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compositeur et violoniste De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Niccolò Paganini, né le à Gênes et mort le à Nice, est un violoniste, altiste, guitariste et compositeur génois.
Naissance |
Gênes République de Gênes |
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Décès |
(à 57 ans) Nice Royaume de Sardaigne |
Activité principale | Violoniste, compositeur |
Activités annexes | Altiste, guitariste |
Maîtres | Alessandro Rolla, Gasparo Ghiretti, Ferdinando Paër |
Œuvres principales
Par sa technique exceptionnelle, il a contribué à l'histoire du violon, mais également à intégrer la dimension virtuose dans l'art, dont il est un des représentants les plus célèbres, attirant à lui d'autres compositeurs romantiques, tel Liszt. Souvent qualifié de plus grand violoniste de tous les temps, il est également un compositeur réputé.
Même si l'ensemble ou presque des techniques modernes du violon n'est pas de son fait (staccato, trémolo, glissando, pizzicato de la main gauche, entre autres, sont dans les Capricci de Locatelli ou les duos de son maître Rolla), il a inventé de nouvelles façons de jouer du violon, en les rassemblant, il les actualise ou magnifie les effets déjà existants (trilles, double-cordes, démanché), lui donnant un nouvel élan ; la postérité considérant qu'il y a « un avant et un après » Paganini.
Niccolò Paganini naît dans une famille modeste et est baptisé à l'église San Salvatore, le lendemain de sa naissance[1]. Il est le troisième fils d'Antonio Paganini, né en 1754[2], ancien docker[3],[4] (ligaballe[5]) qui arrondit ses fins de mois en jouant de la mandoline[6], et de Teresa Bocciardo, tous deux amateurs de musique. Son frère aîné, Carlo (1778–1830), sera également violoniste. Il a deux sœurs, Nicoletta, âgée d'un an en 1782 (deux enfants morts en bas âge) et Domenica, née en 1788[7].
Il apprend la mandoline avec son père à cinq ans[8] et, à la suite d'un songe de sa mère où elle l'avait vu jouant du violon en soliste et entraînant un orchestre, se met à étudier le violon deux ans plus tard, dressé par son père autoritaire qui le contraint à jouer du violon du matin au soir[9] et le prive de nourriture lorsqu'il ne s'applique pas suffisamment[10]. Il étudie ensuite avec un violoniste professionnel mal identifié, Giovanni Cervetto (ou Servetto) ; puis avec Giacomo Costa, premier violon de l'orchestre du théâtre[8] et maître de chapelle à San Lorenzo[11] pendant trente leçons[12] — plus tard Paganini se rappelait ce « bon vieux Costa », mais ne défendait pas sa manière « de tirer l'archet, tellement antinaturelle[13] ». Il compose sa première sonate (perdue) à l'âge de huit ans et donne son premier concert — un concerto de Pleyel[14] — six mois après[15],[16]. Il prend ses premières leçons de composition avec Francesco Gnecco[8] et, à douze ans, donne des concerts dans les églises (San Agostino) et les cercles privés, où il est remarqué par le marquis et patricien génois Gian Carlo Di Negro[8],[17]. À la même époque, en 1795, il compose les quatorze variations sur La Carmagnole pour violon et guitare[8], pièce inspirée par la chanson de la Révolution française et destinée au public francophile de Gênes. L'œuvre constitue un précieux témoignage du style précoce de Paganini[18].
Beaucoup de professeurs se succèdent au cours de la scolarité de Paganini. Le jeune élève étant trop doué, beaucoup ne sont pas à la hauteur. Il donne un concert en 1795 au théâtre San Agostino[19], pour financer ses frais de déplacement et d'études[20]. Recommandé à la famille du virtuose par le marquis Di Negro, ébahi par les prestations musicales de Niccolò[21], Paganini, treize ans, se rend chez Alessandro Rolla à Parme. Après que le jeune violoniste a déchiffré à première vue une œuvre inconnue, Rolla est tellement impressionné par sa technique exceptionnelle[8] qu'il estime n'avoir rien à lui apprendre dans la technique du violon. Néanmoins, Paganini travaille avec lui plusieurs mois. En 1796, il découvre L’Arte del violino de Locatelli, qui contient vingt-quatre caprices pour le violon[22]. Avec la rencontre de August Duranowski (Auguste Frédéric Durant, violoniste polonais d'origine française), un peu antérieure, dont il apprend les effets brillants et populaires, il s'agit des deux influences qui jouent un grand rôle dans la formation de la technique violonistique de Paganini[10]. La troisième est celle de Rodolphe Kreutzer, le principal disciple de Viotti, qui joue à Gênes en 1796 et 1797. Il lui est présenté par l'intermédiaire de Giancarlo Di Negro[23] et lui apporte un jeu au style noble et ample, caractéristique de l'école de Viotti. Avant la composition de ses propres concertos, ceux de Kreutzer, Viotti et Rode étaient à son répertoire courant et synthétise les influences de l'école génoise de violon[24]. Le concerto de jeunesse désigné sous le numéro 6 montre bien ces influences, outre celle de la technique de Rolla.
En dehors de l'instrument, Paganini reçoit, sous la recommandation de Rolla, des leçons de composition (trois fois par semaine, durant six mois environ) par Ferdinando Paër (en passe de partir à Vienne), et surtout par Gasparo Ghiretti[7] (1754–1797), lui-même violoncelliste et maître du précédent, qui a sans doute beaucoup compté dans la formation musicale[8]. Dans une lettre de 1831 à Paër, alors parisien, Paganini signe[25] « votre disciple reconnaissant ». Il compose vingt-quatre fugues à quatre mains et plusieurs œuvres de musique instrumentale, mais beaucoup des œuvres de cette période d'étude ne sont pas restées[26]. Parallèlement, accompagné de son père, il effectue des tournées de concerts dès l'âge de quinze ans[27]. Lorsqu'il retourne à Gênes, fin 1796, il est déjà un compositeur accompli avec une excellente maîtrise de la théorie, de l'orchestration et du contrepoint.
En 1797, les troupes françaises arrivent à Gênes et la flotte anglaise fait blocus. Pour montrer l'étendue de son talent, il tente sa chance dans l'Italie du Nord : Livourne, Modène… où il arrive fin 1800 et se produit au théâtre Rangoni. Il joue des compositions écrites, mais s'attache à conserver un certain mystère sur ses techniques de jeu. Il est l'un des premiers musiciens à gérer sa carrière avec un sens certain de la publicité.
En 1801, âgé de dix-huit ans, Paganini s'installe à Lucques pour une dizaine d'années. Cette ville, qui peut se flatter d'une tradition musicale — elle a vu naître Geminiani, Manfredini et Boccherini[8] —, se trouve occupée par la France depuis fin 1799. Il donne son premier concert lors du festival de Santa Croce, après un examen :
« Quatre ans avant le couronnement de Napoléon à Milan, Paganini se rendit à Lucques pour la célèbre solennité religieuse de la Sainte-Croix ; selon les statuts, il fut soumis à un examen, et tous se moquaient de son long archet et de la grosse armature de ses cordes ; mais après l'épreuve, il eut de forts applaudissements, de sorte que les autres candidats et concertistes n'osèrent plus se faire entendre. »
— Autobiographie, transcrite par Peter Lichtenthal[28].
Cet usage de l'archet long et de la grosse armature de ses cordes trahit encore l'influence de l'école de Tartini[28],[29],[30]. Il est très applaudi lors du concert du dans la cathédrale, mais on lui reproche ses démonstrations peu orthodoxes d'homme et d'artiste, notamment quand, pendant le concert, il imite des cris d'animaux et émet d’autres sons bizarres[8], à la grande satisfaction d'un public hilare et conquis[31]. L'abbé J. Chelini s'en fait écho dans ses Mélanges[32] :
« La musique fut assez longue car on eut l'indiscrétion, et le manque d'égard pour le prélat, d'y faire exécuter – fait nouveau – un concert par un certain Paganini, jacobin génois, qui intervint juste après le Kyrie eleison, et ce concert dura 28 minutes. Ce monsieur avait une grande habileté, mais il n'avait ni discernement, ni jugement musical. Avec son violon il imitait le chant des oiseaux, les flûtes, les trompettes, les cors, de sorte que son concert finit par être un opéra bouffe faisant rire tout le monde en même temps qu'il suscitait l'admiration par son adresse et son aisance. »
Outre ses talents de violoniste, il se consacre plusieurs années (1801–1804) à étudier la guitare. Il a écrit plus de cent pièces pour violon et guitare ainsi que pour guitare seule[8] ; il est même capable de présenter des concerts dans lesquels il joue alternativement de ces deux instruments. En , il postule au rang de premier violon de l'orchestre lucquois. Sa nomination comme premier violon de l'orchestre républicain, où il joue avec Carlo, son frère aîné, également violoniste, est datée du [7],[33]. Elle lui offre la stabilité matérielle (12 écus par mois), avec obligation de former deux élèves[33]. Il enseigne tous les instruments à archet, y compris le violoncelle, et fait adopter une méthode de contrebasse à Francesco Bendettini, le premier contrebasse de l'orchestre[34]. Ses talents pédagogiques — alors qu'il n'a qu'à peine plus de vingt ans — sont confirmés par la suite. Il excelle aussi dans la direction d'orchestre, tâche alors demandée au premier violon-soliste[35].
Mais lorsque Élisa (sœur de Napoléon) et son époux, le prince Felice Baciocchi, arrivent dans la principauté, Paganini se trouve « rétrogradé » en « premier violon des seconds violons »[35]. Il est occupé à d'autres tâches : direction de l'opéra, « virtuose de la Chambre » — poste très convoité et prestigieux —, leçons à Felice Baciocchi, violoniste amateur[35] à la Congregazione San Felice — un établissement pour jeunes filles pauvres —, et cérémonies officielles, où il doit porter un uniforme[8].
Vers 1805 environ (en tout cas avant 1818), il compose les Vingt-quatre Caprices pour violon seul, qui contribuèrent à développer le jeu de l'instrument par l'emploi du mélange des techniques pizzicato et arco, avec la particularité de faire son pizzicato de la main gauche, les doubles harmoniques.
Parmi de nombreuses œuvres pour violon et guitare, il compose une improvisation effectuée sur les seules cordes aiguë et grave (mi et sol) figurant, pour l'une, la femme, et, pour l'autre, l'homme, intitulée Scène amoureuse, que Neill qualifie de « morceau insignifiant pour violon et guitare[36] ». Paganini raconte lui-même l'anecdote[37],[38] :
« Un soir, après avoir ôté deux cordes à mon violon (la 2e et la 3e), j'improvisais une sonate intitulée Scena amorosa, supposant que la 1re corde était l'homme (Adonis) et la chanterelle, la femme (Vénus). Telle est l'origine de l'habitude que je pris de jouer sur une corde ; car après les éloges qu'on me donna sur cette sonate, on me demanda si je pouvais jouer sur une seule corde ; ma réponse fut « certo » ! »
Élisa lui commande une autre composition, pour la fête de Napoléon, son frère. Il s'agit de sa première œuvre avec orchestre connue, datée entre 1805 et 1809[39], intitulée « Napoléon » et souvent appelée ensuite Sonata Napoleone — alors qu'il s'agit d'un thème suivi de trois variations (et non d'une forme sonate). La composition se consacre pour la première fois à la corde de sol, la corde grave, qui est haussée d'une tierce mineure pour obtenir des effets impossibles autrement[39]. Cette scordatura permet au musicien d'obtenir des « sons harmoniques plus nets et aussi une sonorité plus brillante[39] ». « Ce fut le début et l'origine même de ma prédilection pour la corde de sol… Je progressai de jour en jour jusqu'à ce que finalement, je maîtrise complètement ce style d’exercice[40] ».
Une relation amoureuse avec Élisa est détaillée par le récit de Paganini à son fils Achille, rapporté dans un article paru en 1931[41],[42]. Edward Neill est circonspect sur les aspects de la vie sentimentale propre à alimenter les romans et rapporte qu'Élisa était connue comme la « Sémiramis de Lucques, non seulement par ses talents mais aussi par la légèreté de ses mœurs » et poursuit en hypothèse, que c'est plutôt elle qui courtise Paganini, que le contraire[36].
Incipit du 24e caprice – thème repris par Liszt, Brahms, Rachmaninoff, Casella…
En 1810, Paganini décide de devenir indépendant et entreprend une tournée en Italie. Lors de ce voyage, il rencontre à Milan, de nouveau Alessandro Rolla, premier violon (chef) de l'orchestre de la Scala et professeur au conservatoire, qui l'invite à jouer au théâtre[8]. En 1813, impressionné par un passage d'un ballet de Süssmayr et du chorégraphe Salvatore Viganò, Il noce di Benevento [« Le Noyer de Bénévent »], où le hautbois introduit l'entrée des sorcières, rassemblées autour d'un arbre magique pour le Sabbat, il compose Le streghe pièce où il utilise pour la première fois les doubles harmoniques[8]. Sur scène, lorsqu'il interprète l'œuvre, il coupe ostensiblement les cordes aiguës pour jouer tout le morceau sur la seule corde de sol[43]. « Le feu jaillit, semble-t-il, de son Guarnerius, tandis qu'il joue Moïse ou la Danse des sorcières[44]. » Le correspondant de Milan de l’Allgemeine musikalische Zeitung fait part à ses lecteurs d'un concert de la fin de 1813 où il joue, entre autres, Le streghe :
« Le 29 octobre, M. Paganini, de Gênes, généralement considéré en Italie comme le premier violoniste de notre époque, donna une académie musicale au théâtre de la Scala. Il exécuta un concerto pour violon de Kreutzer (mi mineur) et, pour finir, des Variations sur la corde de sol… Son jeu est tout bonnement incroyable. Il fait des traits, des sauts, des doubles cordes que l'on n'a jamais entendus d'aucun autre violoniste, quel qu'il soit. Il joue les passages les plus difficiles à deux, trois et quatre voix en utilisant ses propres doigtés, qui sont uniques. Il imite bon nombre d'instruments à vents, et expose la gamme chromatique dans le registre le plus aigu, tout près du chevalet, avec une pureté presque inimaginable. Il étonne ses auditeurs avec les passages les plus difficiles joués sur une corde et, comme pour plaisanter, pince un accompagnement de basse sur l'autre. »
— Allgemeine musikalische Zeitung, 1814[45]
Le streghe, thème.
Lorsqu'il interprète des concertos de Kreutzer ou Rode, les critiques pointent les libertés ou inexactitudes par rapport à la partition ; Paganini répondant alors systématiquement, qu'il voulait jouer dans la « manière italienne »[8].
En 1814, il retourne à Gênes pour un cycle de concerts au Théâtre. Il tombe amoureux d'une jeune fille, Angiolina Cavanna, qu'il emmène à Parme les quelques mois que dure leur aventure[7]. À son retour, il est accusé d'enlèvement par le père d'Angiolina et passe quelques jours en prison (au violon[44], dans la langue populaire). Cet incident marque le début d'une série d'aventures identiques, sans que jamais le musicien entretienne une vie conjugale stable[8].
C'est en 1816, à trente-trois ans, que le compositeur achève son premier concerto pour violon. Originellement il est conçu et écrit en mi-bémol, avec violon accordé un demi-ton au-dessus, mais ses successeurs l'ont transposé en ré majeur[8].
Après Milan, Venise — où il rencontre Spohr — et Trieste, les tournées suivantes du virtuose l’entraînent au centre de l'Italie : Piacenza et Bologne, où il rencontre dans la première le violoniste polonais Karol Lipiński[7], avec qui il joue ()[46], le double concerto de Rodolphe Kreutzer ; et dans la seconde Rossini, début d'un longue amitié musicale et personnelle[8]. Rossini s'exclame[44] : « Heureux que Paganini ne se livre pas exclusivement au genre lyrique. Quel rival dangereux ! » Rossini aurait pleuré trois fois dans sa vie : lors de la chute de son premier opéra, au cours d'une promenade en bateau lorsqu'une dinde truffée tomba malencontreusement à l'eau, et enfin, lorsqu'il entendit pour la première fois Paganini[47],[48]. Paganini a composé trois cycles de variations sur Tancredi, Mosè in Egitto (Mose-Fantasia) et La Cenerentola.
Paganini se rend ensuite à Florence, Rome, Naples et Palerme, donnant de nombreux concerts et récitals[8]. Spohr le qualifie de sorcier dans une lettre du [49] :
« On raconte sur lui des choses qui n'ont rien de musical, on lui décerne des louanges hyperboliques, on dit de lui que c'est un véritable sorcier, et qu'il tire de son violon des sons jamais entendus avant lui. Les connaisseurs pensent au contraire qu'on ne peut lui dénier une grande agilité de la main gauche dans les doubles cordes et les passages de toute sorte, mais que ce qui intéresse le gros du public vulgaire, l'abaisse au rang de charlatan et ne parvient pas à le dédommager de ses défauts : un son fort, un grand coup d'archet, et un phrasé du chant qui manque de goût. »
En 1820, son éditeur Ricordi annonce la disponibilité des cinq premiers opus : les caprices op. 1, deux recueils de sonates pour violon et guitare (op. 2 et 3) et six quatuors avec guitare (op. 4 et 5). Les Caprices sont immédiatement jugés injouables[8]. Ils sont devenus aujourd'hui « La Bible » des violonistes[8], et pièces obligatoires du répertoire, car ils ne sont pas simplement une collection d'études ou d'exercices, mais un mélange parfait et bien équilibré de la technique du violon et du contenu musical[8].
Incipit du 17e caprice – utilisé ensuite par Liszt.
De l'automne 1820, datent aussi les Ghiribizzi (MS 43), ensemble de 43 Caprices, petites pièces pour guitare, notamment sur des thèmes empruntés de Rossini, Paisiello, Süssmayr, Mozart et Giuliani, destinées à la fille du Signor Botto de Naples et considérées par Paganini comme un « gribouillage »[50].
Alors à Rome, Rossini demande à Paganini de donner la première de son opéra Matilde di Shabran ()[7], en remplacement au pied levé, du chef tombé malade[38], qui remporte un vif succès[8].
La période suivante, alors qu'il revient à Gênes, est marquée par la maladie : un examen médical révèle une maladie vénérienne[8] et d'inutiles traitements – en plus de plusieurs affections pulmonaires[51]. Il rencontre la jeune chanteuse Antonia Bianchi qui l'accompagne dans ses déplacements lorsqu'il retrouve la santé, et ses concerts à La Scala, à Venise et à Trieste[8] jusqu'à l'automne 1824.
Il entame un nouveau cycle de tournées à travers l'Italie au début 1825 : Rome, Naples et Palerme, où sa réputation a considérablement augmenté. À Rome, il est fait chevalier de l'Éperon d'or[8] (par le pape Léon XII, le ) et nommé membre honoraire de l’Académie de Sainte Cécile. En juillet, Antonia Bianchi donne naissance à Achille Ciro Alessandro, seul enfant du musicien[8].
Alors qu'il est à Naples en 1826, Paganini termine son deuxième Concerto pour violon, op. 7, succès immédiat, en raison de son dernier mouvement faisant appel à un triangle pour imiter le son d'une clochette. Appelé plus tard lors de ses exécutions en Allemagne « La campanella », Liszt, juge qualifié[52] en avait été tellement impressionné, qu'il a composé une fantaisie : Grand fantasia de bravoure sur « La clochette », une de ses pièces pour piano les plus difficiles[8]. Liszt qui dira[53] : « Quel homme ! Quel violon ! Quel artiste ! Quelle souffrance, quelle angoisse, quels tourments ces quatre cordes peuvent exprimer ! »
Thème de La Campanella, troisième mouvement du second concerto.
Le troisième Concerto est écrit dès fin 1826 est orchestré en 1828 en prévision de la tournée viennoise.
En , Paganini quitte Milan pour Vienne, invité par le chancelier Metternich, rencontré à Rome[44],[7]. Il a quarante-six ans ; c'est le début de sa plus grande renommée, jusqu'en 1834[54]. C'est sa première tournée hors d'Italie, et il est accompagné d'Antonia Bianchi et du petit Achille. Lors de son séjour de trois mois, il donne quatorze concerts dans quatre théâtres différents dès le [55]. Dans l'un d'eux, Schubert[56], rapporte que : « Dans l’adagio de Paganini, j'entendis le chant des Anges » en parlant du 2e concerto[57]. Il a l'occasion de rencontrer ses collègues violonistes : Joseph Mayseder, Ignaz Schuppanzigh, Heinrich Wilhelm Ernst, Léon de Saint-Lubin et Josef Slavík[8] et de se rendre compte que son expérience en tant que soliste, chef et compositeur peut être améliorée. Il écrit à son ami et avocat, Luigi Guglielmo Germi[8] : « Qui si gusta la vera musica » [Ici, on apprécie la vraie musique]. Il remarque aussi au sujet des derniers quatuors à cordes de Beethoven « detta musica è molto stravagante » [cette musique est très extravagante][7].
Il compose son Capriccio sur « Là ci darem la mano » (hélas[pourquoi ?] perdu), Maestosa Suonata sentimentale et La tempesta , trois œuvres avec orchestre qui utilisent clairement la fibre sensible du peuple autrichien[8]. La dernière œuvre est conçue en quatre variations pour la corde de sol et se fonde sur l'hymne national autrichien emprunté au Quatuor à cordes op. 76 no 3 de Haydn. Le tout joué en présence de l'empereur qui nomme Paganini Kammervirtuos. Mais alors que la Suonata obtient un vif succès, La tempesta est un échec.
La liaison avec Antonia Bianchi prend fin après quatre années[7] : Paganini est contraint de payer une grosse somme à Bianchi mais il est convenu que l'enfant restera avec son père.
Paganini quitte Vienne pour Carlsbad à la fin de l'été, dans l'espoir d'améliorer sa santé. Il donne une série de six concerts en décembre à Prague. Alors que l'assistance l'ovationne, son jeu est considéré par les critiques[58] comme un simple affichage de virtuosité, et sa musique (rondo du 2e concerto) une technique qui n'a rien à voir avec la musique[8]. Le correspondant de la Hambuger Bœrsenhalle est l'un des plus violents[58] :
« Je fus une fois à ses concerts, et jamais plus il ne m'y reverra ; il a une grande agilité dans la main gauche, qu'on peut acquérir par l'exercice, sans talent, ni génie, ni esprit, ni intelligence – ce n'est qu'une habileté purement mécanique. Les choses qu'il répète surtout sans cesse sont un inexprimable amalgame sur le chevalet qui ne forme nullement des sons réguliers, mais un gazouillement de moineaux, puis à la fin de chaque variation un pizzicato rapide de six notes avec la main gauche. Il conduit son archet aussi pauvrement qu'on peut l'imaginer. »
Retenu à Prague par une opération dentaire, il fréquente les soirées privées de Václav Jan Tomášek et rencontre Julius Maximilian Schottky qui fera paraître en 1830, la première biographie du musicien[59], avec quelques informations utiles[8] :
« Il est aussi maigre qu'on peut l'être, avec cela, un teint blême, un nez d'aigle pointant en avant de longs doigts osseux. À peine paraît-il pouvoir supporter ses habits, et quand il fait la révérence, son corps se meut d'une façon si singulière que l'on craint à tout moment de voir ses pieds se séparer du corps et l'homme entier s'écrouler en un tas d'ossements[60]. »
En , commence une tournée de deux ans en Allemagne, avec un épisode en Pologne, pendant lequel il donne une centaine de concerts, dans quarante villes différentes[61]. À Berlin (), il est parrainé par Spontini, Kapellmeister du roi de Prusse et rencontre Carl Friedrich Zelter et Mendelssohn[7]. De fin mai jusqu'à , il est à Varsovie à l'occasion du couronnement de Nicolas Ier comme roi de Pologne ()[7]. Il donne une dizaine de concerts[61] et un jeune musicien de dix-neuf ans se rend à l'un d'eux « dont le souvenir hantera sa mémoire[62] ». C'est Frédéric Chopin, qui écrit[48] : « Le jeu de Paganini ne peut s'expliquer par les seules forces humaines : son art n'est pas une simple merveille, mais un prodige hors nature. » Il rencontre à nouveau Karol Lipiński. En raison de sa santé, il refuse les propositions de poursuivre son voyage jusqu'en Russie[63].
Il complète son quatrième Concerto pour violon entre l'automne 1829 et le mois de février suivant, et deux séries de variations : sur Il Carnevale di Venezia et God Save the King (qui est l'hymne national Prussien à cette époque)[7].
Spohr et Hummel l'invitent à se produire à Cassel et Weimar. Spohr, « son seul rival » au violon[54] commente l'événement dans ses mémoires[64] :
« En juin 1830, Paganini vint à Cassel et donna au théâtre deux concerts que je suivis avec le plus vif intérêt. Sa main gauche comme ses intonations toujours pures me parurent admirables. Dans ses compositions et son jeu, je trouvai cependant un certain mélange de génialité et d'un manque de goût enfantin ; de sorte que l'impression totale, après plusieurs auditions, ne me satisfit pas complètement. »
À Weimar, il rencontre Robert Schumann (qui compose ses Douze études d'après Paganini op. 3 et op. 10, en 1832/33 et fait apparaître conjointement Chopin et Paganini dans Carnaval) et Goethe[8], qui commente[57],[48] : « Il me manque une base pour cette colonne de flammes et de nuées. J'ai simplement entendu qu'une sorte de météore et je n'ai pas pu me rendre compte. Je pense qu'un tel phénomène n'est pas explicable par le seul jeu des lois humaines ».
Basé à Francfort, Paganini se noue avec Karl Guhr, chef d'orchestre à l'Opéra et excellent violoniste. Guhr laisse un ouvrage intéressant et pleinement informatif de tous les aspects techniques du style de jeu de Paganini[65],[66]. Là encore, bien que Paganini remporte succès et ovations, les critiques et les musiciens professionnels regrettent l'excentricité de son jeu[8].
En , après une halte à Strasbourg, Paganini prend la route de Paris avec impatience[8].
La première apparition parisienne de Paganini a été considérée comme un événement majeur – en cinq semaines, il donne dix concerts[68]. Le , pour le premier, la salle est bondée, malgré le prix doublé de l'entrée[8]. Il y figure le premier concerto, la Sonata militare qui sont des variations sur « Non più andrai » de Mozart, et des variations sur « Nel cuor più non mi sento », de Paisiello (extrait de La molinara), sous la direction de Habeneck. Les critiques – Castil-Blaze, Jules Janin et François-Joseph Fétis – sont unanimes pour louer le style et la technique extraordinaire de Paganini[8]. Ludwig Börne déclare : « Ce fut un enthousiasme divin, diabolique, je n'ai jamais vu ou entendu quelque chose de semblable de toute ma vie. Tous les gens sont devenus fous. » Fétis cependant émet des réserves :
« Si l'on considère les découvertes de Paganini dans leur application aux progrès de l'art et à la musique sérieuse, je crois que leur influence sera bornée et que ces choses ne sont bonnes qu'entre ses mains ; car médiocrement exécutées, elles seraient insupportables. L'art de Paganini est un art à part qui est né et mourra avec lui[69]. »
François Castil-Blaze écrit pour sa part[70] :
« Vendez tout ce que vous possédez, bradez tout, mais allez l'entendre. C'est le plus impressionnant, le plus surprenant, le plus merveilleux, le plus miraculeux […], le plus inattendu des phénomènes jamais survenus. » Puis : « Cinq pieds, cinq pouces, taille de dragon, visage long et pâle, fortement caractérisé, bien avantagé au nez, œil d'aigle, cheveux noirs, longs et bouclés. Les prunelles, étincelantes de verve et de génie, voyagent dans l'orbite de ses yeux. »
— Castil-Blaze, Journal des débats, 13 mars 1831.
Mais Paris apporte aussi la calomnie lorsqu'il refuse de jouer pour un concert de bienfaisance. Le musicien se voit traîné dans la boue et fait figure d'avare-type, dans une campagne de presse qui dure plusieurs années[71]. Invité à Londres, le séjour parisien est écourté. Après un concert, dans The Times le titre est : « il est non seulement le meilleur interprète qui ait jamais existé sur cet instrument, mais il forme une classe par lui-même ». Mais il est l'objet de la même campagne de dénigrement dès son arrivée à Londres qui juge exorbitants ses tarifs, qu'il est alors contraint de baisser[71]. Le 12 Janvier 1832 il donne un concert à Leeds. Il est revu par la presse locale ainsi:
'Sa personne est un poème. Il a quelque-chose de surnaturelle: C’est un homme presque sans ombre; mais son visage est généralement agréable, et son sourire témoigne d’une grande nature bienfaisante. Ses performances étaient: ‘Preludio e Rondo Brillante’; ‘Recitative e tre aria Variante’ (joué sur la quatrième corde)’; l’admirée ‘Variazione’ sur la ‘canzonetta’ napolitaine ‘Carnaval de Venise,’ descriptive des monstres et caprices d’un carnaval Vénitien, toutes composées par le Signor. On ne se sent pas compétent de parler de ce que l’on peut qualifier de ses miracles: Nous pouvons admirer ses harmonies délicieuses, ses cadences, sa dextérité extraordinaire, le son plus que musical de son fiddle. Il peut le faire grincer, et hurler, et rire, et pleurer et presque parler; il peut exprimer la gaîté et le chagrin, la tragédie, la comédie, ou la farce. Sa performance a été salué par des applaudissements illimités; mais il à décliné d’obéir aux cris de ‘encore!’'[72].
Il rencontre plusieurs musiciens italiens, notamment Pio Cianchettini, Michele Costa, Domenico Dragonetti, Michele Lablache, Nicolas Mori, Giuditta Pasta et Paolo Spagnoletti[8], avant d'entamer une tournée en Irlande et en Écosse avec le pianiste Cianchettini et Costanza Pietralia, chanteuse chargée de remplir la partie vocale de ses programmes. À Dublin, il donne une nouvelle œuvre pour violon et orchestre : Variations sur un thème irlandais « le jour de la Saint-Patrick » – évidemment conçu pour plaire au public irlandais, dont la partie solo est perdue[8]. Paganini retourne à Londres en , pour Paris : il a donné cinquante-neuf concerts en six mois[51].
Durant les années 1832 à 1834, Paganini s'intéresse au violon alto, en tant qu'instrument soliste. À Londres, il joue lors d'un concert privé, son Terzetto pour alto, violoncelle et guitare où Mendelssohn réalise la partie de guitare au piano[8]. Paganini aimait beaucoup jouer la musique de chambre de Mozart, Haydn et surtout Beethoven[73].
Berlioz décrit ainsi sa première rencontre avec Paganini ()[74], dans ses Mémoires[75] :
« Enfin pour comble de bonheur, un homme, quand le public fut sorti, un homme à la longue chevelure, à l'œil perçant, à la figure étrange et ravagée, un possédé du génie, un colosse parmi les géants, que je n'avais jamais vu, et dont le premier aspect me troubla profondément, m'attendit seul dans la salle, m'arrêta au passage pour me serrer la main, m'accabla d'éloges brûlants qui m'incendièrent le cœur et la tête ; c’était Paganini !! »
Le violoniste-altiste, enthousiasmé par la Fantastique[77], commande à Berlioz un concerto pour alto, mais après avoir pris connaissance des premiers brouillons, il rejette l'œuvre comme inadaptée et jamais le violoniste n'a joué l'œuvre. Berlioz réarrange ensuite le matériel pour sa symphonie « Harold en Italie » (1834). Paganini, bien que « trop souffrant » pour écrire, se résout malgré tout à composer une œuvre plus « appropriée » pour lui-même : en 1834, il présente sa Sonata per la Grand Viola, à Hanover Square Rooms. Le titre provenant de ce qu'il utilisait un alto de grande taille, emprunté à son ami Germi. Le concert ne rencontre qu'un succès d'estime, et malgré la rareté de son exécution, l'œuvre est une contribution majeure au répertoire de la littérature virtuose de l'alto au XIXe siècle[8].
Grâce à plusieurs centaines de concerts en quelques années, en Europe, dont à partir de 1831 à Paris, puis Londres, Paganini gagna plusieurs fois son propre poids en or : en une année il pouvait avoir récolté 300 kilos d'or[8].
Le jeune Henri Vieuxtemps, alors âgé de dix ans, effectue une dernière tournée en Belgique et aux Pays-Bas. Il écrira plus tard[78] : « Grand émoi ! Sensation ! Absence de faim et de soif ! Il y avait de quoi. Je m'en souviens encore. Je le vois. Les applaudissements qui l'accueillirent n'avaient pas de fin. Pour quelque temps, il avait l'air de s'en amuser et, quand il en avait assez, d'un coup d'œil d'aigle, diabolique, il regardait le public et lançait un trait, une fusée éblouissante, partant de la note la plus grave du violon jusqu'à la plus élevée, avec une rapidité, une puissance de son, une clarté, un étincellement de diamant si extraordinaire, si vertigineux que déjà chacun se sentait subjugué, fanatisé… » Il parle aussi des « chaînes magnétiques » qui reliaient le virtuose à la salle[53]. C'est ce que dit aussi Balzac écrivant, dans l'Interdiction (1836), à propos du peintre Alexandre-Gabriel Decamps[79] : Il « a dans son pinceau ce que Paganini avait dans son archet, une puissance magnétiquement communicative. »
Lors de son dernier séjour à Londres, Paganini tombe amoureux de Charlotte Watson, fille de son pianiste accompagnateur[8]. Le couple décide de se marier à Paris, mais Charlotte trouve au rendez-vous son père et non son fiancé… Le scandale est repris par la presse britannique et française et il est violemment attaqué par Jules Janin. Paganini n'est plus que l'ombre de lui-même[8].
Il quitte Paris pour l'Italie après six ans d'absence. Il a acquis une villa près de Parme, mais se rend à Gênes, où il compose pour les offrir à son ami Germi, violoniste amateur, les 60 Variations sur Barucaba pour violon et guitare. Le texte de cette chanson est une parodie des cérémonies du service de mariage juif. « Baruch-aba » signifie « être béni »[8]. En , il retourne à Parme, où l'archiduchesse Marie-Louise d'Autriche le nomme conseiller pour réorganiser l'orchestre ducal, fort de ses expériences avec les meilleurs orchestres européens. Mais toutes ses demandes ne sont pas approuvées, notamment des remplacements de personnel. Il dirige également, I puritani de Bellini et les ouvertures à Guillaume Tell de Rossini et Fidelio de Beethoven[8].
C'est à cette époque qu'Henri Heine dans Les Nuits Florentines, en brosse un portrait en termes hyperboliques[80] :
« C’était Paganini dans son noir costume de gala : habit noir et gilet noir de coupe effroyable, comme l’étiquette infernale le prescrit peut-être à la cour de Proserpine. […] Il portait une redingote gris foncé qui lui tombait jusqu’aux talons, ce qui faisait paraître sa taille très haute. Sa longue chevelure sombre descendait sur ses épaules en mèches tordues, et y formait une sorte de cadre noir autour de sa figure pâle et cadavéreuse où le chagrin, le génie et l’enfer avaient imprimé leurs ineffaçables stigmates. »
Après avoir démissionné de son poste, il se rend à Turin, où il joue pour Charles-Albert, puis déménage à Marseille et Nice. En , il est à Paris, intéressé dans un établissement « Casino Paganini » monté par son ami Lazzaro Rebizzo[8]. Il doit y donner deux concerts par semaine, mais sa santé l'empêche : la nouvelle entreprise fait faillite. Paganini est attaqué en justice pour rupture de contrat et condamné à payer une grosse somme en réparation[8].
À Paris, il compose des œuvres avec orchestre : la Sonate La primavera et Balletto campestre dont le thème est suivi de 49 variations. Avant de quitter Paris, à la fin de 1838, Paganini adresse un chèque de 20 000 francs à Berlioz avec un mot en italien : « Beethoven mort ; il n'y avait que Berlioz qui pût le faire revivre[84] ». Berlioz en retour lui a dédié sa symphonie Roméo et Juliette.
Paganini quitte Paris pour Marseille, puis Nice appartenant encore au royaume de Sardaigne, où le comte de Cessole, son élève et ami, met à sa disposition un appartement[85]. Sa carrière de concertiste et de compositeur est terminée. Il investit alors des sommes importantes dans l'acquisition d'instruments à cordes précieux et se fait marchand[8] jusqu'à l'épuisement de sa santé. Il perd la voix en [55].
Paganini meurt le à l'âge de 57 ans au 23, rue de la Préfecture, dans le vieux Nice. Une plaque commémorative en italien est apposée sur la façade.
Le talent de l'instrumentiste est tel que les plus impressionnables, ou les envieux[86], prennent ce dernier pour le diable[87],[52]. Malgré un testament qui réclame cent messes aux Capucins et recommande son âme « à l'infinie bonté de Notre Créateur », il est accusé d'impiété par l'évêque de Nice, Dominique Galvano : l'enterrement religieux lui est interdit, ainsi que l’inhumation en terre consacrée[8]. Il faut dire que le chanoine Caffarelli, dépêché au chevet du mourant, selon les dires de sa servante Teresa Repetto, « pénétrant d'emblée dans la chambre du malade, aurait cru habile d'engager ainsi la conversation : « Ah, ah, Moussu Paganini, ahura, es plus l'oura de sounà lou zounzoun » (à présent ce n'est plus le moment de jouer du crin-crin), ce qui eut pour résultat immédiat de redonner au moribond la force nécessaire pour lui désigner la porte[88]… »
Le comte de Cessole fait embaumer le corps, qui est exposé et est de nouveau pris pour l'incarnation du diable. Le comte de Cessole fait enlever par des amis de la haute société niçoise la dépouille, qui va connaître un étonnant périple[89].
Le corps est successivement déposé à Nice dans la cuve à huile d'une propriété du comte de Cessole, à la pointe Saint-Hospice du cap Ferrat, au Lazaret de Villefranche. En , il est transféré dans la maison paternelle de Paganini à Romairone dans le val Polcevera près de Gênes, puis à la villa Paganini à Gaione près de Parme en 1853[90]. En 1876, 36 ans après sa mort, le pape Pie IX ayant réhabilité Paganini, le corps est enfin transféré solennellement au cimetière de la Steccata à Parme[90], puis à la suite du déclassement de ce dernier vingt ans plus tard, dans un monument au centre du cimetière de la Villetta[91] de Parme[92]. La communauté musicale étant saisie de doute, après un tel périple, sur l'authenticité du corps, le cercueil est ouvert en 1893 en présence de son fils et du violoniste František Ondříček et en 1896[93], puis en 1940 à l'occasion du centenaire de la mort de l'artiste[89].
Paganini a eu peu d'élèves. On peut mentionner Cattarina Calcagno et Gaetano Ciaudelli, un violoncelliste[94], mais son véritable disciple est Camillo Sivori (1815–1894)[95],[96].
Passionné de cuisine, il compose en 1837, la première recette de ravioli avec la sauce tomate[97].
Ces deux instruments, transmis par donation et legs, sont la propriété de la commune de Gênes. Ils sont aujourd'hui conservés à l'Hôtel de ville, le Palazzo Tursi. À noter que, contrairement au « Cannone », le « Vuillaume » resta presque inutilisé jusqu’en 1992, lorsque la municipalité confia au luthier Scrollavezza le soin de sa restauration pour le ressusciter à la vie des concerts.
Paganini possédait également les instruments suivants, dont ceux marqués d'un astérisque font partie d'un ensemble d'instruments appelés Quatuor Paganini ayant été joués par différents ensemble de quatuors à cordes depuis 1946 (Paganini, Cleveland, Tokyo, Hagen) :
Paganini benéficia, en plus d'une technique développée, d'une morphologie particulière : ses mains, sans être plus grandes que la normale, étaient dotées d'une extensibilité hors normes. « Ainsi, par exemple, il imprimait aux dernières phalanges de la main gauche qui touchait les cordes, un mouvement de flexion extraordinaire, qui les portait, sans que sa main ne se dérange, dans le sens latéral à leur flexion naturelle, et cela avec facilité, précision et vitesse. » Une théorie prétend que N. Paganini aurait souffert du syndrome de Marfan[103],[104] mais une hyperlaxité ligamentaire telle que la sienne n'est pas exclusive à ce syndrome particulier et peut avoir diverses explications médicales. Sa technique fit sensation dès son plus jeune âge.
On rapporte que son ouïe était remarquablement développée :
« La délicatesse de l'ouïe de Paganini surpasse tout ce qu’on pourrait imaginer […] Au milieu de l'activité la plus bruyante des instruments de percussion de l'orchestre, il lui suffisait d'un léger toucher du doigt pour accorder son violon ; il jugeait également, dans les mêmes circonstances, de la discordance d'un instrument des moins bruyants et cela, à une distance incroyable. »
— Francesco Bennati, 1831[105].
Ce qui frappe peut-être le plus chez Paganini, c’est la pertinence et la précision des effets et des thèmes qu’il propose, que ce soit à travers le violon ou l’orchestre. Nombre de ces thèmes ont été imités dans d’autres œuvres, intégralement dans la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov, la Campanella de Liszt, ou par bribes (bariolages du violon de ses 4e et 5e concertos par exemple se retrouvent dans les œuvres de Mendelssohn (op. 64), de Saint-Saëns (Introduction e Rondo Capriccioso), de Sibelius (op. 47), de Rimski-Korsakov (Schéhérazade, 3e mouvement), pour ne citer que les plus connus). C’est peut-être cela, cette « puissance magnétiquement communicatrice » comme le disait Balzac, qui justifie le mieux l’expression consacrée pour décrire l’art de Paganini : le « violon du Diable ».
Plus posément, Carl Guhr, Kapellmeister (directeur artistique) du théâtre de Francfort, après avoir maintes fois observé et écouté Paganini, distingua dans un article consacré à l’art de Paganini au violon[106], vers 1829–1830, six différences majeures, entre Paganini et « tous les autres violonistes », six innovations principales[107],[66],[108] :
Paganini fut un compositeur de la fort riche période, intermédiaire entre la fin du classicisme et le début du romantisme, au début du XIXe siècle. Il était contemporain de Beethoven, Schubert, Rossini, Chopin, Liszt, Berlioz, et certains d'entre eux devinrent ses amis : Berlioz composa pour lui Harold en Italie, Liszt s’inspira de ses Caprices pour écrire différentes œuvres pour piano seul, par exemple. Mais Paganini n’est pas un simple spectateur de l’avènement du romantisme, il en est l'un des créateurs primordiaux. Tout comme les travaux de Chopin et Liszt vont faire entrer le piano dans l’univers romantique, tout comme ceux de Beethoven et Berlioz métamorphosent l’art symphonique, Paganini révolutionne la façon de jouer du violon.
Bien qu’ayant relativement peu composé, Paganini laissa des œuvres majeures qui ont influencé la plupart des compositeurs d’œuvres pour le violon, ou pour violon et orchestre, après lui : Vieuxtemps, Spohr, Wienawski, Mendelssohn, Saint-Saëns, Sibelius, Jenő Hubay, Lipinski ou Glière, entre autres. On constate que cette influence ne se limite pas au XIXe siècle, mais se poursuit au cours du XXe, en même temps que l’on voit apparaître tardivement des compositions différentes, comme celles de Chostakovitch ou Prokofiev. De même que parmi les premiers romantiques sus-cités, il est assez difficile de trouver des précurseurs du style et de la technique de Paganini. On peut penser cependant aux travaux de Locatelli dans L'arte del violino, ou à Vivaldi dans une certaine mesure. Le célèbre violoniste Ivry Gitlis estime qu'il y a « un avant Paganini, et un après Paganini, que toute la musique, que toute l'écriture de la musique a été métamorphosée par Paganini[109],[110] ».
L’influence de Paganini est en particulier marquée par les 24 Caprices, exposition directe, virtuose et impressionnante de toutes les capacités du violoniste, et qui demeurent le « Mont Everest » pour tout violoniste d'aujourd'hui. Paganini y condense en effet toutes les difficultés techniques de l’instrument, y apportant une nouvelle façon de l’employer, puissamment vivante et expressive.
Cette volonté se retrouve, peut-être amplifiée, dans ses six concertos pour violon et orchestre. Ces œuvres sont parfois vues comme de pures glorifications du soliste dont les démonstrations techniques avaient été écrites dans le but principal de révéler les talents stupéfiants du virtuose Paganini ; il serait erroné de les réduire à cette seule dimension. Si l’orchestration reste peu développée en comparaison de celle des compositeurs qui ont suivi, elle n’est pas pour autant rudimentaire. Outre le violon lui-même, de nombreux effets de l’accompagnement, utilisation des bois, des pizzicati, et le triangle, notamment, frappèrent les esprits par leur originalité et leur perspicacité, et furent repris dans d’autres œuvres.
Paganini a eu une influence notoire dans le monde du hard rock instrumental à base de guitare électrique. Son style éblouissant a notamment profondément marqué le guitariste suédois Yngwie Malmsteen dans l’album Yngwie J. Malmsteen’s Rising Force. À la suite de cette influence paganinienne, ainsi que celle de Jean-Sébastien Bach, représentant du violon classico-baroque germanique, à l'opposé du franc romantisme de Paganini, il créa un nouveau genre musical : le Metal néo-classique ou « baroque and roll », où la virtuosité instrumentale est mise en avant. Malmsteen reprend en effet dans sa musique certains thèmes de Paganini : le Concerto no 4 en concert et le Caprice no 24 dans la chanson Prophet of doom. Suivant le courant néoclassique créé par Malmsteen, plusieurs guitaristes, tels Vinnie Moore, Tony MacAlpine, Georges Bellas, Theodore Ziras ou Jason Becker se sont inspirés du style de Paganini. Ajoutons enfin que Steve Vai fera une adaptation du caprice no 5 dans le célèbre duel de guitare du film Crossroads (1986).
Niccolò Paganini laisse environ deux cent cinquante œuvres musicales. Le catalogue des œuvres a été dressé par Moretti et Sorrento (Gênes, 1982). Une publication complète des œuvres est engagée depuis 1976 : Paganini, N. : Edizione nazionale delle opere. Sur les bases du catalogue M.S. et de sa discographie (Bibliothèque nationale de France, juin 1997, impression 715 116) Gérard Thomas-Baruet a établi les listes alphabétiques quasi complètes des œuvres de N. Paganini et de son disciple C. Sivori.
Incipit du Moto perpetuo.
Fritz Kreisler a arrangé nombre d'œuvres pour violon seul de Paganini en ajoutant une partie de piano ou d'orchestre (pouvant être réduite au piano), notamment : Le streghe, le Rondo La Campanella (du 2e concerto), le Moto perpetuo, op. 11, l'Introduction et Variations sur le Non più mesta de Rossini (La Cenerentola) et les Caprices op. 1.
Hubert-Félix Thiéfaine fait référence à l'artiste dans son titre Les Ombres du soir extrait de l'album Suppléments de mensonge.
En 1946, est fondé le Paganini Quartet, par Henri Temianka (premier violon). Il a la spécificité de jouer sur quatre instruments de Stradivarius ayant appartenu à Paganini, désigné sous le nom de Quatuor Paganini : le Comte Cozio di Salabue de 1727 ; le Desaint, de 1680 ; l'alto est le Mendelssohn, de 1731 ; le violoncelle est le Ladenburg de 1736. Le quatuor a été actif jusqu'en 1966 et les instruments conservés à la Corcoran Gallery of Art de Washington. Puis prêtés dès 1982 au Quatuor de Cleveland jusqu'à leur dissolution en 1995. Depuis 1994, les instruments sont la propriété de la Nippon Music Foundation et prêtés au Quatuor de Tokyo de fin 1995 à 2013 ; puis au Quatuor Hagen.
En 1954, est créé un concours international de violon (Premio Paganini)[122], organisé dans sa ville natale, Gênes ; où se sont distingués successivement chaque année : György Pauk et Gérard Poulet, Salvatore Accardo, Jean-Jacques Kantorow, Gidon Kremer, Ilya Grubert, Isabelle Faust, Ilya Gringolts et bien d'autres virtuoses. Les gagnants ont chaque année le privilège de jouer sur le violon de Paganini « il Canonne » décrit plus haut et considéré en Italie comme trésor national.
Le conservatoire de la ville de Gênes porte son nom, Conservatoire Niccolò Paganini.
Un certain nombre de virtuoses instrumentaux sont désignés par le terme « Paganini de... » à l'exemple de :
Depuis 1934, une rue de Paris (20e arrondissement) porte son nom[123].
Une planète mineure, découverte en 1978 par l'astronome Nikolaï Tchernykh, dans la ceinture d'astéroïdes, est nommée 2859 Paganini d'après le musicien[124].
Salvatore Accardo et l’Orchestre philharmonique de Londres dirigé par Charles Dutoit, ont enregistré au milieu des années 1970, l'intégrale des concertos pour violon, qui est souvent considérée comme une référence.
Le violoniste suisse Alexandre Dubach a enregistré l’intégrale des six concertos : Complete violin concertos, avec l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, dir. Lawrence Foster et Michel Sasson[125].
D'autres violonistes célèbres comme Menuhin, Rabin, Szeryng, Perlman, Vengerov, Hahn ont également enregistré certains concertos (généralement le premier).
Itzhak Perlman a enregistré l’ensemble des Caprices dans des versions remarquables. Alexander Markov, Michael Rabin, Ivry Gitlis, Ruggiero Ricci, Shlomo Mintz, Salvatore Accardo, Julia Fischer et James Ehnes également (deux fois), ainsi que David Garrett dans la version avec piano de Schumann.
Luigi Alberto Bianchi et Maurizio Preda ont enregistré l'ensemble des œuvres pour violon et guitare de Paganini (1985, Dynamic) et Gil Shaham et Göran Söllscher un choix important (1993, DG). Perlman et John Williams laissent un disque consacré aux duos (1976, Sony).
Pour les Sei Sonata op. 2 et op. 3, on retient la version de Eduard Grach et Andrei Garin et l'intégrale des 37 sonates par Guido Fichtner.
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