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Le citoyen d'honneur[1] était, dans l'Empire russe, l'équivalent russe du bourgeois honoraire suisse ou du bourgeois enregistré des bonnes villes de l'Ancien Régime, à ceci près[2] que les prérogatives attachées à cette qualité étaient valables dans tout l'Empire, à la différence de celles du bourgeois français ou suisse, dont les droits ne s'exerçaient que sur le seul territoire de la commune où il était enregistré.
Si le statut a été créé sous cette dénomination en 1832 par un manifeste de l'empereur Nicolas Ier, sur proposition du ministre comte Cancrin, le manifeste ne faisait que reprendre, quoiqu'en les élargissant à d'autres catégories, la plupart des dispositions de la classe des citoyens éminents, instituée en 1785.
Voilà pourquoi il est généralement admis que ces deux statuts successifs, concernant peu ou prou la même classe sociale, sont à traiter ensemble.
C’est assez tardivement, en 1785, que la dynastie des Romanov introduisit le titre et le statut de citoyen éminent[3] des bonnes villes[4]. En effet, Catherine II, consciente des lacunes du système de la Table des Rangs — système qui éliminait d'office de la course aux honneurs les académiciens artistes ou intellectuels, ainsi que, d'autant plus, les entrepreneurs — introduisit le dans sa Charte des droits et des privilèges des bonnes villes de l'Empire russe[5] le titre, alors viager[6], de citoyen éminent d’une ville.
Décernée à titre viager, la dignité de citoyen éminent devint rapidement, durant sa brève existence, quasi-héréditaire, les formalités exigibles des fils légitimes des citoyens éminents étant tout à fait symboliques.
Tout citadin jouissant d'une bonne réputation pouvait prétendre au brevet de citoyen éminent s’il souscrivait à l’une des sept conditions suivantes :
Les privilèges attachés au titre de citoyen éminent reprenaient certains de ceux de la noblesse de service[8] :
Certains droits accordés étaient, par contre, tout à fait réservés à cette nouvelle classe de bourgeois :
Enfin, l'appartenance à cette classe pouvait aussi servir de tremplin vers la noblesse héréditaire, sous réserve que le postulant puisse prouver (1) qu'il avait mené (au moins) trente ans de vie honorable dans ce statut et (2) que ses père et grand-père en lignée paternelle légitime étaient déjà eux-mêmes citoyens éminents ou équivalents[12].
Paul Ier, empereur assez moderniste dans sa conception de la société et conscient du grand retard de l'Empire en matière d'économie, poursuivit l'œuvre de la mère abhorrée en créant deux titres de cour (administratifs, non transmissibles) destinés aux seuls marchands et entrepreneurs, afin de mieux solliciter leurs compétences: conseiller du commerce et conseiller des manufactures. Assimilés aux assesseurs de collège[13] de la Table des rangs, ces nouveaux titres permettaient à leurs détenteurs de prétendre à la noblesse personnelle, notamment de posséder un domaine avec des serfs[14] ou de pouvoir inscrire leurs enfants aux lycées et aux universités. Leurs bénéficiaires étaient citoyens éminents (héréditaires) de plein droit.
La noblesse étant toujours hésitante à l’égard du (petit) commerce, activité jugée particulièrement infamante[15], Alexandre Ier revint sur la charte de Catherine et réserva aux seuls membres[16] de la 1re Guilde[17], aux intellectuels et aux artistes le bénéfice de la citoyenneté éminente (manifeste du – Alexandre Ier), citoyenneté éminente dont les droits furent encore augmentés, les différences avec la noblesse personnelle s'estompant encore plus : droit de se présenter à la cour[18], droit de ceindre l'épée[19] et inscription dans le Livre de velours des marchands[20].
Conscient du caractère trop restrictif des conditions d'adhésion à ce statut, George Cancrin, alors ministre des Finances et lui-même issu de la moyenne bourgeoisie hessoise[21], soumit en 1827 un mémoire à l'adresse du tsar où il détaillait les avantages que l'Empire aurait à créer une classe de bourgeoisie héréditaire permettant aux commerçants et aux industriels, notamment juifs[22], de s'épanouir en Russie, et donc d'y développer durablement l'économie. Après cinq années de très longues délibérations[23], le tsar Nicolas Ier promulgua le un manifeste élargissant les conditions d'obtention de ce statut, créant la classe des citoyens d'honneur.
Le manifeste du refondait complètement les différentes dispositions présidant aux citoyens éminents, supprimant notamment les titres de marchand de 1re classe et de citoyen éminent, créant ainsi une nouvelle classe de bourgeois, à mi-chemin entre la noblesse et le peuple, désormais appelés citoyens honoraires, ou, plus généralement, honoraires, à l'instar de ce qui existait alors dans de nombreuses villes d'Europe.
Les citadins libres[24] étaient désormais répartis en cinq classes :
Les citoyens honoraires, au faîte de la hiérarchie municipale, se trouvaient donc placés au 5e rang de la hiérarchie sociale de l'Empire, soit après, dans l'ordre décroissant, le souverain, les membres légitimes de la Maison impériale, la noblesse héréditaire et le haut-clergé. Ils étaient répartis en honoraires héréditaires et honoraires viagers, ces derniers disposant de privilèges à titre personnel uniquement.
Étaient considérés honoraires héréditaires de plein droit les[25]:
Grande nouveauté par rapport aux citoyens éminents : les grands corps de l'État - ministères et organisations - pouvaient proposer chaque année une liste de personnalités jugées dignes de la citoyenneté honoraire, quand bien même elles ne pouvaient y prétendre à titre personnel.
Quasiment oubliée dans la première moûture (1832), l'élite des Juifs russes fut rapidement associée à la bourgeoisie héréditaire grâce à la révision de son statut en 1835 : d'étrangers permanents, ils[30] devenaient une des forces vives de l'administration russe, qui en attendait tant pour son développement économique.
Les Juifs habitant l'Empire étaient jusqu'alors tous considérés comme des étrangers résidents permanents[31], et dépendaient donc du statut correspondant, assorti de l'obligation de vivre dans des villages ou des quartiers réservés[32]. Et bien peu avaient pu changer de statut, fors quelques intellectuels ou financiers, comme le baron Pierre Chafiroff, fils d'un prisonnier polonais converti et l'un des plus célèbres diplomates de Pierre le Grand.
Sous l'influence du parti allemand, alors favorable à la création d'une bourgeoisie voire d'une noblesse juive en Russie[33], et poursuivant la politique d'intégration de toutes les composantes de l'Empire[34], l'empereur Nicolas Ier révisa leur statut[35] dans un manifeste du , manifeste qui permettait désormais aux Juifs titulaires d'un diplôme (russe ou étranger) de postuler à la citoyenneté honoraire viagère ou héréditaire (cette dernière réservée à ceux qui avaient un doctorat).
Toutefois, la situation des Juifs ou des orthodoxes d'origine juive s'aggrava à nouveau à partir de , avec la publication des Lois de mai, d'inspiration antisémite, et dont l'objectif avoué était d'empêcher quasi-systématiquement ces citoyens russes de s'élever dans la société.
Comme pour les nouveaux nobles[36], les postulants honoraires[37] devaient obtenir l'enregistrement[38], moyennant finances[39], de leur nouveau statut par la Commission héraldique du Sénat. Cet enregistrement pouvait, le cas échéant, s'accompagner de celui d'armoiries familiales[40].
Bien entendu, les récipiendaires d'un ordre de chevalerie qui bénéficiaient de la noblesse personnelle n'était pas tenus par de telles obligations, l'inscription dans les registres de l'ordre suffisant, puisqu'elle était connue (et avalisée par) de la Commission héraldique; ils étaient néanmoins tenus de s'y plier pour faire, de leur libre volonté, enregistrer leurs éventuelles armoiries[41] (les droits étant différents).
Les droits et privilèges accordés aux citoyens d'honneur reprenaient la plupart de ceux des citoyens éminents:
Les citoyens d'honneurs, héréditaires ou personnels, pouvaient perdre leur statut lors de condamnations de justice, que ce soit à la suite d'une faillite personnelle, d'une condamnation politique ou autre, d'un scandale de mœurs, une activité servile, etc.
Dans certains cas (activité servile[46] ou condamnation pour affaires de mœurs), la déchéance n'était que provisoire et s'éteignait au décès du dérogeant.
Bien suivie par les statistiques russes de l'époque, la nouvelle classe des citoyens d'honneur, future épine dorsale de la Russie industrielle pré-révolutionnaire, se développa rapidement mais resta toujours considérée non comme une classe à part entière, mais plutôt comme le prodrôme de la noblesse (héréditaire), pilier du système impérial.
Moins structurée, moins organisée et surtout plus récente que la noblesse, cette classe sociale aura bien moins marqué l'histoire russe que son aînée, la noblesse russe, à laquelle elle tendait. Une bonne partie des Russes blancs, notamment les intellectuels et les industriels, relevaient toutefois de ce statut.
Quelques noms célèbres :
Cette petite note ne concerne que les seuls honoraires héréditaires, les honoraires viagers étant quasiment intraçables.
Quoique la classe des citoyens d'honneur ait été officiellement abolie le [54] par décret du Comité central exécutif du Parti communiste russe, le statut des familles descendant légitimement d'un honoraire héréditaire, c'est-à-dire d'un détenteur de droits nobiliaires à titre personnel (noblesse viagère)[55], correspond à celui des familles françaises de noblesse inachevée et est traité comme tel par l'Union de la noblesse russe (UNR).
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