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La jeune Pinky Rose, arrivée en Californie depuis le fin fond de sa campagne texane, est engagée dans le centre thermal de réadaptation pour troisième âge dirigé par le docteur Mass et mademoiselle Bunweil. Ils confient son apprentissage à «Millie» Lammoreaux, une autre Texane. C'est une jeune femme très sophistiquée qui s’identifie à un svelte iris jaune, couleur qui compose tout son univers (sa garde-robe, son appartement et sa voiture). Millie récite à qui veut l’entendre ses trucs et recettes puisés dans des magazines féminins, et trouve en Pinky Rose un auditoire attentif et admiratif alors qu’elle vise vainement celui des messieurs les médecins du centre. Tous les midis elle va les assommer avec ses palabres dans leur réfectoire où, un jour, elle appose au tableau d’affichage sa recherche de colocataire (espérant la candidature d'un médecin du centre). C'est Pinky qui postule immédiatement.
American Film Institute[4]: «Robert Altman a rêvé de l'histoire des Trois Femmes à la mi-juillet 1976. À l'époque, Altman produisait Sissy Spacek dans le film Bienvenue à Los Angeles[Note 2] (1976), et croyait que voir Spacek au quotidien suscitait son rêve. […] Spacek, interprète de “Pinky”, et Shelley Duvall, celui de “Millie”, figuraient dans le rêve d'Altman telles qu'elles apparaîtront finalement dans le film. Peu après son rêve. […] Altman avait été intrigué par un “dessin de grotesques créatures simiesques” vu chez un ami et avait contacté l'artiste Bodhi Wind alors âgé de 26 ans. À l'époque, Wind se débrouillait en “concevant des jaquettes, des décors et des costumes pour des spectacles de rock”. Altman, qui peignait également, a commandé à Wind la réalisation des fresques peintes par Janice Rule (Willie). Wind rapportait que l'histoire initiale d'Altman était très différente de celle réalisée: par exemple, Pinky et Millie travaillaient dans un studio de montage plutôt que dans un centre de rééducation physique. La seule indication d’Altman à Wind était de “rendre ses peintures moins effrayantes”. Wind a commencé à travailler trois semaines avant le début des prises de vue et durant un mois dans une “température de 48 degrés”[Note 3] sur le lieu de tournage, Palm Springs (Californie). […] Le film apportait de nouvelles commandes à Wind, notamment une d’Altman pour “des portes en verre dépolies de couleurs et une autre peinture pour piscine”.»
Scénario
American Film Institute[4]: «Altman et les acteurs n’avaient utilisé qu’un “plan détaillé” au cours des six semaines de tournage. Altman a expliqué: “Le film sera scénarisé au fur et à mesure que les scènes seront montées. Le script final ne sera terminé que lorsque l’image sera terminée”. Pour assurer le contrôle créatif de l'œuvre, Altman a lui-même financé le budget avec 1,7 million de dollars.»
American Film Institute[4]: «James D. Vance [directeur artistique] a rejeté les premières publicités imprimées qui décrivaient les trois femmes dans une formation distinctement phallique. Altman a accepté de repenser le matériel. Cependant, les affiches du film, qui contenaient également l’image phallique, n’ont pas été touchées.»
Dans le New York Daily News, le critique Rex Reed(en) critique ce film de Robert Altman, le qualifiant de «rêve arrogant» et de «film réalisé pour les critiques mais personnes d'autres»[6]. Dans cet article, il compare l'actrice au physique maigre et élancé à un arbre mais aussi à Olive Oyl[6], rôle qu'elle tiendra dans Popeye (1980) réalisé par Altman.
AllMovie[7],[Note 4]: «Peu de réalisateurs à part Luis Buñuel ont su faire meilleur usage des rêves au cinéma que Robert Altman, et Trois Femmes est le film dans lequel il a réussi le plus efficacement (de façon saisissante) à capturer la logique brumeuse et les perspectives visuelles décalées de l’état inconscient. Shelley Duvall a livré la meilleure prestation de sa carrière en interprétant une femme tellement superficielle que les gens se moquent d'elle dans son dos. Sissy Spacek est brillante dans le rôle de Pinky, la fille naïve qui l'adore. Leurs échanges émotionnels au moment où elles commencent à transférer leurs identités illustrent ce genre d'interprétations risquées, mais Altman sait tirer le meilleur de ses acteurs. La partition discrètement troublante et discordante de Gerald Busby(en) et l'illustration surréaliste de Bodhi Wind [artiste peintre de la fresque][Note 5],[8] constituent un fond sonore et visuel tout à fait approprié, tandis que la photographie de Charles Rosher Jr. superpose les images dans des labyrinthes enivrants de jaune et de bleu. […] La conclusion de Trois Femmes est à la fois vague et provocante — avons-nous été témoins des conséquences d’une tragédie, d’une descente dans la folie ou d’une passe d'armes discrète, mais défiante? Altman ne le dit pas, mais on peut regarder Trois Femmes de plusieurs manières et toujours être convaincu que c'est la résultante d'une vision singulière et du pouvoir émotionnel de l'un des cinéastes américains les plus doués de sa génération.»
Critikat[9]: «De cette plongée dans les abîmes de la schizophrénie, qui évite toute justification psychanalytique pour naviguer avec ambiguïté dans une résolution symbolique éminemment plus dérangeante, Altman tire un film puissant qui échappe avec habileté aux analyses à l’emporte-pièce. Expérience à la fois mentale et sensorielle, Trois Femmes ne se laisse pas apprivoiser facilement, et encore moins résumer en quelques lignes: on ne dira presque rien de la troisième femme et de son rôle dans le film, à la fois le personnage le moins évident et peut-être le plus important, tant il se définit comme la matrice de l’œuvre en devenir que sont à la fois le film et les deux autres héroïnes. Loin d’être une machine hollywoodienne reposant sur des ressorts faciles, Trois Femmes est plutôt l’un de ces trésors cachés du nouvel Hollywood des années 1970, une expérience cinématographique peu commune qui hante longtemps après la projection. Et qui donne à voir un visage méconnu de son auteur.»
Film de Culte[10]: «Trois Femmes est venu à son réalisateur en rêves. Pas étonnant donc de le voir baigner dans cet irradiant onirisme, cette douceur engourdie, culminant dans une fascinante scène de rêve qui est l'aboutissement logique de ce film de songes. Le rêve ouvre une porte dans Trois Femmes. Après ce rêve, une ellipse, puis un dénouement énigmatique ouvert à de multiples interprétations. Une fois cette porte franchie, le gynécée suggéré dans la première partie du film se concrétise: clan reconstitué autour de peintures de dieux et déesses tandis qu'à l'extérieur, on s’entraîne à tirer. Pas un gynécée de bonnes femmes sages et disciplinées. Trois Femmes, film d'eau, enjôle et berce. Dès ses premiers instants où l'image, jaune, ensoleillée, est envahie par l'eau bleue. Un liquide amniotique jungien dans lequel on s'immerge, courant de l'inconscient qui finit en un violent ressac par submerger le récit. L'influence revendiquée de Trois Femmes est Persona d'Ingmar Bergman, film où, à l'image, les visages des deux personnages principaux se réunissent pour ne faire, littéralement, plus qu'un. Le glissement identitaire chez Altman est plus secret, faisant de ce Trois Femmes un film d'autant plus ensorcelant.»
Trois femmes larvées vont s’identifier l’une à l’autre avant de transmuter en entité père-mère-enfant. Il ne faut pas chercher plus d’explications et se laisser aller au gré des superbes et sombres images émergentes d’oniriques remous. On se plaît à regarder les drôles ou bizarres déambulations de Millie, Pinky et Willie, tour à tour baignées par l’eau des piscines et par la poussière du désert, fleurs en bouton ou chrysalides prêtes à s’ouvrir ou bien encore reptiles humanoïdes en recherche d'identité, tels que Willie les peint inlassablement sur ses longues fresques. Ces êtres embryonnaires trouveront leur forme définitive après avoir nécessairement ingéré, à l’instar des mantes religieuses, les quelques gènes mâles de leur commun et mauvais reproducteur, le peu reluisant Edgar. Finalement, un remarquable travail conjugué des directeurs photographique et artistique, du compositeur de la musique adéquatement nauséeuse et de l’évidente osmose entre Altman et ses actrices. On se souviendra des airs ahuris de Millie passant de l’état floral évanescent à celui d’humain-chef de famille, de la frémissante rose Pinky passant du stade de femme-enfant à celui de caricature féminine jusqu'à son éclosion en idéale enfant et de Willie, passant de celui de muette génitrice frustrée à celui de mère caressante et aimante.
(en) & (fr) Trois Femmes (3 Women), Wild Side Video, 8 mai 2019, Combo DVD + Blu-ray, son mono DTS/Dolby Digital (VO DVD) et Dolby Digital (VF DVD), restauration Blu-ray Full HD1080p avec son mono DTS Master VO et VF + livret de 60 pages Je est une autre, texte de Frédéric Albert Lévy sur la genèse du film, illustré de mombreuses photos rares d'archives + filmographie de Robert Altman, 124 min (DVD)/127 min (Blu-ray) [présentation en ligne]: VO anglaise (sous-titres français) + version française, inclus bonus Un film de rêve(s), entretien avec Diane Arnaud, essayiste et universitaire (40 min).
Présumé né en 1950 [il était âgé de 26 ans lors de son travail pour Robert Altam en 1976] à Pittsburgh, décédé en 1991 à Londres après avoir été renversé par un véhicule. «L’art extraordinaire de Bodhi Wind: Bouddha est devenu célèbre sous un arbre de Bodhi. C'est le nom pris par l'artiste natif de Pittsburgh qui est tragiquement décédé beaucoup trop tôt, la veille de Thanksgiving en 1991. Si vous avez obtenu votre diplôme de Perry High School, Pittsburgh Public Schools, promotion de 1968, vous l'avez connu sous le nom de Charles Kuklis. Un artiste incroyablement talentueux qui a toujours dessiné et dessiné» (traduction libre de l'anglais par l'éditeur de l'article publié le sur Rutheh.com.
«Quand il a rencontré le réalisateur pour la première fois, M. Wind n'avait jamais vu un film Altman. […] M. Altman l'a contacté après avoir vu chez un ami son dessin de singes grotesques. “C'était juste après qu'il a fait son rêve”, se souvient M. Wind. “Il a vraiment réagi au dessin pour ce qu'il y avait de primitif dans son rêve”» (traduction libre de l'anglais par l'éditeur de l'article paru dans The New York Times).