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musicologue et indianiste français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Alain Daniélou - aussi appelé suivant son nom indien Shiva Sharan, le protégé de Shiva, littéralement « shiva-refuge », né le à Neuilly-sur-Seine (France) et mort le à Lonay (Suisse), est un indianiste et musicologue français.
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Shiva Sharan |
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Jean Daniélou Catherine Daniélou (d) |
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Distinctions | Liste détaillée Prix Broquette-Gonin () Officier de la Légion d'honneur Fellow of the Sangeet Natak Akademi (d) Commandeur des Arts et des Lettres Officier de l'ordre national du Mérite |
Archives conservées par |
Le chemin du labyrinthe, Mythes et dieux de l'Inde. Le polythéisme hindou, Shiva et Dionysos |
Il est le fils de Charles Daniélou, homme politique breton, radical, maire de Locronan et plusieurs fois ministre, ami d'Aristide Briand, plutôt anticlérical. Sa mère Madeleine, appartenait à une vieille famille normande[2],et fut la fondatrice des institutions Sainte-Marie et d'une université libre de jeunes filles. Son frère Jean fut créé cardinal par le pape Paul VI. Alain, quant à lui, se tournera vers l'hindouisme. Il dit être "un enfant des fées"[3] c'est-à-dire qu'il ne se sent pas appartenir à son milieu, dans lequel il considère être né par hasard, et se sent étranger à son milieu d'origine, d'autant plus qu'il est homosexuel[4]. De santé fragile, Daniélou n'est pas ou peu scolarisé et suit une formation d'autodidacte complétée par un séjour dans un collège américain en 1926 : le St. John's College (en) à Annapolis dans le Maryland. Cette première expérience à l'étranger lui plait et il est bien intégré sur le campus où il passe pour le jeune français artiste qui compose des poèmes, dessine, peint... Il en retire aussi un goût pour la langue anglaise qu'il traduira et vers laquelle il traduira plus tard différents ouvrages classiques indiens comme Le roman de l'anneau, The Ankle bracelet.
Daniélou reçoit une excellente éducation musicale, débutant dès l'âge de douze ans l'étude du piano. En tant qu'autodidacte pour cet instrument, il a une approche singulière de la musique, qui le situe tout de suite dans une interprétation personnelle des compositions : "Je n'ai jamais entendu un pianiste et je ne reçus de personne le moindre conseil. Ma compréhension de la musique resta une expérience strictement personnelle. La musique était une chose vivante : une projection émotive de moi-même"[5]. Plus tard il étudie le chant avec le chanteur lyrique Charles Panzéra et la composition avec Max d'Ollone[6]. Il s'intéresse aussi très tôt aux musiques extra-européennes et reçoit, en 1929, une bourse pour l'étude de la musique traditionnelle algérienne. De 1927 à 1932, il fréquente l'intelligentsia parisienne : Jean Cocteau, Max Jacob, Serge de Diaghilev, Igor Stravinsky, Henri Sauguet, Nicolas Nabokov et bien d'autres. De ces années, Jean Marais témoigne : « Alain Daniélou sans le savoir a marqué ma vie (...) c'était quelqu'un pour moi de fantastique (...), quelqu'un qu'on avait envie d'écouter »[7].
Dès 1932, il fait de nombreux séjours en Inde, se liant avec Rabîndranâth Tagore qui lui propose de devenir directeur du département musical de son école de Santiniketan. Cette rencontre est une première porte vers le monde lettré indien[8]. Daniélou gardera un lien avec le poète ; il adapta plusieurs de ses mélodies pour le piano, et traduisit ces mêmes chants du bengali en français et en anglais[9].
En 1937, il s'installe à Vârânasî où il étudie la vînâ, six ans durant, avec le guru Shivendranâth Basu, mais aussi le hindî, qu'il finira par parler comme sa langue maternelle et le sanskrit. Le palais de Rewa Kôti représente un écrin dans lequel Daniélou commence son apprentissage de l'Inde en profondeur. Au bord du Gange, ce palais ancien est à louer pour une somme modeste pour leur bourse : Alain et son compagnon Raymond Burnier s'empressent de le louer... pour quelques jours pensent ils... ils y restèrent plus de 15 ans[10] ! Cette installation apparaît comme une évidence ; ainsi Daniélou relate-t-il avec humour l'effet de la ville sacrée sur le voyageur de passage : "Si vous voulez connaître votre caractère point n’est besoin d’un astrologue. Il vous suffit d’aller à Bénarès. Trouvez-vous l’endroit dégoûtant, l’atmosphère irrespirable, vous vous trouvez mal devant les foyers funéraires, c’est que vous êtes un esprit bourgeois rangé, peu adaptable, voyager ne vous apprendra rien ; si vous trouvez Bénarès mystique ou sublime, si les mendiants vous semblent des saints, et si vous vous précipitez à la société théosophique pour revêtir un costume de bure prudemment désinfecté de tout microbe de lèpre ou de typhus, vous êtes sentimental, instable et socialiste, dans la mesure où vous possédez des revenus qui vous permettent de vivre sans travailler."[3]. Inutile de se demander à quelle catégorie appartient Alain Daniélou. Son œuvre et sa vie le démontrent suffisamment. En effet, cette installation inopinée à Vârânasî marque le début d'une formation à l'indienne selon l'approche traditionnelle dans de nombreux domaines : "Bénarès est le cœur du monde hindou. C’est une ville sacrée où vivent cachés les grands lettrés et où se réunissent les moines errants qui transmettent les traditions d’une civilisation multimillénaire"[3].
L'apprentissage de la vînâ est long et difficile, et il implique une grande disponibilité : celle de se rendre chez le maître au moment propice de la journée ou de la nuit à laquelle le râga appris doit être joué, celle d'accepter de travailler sans relâche et sans auditeurs. Ainsi Daniélou rapporte-t-il dans ses mémoires que Shivendranâth Basu lui aurait intimé l'ordre de ne pas jouer devant lui : "Tu me ruinerais les oreilles, je ne pourrais le supporter"[11] Ce n'est qu'au bout de deux ans qu'il fut autorisé à jouer devant le maître. Parallèlement, l'apprentissage du hindi devient le quotidien de Daniélou qui s'interdit de parler une autre langue que cette dernière dans le palais de Rewa Kôti où il a élu domicile avec son compagnon Raymond Burnier[12].
En 1945, il est nommé directeur adjoint du Collège de Musique de l'université hindoue de Bénarès et commence alors à collecter des copies de manuscrits sanskrits sur la théorie musicale, une collection aujourd'hui hébergée par la Fondation Giorgio Cini à Venise. Une importante correspondance avec le Visva Bharati, université créée par Tagore, atteste de ces travaux de notation, de théorie musicale et d'harmonisation des chansons du poète.
C'est à Bénarès aussi qu'il fait la connaissance du samnyâsin Swami Karpatri qui lui fait découvrir l'hindouisme shivaïte. Cet enseignement capital a influencé ses œuvres majeures telles que Mythes et dieux de l'Inde, La fantaisie des dieux et l'aventure humaine, ou encore Les quatre sens de la vie.
Il fait aussi plusieurs voyages à Khajurâho, Bhûvaneshwar, Konârak, en compagnie de son compagnon photographe suisse Raymond Burnier, pour enrichir sa connaissance de l'architecture et de la sculpture indiennes médiévales, voyages au cours desquels il amasse une importante documentation iconographique. Cette documentation donnera lieu à différents ouvrages tels que Visages de l'Inde médiévale, Le Temple hindou, L'érotisme divinisé ou encore L'inde traditionnelle.
Sympathisant des indépendantistes indiens, les combattants pour la liberté, il fréquente la famille Nehru.
Après dix-sept années passées à Bénarès, il s'installe à Madras en 1954 et occupe durant deux ans le poste de directeur de la bibliothèque de manuscrits et des éditions sanskrites d'Adyar. Deux ans plus tard, il intègre le département d'indologie de Institut français de Pondichéry et l'École française d'Extrême-Orient. Il se procure alors l'un des premiers magnétophones Nagra à manivelle et commence une collecte des musiques traditionnelles en Inde mais aussi au Cambodge, au Laos, en Iran, en Afghanistan, au Japon et il fait paraître la première anthologie de musique classique indienne où figure, en particulier, Ravi Shankar et Ali Akbar Khan en duo.
Dans les années 1960, il rentre en Europe et crée les Instituts de musique comparée de Berlin (1963) et de Venise (1969), organise des concerts pour faire découvrir au public occidental les grands musiciens de l'Asie et publie des collections de disques de musiques traditionnelles sous l'égide de l'Unesco. C'est grâce à lui que l'on découvre en Occident le kathakali. Il rédige aussi des ouvrages de référence comme Mythes et Dieux de l'Inde, Le Polythéisme hindou, Les Quatre Sens de la Vie, Musique de l'Inde du Nord, Sémantique musicale, Visages de l'Inde Médiévale, Le Temple hindou, La Sculpture érotique hindoue, L'Érotisme divinisé, une histoire de l'Inde et un livre sur le yoga, touchant à tous les aspects de la vie indienne.
Il est consultant pour la musique sur le documentaire Inde, terre mère de Roberto Rossellini et le film Le Fleuve de Jean Renoir dont l'action se situe en Inde.
Officier de la Légion d'honneur, officier de l'ordre national du Mérite et commandeur des Arts et des Lettres, Daniélou reçoit aussi en 1981 des mains de Yehudi Menuhin le prix Unesco-Cim de la Musique, puis en 1987, la médaille Kathmandu de l'Unesco. Le , une soirée de gala est organisée à l'Espace Cardin en l'honneur de ses quatre-vingts ans, avec la participation exceptionnelle de Mady Mesplé. En 1991, l'Académie nationale indienne de musique et danse le nomme membre associé. Il meurt en Suisse le [13],[14],[15],[16].
Son œuvre est traduite en douze langues dans plus de dix-huit pays.
Les considérations de Daniélou sur la tradition hindoue seraient en désaccord avec ce que la communauté des indianistes considère comme établi. Ainsi, il critique une conception assez répandue de la réincarnation basée sur l’idée d’un moi transmigrant, liée à des théories ésotériques occidentales modernes plus qu'à l’héritage indien, dans lequel le sujet de la réincarnation – indissociable de la question du karma – s'avère particulièrement complexe et varie selon les différents courants (premières upanishads, bouddhisme, hindouisme classique et post-classique)[17]. Il affirme ainsi : « La théorie de la réincarnation, qui veut croire à la pérennité du moi, cherche à remplacer les stades de l'évolution d'une lignée par les aventures d'un être individuel errant d'espèce en espèce (…) La migration du Lingä-sharirä est envisagée seulement comme un phénomène de transmission héréditaire et non comme une réincarnation qui représente un vagabondage de l'individualité à travers les corps les plus divers. La théorie de la réincarnation, telle qu'elle apparait dans l'Hindouisme tardif, ne fait partie ni de l'ancien shivaïsme, ni du védisme. Elle provient du Jaïnisme qui l'a transmise au Bouddhisme puis à l'Hindouisme moderne. »[18].
D'une manière générale, il adopte la doctrine indienne des cycles de progression et de régression, ce qui le conduit à refuser les dates généralement admises par tous les autres indianistes. Ses datations sont généralement beaucoup plus anciennes qu'habituellement et parfois il place les périodes de la civilisation hindoue à des dates si reculées, qu'il n'y a plus aucun vestige archéologique qui puisse attester ses affirmations. Pour Daniélou, le progrès n’est pas un phénomène continu et l’histoire de l’homme ne présente pas une évolution régulière, mais plutôt une dynamique d’alternances — c’est-à-dire de développements et de régressions — qui permet de penser que les civilisations dites « primitives » puissent avoir eu une splendeur culturelle même supérieure aux expressions les plus hautes de notre civilisation[19].
Se basant sur la cosmologie puranique qu’il relève, entre autres, dans son livre La Fantaisie des dieux et l'Aventure humaine[20], il avance la thèse sur l’existence de plusieurs humanités pour réfuter le créationnisme et la vision anthropocentrique du cosmos, en ajoutant une critique de la violence humaine qui est la seule à dépasser les limites de l’équilibre naturel. Sa référence à l’irresponsabilité humaine qui provoque une réaction destructrice de l’ordre cosmique supérieur est, en fait, une métaphore pour décentrer l’homme et mettre fin aux croyances sur l’humanité comme race élue comme couronne de l’évolution. Il défend également la doctrine des castes dans une perspective traditionnelle aujourd'hui remise en cause par certains hindous influencés par les doctrines occidentales[21].
Daniélou adopta certaines positions de l'hindouisme le plus radical défendant vigoureusement le système des castes[22] et s’insurgeait contre l’interdiction de l’infanticide des filles à la naissance : « Une grande importance était attachée à la naissance d'enfants mâles, et l'infanticide des filles était largement pratiqué. Cet usage, général dans l’Inde, empêchait l’inflation démographique. Quand, plus tard, les Anglais l’interdirent ce fut l’une des causes de l’appauvrissement et de la misère de l’Inde »[23]. Il prit aussi la défense de la pratique du sati « où l'épouse se brûle vivante sur le bûcher de son époux mort »[23], les sacrifices humains, etc. Il a critiqué aussi très violemment l'islam et le bouddhisme[24].
Sa pensée ne correspondrait donc pas aux normes scientifiques établies par la communauté internationale des indianistes en l'état de leurs connaissances actuelles. En effet les indianistes seraient tributaires de leurs schémas mentaux (occidentaux donc) et des textes qui leur parviennent. A. Danielou pour sa part, aurait suivi une autre démarche, à savoir transmettre ce que certains des guides spirituels les plus reconnus de l'Inde lui avaient transmis et ce, dans une perspective religieuse[25],[26].
Daniélou ne se considérait ni indianiste ni hindouiste et encore moins scientifique ou universitaire. Il précisait toujours qu'il se considérait comme un témoin qui avait eu la chance, comme une personne transportée au temps des pharaons, de vivre complètement intégré pendant de nombreuses années dans la société orthodoxe de Bénarès. Il se considérait comme mandaté pour rapporter à l'Occident ce qu'il avait vu, entendu, compris de la philosophie de cette grande civilisation[27] ainsi que les points de vue des Pandits traditionnels peu accessibles aux indianistes occidentaux[28],[29]. Cette partie de son œuvre a néanmoins été attaquée dans un ouvrage polémique à charge, L'Hindouisme traditionnel et l'imposture d'Alain Daniélou, écrit par Jean-Louis Gabin qui fut pendant dix ans un proche collaborateur de Daniélou [30], paru en aux éditions du Cerf. Dans une interview accordée au BibliObs, intitulée "Daniélou, le traître", l'auteur déclare : « En 2004, Histoire de l'Inde de Daniélou est publiée aux États-Unis, et je vais en porter des exemplaires à d'anciens disciples de Swami Karpatri, dont le Mahant Veer Bha-dra Mishra, le grand prêtre du temple Sankat Mochan, un proche du Shankarâshârya, premier président du Ram Rajya Parishad [le Conseil du Royaume de Râma], le parti fondé par Swami Karpatri. Il me rappelle, horrifié : "Il y a une erreur épouvantable..." Gravissime, en effet, Daniélou faisait de Swami Karpatri le fondateur du Jana Sangh [l'Assemblée du Peuple], un parti ultranationaliste, émanation du RSS [Rashtriya Swayam Sevak Sang, Association des Volontaires nationaux] qu'il avait combattu toute sa vie ! Des gens qui n'ont jamais caché qu'ils aimeraient faire aux musulmans ce que les nazis ont fait aux juifs. À Bénarès, dans mon quartier, le chef des jeunes du RSS se faisait appeler Hitler...» [30].
À l’inverse, l'essayiste d'extrême droite Christian Bouchet, indique qu’« En Europe de l’Ouest, son œuvre mérite sans doute d’être mieux connue car elle est de nature à ouvrir de multiples voies de réflexion au mouvement traditionaliste. » [31].
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