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Le domaine de l’écotoxicologie du paysage est pluridisciplinaire. Il origine de l’écotoxicologie et l’écologie du paysage. Le premier sujet vise à expliquer comment les substances toxiques influencent un écosystème. Quant à elle, l’écologie du paysage décrit une science qui veut comprendre et décrire les interactions entre les organismes vivants et leur environnement à une échelle assez grande pour prendre en compte l’hétérogénéité de larges systèmes biologiques, normalement de plus d'un kilomètre carré[1]. Cette dernière permet d’observer des changements au niveau de la structure et des fonctions d’un paysage donné et d’obtenir de nouvelles informations sur l’organisation spatiale d’un écosystème à l’étude[2][3]. L’écotoxicologie du paysage se traduit donc par une étude à grande échelle des effets de la dispersion de produits, d'ondes ou de radiations potentiellement toxiques sur des écosystèmes hétérogènes à différentes échelles[4].
Ce concept est relativement récent et la nécessité d’en faire un sujet de recherche a été énoncée par John Cairns Jr et B. R. Niederlehner en 1996 dans l’article : Developing a field of landscape ecotoxicology[4]. Cette discipline d’étude a vu le jour pour mieux expliquer comment certaines substances peuvent affecter un paysage via les différents flux présents entre les écosystèmes et elle repose sur l’évaluation des risques environnementaux potentiels. L'échelle du paysage qui vise à répondre à la tendance qui veut que les recherches au niveau des écosystèmes ciblent leurs actions sur un ensemble trop petit temporellement et spatialement pour expliquer et détecter tous les processus présents dans ce milieu. Ultimement, cette discipline a pour but de fournir des informations supplémentaires pour la prise de décision pour la gestion de différentes aires à l’étude[4].
Dans les débuts de cette discipline, le repérage des milieux perturbés se faisait par l’identification de caractéristiques particulières, documentées comme présentes dans des systèmes hautement altérés[4]. Un bon exemple de milieu très perturbé est la région autour d’une fonderie, qui change rapidement en structure et composition après l’établissement de celle-ci[5]. De façon plus actuelle, l’amélioration des capacités de calculs des outils informatiques, le déclassement des satellites militaires, l’amélioration de la finesse des capteurs et l’utilisation des systèmes d’informations géographiques couplés avec des modèles prédictifs a permis au repérage des milieux perturbés de se faire à plus grande échelle et sur de plus grandes surfaces[6].
L’aspect du paysage a une grande importance dans cette discipline, car ses caractéristiques influent grandement sur la répartition des substances toxiques dans celui-ci. La structure écologique du milieu influe sur sa résilience, alors que les particularités topographiques ont un rôle important à jouer dans la distribution des substances dans le milieu. Finalement, certains facteurs reliés au paysage, comme la capacité tampon du système, ont aussi leur importance.
La répartition des différentes perturbations est affectée par les multiples caractéristiques physiques du terrain[7]. Plus précisément, il s’agit des divers facteurs qui peuvent influencer la répartition des perturbateurs, de l’énergie et des matériaux dans l’environnement. Quelques exemples seraient : l’élévation, la pente, les facteurs climatiques, la présence de cours d’eau.
Les stress chimiques varient en termes d’intensité, de récurrence, de surface affectée et de persistance. Un stresseur avec une forte intensité et une récurrence unique comme l’accident de Tchernobyl est très différent de l’épandage régional annuel des fertilisants et pesticides dans les champs. Il est donc très important d’identifier le ou les stresseurs chimiques qui altèrent les caractéristiques du paysage. Cette tâche n’est pas toujours facile, car certains écosystèmes sont touchés par plusieurs polluants à la fois, d'autant plus que dans certains cas l'exposition est diffuse. Il est aussi possible que certains contaminants affectent le paysage de façon variable au cours du temps[8].
La caractérisation du milieu à l’échelle du paysage permet d’observer la répartition d'un polluant dans le temps, qu'il s'y répande rapidement ou non. Elle rend aussi possible de comprendre comment un impact à petite échelle peut, par addition, devenir un enjeu majeur[9]. Ce niveau d'observation plus large prend aussi en compte le fait qu’une substance toxique présente dans un écosystème peut affecter une autre entité dans l’écosystème de façon indirecte. De ce fait, l’observation temporelle et spatiale de la dispersion du polluant y revêt une grande importance. Pour ce qui est des données temporelles, elles permettent de prendre en compte comment, après plusieurs expositions, un stresseur qui n’a pas eu d’impact initialement pourrait en avoir[10]. L'aspect spatial, quant à lui, permet de mettre en relation, le nombre d’écosystèmes perturbés qu’une espèce donnée occupe ou qu’elle peut habiter pour prédire si une recolonisation du milieu par les populations est possible après la perturbation.
La capacité de contenir la propagation d’un stresseur chimique fait aussi parti des mesures qui peuvent informer sur l’intégrité du paysage. En effet, les différents écosystèmes retiennent et détoxifient différentes substances à différents rythmes[11]. La structure spatiale et la santé des écosystèmes sont donc très importantes dans ce domaine[12].
L’écotoxicologie du paysage est un sujet qui pourrait avoir une grande importance durant le 21e siècle. Ce domaine pourrait aider à prédire les changements au niveau de la mobilité des polluants qui seront causés par les changements climatiques, car ceux-ci sont amenés à modifier des patrons météorologiques, à causer une hausse du niveau des mers, à engendrer le réchauffement de la température globale et à altérer la composition faunique et floristique des écosystèmes mondiaux[13].
Tel que discuté précédemment, l’amélioration récente des technologies de télédétection a une grande utilité pour l'identification des zones potentiellement affectées. Ces techniques ont d’ailleurs l’avantage de renseigner sur une échelle spatiale et temporelle sans action directe sur le terrain, ce qui est un fort avantage économique et temporel. De plus, elles permettent une détection plus systématique des problèmes d'envergure relative qui sont décelables avec cette méthode. C’est par l’utilisation des indices d’hétérogénéité et de couverture du paysage qu’il est possible d’inférer de telles conclusions. Ces perturbations peuvent être imputables à des stress chimiques dans l’environnement, mais aussi de perturbations naturelles ou de modification du paysage par l’homme. Il est donc important d’utiliser aussi d’autres indices pour certifier que la structure du paysage a été modifiée en raison d'un stress d’origine chimique. C’est pourquoi les données de télédétection sont utilisées pour identifier les zones nécessitant une investigation, car le travail de terrain est essentiel pour détecter les subtils changements de compositions des espèces ou de concentrations de produits toxiques[14].
L’aspect structurel du paysage réfère principalement à la structure, la composition et la diversité des espèces. Plus précisément, en regardant à grande échelle, il est possible de détecter la présence d'un stress écotoxicologique en observant le déclin, la croissance de la population ou des caractéristiques du cycle de vie de certaines espèces[15]. Ce type d’indicateur catégorise également ces facteurs par leur niveau trophique, leur sensibilité au stress chimique et par le type d’habitat utilisé. Les perturbations d’ordre toxicologiques d’une région peuvent être vérifiées par l'observation de certains groupes taxonomiques qui sont définis comme indicateurs. Pour qualifier une espèce spécifique d’indicatrice, celle-ci doit idéalement avoir les trois caractéristiques suivantes : une grande aire de répartition, une sensibilité au stress et une ou des fonctions importantes pour l’écosystème. Il est aussi possible de constater la présence d'un perturbateur chimique via l’élargissement de l'aire de répartition d’espèces dites résistantes au détriment des espèces dites sensibles.
Les indices fonctionnels les plus utilisés sont : le rythme de recyclage des nutriments, la perte de nutriments, le taux de respiration des communautés et le taux de production de biomasse par rapport à la biomasse totale[16]. Par contre, ces mesures sont désuètes lorsqu’elles sont agglomérées au niveau du paysage, car il y a une grande hétérogénéité de ces valeurs pour les différents écosystèmes. Par contre, la productivité primaire, elle, peut être comparée à des valeurs connues pour des systèmes précis. Cette valeur peut donc se révéler utile à grande échelle[17]. Il est même possible de l’observer via la télédétection, car la présence de produits toxiques diminue la productivité, tandis que l’augmentation des nutriments disponibles l’augmente.
Le débat à savoir si ce sont les indices structurels ou fonctionnels qui sont les plus utiles et sensibles comme indicateurs de stress est toujours sur la table. Toutefois, il devient de plus en plus clair que l’usage des deux types est la meilleure approche. Les deux types d’indices sont d’autre part en interrelation. En effet, la plupart des écosystèmes sont tolérants à des changements au niveau de leur structure si de la redondance fonctionnelle y est présente. Si c'est le cas, les effets des perturbations ne pourront être détectés que lorsque les fonctions du milieu seront altérés[2].
L’écotoxicologie du paysage est une discipline scientifique qui vise la prédiction de la répartition et l’effet du relâchement d’un polluant à plus grande échelle que celle des écosystèmes, et ce en approfondissant les connaissances sur les phénomènes d’expositions à des stresseurs chimiques au niveau du paysage. Pour faire de telles prédictions quatre méthodes peuvent être utilisées : faire des tests de toxicité, généraliser à partir de systèmes similaires qui ont été perturbés par un polluant, faire de la surveillance biologique (« biomonitoring ») dans les sites affectés ou utiliser des modèles de prédictions.
Toutefois, c’est la combinaison de ces quatre méthodes qui donne les meilleurs résultats. Premièrement, par des tests de toxicité ou par des relevés terrain sur des milieux endommagés par des substances néfastes, il est possible d’affirmer si oui ou non le contexte actuel du milieu a eu des impacts négatifs sur sa structure et ses fonctions. Un lien causal entre une substance chimique et une altération biologique ne peut être réalisé que par une étude de toxicité, ces tests ont donc une grande utilité. La surveillance biologique permet de mettre en place des modèles prédictifs. C’est une fois avec ses modèles calibrés, qui s’appuient sur un grand nombre de données, qu’il est possible de prédire l’effet d’une substance sur un écosystème donné, mais surtout d'extrapoler sur des échelles spatiales et temporelles qui ne sont normalement pas possibles de tester[8].
Ce champ scientifique est plein de promesses, mais il implique aussi de grands défis. Sachant qu'une des sciences dont il est issu est la recherche sur les effets négatifs d’une substance ou de radiations sur des systèmes ou sur des organismes vivants, la toxicologie. Ce domaine fait la relation entre deux échelles de grandeur différente ; le moléculaire vers le vivant, notamment les organismes multicellulaires. Faire un lien causal entre ces deux sujets au niveau d’une seule espèce est déjà établi et de nombreuses études l’appuient. Par contre, inférer cette toxicité à un écosystème ou encore plus grand, à un paysage demande des recherches plus approfondies de toutes les relations qui y sont présentes. Les études sur l’écotoxicologie du paysage se font encore rares, surtout que ce domaine scientifique date des années 90. Des investigations traditionnelles en écotoxicologie sur des microcosmes ou des mesocosmes existent déjà, mais il n’est pas encore possible de les extrapoler à l’échelle du paysage avec certitude[6]. Malgré cela, des études hautement informatives ont été faites au niveau des écosystèmes[18][19], mais elles sont difficilement reproductibles et très dispendieuses. Les méthodes de type ascendantes (« bottom-up »), comme le fait d'extrapoler l'effet d'un molécule sur une espèces et ensuite au niveau d'un écosystème, sont très utiles dans le cadre de l'évaluation des risques. Toutefois, elles ont leurs limites. Après les cinquante ans de développement du domaine de l’écotoxicologie, il est clair que cet outil seul est désuet et qu'il doit être utilisé avec d’autres afin de répondre à un plus grand nombre de questions.
Les interactions complexes entre les espèces dans les écosystèmes peuvent aussi rendre la tâche de cette science plus difficile. Le polluant peut dans un système être détecté chez plusieurs de ses habitants [20]. Pourtant certains peuvent ne pas être affecté par celui-ci ou l'être, mais d'une manière différente. De plus, une substance toxique peut aussi changer d'écosystème via les déplacements des animaux dans différents systèmes biologiques ou par les relations trophiques. Les interactions entre les composantes des écosystèmes peuvent engendrer un effet sur des niveaux plus hauts ou plus bas que l’espèce étudiée. Pour bien illustrer ces interactions, on peut penser à une espèce dont sa population décline en raison d'une substance toxique présente dans son aire de répartition en concentration suffisamment élevée pour l’affecter. S’il s’agit d’une proie, le déclin de sa population peut diminuer les populations qui en font la prédation, soit par l'intoxication de ces derniers à ce même produit ou par la diminution d’une de leur source alimentaire. De plus, le phénomène de bioaccumulation peut aussi jouer un rôle important pour certaines espèces présentes dans un paysage pollué.
De plus, il faut prendre en compte que la majorité des écosystèmes de la Terre ont déjà été perturbés et le sont toujours, et ce à un niveau suffisant pour qu’il soit difficile de déterminer quel polluant spécifique agit sur l’écosystème ou s’il s’agit d’une interaction entre plusieurs de ceux-ci[21]. Ainsi un organisme peut être moins résilient à d’autres substances toxiques quand il est affecté par une première. Certaines substances peuvent également avoir un effet synergique lorsque combinées.
L'échelle du paysage est si grande qu'il est difficile d'inférer des réponses qui se produisent à aussi petite échelle que les interactions moléculaires avec certitude et confiance. En effet, il devient difficile de séparer la réaction à un polluant d’un changement dû à un processus stochastique, soit l’évolution d’une variable aléatoire dans le temps[22]. La distinction entre un effet anthropique ou aléatoire est donc plus ardue à définir avec certitude. Il faut donc pouvoir comparer avec un système contrôle ou posséder un large éventail de données sur une longue période pour un système précis afin d'éliminer la variation naturelle de l’environnement et établir de quel genre de perturbation il s’agit[22].
De nombreux problèmes font obstacle au développement de ce domaine. Il serait intéressant de s'attarder aux quatre que Mikhail dans Ecotoxicology and macroecology - Time for integration[23] a énoncé et des pistes de solutions qui en découle.
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