). La masse totale de ces débris est estimée à 5 900 tonnes[15].
Cet institut est à l'origine du modèle de distribution et de vitesse des débris nommé MASTER (Meteoroid And Space debris Terrestrial Environment Reference) et utilisé par l'ESA pour calculer les probabilités et directions de collision en orbite. L'agence européenne possède un catalogue de 26 000 débris qu'elle suit avec un réseau d'observatoires et de radars pour corroborer ce modèle.
Dans le cadre du programme Space Situational Awareness (SSA) de l'Agence spatiale européenne (ESA), des chercheurs du Fraunhofer-Gesellschaft en Allemagne ont un rôle de premier plan dans ce projet : ils fournissent le récepteur du système radar.
L'institut Fraunhofer de la physique des hautes fréquences et des techniques radar (le FHR à Wachtberg) réalise le démonstrateur, en collaboration avec la société espagnole Indra Espacio qui se charge de l'ensemble émetteur[28].
La France dispose depuis 2005 du radar Graves (un seul capteur) qui permet de détecter les satellites survolant la France et les régions périphériques à des altitudes compris entre 400 et 1 000 km et de mesurer leurs trajectoires. Ce radar remplit 3 missions dont deux ont un rapport direct avec les débris spatiaux[29] :
L'Armée française utilise ses radars SATAM pour déterminer de manière plus précise les objets d'intérêts (risque de collision ou retombées atmosphériques). Les données des radars SATAM et GRAVES sont traitées par le Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS) créé en 2014 avec des objectifs à la fois militaires et civils (protection des populations[30],[31].
Le CNES utilise par ailleurs à temps partiel (15 %) deux télescopes TAROT dont la mission principale est la détection des sursauts gamma et qui sont situés pour l'un sur le plateau de Calern en France et pour l'autre à l'observatoire de La Silla au Chili. Ceux-ci permettent d'identifier de manière expérimentale les objets situés en orbite géostationnaire ou géosynchrone[32].
Les petites particules de moins d'un centimètre, très courantes et difficiles à détecter, ne sont pas évitées, car les blindages permettent de s'en protéger. Il y a deux types de blindage : les blindages intrinsèques sont constitués par les parois du satellite tandis que les blindages spécifiques sont des ajouts à la structure qui permettent d'arrêter le débris avant qu'il ne perfore la paroi. Mais ces blindages alourdissent évidemment les véhicules spatiaux, diminuant leur charge utile, leur durée de vie, ou augmentant leur coût. Le dixième du poids de la station spatiale internationale est ainsi dû à son blindage[33] Le blindage utilise le principe du bouclier Whipple (du nom de l'astronome américain qui l'a mis au point. Il est constitué de plusieurs couches minces d'aluminium séparées par un vide. La(s) première(s) couche est destinée à être perforée(s) mais elle fait éclater le débris en de multiples fragments qui lorsqu'ils frappent la paroi de l'engin spatial n'ont plus l'énergie permettant de la traverser. L'intervalle entre ces premières couches peut être remplis d'un matelas absorbant[34].
Le plus grand problème est posé par les débris de taille moyenne, entre un et dix centimètres, estimés à environ 200 000[35], qui ne sont pas catalogués alors qu'ils présentent un risque très important[36] et surtout pour lesquels il n'existe pas de protection.
Au-delà dune certaine taille (environ 2 cm) aucune protection ne permet de protéger un engin d'un débris spatial. La seule solution consiste à modifier l'orbite pour éviter tout risque de collision. Ces manœuvres nécessitent d'utiliser la propulsion de l'engin spatial et sont coûteuses en carburant et diminuent d'autant la durée de vie des satellites ; à titre d'exemple, lors de l'évitement par le satellite Spot 2 d'un débris provenant d'un lanceur Thor-Agena en juillet 1997, 400 grammes d'ergols ont été utilisés, alors que sa consommation annuelle est de 150 grammes[37]. Ces manœuvres sont fréquentes sur les orbites basses[38]. La décision de modifier le satellite doit tenir compte de nombreux paramètres qui peuvent faire varier les orbites du satellite et des débris spatiaux. Celles-ci sont connues avec une certaine incertitude et elles peuvent dériver sous l'influence du Soleil, de la Lune et de l'atmosphère résiduelle[39].
Pour limiter la multiplication du nombre de débris spatiaux, les principales puissances spatiales ont défini un certain nombre de règles de bonne conduite à appliquer lors de la conception des nouveaux engins spatiaux et durant les phases de déploiement en orbite puis en fin de vie. L'application des mesures les plus importantes ont un coût car elles entrainent généralement une réduction de la masse de la charge utile emportée par le lanceur. Dans un climat de concurrence économique entre les acteurs du secteur spatial seule une mise en œuvre rendue obligatoire pour toutes les puissances spatiales garantit leur application.
Les principales agences spatiales - ASI (Italie), CNES (France), CNSA (Chine), Agence spatiale canadienne (Canada), DLR (Allemagne), Agence spatiale européenne (Europe), ISRO (Inde), JAXA (Japon), KARI (Corée du Sud), NASA (États-Unis), Roscosmos (Russie), NKAU (Ukraine) et UK Space Agency (Royaume-Uni) - adhèrent à l'Inter-Agency Space Debris Coordination Committee (IADC) créé en 1993 pour faciliter l'échange de données sur les débris spatiaux, mener des études techniques (modélisation du comportement des débris en orbite, étude technique des systèmes de blindage), réaliser des campagnes d'observation et établir des recommandations[9]. Ce comité a établi un recueil de principes à appliquer Space Debris Mitigation Guidelines (IADC-02-01, Rev. 2007) qui a été validé la même année par les 69 pays membres du Comité des Nations unies pour l'utilisation pacifique de l'espace extra-atmosphérique (COPUOS) consacré aux activités spatiales. Le comité scientifique et technique du COPUOS a établi et publié en 2009 son propre recueil de règles Space Debris Mitigation Guidelines of the Scientific and Technical Subcommittee of the Committee on the Peaceful Uses of the Outer Space (A/AC.105/890, 2009).
Les principales règles sont les suivantes.
Sans attendre la mise en place d'une réglementation internationale légalement contraignante pour tous les pays, les principales agences spatiales occidentales ont formalisé de manière interne des règles de bonnes conduite qui ne restent toutefois que des recommandations :
À la suite de différentes conférences sur le sujet, plusieurs propositions ont été faites pour rabattre les débris vers l'atmosphère terrestre telles que des remorqueurs automatisés[42], un balai laser (en) (pour détruire les particules ou les dévier vers une orbite plus basse), de gigantesques boules d'aérogel pour absorber les impacts et finalement précipiter les débris capturés vers l'atmosphère, un filet pour capturer le débris, des moteurs ioniques soufflant sur un satellite géostationnaire en fin de vie afin de le sur-orbiter. Néanmoins, la difficulté principale reste le « rendez-vous » avec ces « objets non coopératifs » en mouvement et actuellement le principal effort est porté sur la prévention des collisions par la surveillance des plus gros débris et les mesures contre la création de nouveaux.
La désorbitation pourrait dans ces cas-là être effectuée grâce à un câble électrodynamique déroulé depuis le satellite et qui le ralentirait et abaisserait son orbite jusqu'à une altitude où la traînée atmosphérique provoquerait rapidement la désorbitation[43].
Les choix technologiques en vue de la protection et de la fin de vie d’un satellite constituent un compromis entre les intérêts parfois divergents de nombreux acteurs des domaines de la recherche, l’industrie, l’économie et la politique notamment. A titre d’exemple, les blindages et les systèmes de désorbitation embarqués à bord des satellites alourdissent ces derniers et peuvent interférer avec les buts scientifiques de la mission ; ils représentent également un surcoût important. Cependant, les blindages sont une mesure de sécurité indispensable pour les véhicules habités en particulier[44], et la planification de la fin de vie du satellite est imposée par certaines agences spatiales telles que l’ESA[45]. Cette contrainte est une conséquence des règles de bonne conduite que l’ESA cherche à respecter, et le soutien de l’agence peut être retiré aux missions qui ne s’y conforment pas[45]. La conception d’un satellite impose ainsi d’établir un équilibre entre l’évaluation des risques, les intérêts scientifiques et économiques et la réalisabilité technique, tout en tenant compte des consensus internationaux auxquels adhèrent la plupart des agences spatiales majeures.
Relever ce défi représente une opportunité pour le développement de technologies innovantes, dont plusieurs centres de recherche et entreprises privées tirent parti[45]. Un exemple notable est celui du CleanSpace One (en) conçu par l’EPFL (Suisse), un petit satellite visant à désorbiter le CubeSat SwissCube lancé en 2009. Il s’agit d’une technologie démonstrative, dont l’objectif principal est d’illustrer la faisabilité du retrait actif des débris spatiaux et d’inciter les agences spatiales à adopter ce type de technologie. Le projet est actuellement dans une phase de recherche de fonds[46]. Cette difficulté à trouver des financements illustre le peu d’intérêt que porte l’industrie aux techniques vouées à la préservation d’un bien commun (ici l’espace), qui n’ont aucune garantie d’être rentables pour l’entreprise et de pouvoir être massivement commercialisées[45]. A l’image de CleanSpace One, de nombreuses autres solutions (par exemple de nouveaux types de capteurs ou des microsatellites dédiés à l’étude des débris spatiaux) sont actuellement au stade de technologies démonstratives[47], certaines déjà en phase de test et d’autres non encore concrétisées. L’avenir de telles innovations est incertain et dépendra directement des intérêts de l’industrie, ainsi que de l’évolution du cadre légal international. Cela illustre le fait que la gestion des débris spatiaux est un domaine en plein développement et en continuel changement, dont la complexité en fait bien plus qu’un simple défi technologique.
Bien que la plupart des acteurs importants du spatial tels que l’ESA ou la NASA cherchent à s’y conformer, les règles de bonne conduite adoptées pour limiter le risque dû aux débris ne font pas office de lois. Certaines agences spatiales reconnaissent donc leur devoir moral de préservation de l’espace ; elles respectent les règles fixées afin de montrer le bon exemple et par souci de leur réputation, mais elles ne sont contraintes par aucune obligation formelle. Afin d’assurer le respect systématique des règles, il serait nécessaire d’instaurer un cadre juridique international ainsi que des lois nationales, qui sont également très rares aujourd’hui. D’après le site officiel du CNES[44], la France est le seul pays à avoir adopté une loi traitant des débris spatiaux (la Loi sur les Opérations Spatiales, promulguée en 2010).
Le cadre légal international en vigueur actuellement est fondé sur le Traité de l’espace signé en 1967. Ce document ne traite pas explicitement des débris spatiaux, qui ne constituaient pas encore une menace importante à l’époque de son adoption. Les articles qui le constituent sont par conséquent difficiles à interpréter et à appliquer dans le cadre de cette problématique. L’une des difficultés principales concerne la question de la responsabilité en cas d’accidents causés par des débris spatiaux. En effet, selon la réglementation actuelle, le pays qui lance un satellite est responsable des dommages causés par cet engin sur des objets appartenant à d’autres Etats[48]. Une telle directive paraît claire à première vue ; il est cependant très difficile, en pratique, de déterminer l’origine d’un débris spatial puisque seuls les débris les plus gros (>10 cm) peuvent être suivis depuis le sol. De plus, pour les accidents survenus dans l’espace, le pays qui dépose une plainte doit être capable de prouver que l’Etat propriétaire de l’objet impliqué a commis une faute (par exemple une erreur de construction)[48]. En l’absence de législation globale sur la construction et la gestion des missions spatiales, définir de telles erreurs est délicat, et les démontrer lors d’un accident relève souvent de l’impossible.
Outre la question de la responsabilité en cas d’accident, d’autres enjeux juridiques complexes sont soulevés par le développement de techniques actives de désorbitation. En effet, le Traité de l’espace prévoit que chaque pays conserve la propriété et le contrôle des satellites qu’il met en orbite[48]. Cela pose un problème pour le retrait actif, puisqu’aucun objet ne peut être désorbité sans l’autorisation du pays qui l’a lancé. De plus, des informations détaillées sur le satellite en fin de vie doivent être divulguées à l’organisme responsable de sa désorbitation, ce qui porte préjudice à la propriété intellectuelle et à la confidentialité[48]. Le manque de dispositions légales constaté aujourd’hui et les difficultés d’interprétation des lois existantes permettent ainsi de mettre en évidence des enjeux juridiques complexes intrinsèques à la problématique des débris spatiaux. Aboutir à un cadre juridique international constitue donc l’un des défis qu’il faut relever rapidement afin de résoudre les problèmes liés à la prolifération incontrôlée de ces débris.
Date de l'événement |
Date de lancement |
Lanceur et/ou satellite impliqué |
Altitude de l'événement |
Débris catalogués |
Débris restant (début 2016) |
Origine de l'événement |
---|---|---|---|---|---|---|
2007 | 1999 | Fengyun-1C | 850 km | 3428 | 2880 | Collision volontaire (test anti-satellite) |
2009 | 1993 | Cosmos 2251 | 790 km | 1668 | 1141 | Collision accidentelle avec Iridium 33 |
1996 | 1994 | Étage HAPS fusée Pegasus (lancement STEP-2 | 625 km | 754 | 84 | Explosion accidentelle du réservoir |
2009 | 1997 | Iridium 33 | 790 km | 628 | 364 | Collision accidentelle avec Cosmos 2251 |
1986 | 1986 | Cosmos 2421 | 410 km | 509 | 0 | Inconnue |
1986 | 1986 | 3e étage Ariane 1 lancement SPOT-1 | 805 km | 498 | 32 | Explosion du réservoir |
1965 | 1965 | Étage Transtage Titan III lancement LCS 2 | 740 km | 473 | 33 | Explosion accidentelle du réservoir |
2000 | 1999 | Troisième étage Longue Marche 4 et satellite CBERS 1 | 740 km | 431 | 210 | Double explosion accidentelle du réservoir |
1970 | 1970 | Étage Agena lancement Nimbus 4 | 1075 km | 376 | 235 | Explosion accidentelle du réservoir |
2001 | 2001 | Dernier étage PSLV lancement TES | 670 km | 372 | 80 | Explosion accidentelle du réservoir |
De 1967 à 1988, l'Union Soviétique lança des satellites espions RORSAT alimentés par réacteur nucléaire. À la fin de leur mission, ils éjectaient leur cœur sur une orbite de plusieurs siècles de durée de vie. Durant et après cette éjection, des fuites de fluide caloporteur NaK se sont produites, dispersant des gouttes entre 850 et 1 000 km d'altitude. Ces débris, au nombre d'environ 110 000, d'une taille allant jusqu'à 7 cm et d'une masse totale de 165 kg, représentent encore aujourd'hui un danger pour les objets en orbite basse (ils furent détectés par LDEF dont l'apogée était à 580 km)[49]. De plus, il est possible qu'ils aient percuté les radiateurs des RORSAT en orbite de rebut, provoquant de nouvelles fuites de NaK[50].
Parmi les autres événements ayant produit un nombre de débris significatifs ou impliquant un débris spatial figurent :
Ainsi, alors que jusqu'en 2007, la courbe de croissance du nombre de débris était linéaire (environ 200 nouveaux objets par an), ces évènements ont généré une courbe de croissance exponentielle[15].
La première collision connue entre un satellite et un débris spatial catalogué remonte à 1996 et concerne le satellite militaire français Cerise : le débris heurte à une vitesse relative de 14,8 km/s la partie supérieure de la perche au bout de laquelle se situe la masse permettant de stabiliser le satellite par gradient de gravité[58].
Lottie Williams est la première et la seule personne à ce jour (septembre 2008) à avoir été touchée par un débris spatial d'origine humaine. Alors qu'elle se promenait dans un parc de Tulsa, Oklahoma, le 22 janvier 1997 à 3 h 30, elle remarqua une lueur dans le ciel qu'elle prit pour une étoile filante. Quelques minutes plus tard, elle fut frappée à l'épaule par un objet métallique sombre de 15 cm qui s'avéra, plus tard être une pièce de réservoir d'une fusée Delta II lancée en 1996. Elle ne fut pas blessée[59].
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