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Outre les romans pour lesquels il est surtout connu, l'écrivain Bernard Clavel a publié de nombreux textes, des récits sous forme d'albums ou de nouvelles, des essais qui éclairent les thèmes qu'il a abordés dans ses romans. Certains de ces écrits ont une importance toute particulière dans le cheminement de sa carrière et son évolution personnelle.
Récits et essais | |
Auteur | Bernard Clavel |
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Pays | France |
Genre | Essais et Récit |
Éditeur | Robert Laffont Albin Michel Actes Sud Le Cherche midi |
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Les nouvelles les plus importantes sont les deux histoires qui se passent au Canada -font partie des "œuvres canadiennes"- La Bourelle et L'iroquoise, Tiennot ou L'île aux Biard ainsi que le recueil qu'il publia en 1966 sous le titre repris de la première nouvelle L'espion aux yeux verts.
Plusieurs textes expliquent largement sa recherche dans ce qu'il a lui-même appelé sa géographie sentimentale qui s'enracine d'abord dans les pays du Rhône et la Franche-Comté : - Le Rhône ou les métamorphoses d’un Dieu, repris plus tard sous le titre Je te cherche vieux Rhône. (14 de ses romans se passent en partie ou en totalité dans les pays du Rhône) - Terres de mémoire -sous titré Jura- où avec deux autres écrivains Georges Renoy, et Jean-Marie Curien, il évoque sa région natale et en particulier le département du Jura.
Il a aussi écrit une de nombreux textes sur ses terres de prédilection, essentiellement Lyon et sa région[1] ainsi que quelques textes sur le Jura[2]. Ceci explique le fait que l'action de la quasi-totalité de ses romans se situe dans ces deux régions auxquelles il faut ajouter le Québec où il a résidé avec celle qui allait devenir sa seconde femme, Josette Pratte.
Deux sont fondamentaux dans son évolution : Lettre à un képi blanc, dénonciation de la violence et de la guerre, « mise au point après » la diffusion de son roman Le Silence des armes. Le massacre des innocents qui fait suite à sa rencontre avec le responsable de l'association Terre des hommes et le mènera à un engagement personnel de plus en plus important pour défendre tous les enfants du monde, d'abord ceux que la guerre menace puis tous les enfants victimes de sévices, de famines, menacés d'extermination.
Il va agir aussi pour diffuser ses idées, à travers des articles, des préfaces pour des livres contre la peine de mort[3], défendant les enfants en danger, agissant particulièrement pour le Bangladesh[4], réaffirmant avec force son pacifisme, luttant pour l'objection de conscience avec son ami Louis Lecoin[5] et ses positions non-violentes avec le mouvement associatif Non-Violence XXI.
Dans les années deux mille, il revient largement sur son engagement en faveur de la paix, militant et toujours écrivains quand il publie des textes d'appel à la paix comme Paroles de paix, en 2003 sur des illustrations de Michele Ferri ou Le chien du brigadier en 2005. Après avoir abordé la question dans la présentation de son roman Les Grands Malheurs, Bernard Clavel dans son dernier texte écrit en 2005 La peur et la honte publié avec J'avais six ans à Hiroshima. Le , 8h15 de l'écrivain japonais Nakazawa Keiji, lance un vibrant réquisitoire contre l'arme atomique.
Ce recueil contient neuf nouvelles qui sont les suivantes : L'espion aux yeux verts, Le père Vincendon, Légion, Le jardin de Parsifal, Le fouet, la barque, L’homme au manteau de cuir, Le soldat Ramillot et Le père Minangois. Il nous offre des instantanés de vie, mélange de drames, de fraternité, de perfidie et de fragilité.
Voilà ce qu'a écrit Bernard Clavel au sujet de la nouvelle, ce genre parfois décrié : « Nous portons tous en nous un lot de souvenirs, de sujets, de personnages, qui n'ont leur place dans aucun roman. Pour cette partie cependant précieuse de notre bagage sentimental, la nouvelle est un beau refuge. Plus fréquemment que le roman, elle est une œuvre jaillie du plus secret de l'écrivain et écrite sous la poussée d'une envie à laquelle il ne saurait résister. D'où, souvent, sa surprenante richesse. »
C'est la nouvelle qui lui a permis de faire ses premières armes en littérature mais il reconnaît volontiers que c'est un genre difficile « où toute tentation de tricherie compromet définitivement les chances de réussite. » Pour lui, un bon nouvelliste se rapproche des conteurs d'autrefois, ceux qui à partir d'une petite anecdote, étaient capables comme sa mère savait si bien le faire[6] de bâtir une histoire juste pour le plaisir de raconter, d'apporter un peu de joie à la veillée autour d'un bon feu. « Essayer de s'approcher d'eux, dit-il, est sans doute très ambitieux, mais c'est une grande tentation. »
L'espion aux yeux verts raconte un instant de vie intimiste. Félicien, un veuf parano, passe ses journées à se lamenter auprès de son chat. Mais il se peut aussi que le félin complote lui aussi contre lui, qu'il soit de mèche avec tous ceux qui l'observent, qui l'épient. Aussi sa méfiance augmente-t-elle envers son chat et il le regarde d'un autre œil. Pauvre homme bien malheureux de voir le mal partout. Il la dédie à son fils Yves, « véritable père de cet espion. »
Le père Vincendon est un ami de son père et aussi un voisin qui n'habite pas très loin de chez eux. Ils se rendent visite, discutent entre hommes qui ont des souvenirs communs, qui ont l'enfer de la guerre des tranchées pendant la Première Guerre mondiale. Ils s'étaient perdus de vue, quinze années sans se revoir, c'est long. Et puis, cet ami est infiniment précieux, il éprouve une passion pour le bois et le travaille avec application, avec tout son savoir-faire. Bernard Clavel a conservé de Vincendon ce précieux héritage : son bureau, son coffre aussi et sa boîte de peinture. « Elle avait été faite avec amour, comme tout ce que faisait Vincendon. »
Dans Légion, on assiste à l'arrivée d'un légionnaire dans un petit village, ce qui n'est pas chose anodine. L'homme tient à se faire adopter, se fait des amis, est d'une serviabilité exemplaire... mais il a un défaut, un défaut qui peut paraître véniel mais qui devient un handicap dans un petit village, il est beaucoup trop curieux et sa curiosité le perdra. Pourquoi diable ce village finit-il en cul-de-sac, ne débouche-t-il pas quelque part ? Répondre à cette question, c'est soulever un voile qu'il n'est jamais bon de soulever.
Cette nouvelle, Bernard Clavel l'a dédiée à son ami l'écrivain Pierre Mac Orlan. Elle a fait l'objet en 1971 d'une adaptation télévisée tournée à Lons-le-Saunier et dans un village voisin Courbette, mise en scène par Jean Prat et Philippe Joulia avec Pierre Trabaud, René Lefèvre et Béatrice Audry dans les rôles principaux.
Le jardin de Parsifal raconte la triste histoire d'une espèce de Landru, d'un homme qui devient un meurtrier mais heureusement la morale sera sauve car son amour des chiens causera sa perte. Parsifal le chien, mourra pour défendre son maître qui n'aura plus que son petit teckel. Les chiens, des animaux que Bernard Clavel aimait tout particulièrement, qui sont très présents dans son œuvre.
Cette nouvelle est la seule du recueil à être datée : Lyon,
Dans cette courte nouvelle, Le fouet, un homme Paul Nanerwicz reconnaît, pendant un spectacle de cirque, herr Peitschenmann, un terrible bourreau nazi qui s'est reconverti comme artiste, un homme qui maniait trop bien le fouet pendant la guerre.
Dans La barque, des hommes affrontent une crue : un homme portant un manteau de cuir, un poste de guet accueille un homme complètement trempé par un terrible orage, malgré la rigueur du règlement qui interdit de laisser entrer un civil dans un poste de garde.
Cette nouvelle rappelle son roman Pirates du Rhône, le crue du fleuve quand les riverains s'entraident pour monter dans l'urgence les meubles au premier étage des maisons.
Le soldat Ramillot rappelle un épisode de L'Espagnol quand ce dernier, Pablo, a une aventure amoureuse avec sa patronne. Un soldat se présente auprès d'une paysanne pour des travaux agricoles. Ils passent une soirée de plénitude et de plaisirs mais dès le lendemain, toujours pour les mêmes raisons de rigueur d'un règlement appliqué à la lettre, le soldat est porté déserteur. C'est le lendemain qu'Angèle apprendra que le soldat s'est noyé dans la Seille après avoir été mordu par une vipère.
Cette nouvelle, Bernard Clavel l'a dédiée à son ami Jacques Peuchmaurd qui l'a beaucoup aidé lors de ses débuts difficiles.
Le père Minangois était un vieux cordonnier que le narrateur a bien connu -comme le père Vincendon, le luthier- et dont il se souvient avec une grande nostalgie. « Et pour moi, se confie Clavel, il reste l'image d'un grand vieillard bougon, sec et dur comme le vent d'hiver, mais qui avait, dans sa façon de vous regarder ou de vous empoigner la main, une de ces choses mystérieuses et précieuses, qui font partie de ce qu'un homme conserve éternellement parmi les trésors de son enfance. » C'est cette parcelle de trésor préservée que Clavel voudrait nous faire partager.
« Il paraît qu'il est mort alors qu'on s'apprêtait à fêter son centenaire en même temps que la libération du pays. »
Karl, un marin, vient de débarquer dans le port de Boston. Dans le bar où il se rend, une bagarre éclate et, sur un coup de poing malheureux, il tue un homme qui de plus s'avère être un policier. « Pauvre de toi, tu as tué un flic » lui lance-t-on. C'était un sale flic, combinard et corrompu, et les gens sont bien aise d'en être débarrassés, « T'as fait une sacrée bonne action, matelot, tu nous as débarrassé d'une belle ordure. Certain que personne va le pleurer, celui-là. » Mais il est obligé de fuir la ville pour se réfugier dans le grand nord.
Au cours de sa fuite, il rencontre une jeune iroquoise Aldina avec laquelle il se marie. Elle, qui n'a connu que les grandes étendues glacées, rêve de la ville, « quand nous irons dans ton pays, tu me montreras ce que tu sais de la ville. [...] La ville elle en rêvait nuit et jour... des villes immenses, des lumières, des cinémas. » Mais Aldina ne connaîtra jamais la ville, le jour de leur départ pour Toronto, elle fait une chute mortelle de cheval. Tout est consommé sur cette fin dramatique en forme de morale qui signifie qu'à la ville, le bonheur est impossible.
Ce constat négatif sur la ville et ses effets pervers, Clavel le développe aussi dans un des tomes de Le Royaume du Nord, Amarok qui débute par une intrigue identique : Lors d'une bagarre dans un bar, Timax frappe un policier ivre dont la tête heurte un coin de table et qui décède, obligeant Timax et son oncle Raoul à fuir aussi vers le grand nord. On retrouve ce thème dans d'autres romans de Clavel, dans Le Tonnerre de Dieu quand Brassac fait ses virées dans des boîtes de Lyon et qu'il rentre ivre, ou dans Le Voyage du père où la grande ville transforme Marie-Louise en prostituée.
Le thème de l'injustice revient souvent chez Clavel par exemple dans Les Colonnes du ciel quand toute une communauté s'enfuit jusqu'en Suisse, poursuivie par la guerre et les armées du roi de France, dans Brutus quand le groupe de gaulois chrétiens est contraint de fuir la colère des Romains, dans Maudits sauvages aussi, le dernier tome de Le Royaume du Nord où les avocats des indiens spoliés ne pourront rien contre l'administration ainsi que dans Cargo pour l'enfer où l'armateur-escroc agit en toute impunité[7].
Cette nouvelle indique Clavel a été commencé à Saint-Télesphore le et terminée à Westmount le .
(Nouvelle dédiée à son ami Georges Renoy)[8]
« C'était dans la ville de Québec, en l'an mille sept cent et quelque... » ainsi commence cette nouvelle écrite en 1980, au moment où paraît le dernier tome des Colonnes du ciel. Ce livre s'appuie sur la réalité de l'époque, la justice est dure pour la jolie Jeanne, menacée d'être pendue pour un menu larcin, or explique-t-il, « elle veut vivre à tout prix. Elle sait que si le bourreau épouse une condamnée, on la gracie. Mais elle sait aussi qu'être "bourrelle" est un affreux destin. »
Clavel indique même ses sources documentaires : « Mes sources de documentation pour cette nouvelle ont été les bibliothèques de Québec et de Montréal... l'étude que monsieur André Lachance a consacrée au "Bourreau au Canada sous le régime français... » Voilà le cadre réaliste bien campé dans lequel vont pouvoir évoluer les personnages. Le métier de bourreau est très particulier, il exerce sur les gens à la fois de la fascination et beaucoup de répulsion. Personne ne veut de cette charge et le gouverneur a été contraint de faire placarder un arrêt « qui interdisait au peuple d'insulter le maître des hautes œuvres et les siens, les Québécois s'en moquaient comme d'un gel de janvier. »
Marcel, le bourreau, supportait mal son état et cette vie de réprouvé eut un effet déplorable sur son humeur. Il lui arrivait de ne plus pouvoir supporter cette situation, « je suis maudit, hurlait-il. Je te dis que je me prépare les feux de l'enfer... Toutes les malédictions du ciel sont sur nous... sur toi et moi ! » Chez le boulanger par exemple, elle ne devait pas toucher le pain. Elle devait prendre celui qui lui était réservé, placé à l'écart des autres, marqué « d'une cocarde rouge qu'elle retirait pour la rendre à la boulangère en même temps qu'elle payait. »
Au-delà de l'histoire, Bernard Clavel,dénonce les abus de l'institution judiciaire qu'il avait déjà traités dans Les Colonnes du ciel à travers le procès expéditif contre Mathieu Guyon (La saison des loups) et le procès en sorcellerie, procès truqué mené par un juge corrompu contre Hortense (La femme de guerre)[9]. Il en profite aussi pour stigmatiser la peine de mort, alors toujours en pratique en France et les pratiques des bourreaux qui bien souvent soumettaient les suspects à la question.
Avec ces deux nouvelles, « c'est le monde de la politique et de la justice qui et sur la sellette » estime André-Noël Boichat. L'horreur de la vie de bourreau est une métaphore pour montrer l'horreur de la torture et de la peine de mort.
Ce texte étant parfois considéré comme un court roman, parfois comme une nouvelle, une fiche spécifique lui a été consacrée.
Pour un accès direct, cliquer sur le lien : L'Homme du Labrador
Le récit commence par cette dédicace : « À Pierre Trabaud en souvenir de Légion et d'un Tiennot qu'il a bien connu. »
À la mort de son père Justin, tout le village s'exclame : « Le pauvre petit, le voilà seul à présent. » Tiennot est un bon garçon un peu simplet mais très gentil; il travaille pour les uns ou pour les autres, toujours serviable et vit seul désormais sur son île située sur la rivière de la loue dans le département du Doubs, isolé par le fait même que c'est une île. Il a bien ses poules et ses lapins, son mulet à qui il se confie. La solitude solitude lui pèse, c'est évident, aussi dans le village, on décide de lui trouver une femme. « On te dit seulement qu'un homme tout seul, c'est jamais drôle » répète le cafetier. Ce sera Clémence, une jeune femme qui ne se plaît guère dans ce lieu retiré. Tiennot est trop naïf pour se rendre compter du piège qu'on lui tend, une sordide machination pour lui extorquer ses maigres économies.
Clémence, elle restera deux mois, comme prévu dans son 'contrat' puis s'en ira, laissant ce pauvre Tiennot désespéré : « Sûr qu'elle reviendra plus, c'est sûr » se lamente-t-il. Quand il comprend enfin que le cafetier Flavien et sa femme se sont joués de lui, il explose : « L'écume aux lèvres, le visage déformé par la colère qui faisait trembler tous ses membres, Tiennot s'avança en criant : "Salaud ! C'est toi qu'a tout fait ! » Dès lors, le drame est inévitable et tout finira très mal pour les protagonistes.
Cette histoire développe un thème cher à Bernard Clavel. Robert Paillot dans Malataverne ou Félicienne Marquand dans La Guinguette vivent des histoires parallèles de solitude, d'absence d'aide, d'assistance de la part d'un parent, d'un ami et c'est cette absence même qui fait qu'on bascule dans le drame. A contrario, c'est parce qu'il trouveront de l'aide, une main secourable que Pierre Vignaud dans l'Hercule sur la place ou Simone Garil dans Le Tonnerre de Dieu pourront s'en sortir.
Accéder à l’article sur le Rhône : Le Rhône ou les métamorphoses d’un Dieu
Ce livre, Bernard Clavel l'écrit à partir des notes prises quand il a suivi la préparation et la course d'une écurie lors de la course des 24 heures du Mans. Il s'estime « sans qualification » pour effectuer ce reportage qui lui vaudra le Prix Jean Macé en 1968. Il donne finalement son accord parce qu'il a envie « de découvrir un métier et des hommes. » Ce qui dépassera ses espérances et il dit lui-même après avoir découvert ce métier, du bord de la piste : « J'avais rencontré au Mans une chose simple : la vie. Une vie inconnue, attirante comme une eau à la fois limpide et tourmentée de remous. Une vie pour des hommes... qui forment une corporation solide, soudée, étroitement unie par ce beau ciment que constitue l'un des métiers les plus difficiles et les passionnants du monde. » Il note avec plaisir cette répartie d'un jeune mécanicien : « J'ai fini mon apprentissage : j'ai dix-huit ans... et à la fin de l'année, je serai ouvrier. » Un apprentissage qui doit sans doute lui rappeler l'apprenti-pâtissier exilé à Dole et la dure existence qu'il a connue alors.
Bernard Clavel a longtemps hésité à transcrire ce reportage sous forme de roman ou de récit et a finalement opté pour cette dernière forme parce qu'elle exprimait plus directement son expérience. On retrouve ici une idée chère à Clavel : le travail c'est la vie. Il rejoint à la fois le côté passionnel et le côté ludique où se développent solidarité et amitié, même si c'est pénible, même s'il faut en passer par des moments difficiles.
Il commence son récit par les deux citations suivantes :
« L'homme vraiment fort est celui qui sent le mieux que rien n'est donné… »
— Paul Valéry
« Il n'y a pas de grandeur sans un peu d'entêtement. »
— Albert Camus
C'est un album écrit "à quatre mains" entre Benard Clavel Jean-Philippe Jourdrin, récit imaginaire d'un paysan qui aime le bois. e paysan a une particularité : il construit en "bois de lune". Une essence spécifique de la région ? Pas du tout. Il s'agit d'une coutume qui vient de très loin, de l'époque des rois, de 'l'ancien régime'. Les pauvres, des journaliers qui ne possédaient aucun lopin de terre, même tout petit, mais qui étaient précieux pour l'économie de leur commune, avaient obtenu le droit de construire une petite maison en planche sur les 'communaux', les terrains de la commune où personne n'avait le droit de les déloger. Mais à une condition : parvenir à construire la maison entre le coucher et le lever du soleil, à la lueur de la lune (d'où son nom) qui lui appartenait jusqu’à sa mort.
Ce portrait imaginaire est agrémenté de magnifiques photos de Jean-Philippe Jourdrin qui en regard, raconte la propre vie de Pierre, paysan breton né en 1899 et originaire du Morbihan.
Dans ce livre sous-titré Jura, Bernard Clavel avec d'autres écrivains, raconte son Jura, écrit « Quand on aime quelque chose, il y a une sorte de bonheur à le faire partager. » Ce bonheur, c'est celui de quelques souvenirs qui lui sont chers et qu'il égrène ici avec jubilation et une certaine pudeur.
Bien sûr, ses Terres de mémoire correspondent à ce qu'il a lui-même appelée "sa géographie sentimentale", c'est le cœur qui choisit de partir quand la déception l'emporte comme après qu'il eut quitté Château-Chalon pour la région parisienne, ce sont ses sentiments qui commandent à son installation au Québec avec sa seconde épouse Josette Pratte, avant qu'il n'éprouve un coup de cœur pour ce pays mais une seule passe toutes les autres qui se trouve précisément à Lons-le-Saunier dans « le jardin de mes parents (où) son père y avait toute sa vie ». (interview d')
Bernard Clavel y évoque les lieux qui sont chers, ceux qu'il voudrait préserver, d'abord et à défaut dans la mémoire, qu'il aimerait bien pouvoir transmettre à d'autres générations. Il parle avec émotion de cette terre du Jura et surtout de ces lieux de mémoire qui renvoient à son enfance. D'abord, Lons-le-Saunier bien sûr sa ville natale, le quartier où il a grandi, la maison et le jardin de ses parents, au-dessus de la ville le cirque de Baume-les-Messieurs et la cité de Château-Chalon où se déroule son roman Le Silence des armes. La région de Dole aussi, la ville où il a passé très souvent ses vacances chez son oncle et sa tante, le Doubs et le canal qui serviront de décor à son roman Le Tambour du bief, la loue, c'est belle rivière qui traverse la forêt de Chaux et La Vieille-Loye qui seront le point central de sa suite romanesque Les Colonnes du ciel.
Sur ses terres de mémoire, Bernard Clavel a aussi publié un album intitulé Bonlieu ou le silence des nymphes[10]. Le lac de Bonlieu est d'origine glaciaire, dominé par une magnifique forêt quand à l'automne elle se reflète dans ses eaux calmes. Dans ce livre, Clavel évoque avec une certaine nostalgie et beaucoup de passion le Jura tel qu'il l'aime avec sa nature encore sauvage et préservée où on peut longtemps se promener sans être dérangé par les bruits de la civilisation qui fait des ravages, même dans d'autres parties du Jura.
Bernard Clavel est un amoureux du bois. Il a toujours eu un rapport particulier avec cette matière, sa texture, son odeur, son travail par la main experte d'un artisan, la patine du temps qui lui donne une noblesse et fait varier ses couleurs. Il le tient en grande partie du père Vincendon, le luthier ami de son père, qui habitait près de chez eux à Lons-le-Saunier. Vincendon, on le retrouve d'abord dans la nouvelle qu'il lui a consacrée, qui est incluse dans L'espion aux yeux verts[11].Il est aussi présent dans le premier conte qu'il a écrit pour la jeunesse L'arbre qui chante et qui donne donne son au recueil de comtes paru dans ses œuvres complètes : c'est bien Vincendon qui, avec ses dons de luthier, va faire chanter le bis en le transformer en un magnifique violon qui enchantera ses auditeurs. Clavel dira dans une interview : « Quand un arbre meurt, il peut toujours rester vivant pour ceux qui savent le travailler. »
Cet amour du bois lui vient aussi du fait qu'il a exercé le métier de bûcheron dans sa jeunesse et garde un bon souvenir de cette époque : « J’ai pratiqué le métier de bûcheron, je sais de quoi il est question. Ces gens-là ... savent leur parler, les approcher, les guetter des années durant pour les préserver du mal. Les protéger avec un dévouement admirable pour mieux les abattre un jour. Qu’on le veuille ou non, l’être humain le plus proche de la forêt reste le bûcheron. » Il écrira en un récit-album qui s'appelle tour simplement Arbres où il présente des variétés d'arbres qui peuplent la planète, où teste et photos se marient parfaitement, rencontre un bûcheron amoureux lui aussi des arbres et dont la « compagnie suffisait à sa vie. » Son livre est agrémenté d'une cinquantaine de photos d’arbres ou de forêts de Jean-Marie Curien.
Dans un autre album intitulé Célébration du bois, Bernard Clavel il veut nous faire partager son amour du bois, matériau noble par excellence, se projette dans un atelier semblable à celui de Colas Breugnon[12], la vie toute simple d'un artisan qui essaie de découvrir au fond du bois, au tréfonds de son cœur, le mystère qui s'y cache et qu'il veut révéler à travers son travail. Pendant les longs mois d'hiver, comme dans le temps, l'artisan peaufinera ses objets dans la bonne odeur de la sciure et du chien qui sommeille à ses côtés.
Une description qu'il reprendra dans son roman Le Voyage du père dont le début se passe dans un petit village au-dessus de Lons-le-Saunier, parfois isolé l'hiver par une neige épaisse qui rendait difficile le simple fait de descendre jusqu'à la gare, quand l'hiver est là « qui vous garde enfermé pour le temps que tiendra la neige ». Quand le bois est rentré, l'hiver peut venir, ce bois qui réchauffe et qu'on va pouvoir travailler.
Bernard Clavel a aussi célébré ses autres Terres de mémoire, ce qu'il nomme sa géographie sentimentale dans ses romans mais aussi dans quelques albums où il parle de lieux où il a vécu comme le Bordelais, le vin et la vigne, lui qui vient d'un pays viticole -le Revermont jurassien et son célèbre vin jaune- ou le Royaume du Nord qui rappelle sa suite romanesque et dont il a tiré un album. Avec son album Fleur de sel,, les marais salais de Guérande, Bernard Clavel nous emmène dans le guérandais, dans une évocation de l’océan, « calme et luisant dans son immensité. » Un récit illustré des photos de Paul Morin où il nous entraîne à la découverte de la "substantifique moelle" extraite du sel, cette fleur de sel qui est pour lui « ce précieux flocon des marais. »
La vigne est le thème de son album Contes et légendes du bordelais consacré au vin et à la vigne où se mêlent récits, contes et légendes. « Je suis né dans un pays de vignoble » précise-il en introduction. Il s'inscrit aussi dans son idée d'écrire une série de livres sur les contes et légendes qu'il réalisera en partie[13]. On le retrouve dans un autre album qui s'intitule tout simplement Les Vendanges, agrémenté de photographies de Janine Niepce qui vient d'une famille de vignerons, des photos d'avant la mécanisation, prises dans les années 1950, « des gueules au type physique très reconnaissable ; des visages ronds, assez hauts en couleur à cause du vin et de l’air vif » dit-elle d'un air mutin.
Des vendanges en automne, on passe à l'hiver avec un bel album au titre simple L’Hiver, fait de 150 photographies, de dessins et d'aquarelles de Bernard Clavel. Lui qui s'est voulu peintre avant de devenir écrivain, précise : « Pour ma part, c’est toujours l’hiver qui m’a donné aussi bien envie de peindre que d’écrire. » Cet album est constitué des paysages hivernaux qu'il a bien connus, le lac Léman, Montréal et l'Abitibi, de l'Irlande à la Suède et à la Norvège, des paysages qui se mêlent aux hivers de son enfance dans le Jura, De la vallée de la Seille au Doubs : « L’hiver, voilà le maître du pays », un constat qui rappelle Le Voyage du père, les rigueurs d'un hiver où la ferme et ses habitants vivent à l'intérieur en attendant des jours meilleurs. « Il a bien fallu ces coulées de gel, ces colifichets de givre et ces capuchons de brouillard pour que son œuvre graphique sorte des cartons » commentait Anne-Marie Koenig en 2003 dans Le Magazine littéraire.
L'hiver, c'est aussi le territoire du Royaume du Nord, l’épopée des pionniers de sa saga mise en images, ces pionniers, tour à tour trappeurs, prospecteurs et mineurs, qui s'enfoncent dans les bois, se perdent au détour de rivières et découvrent les Indiens. « Tous soudés à cette terre. Suivant les pistes qu’ils y ont tracées, j’ai fait bien des rencontres. Même si j’ai subi le vertige des longues courses solitaires, j’ai toujours recherché le contact des êtres. » Au-delà des années, les souvenirs puissants sont toujours là, par exemple « un spectacle que je n’oublierai jamais, la débâcle des glaces sur le Saint-Laurent. [...] Je crois que l’hiver est une saison qui pousse l’homme à s’exprimer. À dire ce qui monte en lui de brûlant lorsque se déchaîne la tempête de neige, lorsque se tisse et se déchire le rideau gris des flocons blancs. »
Les essais les plus importants font l’objet d’articles séparés :
Bernard Clavel est un amoureux des chiens. Il écrira pour la jeunesse un recueil Histoire de chiens puis Le Chien des Laurentides, un pauvre chien vagabond trempé par l'orage qui recherche un ami ou une amie, dans son roman Le Tonnerre de Dieu, Brassac au cours de ses virées à Lyon ramènera chez lui cinq chiens et il inscrira cette citation de Jules Renard éclairante de sa pensée, au début de ce livre Le chien du brigadier : « Plus je connais les hommes, plus j'aime mon chien ».
Bernard Clavel fait précéder son ouvrage de cette citation tirée du philosophe Spinoza, qu'il considère comme son credo : « La paix n'est pas l'absence de la guerre, mais une vertu qui naît de la force de l'âme. »
Il poursuit la présentation de ce livre où il a consciencieusement recueilli des paroles de paix, celles qui l'ont le plus touché, tout en se demandant s'il n'est pas un rêveur, un utopiste quand l'humanité « risque de se perdre » entraînée par la folie de quelques-uns et l'impuissance de la plupart des hommes politiques et s'il n'est pas dérisoire d'entreprendre ce travail.
Mais il continue pourtant, en appelle encore une fois à son maître Romain Rolland : « Durant cette quête, les plus grands pacifistes que j'ai eu le privilège de fréquenter n'ont cessé de m'accompagner. Ce matin encore, ils sont tous là, ombres fraternelles, grandes voix qui me répètent avec Romain Rolland que, quelles que soient les circonstances, c'est toujours au-dessus de la mêlée que l'homme doit tenter de se hisser. [...] Il semble qu'à certains, le mot 'paix' fasse peur. il est pourtant le seul que l'on devrait écrire au fronton des édifices où l'on enseigne. »
Déjà dans son roman Les Grands Malheurs écrit à la même époque[14] Bernard Clavel note : « : Je suis un vieil homme habité par la guerre, la garce me poursuit où que j’aille et quoi que je fasse. » Et il ajoute « : Je suis aujourd’hui un vieil homme habité par la peur. » Voilà le mot peur lâché, le sentiment amer de cette bête immonde qui le poursuit comme si elle était enragée.
Il a une pensée particulière pour « ceux qui vivaient à l’ombre du ginkgo biloba d’Hiroshima jusqu’au ». C’est ce dernier cri, mêlé de honte pour la civilisation occidentale auteur de ce forfait, qu’il va reprendre dans cet avant-propos qu’il a intitulé La Peur et la Honte, introduction au livre de l’écrivain japonais Keiji Nakazawa J’avais six ans à Hiroshima le , 8 h 15.
C'est effectivement le , à 8 h 15 du matin, comme l'indique Nakazawa dans le titre de son livre, qu'apparaît dans le ciel d'Hiroshima une gigantesque boule de feu à quelque cinq cents mètres d'altitude et que le monde entre dans l'ère nucléaire. Rien jamais, ne sera plus comme avant. Ce jour ouvre une nouvelle donne fondamentale dans les arcanes de la géopolitique, prologue d'une menace planétaire létale.
C'est cette vision rehaussée par le témoignage impitoyable de Nakazawa, que Bernard Clavel trouve insupportable et qu'il combat encore avec une vigueur renouvelée car il est un homme dit-il « qui croit invinciblement que la science et la paix triompheront de l’ignorance et de la guerre[15]. » Optimisme mesurée par la réalité du court terme. Description d'apocalypse appuyée par des photos saisissantes comme seules des photos peuvent rendre la réalité et le témoignage passionné de Bernard Clavel qui écrit en militant pacifiste qu'il est : « C'est le germe de la guerre qu'il faudrait extraire du cœur de l'homme. »
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