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L’équation de Michaelis-Menten (ou de Michaelis-Menten-Henri) permet de décrire la cinétique d'une réaction catalysée par une enzyme agissant sur un substrat unique pour donner irréversiblement un produit. Elle relie la vitesse stationnaire initiale de la réaction à la concentration initiale en substrat et à des paramètres caractéristiques de l'enzyme.
L'équation décrit un comportement cinétique très classique, observé avec de nombreuses enzymes, mais elle ne permet pas de rendre compte de certains comportements complexes, comme ceux résultant de l'existence de plusieurs sites actifs qui interagissent (voir l'article allostérie pour plus de détails), ni de comprendre les propriétés cinétiques d'enzymes qui catalysent une réaction faisant intervenir plusieurs substrats. L'équation n'est pas valable si la réaction est catalysée de façon réversible et que le produit de la réaction est présent (voir l'article Equation de Haldane pour plus de détails).
Selon le modèle de Michaelis et Menten, l'équation décrivant la vitesse initiale stationnaire d'une réaction enzymatique est la suivante :
Avec :
L'ordre de réaction dépend des grandeurs relatives des deux termes au dénominateur.
Dans les présentations modernes de cette équation, on part de l'hypothèse de mécanisme ci-dessous :
avec les constantes de vitesse des différentes étapes.
L'analyse de Michaelis-Menten se fait à l'aide de deux hypothèses simplificatrices :
Le système se simplifie alors de la manière suivante :
avec
Pour déterminer la vitesse de la réaction, on doit donc exprimer en fonction des paramètres du modèle: les 3 constantes de vitesse, la concentration en substrat et la concentration en enzyme . et sont les deux inconnues, pour les déterminer il faut utiliser deux équations. La première vient de l'hypothèse de stationnarité. La deuxième vient d'une hypothèse de conservation.
La vitesse de formation du complexe est égale à . Pendant la période stationnaire, la concentration du complexe enzyme-substrat est constante, ce qui impose:
Soit
En plus de l'équation de l'état stationnaire, on utilise une deuxième équation qui traduit la conservation de la quantité totale d'enzyme: celle ci se retrouve soit sous sa forme "libre" E soit sous sa forme liée au substrat . En notant la concentration totale en enzyme, on a donc:
Comme on cherche à exprimer , on peut réécrire cette équation sous la forme:
soit:
D'où
On trouve l'équation de Michaelis et Menten :
à condition de poser et
La loi de vitesse de Michaelis et Menten relie la vitesse initiale de la réaction à la vitesse maximale , la constante de Michaelis , et la concentration initiale en substrat .
La constante de Michaelis est la concentration en substrat pour laquelle la vitesse initiale de la réaction est égale à la moitié de la vitesse initiale maximale (en mol/L)[1]. Elle a la dimension d'une concentration (même unité que )
Si l'on fait l'hypothèse du mécanisme suivant , alors (voir la démonstration ci-dessus).
Elle correspond à l'inverse de la constante de dissociation apparente du substrat pour l'enzyme dans certaines conditions. En effet, on constate que la définition de la constante de Michaelis peut être reformulée : , en se souvenant que la définition de la constante de dissociation est : .
On voit donc bien que, dans des conditions d'équilibre (qui elles seules permettent de mesurer des constantes d'équilibre K), la constante prend en compte la valeur de la constante de dissociation de l'enzyme pour le substrat, mais qu'en conditions catalytiques (lorsque l'enzyme peut fonctionner et que ES donne E + P), on doit prendre en compte le rapport de la constante de vitesse de l'enzyme et de la constante de dissociation non-productive de ES: . Dit autrement, lorsque l'enzyme n'est pas catalytiquement active , alors . Ainsi, il y a bien un lien entre le et le mais ils ne sont pas équivalents.
Rappelons aussi que (la constante de dissociation est l'inverse de la constante d'affinité) et donc, que le , sous ces conditions ( ), peut mesurer la constante de dissociation, et indirectement l'affinité de l'enzyme pour le substrat.
Graphiquement, la variation de la vitesse en fonction de la concentration en substrat prédite par l'équation de Michaelis-Menten est une branche d'hyperbole.
L'équation est souvent attribuée à l'Allemand Leonor Michaelis et la Canadienne Maud Menten, mais elle avait été proposée sous une forme voisine par le Français Victor Henri dès 1902[2],[3],[4]. La contribution principale de Michaelis et Menten dans ce contexte est d'avoir proposé en 1913 de mesurer et interpréter des vitesses initiales de réaction[5],[6],[7].
Par ailleurs, la démonstration basée sur l'hypothèse de l'état stationnaire et présentée sur cette page est due à Briggs et Haldane (1925)[8]. La démonstration originale de Michaelis et Menten en 1913 est en fait basée sur une hypothèse un peu différente, selon laquelle la réaction de formation du complexe enzyme/substrat est un équilibre très rapide (première ligne du tableau ci-dessous).
L'année suivante Van Slyke et Cullen obtiennent une équation identique à celle de Michaelis et Menten en faisant l'hypothèse contradictoire que la fixation du substrat est irréversible[9] (ligne 2 dans le tableau ci-dessous). (L'observation que des modèles contradictoires donnent la même équation de vitesse (l'équation dite de Michaelis et Menten) est importante: elle illustre que l'accord expérimental entre des données et une loi de vitesse ne permet pas de conclure que les hypothèses du modèle sont exactes.)
La controverse se clôt lorsque Briggs et Haldane en 1925 montrent que les deux modèles sont les cas particuliers d'un modèle plus général[8], celui qui est décrit sur cette page et dans la ligne 3 du tableau ci-dessous.
En fait, n'importe quel schéma cinétique qui enchaîne de façon séquentielle des réactions de fixation/dissociation des substrat et produit et des réactions du premier ordre donne une loi de vitesse de type Michaelis et Menten, mais la signification des paramètres et dépend du modèle.
Auteurs | Hypothèse | Mécanisme | Loi de vitesse | ||
---|---|---|---|---|---|
Victor Henri, puis Michaelis et Menten, 1913[6] | La fixation du substrat est réversible, très rapide et reste à l'équilibre | ||||
Donald Van Slyke (en) et Cullen, 1914[9] | La fixation du substrat est irréversible | ||||
Briggs et Haldane, 1925[8] | Le cas général | ||||
Un mécanisme plus complexe qui enchaîne deux étapes du premier ordre | |||||
L'un des mécanismes envisagé par Victor Henri[3],[4], dont on sait aujourd'hui qu'il est faux | NB: Ici, le complexe ES n'est pas un intermédiaire catalytique et est une constante de vitesse bimoléculaire. |
Il existe plusieurs méthodes pour déterminer les paramètres de Michaelis-Menten d'une enzyme. Dans la pratique, on réalise une série de mesures de la vitesse initiale de la réaction pour différentes valeurs de la concentration de substrat [S]. Il est important de se placer dans des conditions de vitesse initiale (absence de produit P en quantité significative) pour respecter les hypothèses simplificatrices discutées ci-dessous.
Historiquement, pour déterminer numériquement les paramètres et , les enzymologistes ont eu recours à différentes formes de linéarisation de l'équation de Michaelis-Menten. Il s'agit de changements de variables qui transforment l'équation initiale en équation linéaire, qu'il est alors possible d'ajuster graphiquement ou par régression linéaire. Parmi ces linéarisations classiques, on peut citer la représentation de Lineweaver et Burk, celle de Eadie et Hofstee ou celle de Scatchard.
Aujourd'hui, ces différentes techniques ont été remplacées par la régression non linéaire, plus précise et plus robuste.
Dans cette approche, on détermine les constantes de l'enzyme et par la représentation des inverses (représentation de Lineweaver et Burk) qui est une droite de en fonction de , dont l'équation est:
La pente est alors et l'ordonnée à l'origine est ,
d'où
Cette représentation est une des moins précises quant à la détermination des caractéristiques de l'enzyme (Vmax, Km). En effet, les représentations de Lineweaver-Burk et Eadie-Hofstee ont une coordonnée en 1/[S]0, donc les mesures les plus précises seront concentrées dans la même région (voisines de l'axe vertical) et peu de mesures avec une erreur relativement grande existeront pour des faibles valeurs de concentration de substrat : le tracé à la règle de la "meilleure" droite sera entaché d'erreur.
La représentation de Hanes-Woolf est considérée moins susceptible à la propagation statistique des erreurs de mesure que la représentation de Lineweaver-Burk.
La droite est d'équation :
Pour un graphique de en fonction de , la pente est et l'ordonnée à l'origine est
Le diagramme de Eadie et Hofstee indique la vitesse de réaction en fonction du rapport selon
Cette équation est obtenue à partir de l'équation de Michaelis-Menten en inversant et en multipliant par comme suit:
D'ou on peut isoler :
Et alors
Il s'ensuit qu'un graphique de en fonction de sera une ligne droite qui permet d'évaluer comme ordonnée à l'origine et comme pente.
L'équation de la droite est :
Ainsi, sur le graphique de en fonction de , pour chaque valeur de correspondante, on reporte sur l'axe des abscisses la valeur de -. On obtient plusieurs droites qui se recoupent en un même point de coordonnées (ordonnée) et (abscisse).
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