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La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017, publiée le , analyse le contexte stratégique de la France et définit son niveau d'ambition en matière de politique de défense et de sécurité nationale. Comparable dans son objet aux Livres blancs qui l'ont historiquement précédée, la Revue 2017 prépare l'élaboration de la Loi de programmation militaire 2019-2025. Elle a été rédigée à la demande formulée par le président Emmanuel Macron en , quelques semaines après son élection. Elle fait suite au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale 2013 élaboré à la demande du président François Hollande.
La spécification détaillée de la stratégie de sécurité nationale inclut l'analyse du contexte géopolitique global, l'identification des risques et menaces contre lesquels se protéger et leur hiérarchisation, la définition d'une posture globale de sécurité nationale et sa déclinaison en politiques opérationnelles, et enfin le niveau des ressources allouées[1].
Par sa lettre de mission en date du , le Président de la République confie l'élaboration de la Revue stratégique à un comité de rédaction placé sous l'autorité de la ministre des Armées et présidé par M. Arnaud Danjean, député européen. Le comité de rédaction comprend seize membres issus des ministères concernés, des armées et de la société civile. La DGRIS du ministère des Armées en assure le secrétariat général. Le comité procède à des entretiens avec une cinquantaine de personnalités en France et une soixantaine à l'étranger.
Le périmètre de la Revue stratégique est défini dans la lettre de mission adressée par le Président de la République à la ministre des Armées. Cette lettre de mission indique que l'évolution du contexte stratégique nécessite que l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire soit préparée par une Revue stratégique de défense et de sécurité nationale[2]. Par rapport aux Livres blancs qui l'ont précédée, la revue stratégique est largement focalisée sur la dimension de défense, car « les sujets liés à la sécurité du territoire national y seront examinés dans la mesure où ils ont des implications pour le ministère des Armées »[2].
Publié le , le document Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017 compte 109 pages. Il comporte une préface du président de la République, un avant-propos de la ministre des Armées, une introduction et trois parties[3] :
Les parties A et B de la Revue stratégique sont essentiellement consacrées à une analyse du contexte stratégique d'ensemble de la France et à une évaluation des risques et menaces qui pèsent sur ses intérêts nationaux. Leur contenu est résumé ci-après.
La revue est conduite sur la base de quelques hypothèses structurantes, identiques à celles qui ont guidé la rédaction du Livre blanc 2013 : le maintien de la stratégie de dissuasion nucléaire et la relance du projet européen de défense.
Elle s'appuie aussi la perspective d'un effort de défense de 2 % du PIB de la France à l'horizon 2025[2].
Le concept d’intérêts a été principalement abordé dans la doctrine française à partir des intérêts vitaux, en lien étroit avec la dissuasion nucléaire. Ces intérêts vitaux ne sont jamais définis avec précision, car il est de la responsabilité ultime et unique du chef de l’État d’apprécier en toute circonstance leur éventuelle mise en cause et de décider, au cas par cas, de la nature de la réponse qu’il convient d’y apporter. L’intégrité de notre territoire et la sauvegarde de notre population en constituent le cœur[4].
Les intérêts nationaux doivent aussi être appréciés à la lumière de l'imbrication croissante des intérêts des États européens et des engagements souscrits dans le cadre du Traité sur l’Union européenne et du Traité de l'Atlantique nord (OTAN), des engagements contraignants qui incarnent la solidarité de droit et de fait européenne et alliée[4].
Les évolutions de l'environnement stratégique international de la France constatées depuis le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 portent sur l'accélération et l'intensité plus que sur les phénomènes eux-mêmes, des différentes natures suivantes[5] :
Ce contexte d'ensemble se traduit par une forte exposition du territoire national à la menace terroriste, par des tensions sur les flancs est et nord de l'Europe, et par l'engagement de la France dans des opérations militaires extérieures dans la bande sahélo-saharienne et au Proche et Moyen-Orient[9].
Parce qu'elles présentent des fragilités ou sont le théâtre de la compétition stratégique entre les États-Unis et la Chine, des zones importantes pour la France sont porteuses de risques : la rive sud de la Méditerranée où la Libye a cessé d'exister comme État unifié et structuré, les Balkans qui restent fragiles et divisés, l'Afrique subsaharienne en développement et riche en matières premières mais que les faiblesses de la démocratie et de leur fonctionnement rendent perméables aux trafics, à la radicalisation islamiste et aux visées impérialistes, et enfin l'Asie lieu du plus fort accroissement des dépenses mondiales de défense de la dernière décennie qui concentre un nombre de tensions sans équivalent, alors que son architecture régionale de sécurité demeure lacunaire et que des conflits éventuels pourraient comporter une dimension nucléaire[9].
La France fait face au retour de menaces « classiques » liées à la compétition mondiale entre les puissances globales et régionales, à la croissance des menaces dites asymétriques rendues plus dangereuses par la prolifération d'armes sophistiquées, à la prolifération nucléaire, à la fragilisation de la supériorité des moyens militaires des Occidentaux et enfin à de nouvelles formes de guerre et de conflictualité :
La partie C de la Revue stratégique est essentiellement consacrée à une description de la stratégie de défense de la France pour les années 2020, base sur laquelle est élaborée la Loi de programmation militaire 2019-2024. Son contenu est résumé ci-après.
La posture stratégique globale de la France consiste à maintenir sur le long terme une dissuasion nucléaire et une autonomie stratégique et opérationnelle fortes[4].
L'autonomie opérationnelle implique que les armées françaises soient capables d'opérer sur tout le spectre, pour protéger le territoire national, répondre à une crise dans notre voisinage, conserver l'ascendant sur des adversaires non étatiques et assumer nos responsabilités dans un affrontement militaire avec des acteurs étatiques. Ces défis justifient le maintien d'un modèle d'armée complet et équilibré, en continuité avec le Livre blanc de 2008 et le Livre blanc de 2013[4].
Ce niveau d'ambition doit aussi permettre à la France de demeurer fidèle à ses engagements auprès de ses alliés et va de pair avec le développement progressif d'une autonomie stratégique européenne[13].
La France doit pleinement s’investir dans la refondation d’un ordre collectif et multilatéral, avec l’Union européenne, les coopérations européennes bilatérales et l'Alliance atlantique. L’ensemble des partenariats bilatéraux de la France, en Afrique particulièrement, contribue également à la garantie des intérêts communs[14].
La convergence des menaces sur l’Europe nécessite que les Européens soient davantage engagés en faveur de leur propre sécurité, et travaillent à l’ambition d’une autonomie stratégique commune. Inscrite en 2016 dans la stratégie globale de l’UE, cette ambition exigeante suppose une vision renouvelée des conditions de la sécurité européenne et repose sur de nouvelles initiatives pragmatiques. La Coopération structurée permanente instaurée fin 2017 doit permettre d’effectuer un saut qualitatif en matière de défense européenne[14].
En organisant en 2009 son retour dans le commandement militaire intégré de l’Alliance atlantique, tout en préservant son statut spécifique dans le domaine nucléaire, la France a pleinement reconnu la place que l’OTAN joue dans la défense de l’Europe.
L'autonomie stratégique de la France repose sur un socle large qui comprend les facteurs concourant à la cohésion et à la résilience de la Nation, une diplomatie forte au service d'une approche globale, des capacités industrielles et technologiques et enfin des capacités opérationnelles renforcées[4].
La cohésion nationale et la résilience des fonctions essentielles à la continuité de l’État comme à la vie de la Nation constituent le fondement indispensable de la liberté d’action de la France. Affermir cette cohésion, en particulier au sein de la jeunesse, doit demeurer un axe d’effort prioritaire qui doit mobiliser l’ensemble des moyens concernés de l’État et de la société. La résilience des secteurs d’importance vitale, exposés au développement des cybermenaces, doit être renforcée[4].
La phase d’élaboration politique d’une décision nationale comporte presque toujours une dimension internationale (avec nos partenaires) et multilatérale (dans le cadre des Nations Unies ou des organisations régionales de sécurité). L’investissement de la France au sein de l’Alliance atlantique, de l’Union européenne, de l’OSCE et des Nations Unies doit donc aussi être considéré comme un élément central de notre autonomie de décision[4].
La France a besoin d'une Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) forte. En 2017, elle est constituée d’une dizaine de grands groupes de taille mondiale et de près de 4 000 PME, représentant plus de 200 000 emplois en France, avec un impact positif majeur sur la balance commerciale (supérieur à 6 Md€ en 2016)[15].
Les coopérations technologiques et industrielles sont nécessaires mais doivent être maitrisées. La France entend participer pleinement à la dynamique européenne en la matière, via son implication dans le Fonds européen de la défense et le renouvellement de son ambition en matière de coopération technologique et industrielle, sans pour autant que ce soit au détriment de sa liberté d’usage, d’action et de décision nationale[15]. Selon les systèmes d'armes, la France appliquera l'une des quatre approches possibles : souveraineté non partageable, coopération avec maintien des compétences en France, coopération avec dépendance mutuelle ou recours au marché[15].
La préparation de l’avenir est un facteur clé du maintien de l’excellence de notre BITD, garante de la supériorité technologique et de l’autonomie stratégique de la France. Le maintien de l’ambition de couvrir tous les domaines industriels et techniques devient plus prégnant et requiert l’augmentation du niveau des ressources budgétaires dédiées à la S&T (science, recherche, technologie et innovation)[15].
Utilisées pour décrire la mise en œuvre de la stratégie de défense et de sécurité de la France et structurer le modèle d’armée nécessaire à son ambition, les cinq fonctions stratégiques définies par le Livre blanc de 2013 conservent leur pertinence. Ce sont la dissuasion, la protection, la connaissance et l'anticipation, l'intervention et la prévention. Elles servent de cadre à la déclinaison de l'ambition globale en objectifs opérationnels[16].
Pour assurer l’ensemble des fonctions stratégiques face à toutes les menaces, un modèle d’armée complet et équilibré est indispensable, sans que cela signifie pour autant que les armées françaises disposent seules de toutes les capacités nécessaires pour faire face à toutes les situations[17].
L'autonomie est nécessaire en matière de renseignement, de protection permanente du territoire, de commandement des opérations, d'opérations spéciales, de protection de l’espace numérique, de protection face aux menaces asymétriques, de démonstration de puissance en appui de la volonté politique[17].
Le partenariat sera recherché lorsque la France ne possède pas seule toutes les capacités nécessaires de combat dans les opérations extérieures lourdes dans la durée, et aussi pour assurer la sécurité des moyens spatiaux militaires. La France doit conserver sa capacité à être nation-cadre et être en mesure de fournir les capacités discriminantes et un volume de forces significatif. Dans le cadre de l’OTAN, la France s’est engagée à fournir les capacités nécessaires au commandement d’une SJO (Small Joint Operation ) et d’une composante dans le cadre d’une MJO (Major Joint Operation )[17].
La Revue stratégique n'a pas pour objet de fournir une vision quantitative des capacités requises et leur traduction en termes budgétaires. Ces éléments sont fournis par la Loi de programmation militaire 2019-2025 pour le volet défense[18].
Le Ministère des Armées publie en un document intitulé Actualisation stratégique 2021 qui actualise l’analyse de l'environnement stratégique de la France à la lumière des évolutions observées depuis 2017[19].
Ce document constate que les menaces structurelles pesant sur la sécurité de la France se sont amplifiées en raison du retour de la compétition stratégique entre puissances, ouvertement assumé par la Russie, la Chine et les États-Unis, de la persistance du terrorisme djihadiste et de la prolifération des armes de destruction massive. Les crises et fragilités liées à la pression démographique, au changement climatique et à la pandémie de Covid-19 accroissent encore les incertitudes et risques qui pèsent sur la sécurité nationale. Le renforcement de la compétition stratégique va de pair avec l'extension des champs d'affrontement. La Russie et d'autres compétiteurs de la France usent de stratégies hybrides qui combinent des modes d'action variés, conçues pour rester sous le seuil estimé de riposte ou de conflit ouvert. Les principaux en sont l'utilisation de groupes armés, le cyber, le spatial, la manipulation de l'information[19].
La pandémie de Covid-19 et l'orientation de plus en plus marquée des États-Unis vers la région indo-pacifique doivent conduire la France, selon les conclusions de ce document, à poursuivre la remontée en puissance de ses armées, à aller plus loin dans l'établissement d'un véritable pilier européen en matière de sécurité et de défense au risque d'un déclassement stratégique de l'Europe, et à investir pour réduire nos dépendances technologiques et industrielles et pouvoir répondre aux nouvelles menaces dans l'objectif de concourir à la résilience de la nation[19].
La publication de la Revue stratégique suscite des interviews, des commentaires et des analyses de la part des médias et des Think tanks.
Arnaud Danjean, le président du comité de rédaction, en débat le avec le directeur de l'IFRI[20]. Une note de l'IFRI publiée en décembre 2017 analyse la question de l'autonomie stratégique, concept premier de la Revue stratégique 2017, dans le contexte de la relation franco-allemande[21].
Le Monde publie le un article sous le titre « Armée française : le sombre constat de la revue stratégique de défense »[22].
Le général Pierre de Villiers mentionne la Revue stratégique dans son ouvrage Servir paru en .
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